Effectivement, je crois qu'on peut, et que c'est même notre intérêt de critiquer le missel actuel. Il n'est pas parfait. Il comporte des lacunes.
Mais nous ne devrions pas oublier quelque chose : si un Concile oecuménique a décidé de traiter cette question et de décider cette réforme, c'est que dans la version de 1962 du missel, il y avait également des lacunes et des imperfections. C'est peut être violent à entendre pour des "tradis pur jus" mais c'est ainsi que l'entend l'Eglise.
Notre intérêt est d'étudier non pas telle ou telle édition du missel romain : mais de réfléchir profondément à l'essence du rite romain : c'est notre devoir - et notre privilège ! - de baptisés de le faire vivre. Quand il était Cardinal, notre bien aimé pape en a appelé à un nouveau mouvement liturgique qui redonne son sens au véritable héritage du Concile Vatican II. Il s'agit de passer à l'action, maintenant qu'il est le chef de l'Eglise universelle. Il ajoutait que ce mouvement ne pouvait provenir que de la base. Et la base c'est nous...
Pour cela, il faut faire l'acte de foi suivant : l'Eglise, dans sa réflexion liturgique, proposera aux prêtres et aux fidèles nous l'espérons dans les prochaines années, un missel romain qui rendra compte de façon plus authentique que celui de 1962 ou celui de 2002 de la richesse de notre rite romain.
En attendant, il faut bien vivre. Et la liturgie que nous donne aujourd'hui l'Eglise de Rome et son évêque, celle qu'il célèbre, c'est bien la liturgie romaine avec les livres post conciliaires. S'il le fait, c'est probablement que ce n'est pas intrinsèquement pervers. J'ose le croire. Il ne suffit pas de dire que c'est "valide". Ce doit être - je n'en doute pas - "valable" - et même sources d'immenses grâces. Encore faut il appliquer ce que propose réellement les livres liturgiques d'aujourd'hui.... Il est bon de se rappeler que ce que nous subissons dans 99% des paroisses n'a rien à voir avec les rubriques du missel romain actuel.
Une question : combien d'entre vous ont un jour vraiment assisté (présentiellement, j'entends) à une messe célébrée avec l'ordo actuel (sans défigurations...) ? Ceux là peuvent en parler, et éventuellement critiquer.
Je m'explique : évidemment, moi aussi je préfère une Messe célébrée de façon digne et recueillie avec l'ancien missel, dans une chapelle réservée, bénéficiant de l'indult, dite par des prêtres spécialisés, plutôt que la messe de ma paroisse célébrée par un prêtre à qui on n'a jamais enseigné la liturgie, qui invente au fur et à mesure de l'avancée de la célébration, de nouveaux gestes et de nouveaux mots, qui ne sait pas se tenir à l'autel, et qui se croit obligé à un one man show... Mais ce ne sont pas ces deux réalités que je compare.
Je pourrais aller dans une chapelle "tradi". Je ne rencontrerais que des gens qui sont d'accord avec moi, qui connaissent le latin (ou font semblant) qui éduquement chrétiennement leurs enfants, qui sont non seulement pratiquants mais aussi croyants (ne riez pas, ça n'est pas si courant dans les paroisses "normales"...). Ce serait vraiment très facile. Je suis dans le diocèse où il y a le plus de lieux de culte "tradi" en France. Mais non, au lieu de cela je vais à la messe dans ma banlieue, où il y a 50% de Noirs, d'Antillais ou d'Indiens, où la messe est "préparée" par les 'dadames' de l'équipe de pastorale liturgique... Et je me dis que si je ne fréquente plus cette paroisse, je n'aura jamais aucune chance de proposer quelque chose qui ira dans le bon sens.
Je ne crois pas à une liturgie pour les élites et à une autre liturgie pour les "prolétaires". Je crois à l'application graduelle et progressive de l'unique loi liturgique. Cet cette loi liturgique du rite romain, elle ne peut as être écrite dans les seules rubriques d'un missel, quelle que soit son millésime. Une édition de ce missel ne pourra que s'en approcher. De la même façon qu'aucune encyclopédie ne contient à elle seule toute la connaissace. De la meêm façon qu'aucun livre - fut-ce la Bible - contient à lui seul toute la Révélation...
