Je suis un peu effrayé par ce que vous dites. St Paul ne dit pas que l'amour consiste dans la soumission. Il dit certes aux femmes d'être "soumises" (et comment comprendre ce mot, aujourd'hui ? Est-ce la soumission au sens où nous l'entendons ?), et aux maris d'"aimer leurs femmes". Il distingue ainsi plutôt la soumission (de la femme) et l'amour (du mari). Amour et soumission sont donc deux concepts différents, dans la bouche de St Paul. Finalement, à aucun moment il ne nous livre un "mode d'emploi" pratique de l'amour conjugal, mais plutôt une doctrine de la relation amoureuse qui concerne surtout l'Eglise et le Christ.
Pour ma part, j'ai en mémoire l'homélie d'un prêtre, entendue récemment, qui parlait de son expérience auprès de vieux couples, pourtant catholiques, qui finissent par se séparer au bout de plusieurs décennies de mariage. Il remarquait que de manière récurrente, ces couples en étaient arrivés à ne plus pouvoir se supporter à force de ne se témoigner aucune affection. L'un(e) reproche à l'autre de ne jamais lui dire simplement : "je t'aime", tandis que l'autre estime ce témoignage superflu, puisqu'"il/elle le sait bien, que je l'aime !" Seulement voilà, l'amour a besoin de signes, de témoignages concrets et renouvelés pour être entretenu. Nous ne sommes pas de purs esprits. L'autre, celui/celle qui partage notre existence, n'est pas, en outre, moins qu'un chien (lequel reçoit parfois plus de caresses qu'un être humain !), il/elle a besoin de tendresse, d'affection, de signes tangibles d'amour. Et cela passe par des mots, des gestes, une façon de regarder, de parler, des attentions, et diverses initiatives qui rappelle à l'autre qu'il a un prix à nos yeux, qu'il/elle est important pour nous, qu'il/elle est voulu, désiré, que l'on a besoin de lui/elle. Autrement, comment peut-il/elle le deviner, que son conjoint l'aime encore ?
Se mettre en colère contre sa femme, ce n'est pas de l'amour. Et la soumission de cette femme est plus une marche au calvaire qu'un épanouissement amoureux dans la vie de couple. Cet homme n'est pas aimé ! Il est servi, ce qui est très différent. Il est servi, craint, obéi. Il possède une femme docile engagée à son service. Ce n'est pas de l'amour, ça, rien à voir ! Le Christ a dit : "Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir." Or n'est-ce pas le Christ qui doit être le modèle du mari ? Quant à ceux qui s'extasient devant un tel tableau qui leur semble le type idéal du couple, où la femme encaisse sans broncher le despotisme de son mari (à la bonne heure, voilà une femme qui est enfin soumise !) , je ne sais pas s'ils se rendent bien compte de la situation.
Maintenant, si vous cherchez des appuis bibliques à ce que je viens de dire, je vous renvoie à toute la doctrine de l'amour telle qu'elle est développée à travers toute l'Ecriture : aime ton prochain comme toi-même ; ce que vous voulez qu'on fasse pour vous, faites-le à votre prochain ; aimez-vous les uns les autres ; ne jugez pas ; ne vous mettez pas en colère, ne dites pas : "vous êtes un fou", ou "votre tête est vide" ; lequel d'entre vous à qui son fils demande un poisson lui remet une pierre ? ; l'histoire du bon Samaritain ; etc.
La leçon d'amour que nous donne le Christ ne consiste pas dans une relation entre un dominant et un dominé. Jésus rappelle même à ses disciples : Les hommes aiment faire sentir leur puissance les uns sur les autres, qu'il n'en soit pas ainsi pour vous ! Au contraire, l'amour dans le Christ suppose un lien d'égal respect mutuel (les hommes sont frères, prochains, etc.), de service mutuel (relever celui qui est tombé), d'entraide (invitez les estropiés à votre table, les pauvres, et non les riches et bien portant), d'abnégation l'un pour l'autre (prends ta croix et me suis, portez les fardeaux les uns des autres), la femme s'abandonne (vrai sens du mot : se soumettre, selon moi, parce qu'une femme amoureuse s'abandonne toujours), le mari se met au service (aimer = se mettre au service). Et en aucun cas la relation d'amour voulue par Dieu avec les hommes ne doit ressembler à celle d'un tyran colérique redouté et obéi par des esclaves soumis. Encore moins entre une femme et son mari...
Jésus n'a-t-il pas approuvé Marie, qui avait délaissé le service pour écouter sa Parole, au contraire de Marthe, la servante docile ?