Le peuple juif : puni par Dieu ?

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Griffon
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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Griffon » sam. 17 mars 2012, 20:33

:clap: :clap: :clap:
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Cinci
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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Cinci » jeu. 29 mars 2012, 0:27

1.


J'aimerais reprendre la séquence de Raistlin, nous sommes en démocratie après-tout :
Oui, je pense que le peuple juif a été puni pour son refus d'accueillir le Messie. Cela ne signifie nullement que je tiens le peuple juif pour responsable collectivement de la mort du Christ, ni que j'émets un quelconque avis antisémite sur ce peuple.
Mais Papoter ne vous accusait pas d'antisémitisme. Il vous faisait remarquer comment vous faisiez porter une responsabilité collective sur le peuple juif en particulier. Vous direz : tout ce peuple aura été puni par Dieu pour son refus d'accueillir le Christ. C'est vous qui écrivez cela.
Mon propos n’est pas de stigmatiser les juifs mais de porter un regard juste sur les choses et de ne pas tomber dans une sorte de « judéolâtrie » qui voudrait que dès que l’on parle du peuple juif, nous ne devrions dire que des louanges.
N'ayez crainte. On comprend. Il reste tout de même quelques gens honnêtes sur ce forum. lI n'y a pas que des avocats de compagnie par ici (sourire).
Pour moi, le judaïsme issu du pharisianisme est une fausse religion. Certes, Dieu est fidèle à ses promesses et à son Alliance, mais il faudrait encore montrer que la Première Alliance est toujours valide dans le judaïsme actuel alors qu’il n’y a plus de sacrifice pour l’expiation des péchés.
Vous auriez un doute (un doute) à savoir si l'Alliance avec Moïse serait toujours valide quoi. Ce serait donc votre question ?
Bien sûr, je mesure toute la prudence avec laquelle il faut aborder la question pour éviter à tout prix qu’une sorte d’antisémitisme chrétien voit le jour.
Vous êtes soucieux d'autrui, Raistlin.

[...] je suis d’accord pour dire que le terme de peuple déicide est profondément inadapté. Mais le rejet du Christ est bien collectif.
... l'expression ou le terme est inadapté (peut-être un mot inadéquat ?), sauf le Christ aurait été collectivement rejeté par le peuple juif et ce qui serait cette cause d'une punition particulière réservée à ce seul peuple. Faudrait entendre : les juifs en tant que membres du peuple juif seraient tous enveloppés dans cette même réprobation divine dans une certaine mesure; mesure qui serait la perte du Temple, fin des sacrifices, etc. Il me semble que ce serait votre idée. Ce n'est pas parce que Dieu déteste les juifs, parce que ces derniers seraient maudits de Dieu. Non, mais simplement parce que Dieu réprouverait ce manque d'accueil collectif de la nation juive vis à vis «son Fils». Je me contente de traduire votre idée.

(à suivre)

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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Cinci » jeu. 29 mars 2012, 0:37

2.


Une punition ?
Mais il y a plus : la chute du Temple s’est accompagnée de l’exil de Jérusalem, et plus tard de la Palestine. Ca ressemble quand même bigrement à une punition style Ancien Testament.
Je ne sais où vous avez pris vos informations à l'effet que tout le peuple juif aurait dû être exilé de Syrie-Palestine vers l'époque de la seconde révolte de l'an 135 ap. J.C.

J'aurai toujours vu pour ma part qu'il y aura eu un interdit de séjour des juifs dans la ville de Jérusalem seulement. Comprendre : en tout temps mais n'importe quel juif aura bien pu continuer de vivre lui-même en Galilée, dans la Décapole ou ailleurs. Il me semble qu'il n'y aura jamais de raffles de tout l'élite des juifs organisés par les Romains, pour comprendre les chefs religieux, à l'échelle de tout le pays, etc; pour nous en déporter ensuite tout le monde par pleins bateaux à travers la Méditerrannée. Il n'y aura pas eu d'autorités romaines pour faire comme le major Lawrence au XVIIIe avec les Acadiens et pour transporter contre leur gré des familles entières à dix mille kilomètres des côtes du pays d'origine.

