Bonjour,
Je me limiterai à un seul message.
les juifs n'ont pas été "punis par Dieu".
Ce n'est pas l'avis des Pères et des premiers chrétiens : sinon comprendre la destruction de Jérusalem, du Temple, la perte du sacerdoce et des sacrifices, et l'exil du peuple juif aux quatre coins du monde ? Hasard ? Je pense que c'est là un signe éclatant de réprobation.
« Et en dernier lieu il leur envoya son fils, disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais les vignerons voyant le fils dirent en eux-mêmes : Celui-ci est l'héritier ; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. Et après l'avoir pris, ils le jetèrent fors de la vigne, et le tuèrent. Lors donc que viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui répondirent : Il fera mourir misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d'autres vignerons qui lui en rendront le fruit en son temps. [...] C'est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté, et qu'il sera donné à un peuple qui en produira les fruits. Celui qui tombera sur cette pierre [la pierre angulaire], se brisera ; et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera. Or, lorsque les princes des prêtres et les pharisiens [c'est-à-dire la plus haute instance religieuse de l'époque] eurent entendu ses paraboles, ils comprirent que c'était d'eux qu'il parlait.» Mt XXI, 37-45
« C'est pourquoi voici que moi-même je vous envoie des prophètes, des sages et des docteurs ; vous tuerez et crucifierez les uns, et vous en flagellerez d'autres dans vos synagogues, et vous les poursuivez de ville en ville : Afin que retombe sur vous tout le sang innocent qui a été versé sur la terre, depuis le sang du juste Abel jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel. En vérité je vous dit : Tout ceci viendra sur cette génération. Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n'as pas voulu ? Voilà que votre maison vous sera laissée déserte. » Mt XXIII, 34-38
1/ La chute du temple n'est pas une punition du peuple juif
D'abord une première contradiction évidente : si la chute du temple était une punition divine, alors elle serait nécessairement une punition collective, puisque tous les juifs seraient punis par cette sanction. Or vous le reconnaissez vous-même, le peuple juif n'est pas collectivement responsable du rejet du messie. En raison même de sa dispersion, ce serait de toute façon absurde. C'est donc que la punition serait injuste, puisque Dieu aurait ainsi puni des innocents. Donc premier point : la chute du temple ne peut pas être une punition du peuple juif.
1) L'humanité n'a-t-elle pas été punie collectivement après le péché de nos premiers parents ? Si ce fut ainsi le cas pour la race humaine dans son intégralité, à plus forte raison cela est possible pour un peuple (ou plutôt une religion) particulier(e).
2) L'aboutissement naturel du judaïsme est le christianisme, donc, la destruction du Temple n'est rien d'autre qu'un coup porté contre une religion dépourvue de sens et ceux qui y adhèrent.
3) Le châtiment de Dieu peut atteindre des innocents, de la même manière qu'il a atteint Jésus-Christ. L'innocence payent souvent pour le crime dans ce monde ; il n'y a pas de quoi s'en offusquer ; c'est d'ailleurs un des dogmes fondamentaux du christianisme.
4) L'innocence n'existe pas parmi les fils d'Eve : nous sommes tous, à des degrés variables, coupables et pécheurs ; par conséquent, nous sommes tous susceptibles de subir quelque peine temporelle.
4) Qui sommes-nous pour dire que ce que fait Dieu est injuste ? Ce que Dieu fait est par définition la justice et nous ne saurions lui appliquer nos critères en ce domaine.
2/ La chute du temple n'est pas une punition du tout
Mais plus encore, on peut montrer que la chute du temple n'est pas une punition du tout. C'est un événement qui s'inscrit dans l'économie du salut, comme l'incarnation, la passion, la mort et la résurrection du Christ. A l'incarnation du verbe incarné, puis par la passion la mort et la résurrection, le corps du Christ étant devenu le véritable temple, le nouveau temple. Le temple de pierre est donc devenu "obsolète". L'humanité est entrée dans une nouvelle alliance avec Dieu, et le temple de l'ancienne alliance n'a plus de raison d'être dans la nouvelle. En raison de quoi sa chute, de mains d'hommes, est tout ce qu'il y a de plus providentielle.
