Le chemin le moins fréquenté (extraits)

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Cinci
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Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » sam. 05 avr. 2014, 15:36

Je voudrais juste glisser ici quelques passages pour permettre aux intéressés de se faire une idée de la chose. Il s'agit d'un petit ouvrage de Scott Peck, psychiatre américain. Le livre est très facile à lire et regorge de remarques de bon sens à mon avis. Je tiens à partager un peu de mon enthousiasme, ici, à raison du plaisir que procure la consultation de ces pages pour commencer, mais encore pour l'incitatif qu'il pourrait représenter aussi pour plusieurs. Incitatif ? Oui, tel celui de ne pas abandonner soi-même la quête, la recherche, les demandes en vue d'un plus grand bonheur.


Voici :
  • Le risque de la confrontation

    Le dernier, et probablement le plus grand des risques de l'amour est celui d'exercer son pouvoir avec humilité.

    L'exemple le plus courant est la confrontation. Lorsque nous nous confrontons à quelqu'un nous lui disons implicitement : «Tu as tort et j'ai raison.» Lorsqu'un parent se confronte à son enfant en lui disant : «Tu es un rapporteur», le parent dit en fait : «Tu as tort et j'ai le droit de te critiquer parce que moi je ne le suis pas et j'ai raison.» Lorsqu'un mari reproche à sa femme sa frigidité, il lui dit en substance : «Tu es frigide parce que ce n'est pas normal que tu ne réponde pas à mes désirs sexuels avec plus de ferveur, dans la mesure où je suis sexuellement normal et par ailleurs tout à fait équilibré. C'est toi qui a un problème sexuel; pas moi.» Lorsqu'une femme reproche à son mari de ne pas consacrer assez de temps à sa famille, elle lui dit : «Tu t'investis trop dans ton travail et tu as tort. Je ne suis pas à ta place, mais je vois les choses plus clairement que toi, et je sais que j'ai raison de penser que tu devrais mieux répartir tes activités.» Bien des gens utilisent sans arrière-pensée la capacité de se confronter à quelqu'un, de dire : «J'ai raison et tu as tort, tu devrais être différent»; des parents, des époux et des individus, dans diverses situations l'exercent quotidiennement et sans se poser de questions, critiquant à droite et à gauche, sans réfléchir. Ce genre de critique en général lancée sous l'impulsion de l'énervement et de la colère ne fait qu'ajouter à la confusion du monde.

    Pour qui aime véritablement, la critique ou la confrontation ne vient pas facilement car elle est signe d'arrogance. S'affronter à la personne aimée, c'est présumer de sa propre supériorité intellectuelle ou morale. Or, qui aime véritablement reconnait et respecte l'individualité et l'identité de l'autre, et hésitera à dire : «J'ai raison et tu as tort; je sais mieux que toi ce qui est bon pour toi.»

    Mais la réalité de la vie fait qu'on peut parfois effectivement savoir ce qui est bon pour l'autre, pourtant plus directement concerné, et se trouver de fait dans une position de supériorité - en connaissance et en sagesse - vis-à-vis du problème du moment. Dans ces conditions, le plus sage des deux a l'obligation, par amour, et donc pour l'évolution spirituelle de l'autre, d'affronter le problème. Celui qui aime se trouve alors face à un problème, pris entre l'amour, qui lui impose le respect du chemin choisi par la personne aimée, et la responsabilité d'intervenir par amour lorsque cette dernière en a besoin.

    On ne peut résoudre le problème que par un laborieux et minutieux examen de soi où l'on pèse très attentivement le bien-fondé de «sa sagesse» et les motifs qui se cachent derrière le besoin d'exercer sa domination. Est-ce que je vois les choses clairement ou est-ce que je suis guidé par de simples suppositions ? Est-ce que je comprends vraiment la personne que j'aime ? le chemin qu'il ou elle est en train de prendre n'est-il pas le bon et ne suis-je pas en train de mal juger à cause de ma vision limitée de la situation ? ne suis-je pas en train de servir mes intérêts en pensant qu'il ou elle a besoin de mes conseils ? Voilà les questions que doit se poser continuellement la personne qui aime véritablement.