Plutôt, le Temple est rasé, les sacrifices ont cessés, la caste des prêtres d'Aaron (les lévites) est dissoute (elle n'a plus d'objet, plus de pouvoir). Kaput ! les saduccéens sont kaput ! Les juifs ne peuvent plus résider dans la ville de Jérusalem.

Toutefois, les rabbins (les pharisiens) peuvent continuer de tenir des synagogues ouvertes, pour lire et étudier les volumes de la Torah, enseigner la Loi, célébrer la foi d'Israël ... dans le pays. Les juifs ne sont pas chassés de Jéricho !

Ainsi

Je comprends qu'en conséquence des deux guerres juives, coup sur coup, il y aura quand même eu une dévastation localement, un appauvrissement sûrement, et une sale situation sur le plan social. Il est bien probable, très très possible, que de nombreux juifs auront pu décider d'eux-mêmes, très volontairement, d'aller retrouver une meilleure condition de vie en Égypye où se trouvait déjà un fort noyau de population juive, en Syrie, en Grèce, en Provence (Massilia), etc.

Les Italiens ont émigrés de l'Italie en masse après la WWII. Facile à comprendre. Personne n'aura exigé d'eux qu'ils le fasse. C'est d'eux-mêmes qu'ils se seront déplacés pour immigrer en Amérique, au Canada, en Argentine, au Chili, etc. Personne raconte que les Italiens auront été exilés tels de par un châtiment des alliés (!) par une vengeance divine s'exerçant contre ce peuple de langue romane.

Pour ma part, j’y vois juste cette objection : si la Première Alliance n’est pas caduque, donc tout ce qui l’entoure est encore valide, notamment les menaces de punition sur le peuple si le peuple n’est pas fidèle.
Je pourrais vous faire remarquer, Raistlin, que la véritable Première Alliance de Dieu avec des hommes serait plutôt l'Alliance avec Noé (la promesse de Dieu qu'il ne détruira plus jamais la terre à cause de la malice des hommes, etc). Malgré les Alliances subséquentes comme celle avec Moïse : l'Alliance noachique n'a jamais été abolie et elle est toujours en vigueur. Dieu tient parole, dit-on. Il ne causera pas un déluge universel parce que des hommes vont se conduire comme des bêtes. Si Dieu n'abolira même pas la toute-toute première de ses alliances, alors pourquoi voudriez-vous qu'il le fasse avec celle de Moïse ? Jésus dit qu'il n'est pas venu pour abolir mais pour parfaire.

Pour ma part, je croirais surtout que ceux qui auront été punis, si vous y tenez : c'était la caste (corrompue) des prêtres à Jérusalem et soit c'est exactement aussi ceux que Jésus dénonçait vertement, comme des gros, des riches établis, profiteurs de la religion, assis sur la mangeoire et interdisant aux autres d'en approcher, les riches «collabos» avec les Romains et qui se faisaient passer pour des parangons de vertus, les champions et protecteurs de la foi d'Israël. La parabole des vignerons homicides concernent ceux-là. Mais ça ne concerne pas «le peuple juif». Parce que «le peuple juif», au temps de Jésus pour commencer, mais c'était la foule désorientée, comme ce troupeau abandonné par ses bergers, livrés à des exploiteurs, des faux-conducteurs aveugles. C'est ce peuple envers lequel Jésus pouvait porter un regard de commisération.

De fait, les sadducéens ont été éliminés de l'histoire. Les prêtres qui vivaient des recettes du Temple d'Hérode : il ne s'en trouve plus. Ces prêtres-là ne peuvent plus guider le peuple.


(à suivre)

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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Cinci » jeu. 29 mars 2012, 0:51

3.