Si je quitte cette paroisse "normale", moi qui ai eu la chance d'avoir une véritable éducation liturgique (je ne vous déballerai pas mon C.V.), il y aura t'il encore quelqu'un qui donnera la direction à suivre ? Ce n'est pas sûr... Il faut prendre ses responsabilités. Et c'est pour cela que je comprends que si certains chrétiens peuvent ne pas croire à la pertinence du missel de Paul VI, moi ne ne crois pas à leur tactique d'enfermement microcosmique dans une réserve (dans laquelle il n'ya en général pas beaucoup d'Indiens...). Ce n'est pas tout de critiquer la communion dans la main ou les filles enfants de choeur. Encore faut il être présent dans sa propre paroisse pour faire passer l'idée que ce ne sont pas des innovations si justes que cela. Parce que ne vous en faites pas, ce ne sont la plupart du temps pas les prêtres qui défendront pour vous cette cause, chers amis tradis... Ils n'ont rien appris en liturgie au séminaire. Et la plupart d'entre eux ne savant même pas qu'ils ne savent rien...
La réalisation concrète de la réforme liturgique est un échec ; je ne doute pas. Mais il faut faire attention avec le repli "en bon ordre sur des positions préparées d'avance" des tenants du missel de 1962. Par rapport à votre position, In illo Tempore, j'ai tout de même une remarque :
In illo tempore a écrit :Pour ma part, je ne sais pas si le missel rénové est vraiment une nouvelle édition du missel romain ou si le rite rénové est un nouveau rite créé par décision de Paul VI. Aujourd'hui, je n'ai pas encore vu d'arguments qui mèneraient à une réponse définitive. Le chapitre 3 (Le Pape a-t-il le droit de changer le rite ?) du livre précédemment cité est très intéressant.
En effet, dans la Préface générale du missel romain de 2002, il y a bien écrit que l'intention de la réforme liturgique était de rétablir l'ancienne norme des Pères :
PGMR 2002 a écrit :En énonçant les règles selon lesquelles le rite de la Messe serait révisé, le IIe Concile du Vatican a ordonné, entre autres, que certains rites seraient rétablis « selon l'ancienne norme des saints Pères », reprenant en cela les mots mêmes employés par saint Pie V, dans la Constitution apostolique Quo primum par laquelle, en 1570, il promulguait le Missel du Concile de Trente. Par cette rencontre verbale elle-même, on peut noter de quelle manière, bien que quatre siècles les séparent, les deux Missels romains expriment une tradition égale et semblable. Et si l'on pèse les éléments profonds de cette tradition, on comprend aussi combien le second complète le premier d'une manière très heureuse.
La PGMR est un texte qui a une autorité certaine - pas forcément magistérielle, j'en conviens... En tout cas, on y voit bien l'intention du dernier Concile. Et l'ambition de la dernière édition du missel. Reste à savoir si c'est réussi. Théoriquement, cette fois. C'est à mon avis à ce niveau là qu'il faut placer le débat. Certainement pas sur l'idée que "en 1962, c'était tellement mieux". Ce qu'on connaît aujourd'hui dans les paroisses ou chapelles "à indult" (un autre épithète me vient mais je ne le cite pas..), c'est le fruit d'une circonstance ; ce n'est pas le reflet de la liturgie des paroisses avant le Concile.... Par ailleurs, il ne sert à rien de se lamenter sur les abus liturgiques malheureusement trop nombreux et toujours très réels. Ils ne sont pas une conséquence de la réforme, ils existaient bien avant, depuis plusieurs siècles, même... Ils continueront également même après la "réforme de la réforme" si elle a lieu.
Si vraiment il faut comparer les ordos "théoriques", on peu mettre le doigt sur des éléments qui sont effectivement probablement mal ajustés à la réalité du rite romain. Encore faut il être assez calés, intéressés et baignés dans l'esprit de la liturgie (pour reprendre le titre de ce livre fondamental du Card. Ratzinger).
Il est une chose certaine : pour bien discuter et avancer sur cette question essentielle pour l'Eglise, il faut pratiquer la liturgie romaine et en vivre profondément et spirituellement. En appliquant concrètement cette théorie, justement ; c'est notre ambition à la Schola Saint Maur (
http://www.scholasaintmaur.net) sans forfanterie, sans nostalgie, mais de façon décidée, en totale soumission à l'Eglise. Nous allons d'ailleurs souvent assez loin ; souvent plus que les "tradis" eux mêmes... Rejoignez nous !