Ce n'est pas le sentiment de saint Jérôme :
« Les yeux plutôt que les oreilles, dit-il à propos du sac de la Palestine, peuvent juger de ce que sont devenues les villes et les places fortes de la Judée ; nous qui pouvons voir l'état de cette province dans laquelle nous habitons, nous pouvons certifier de l'exactitude de tout ce qui a été écrit [les prédictions sur la ruine de Jérusalem]. A peine découvrons-nous quelques vestiges de ruines là où s'élevaient autrefois de grandes villes... Les vignerons perfides (voir la parabole) après avoir tué les serviteurs et enfin le Fils de Dieu lui-même [ce n'est pas moi qui le dit], n'ont plus maintenant le droit d'entrer dans Jérusalem que pour y pleurer et afin qu'ils puissent pleurer sur les ruines de leur capitale, ils sont obligés de payer une somme d'argent, de sorte que ceux qui avaient acheté le sang du Christ achètent maintenant la permission de verser des larmes et les pleurs mêmes ne leur sont permis qu'à prix d'argent. Voyez venir au jour anniversaire de la prise et de la destruction de Jérusalem par les Romains, voyez venir ce peuple lugubre ; ces vieilles femmes décrépites, ces vieillards chargés de haillons et d'années sont par leur tenue et par leur extérieur, autant de témoins de la colère de Dieu. La troupe misérable se rassemble, et tandis que brillent l'instrument du supplice du Seigneur et l'église de la Résurrection, tandis que l'étendard de la croix est déployé tout éclatant sur le mont des Oliviers, ce peuple malheureux pleure sur les ruines de son temple. » Ainsi, saint Jérôme lie ensemble la mort du Christ, la culpabilité de Jérusalem et la destruction du Temple.
3/ Dieu ne punit plus le peuple juif déjà depuis sa dispersion
Depuis la dispersion du peuple juif et l'exil à Babylone, il ne peut plus y avoir de "solidarité" du peuple juif dans les actes peccamineux. Nous ne sommes plus au temps de l'exode ou le peuple formait un seul corps au désert, récriminant comme un seul homme contre Dieu. L'exil était probablement la dernière "punition" du peuple juif. Je m'avance peut-être sur ce point, et cela demande vérification dans les Saintes Ecritures. J'écris "à vue de nez", et donc je fais peut-être une grossière erreur. Je devrais prendre le temps de vérifier ce point. Toutefois, la période du second temple marque une théologie complètement nouvelle, et un vécu nouveau de l'alliance entre Dieu et son peuple. La fin du prophétisme institutionnel n'est pas loin avec la construction du second temple. Quoiqu'il en soit...
Il y a solidarité des juifs avec le Sanhédrin, et cela se dégage de sa composition (je cite les notes de ma bible) :
« Le sanhédrin, qui est souvent désigné dans les Évangiles par la périphrase : les princes des prêtres, les scribes et les anciens du peuple parce que c'étaient là les membres qui le constituaient, était le conseil et le tribunal suprême des Juifs. Il était composé de soixante-douze membres ; le grand-prêtre en était le président ; les vingt-quatre chefs des familles sacerdotales ou princes des prêtres y représentaient l'élément sacerdotal ; les scribes, la science juridique de la loi ; les anciens du peuple, le reste d'Israël. »
Si cette solidarité ne fut peut-être pas immédiate pour tous, le temps par la suite l'impose : où l'on devient chrétien et l'on désavoue le sanhédrin, ou l'on reste juif et l'on approuve le sanhédrin.
4/ Depuis que le Christ, l'agneau de Dieu, a racheté nos péchés, Dieu ne punit plus du tout son peuple
Le Christ, par son sacrifice, a racheté l'humanité. Cela ne signifie pas qu'il n'y a plus de péché commis, mais que Dieu ne punit plus l'humanité. Nous ne sommes plus au temps de Noé, ni au temps de l'exode ou de la dispersion. L'ère, après le Christ, est à la miséricorde et à la vie sacramentelle. La révélation est totalement achevée, et Dieu n'a plus à enseigner l'humanité ni à la punir. Nous sommes dans l'âge adulte de la foi. "Tout est accompli". L'attente, désormais, est celle du jugement dernier. Il n'y a plus de jugement "intermédiaire" duquel découlerait une punition.
Pourtant, c'est un fait universel, l'humanité continue de souffrir et d'être frappée de divers fléaux : guerres, tremblements de terre, famines, maladies... Comment l'expliquez-vous ? Pour ma part, j'y vois des punitions temporelles méritées par la masse de crimes qui continue d'émaner d'une humanité foncièrement pécheresse depuis la chute. Rien n'échappe à Dieu, surtout pas les catastrophes, et s'Il les permet c'est bien pour une raison...
Les Pères de l'Église n'avait pas raison sur tout. Thomas d'Aquin, grand docteur de l'Église, n'avait pas raison sur tout. Et je ne pense pas qu'ils aient eux-même pensés qu'ils avaient raison sur tout.
A plus forte raison pouvons-nous douter de cette remise en cause de la réprobation théologique du judaïsme...