La caducité de l'Alliance ?
selon moi (on me corrigera si je me trompe) : l’Ancienne Alliance ne semble pas se concevoir en dehors du culte du Temple. Je ne suis donc certain qu’on puisse théologiquement parlant dire que le judaïsme actuel relève de l’Ancienne Alliance.
Pourquoi ?

Je douterais que les juifs vivant en Égypte juste avant le temps de Moïse auraient dû être privés de «l'Alliance avec Dieu», tel du fait de n'avoir point sacrifié au Temple, de n'avoir rendu un culte à Yavhé avec tout le cérémonial qui sera prescrit après Moïse. Voyons ! Même ces Hébreux étaient tout de même héritiers de la promesse faite à leurs pères. C'est comme dit dans le cantique de Marie chez Luc. Le judaïsme actuel ? Mais voici qu'il serait à son tour étranger à l'Antique Alliance?

Pourquoi ?

Les rabbins sont quand même héritiers d'une bonne part des critiques que les anciens prophètes pouvaient adresser envers les sacrifices d'animaux. Que disent les prophètes à ce sujet ? Les pharisiens du temps de Jésus étaient déjà dépositaires du déplacement d'accent de la religion du temple extérieur de pierre vers une privatisation du culte, vers la synagogue, vers une individualisation de la notion de sainteté, l'idée du «temple de chair» on dirait. Ils étaient déjà des hommes portés aussi à «spiritualiser» la notion de sacrifice. La foi juive aura bien évoluée quand même. Et les prophètes y auront été pour quelque chose. Les pharisiens étaient partie prenante de cette évolution et puis dépositaires des critiques prophétiques (*). Ainsi, le judaïsme qui découle de la foi de ces anciens pharisiens-rabbins (cf. rabbi Hillel, rabbi Zacchaï, rabbi Aquiba, école de Jamnia au Ier siècle, etc.) mais il est aussi légitime que le judaïsme de Gamaliel. La destruction du Temple n'en fait rien à l'affaire. Les sacrifices d'animaux dans le Temple : ce n'était rien qu'une époque.

___

(*) Les sadduccéens par exemple pouvaient allumer leur foyer avec des parchemins sur lesquels des textes d'Amos ou de Zacharie auraient été écrits dessus. Les trucs de prophètes étaient sans valeur pour eux, mais non pas pour les pharisiens. Les rabbins ultérieurement se positionnent tout naturellement dans la lignée des pharisiens (leurs écoles de pensées).

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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Cinci » jeu. 29 mars 2012, 1:56

Pour finir
... si la Première Alliance n’est pas caduque, donc tout ce qui l’entoure est encore valide, notamment les menaces de punition sur le peuple si le peuple n’est pas fidèle.

Que l'Alliance soit maintenue (comme la promesse «faites à nos pères») et pour l'être envers les juifs actuels non-baptisés : vous diriez peut-être que le peuple juif devrait être puni.

Écoutez :

Il n'y aurait pas raison de cela mais précisément à cause de Jésus de Nazareth. Le pardon de Dieu est pour tous. Si l'apôtre Pierre est déjà pardonné, mais alors «le peuple juif» l'est aussi essentiellement.

La clôture est abolie entre juifs et gentils dans la doctrine chrétienne. Ainsi, il est impensable d'imaginer Dieu persistant à réserver «un traitement préférentiel de châtiment» à un collectif juif qu'il ne réserverait pas aux gentils. Ça n'a pas de sens. Pierre avait fini par comprendre comment Dieu n'était pas partial. La même dynamique de pardon est pour tous (juifs, chrétiens, etc). La perfection résidant justement dans le fait de la dynamique nouvelle («... une fois élevé, j'attirerai tous les hommes», etc)

La structure sacrificielle sanglante de l'AT aura sautée, dira-t-on. On verrait mal ensuite les juifs forcés d'être maintenus dans une sorte de complexion relationnelle divino-archaïque datant du temps du roi Josias (!) Pour être juif, les juifs ne sont pas forcés de sacrifier des boeufs pour être ensuite punis. Ils ne sont pas emmurés dans une sorte de prototype imaginaire idéal.