    Il y a donc deux façons de se confronter à un être humain ou de le critiquer : soit avec l'assurance spontannée et instinctive qu'on a raison soit en sachant qu'on a probablement raison après avoir douté et s'être scrupuleusement interrogé. La première voie - la plus courante - est celle de l'arrogance : elle échoue la plupart du temps, produisant plus de rancoeur que d'évolution, sans compter d'autres effets néfastes et inattendus. La deuxième est celle de l'humilité : elle est plus rare car elle exige un véritable dépassement de soi; elle a beaucoup plus de chances d'être positive, et n'est jamais, à ma connaissance, destructrice.

    Source : Scott Peck, «Deuxième partie : L'amour» dans Le Chemin le moins fréquenté, p. 166

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » sam. 05 avr. 2014, 23:28

Un autre de ces passages que j'avais trouvé inspirant également :


«... Théo avait trente ans lorsqu'il vint me voir. Depuis sept ans, il vivait en ermite dans une petite maison perdue dans les bois. Il avait peu d'amis, et personne avec qui entretenir des relations intimes. Cela faisait trois ans qu'il n'avait pas de petite amie. Il avait de la fortune grâce à un héritage, et était intellectuellement très brillant. De temps en temps, il faisait des petits travaux de charpentier, mais il passait le plus clair de son temps à pêcher et à lire, et à pendre des décisions mineures telles que ce qu'il allait faire pour dîner et comment il allait le cuisiner, ou s'il pouvait se permettre d'acheter tel ou tel petit outil.

Lors de sa première séance, il me dit, assez maladroitement :

- Je sais que je devrais faire des choses plus constructives et créatives dans ma vie, mais j'ai déjà beaucoup de mal à prendre des décisions sans importance, alors les autres ...Je devrais avoir un bon emploi, je devrais reprendre des études universitaires et apprendre un métier, mais je n'arrive pas à m'enthousiasmer pour quoi que ce soit. J'ai tout envisagé : l'enseignement, la médecine, l'agriculture, l'écologie, mais rien ne me passionne. Je m'y intéresse un jour ou deux, et puis chaque domaine semble présenter des problèmes insurmontables. J'ai l'impression que la vie tout entière est un énorme problème insurmontable.

Théo me raconta que tout avait commencé lorsqu'il avait dix-huit ans, au début de ses études universitaires. Jusque là, tout s'était très bien passé. Il avait eu une enfance parfaitement normale dans une famille stable et relativement aisée, avec deux frères plus âgés, des parents qui l'aimaient, même s'ils ne s'entendaient pas très bien; c'était un bon élève dans une pension privée. Puis - et ce fut certainement déterminant - il vécut une histoire d'amour passionnée avec une femme qui le laissa tomber une semaine avant le début des cours à la fac. Complètement abattu, il avait passé sa première année à boire. Pourtant, il avait de bonnes notes. Il connut ensuite plusieurs aventures amoureuses, toutes plus tièdes et ratées les unes que les autres. Ses notes commencèrent à baisser. Il n'arrivait pas à choisir les sujets de ses devoirs. Un de ses proches amis, Hank, fut tué dans un accident de voiture au milieu de leur deuxième année, mais il s'en était remis. Cette année-là, il arrêta de boire. Mais son problème quant aux décisions à prendre ne faisait qu'empirer. Il ne parvenait absolument pas à choisir le sujet de sa thèse de quatrième année.

Il réussit ses examens, loua une chambre hors du campus, et tout ce qui lui restait à faire pour avoir son diplôme était d'écrire une petite thèse, le genre de chose qu'on peut terminer en un mois. Cela lui prit trois ans. Puis rien. Depuis sept ans, il vivait dans les bois.

Théo était persuadé que ses problèmes était d'ordre sexuel : après tout, ses difficultés avaient commencé à la suite d'un chagrin d'amour. De plus, il avait lu à peu près tout l'oeuvre de Freud, bien plus que j'en avais jamais lu moi-même. Alors, pendant les six premiers mois de la thérapie, nous explorâmes les profondeurs de sa sexualité enfantine : cela ne nous mena nulle part.

Mais au cours de cette période, certains aspects de sa personnalité apparurent. L'un d'eux était son total manque d'enthousiasme. Il voulait qu'il fasse beau, et, lorsque le soleil brillait, il haussait les épaules en disant : «de toute façon, cela ne change rien, les jours se suivent et se ressemblent.» Ou bien, un jour, en pêchant, il avait attrapé un énorme brochet, et sa réaction fut : «Il était trop gros, je ne pouvais pas le manger tout seul et je n'avais pas d'amis avec qui le partager, alors je l'ai rejeté à l'eau.»