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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Raistlin » jeu. 29 mars 2012, 9:43

Cinci a écrit : Il n'y aurait pas raison de cela mais précisément à cause de Jésus de Nazareth. Le pardon de Dieu est pour tous. Si l'apôtre Pierre est déjà pardonné, mais alors «le peuple juif» l'est aussi essentiellement.
Oui, nous sommes pardonnés... sous réserve que nous croyions au Christ, qui réalise en sa chair le sacrifice parfait. Dans le régime de l'Ancienne Alliance, le pardon des péchés se fait par les sacrifices au Temple... qui n'existe plus.

J'avoue mal comprendre ce grand écart qui voudrait que les juifs soient sous le régime de l'Ancienne Alliance tout en bénéficiant des fruits de la Nouvelle.

Cinci a écrit : La clôture est abolie entre juifs et gentils dans la doctrine chrétienne.
Oui, vous avez raison. Mais qui abolit cette clôture ? Le Christ. C’est en devenant membre du corps du Christ que toute séparation juifs/païens disparaît.

Cinci a écrit :Ainsi, il est impensable d'imaginer Dieu persistant à réserver «un traitement préférentiel de châtiment» à un collectif juif qu'il ne réserverait pas aux gentils.
Mais je ne pense pas que les gentils qui ne croient pas au Christ aient un quelconque traitement de faveur.

Cinci a écrit :La structure sacrificielle sanglante de l'AT aura sautée, dira-t-on. On verrait mal ensuite les juifs forcés d'être maintenus dans une sorte de complexion relationnelle divino-archaïque datant du temps du roi Josias (!) Pour être juif, les juifs ne sont pas forcés de sacrifier des boeufs pour être ensuite punis.
Encore une fois, cette structure sacrificielle sanglante a sauté par la venue du Christ. Il est un fait indéniable : si vous vous réclamez de l’Ancienne Alliance, alors vous devez suivre ses prescriptions. Or que prescrit-elle pour le pardon des péchés ? Le sacrifice d’animaux au Temple.

Ainsi, en disant que cette façon de faire est caduque, n’est-ce pas toute l’Ancienne Alliance que vous rendez caduque ?


En toute logique et respect de l’Écriture, je ne vois pas comment maintenir à la fois la validité de l’Ancienne Alliance tout en en niant les principes fondamentaux qui nous dérangent. Il me semble qu’il faut choisir son camp : soit vous dites que l’Ancienne Alliance est rendue caduque par la venue du Christ, soit vous dites qu’elle ne l’est pas mais vous l’acceptez pour ce qu’elle est en vérité et non ce que vous voudriez qu’elle soit.

Pour ma part, je ne sais pas trop quoi penser. J’aurais tendance à dire que l’Ancienne Alliance est caduque mais je crois que l’Église n’est pas d’accord (quoique ce ne soit pas certain, il faudrait que je me plonge davantage dans les textes).

Bien à vous,
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Cinci » jeu. 05 avr. 2012, 0:06

Je ne vous avais pas oublié par-ici.

Raistlin,
Encore une fois, cette structure sacrificielle sanglante a sauté par la venue du Christ. Il est un fait indéniable : si vous vous réclamez de l’Ancienne Alliance, alors vous devez suivre ses prescriptions. Or que prescrit-elle pour le pardon des péchés ? Le sacrifice d’animaux au Temple.

Ainsi, en disant que cette façon de faire est caduque, n’est-ce pas toute l’Ancienne Alliance que vous rendez caduque ?
Pas nécéssairement.

Il y aurait déjà le cas Jean le baptiste qui pouvait se proposer en succédané des sacrifices au Temple. C'est à dire que les gens qui allaient voir Jean pour recevoir le pardon de Dieu : ce sont des types de personnes surtout qui n'auraient pas fréquenté le Temple. Ex. prostitués, soldats/mercenaires, publicains de «mauvaise race»; sans compter les Samaritains, etc. L'Alliance demeure même pour ceux-là, quand bien même ils n'auraient pas sacrifié au Temple.

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Re: Le peuple juif : puni par Dieu ?

Message non lu par Cinci » jeu. 05 avr. 2012, 0:30

Sinon, il y a le numéro 111 des cahiers d'Évangile qui discutait déjà de cette question des sacrifices de l'Ancienne Alliance. Je vais vous donner quelques exemples.

Ici :

La spiritualisation du culte sacrificiel, telle qu'elle est demandé par le Psalmiste ne résulte donc pas de circonstances historiques, par exemple d'une impossibilité par suite de la destruction du Temple de Jérusalem ou de la difficulté du fait de l'éloignement à se rendre au Temple. Ce type de situation a certainement contribué à favoriser une autre forme de piété où l'accent est mis sur la prière ou sur des pratiques rituelles non-sacrificielles telles que la circoncision ou l'observation du Sabbat. C'est ainsi qu'Azarya, paraphrasant Ps 51,19, s'écrie : «Il n'y a plus en ce temps-ci ni prince ni prophète, ni chef ni holocauste, ni sacrificie ni oblation, ni encensement ni lieu pour présenter les prémices devant toi et trouver grâce. Puissions-nous néanmoins, avec une âme brisée et un esprit humilié, être agrée comme avec un holocauste de béliers et de taureaux; et comme avec une myriade d'agneaux gras, qu'ainsi notre sacrifice soit aujourd'hui en ta présence» (Dn 3,38-40; Septante)

Prière à laquelle répond, en s'inspirant de Ps 50, 8-14, un passage des Psaumes pseudo-davidiques trouvés à Qûmran : «L'homme qui glorifie le Très-Haut sera agrée comme celui qui apporte une oblation, comme celui qui offre des boucs et des boeufs, comme celui qui engraisse l'autel d'une multitude d'holocaustes, comme une fumée de bonne odeur qui s'élève de la main des justes» [...] Dans notre Psaume, par contre, la spiritualisation du culte résulte d'une nouvelle conception de Dieu, d'un sens plus aigu de l'altérité divine - il est l'Autre, et à la différence des humains, il n'a nul besoin de nourriture pour subsister - et de son empire - il est celui à qui tout appartient. Pour le Ps 50, la seule chose que Dieu demande en définitive, c'est la louange et la rectitude de conduite. (p.45)

Auparavant

Il est instructif à cet égard de comparer Jon 2,10 et Ps 50,14 dont chaque hémistiche se correspondent, les termes clés étant en outre repris dans l'ordre inverse. Tandis que Jonas fait voeu d'offrir des sacrifices accompagnés de cris de louange, dans le Ps 50 les fidèles sont exhortés à offrir en sacrifice la louange. Cette spiritualisation du sacrifice est également attestée en Ps 56,13; 107,22; 116, 17 ainsi qu'en Ps 27,6, où le psalmiste se propose d'offrir à Yhwh des sacrifices d'ovation, en Ps 51,19 où l'objet du sacrifice est un coeur brisé et en Ps 141,2 où c'est la prière qui constitue le parfum et l'offrande du soir (voir aussi Apoc 5,8; 8,3)

PSAUME 50

Le psaume 50 est un psaume didactique. Il se propose d'expliquer en quoi consiste la véritable piété.

Aux méchants Dieu reproche d'avoir ses commandements à la bouche, mais de les mépriser en réalité. Concrètement il les accuse plus précisément de vol et d'adultère - deux des interdits du décalogue - et de rejeter les paroles de ceux qui veulent les instruire des prescriptions divines alors que leurs propres paroles ne sont que mensonges et diffamation.

À ces méchants qui portent l'Alliance de Dieu sur leur bouche s'opposent les fidèles qui, eux, ont conclu l'Alliance avec Dieu sur un sacrifice. Ce sont eux qui constituent véritablement le peuple de Dieu et Dieu se présente à eux comme étant leur Dieu : il les appelle «mes fidèles». Et donc ce qu'il va dire, il va, de toute évidence le leur dire non dans une intention hostile, mais dans une perspective aimante, fondée sur une relation forte, scellée par une alliance. Ce n'est qu'après avoir rappelé ce lien qui les unit, lui et son peuple, lui et ses fidèles, que Dieu leur fait part de ses observations.

  • 8.Ce n'est pas pour tes sacrifices que je t'accuse;
    à perpétuité, tes holocaustes sont devant moi.
    9. Je ne prendrai pas un taureau dans ta maison,
    ni des boucs dans tes enclos;

    car tous les animaux des forêts sont à moi, et
    les bêtes des hauts pâturages.
    Je connais tous les oiseaux des montagnes, et
    la faune sauvage m'appartient.

    Si j'avais faim je ne te le dirais pas, car le monde
    et ce qui le remplit est à moi. Vais-je manger la
    viande des taureaux et boire le sang des boucs ?


    14.Offre à Dieu la louange comme sacrifice et ac-
    complis tes voeux envers le Très-Haut.
    15. Puis, appelle-moi au jour de la détresse, je te
    délivrerai, et tu me glorifieras.»

Ce discours, on l'aura noté, est construit selon une structure concentrique. Aux verset 8 et 9, introduits négativement et qui énumèrent ce que Dieu ne fait pas, ne demande pas, correspond les versets 14 et 15, introduits par des impératifs qui énoncent ce que Dieu souhaite de la part de ses fidèles.
  • Qu'as-tu à réciter mes décrets ?
    à n'avoir que mon Alliance à la bouche,
    Toi qui déteste la discipline et jette
    mes paroles derrière toi ?

    Vois-tu un voleur, tu te fais son ami,
    Tu as parti liée avec les adultères;
    tu laisse aller ta bouche au mal,
    et ta langue trame la tromperie;
    tu t'assieds, tu parles contre ton
    frère, tu dénigres le fils de ta mère.

    Voilà ce que tu fais, et je me tairais !
    Tu t'es imaginé que j'étais comme toi !
    Je vais te blâmer, exposer tout devant
    tes yeux.

    Comprenez donc cela, vous qui oubliez
    Dieu, de peur que je ne déchire, et person-
    ne pour délivrer !

    Qui offre un sacrifice de louange me glorifie,
    à l'homme droit je ferai voir le salut de Dieu.

    Ps 50

Même le prophète Osée

Le prophète exhorte Israël à la conversion :
  • Prenez avec vous des paroles
    et revenez au Seigneur.
    Dites lui :

    Tu enlèves toute faute,
    accepte ce qui est bon;
    en guise de taureaux,
    nous t'offrirons en sacrifice
    les paroles de nos lèvres
  • - Osée 14,3
Dans une traduction plus littérale, la fin du verset donnerait : «prends le bon, nous t'offrirons en sacrifice des taureaux, nos lèvres

LE FRUIT DES LÈVRES

De même dans le Nouveau Testament, en He 13,15, la communauté est exhortée en ces termes : «Par lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c'est à dire le fruit de nos lèvres qui confessent son Nom.» Ce sacrifice fait pendant au sacrifice qu'offrent au Ciel les anges de la Face : «Ils offrent au Seigneur un parfum de bonne odeur, un sacrifice en parole et non sanglant» (Testament de Levi 3,6)

[...]

A bien des égards Siracide 35 apparait comme une synthèse du message prophétique : «Observer la Loi équivaut à multiplier les offrandes, s'attacher aux commandements, c'est offrir un sacrifice de salut, avoir de la reconnaissance, c'est faire offrande de fleur de farine et faire l'aumône, c'est offrir un sacrifice de louange. Ce qui plaît au Seigneur, c'est qu'on se tienne loin du mal et se tenir loin de l'injustice, c'est un sacrifice d'expiation (Si 35, 1-5)

[...]

... l'absence de sacrifice, pendant les années de traversée du désert, n'avaient pas empêché Yhwh d'accompagner son peuple jusqu'en Terre promise (Amos 5,25) Ce n'est pas le sacrifice qui fait que Dieu est favorable à son peuple, mais la pratique de la justice : «... que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable».



Jérémie, plus radical encore qu'Isaïe, conteste que, dans le cadre de l'Alliance qu'il a conclue avec son peuple au Sinaï, Yhwh ait formulé des exigences en matière de sacrifice. Selon lui, les seules exigences sont celles contenues dans le décalogue, et c'est sur cette seule base que Dieu a conclu son Alliance (Jr 7,21-23) : «Marchez dans toutes les voies que je vous ai ordonnées afin que vous soyez heureux» - est une allusion transparente à Dt 5,33, exhortation par laquelle se termine le récit de la conclusion de l'Alliance en Dt 5. Dans le même esprit on peut citer 1 S 15,22 et Ps 40,7 qui opposent l'offrande de sacrifice à l'obéissance aux instructions divines.

  • Ainsi parle Yavhé des armées, Dieu d'Israël :
    ajoutez vos holocaustes à vos sacrifices et
    mangez-en la viande ! Car je n'ai rien dit à
    vos pères et je ne leur ai rien commandé, le
    jour où je les ai fait sortir du pays d'Égypte,
    au sujet de l'holocauste et du sacrifice.

    Mais voici la chose que je leur ai commandé;
    je leur ai dit : Écoutez ma voix, alors je serai
    votre Dieu, et vous, vous serez mon peuple,
    et vous marcherez dans toute voie que je
    vous commanderai, afin qu'il vous arrive du
    bonheur.

    - Jérémie 7,21
  • Samuel dit :

    Yavhé prend-il plaisir aux holocaustes et aux sacrifices
    comme dans l'obéissance à la voix de Yavhé ?
    Oui, obéissance vaut mieux que sacrifice, docilité
    mieux que graisse de béliers

    1 Samuel 15,22


Le culte sacrificiel est devenu caduc. Il n'y a plus de victimes égorgée, d'autel ruisselant de sang, de nuée de fumée montant vers le ciel. Il n'y a plus de Temple. Il n'y a plus de territoire où Dieu habite avec son peuple. Non seulement parce qu'Israël s'est trouvé dépossédé de son territoire, mais surtout parce que la religion d'Israël a changé d'échelle. Jérusalem, simple capitale du royaume de Juda, est devenue capitale religieuse pour tous les juifs dispersés de par le monde. Et Yhwh le Dieu d'Israël est devenu le créateur de l'univers. De ce fait cette forme d'anthropomorphisme où l'on pensait pouvoir inviter Dieu à sa table et le traiter en hôte de marque , même si elle a duré encore un certain temps, a fini par devenir anachronique. Et, plus généralement, l'illusion qu'il était possible d'offrir quelque chose à Dieu est tombée. Seul Dieu peut offrir quelque chose aux humains. Et à ce don les fidèles ne peuvent répondre que par la seule louange.

Mais ce qui est signifié par le culte sacrificiel demeure, à savoir que Yhwh est un Dieu proche, qui veut être présent au milieu de son peuple, qui accepte d'établir avec lui des liens de commensalité, qui vient pour bénir. Une présence et une communion encore imparfaites, qui attisent ainsi l'espérance du jour où Dieu sera définitivement présent à Sion pour y établir son règne sur la terre entière et où la communion avec lui sera parfaite. (p.53)

Source : Cahiers Évangile, Alfred Marx, Éditions du Cerf, no 111

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