De surcroit, il avait tendance à être snob, comme s'il trouvait le monde d'assez mauvais goût. Il voyait tout d'un oeil critique. J'en vins à penser qu'il utilisait son snobisme pour garder une espèce de distance entre lui et les choses qui auraient pu le toucher sur un plan émotionnel. Et, enfin, Théo avait un penchant pour le secret, ce qui contribua à la lenteur de sa thérapie. Les éléments les plus importants d'un incident devaient lui être arrachés.

Une nuit, il fit un rêve :

- J'étais dans une salle de classe. J'avais placé un objet - je ne sais pas quoi - à l'intérieur d'une boîte, ou plutôt j'avais construit la boîte autour de l'objet afin que personne ne pût voir ce qu'il y avait dedans. J'avais mis la boîte dans le tronc d'un arbre mort que j'avais refermé avec des chevilles de bois soigneusement taillées. Mais, alors que j'étais assis dans cette classe, j'ai eu peur que mes vis ne soient pas exactement de la même couleur que le tronc. J'étais très inquiet. Alors je me suis précipité dans les bois et j'ai commencé à travailler sur les vis, de telle sorte que personne ne puisse plus les distinguer du tronc. Je me suis senti mieux et suis retourné en classe.

Comme c'est le cas pour beaucoup, l'école et la classe symbolisait la thérapie dans le rêve de Théo. Il était clair qu'il ne voulait pas que je trouve le noyau de sa névrose.

La première faille dans l'armure de Théo apparut lors d'une séance au sixième mois de sa thérapie. Il avait passé la veille chez des gens qu'il connaissait.

- Ce fut une soirée abominable, se lamenta-t-il. Ils voulaient que j'écoute un nouveau disque que le mari venait d'acheter, la musique de Neil Diamond pour le film Jonathan Livingston le Goéland. C'était horrible. Je ne comprends pas que des gens cultivés puissent apprécier ce genre de zinzin et même appeler ça de la musique.

L'intensité de son snobisme me fit réagir.

- Jonathan Livingston est un livre religieux, dis-je. la musique est-elle religieuse également ?
- Je présume qu'on peut la qualifier de religieuse, pour autant qu'on peut appeler ça de la musique.

- C'est peut-être le côté religieux qui vous a irrité, plutôt que la musique elle-même.
- Je trouve effectivement ce genre de religion assez irritant.
- Mais quelle sorte de religion est-ce ?
- Sentimentale, presque écoeurante, fit-il d'un air dégoûté.
- Quelles autres formes de religion y a-t-il ?

Théo eut l'air embarrassé, déconcerté :
- Pas beaucoup, je suppose. De toute façon, je suis assez peu attiré par la religion.
- En a-t-il toujours été ainsi ?

Il rit avec une pointe de regret.

- Non, adolescent, j'étais assez croyant. Pendant mon année de terminale en pension, j'étais même diacre dans notre petite église.
- Et après ?
- Quoi, et après ?
- Qu'est-il arrivé de votre foi ?
- Je suppose que j'ai dépassé ce stade, j'ai grandi (Théo avait alors l'air franchement agacé.) Comment grandit-on en général ? J'ai dépassé ce stade, c'est tout.
- Quand ?
- Je ne sais pas. Comme ça. Je vous l'ai dit, une fois à l'université, je n'allais plus à l'église.
- Jamais ?
- Pas une seule fois.
- Alors en terminale, vous étiez diacre de votre église, pendant l'été vous avez eu un chagrin d'amour, et puis vous n'êtes jamais retourné à l'église. Ce fut un changement brutal. Vous ne pensez pas que le rejet de votre petite amie puisse avoir un rapport ?
- Je ne pense rien. Beaucoup de mes camarades d'université ont fait la même chose. C'était une époque où la religion n'était plus très en vogue. Peut-être cette fille a-t-elle joué un rôle, peut-être pas. Comment pourrais-je le savoir ? Tout ce que je sais, c'est que je me suis désintéréssé de la religion.


La deuxième faille se révéla un mois plus tard. Nous avions travaillé sur le fait que Théo manquait d'enthousiasme pour tout, et qu'il en avait conscience.

- La dernière fois que j'ai été vraiment enthousiaste, c'était il y a dix ans. J'étais en troisième année d'université, à la fin du premier semestre, et c'était à propos d'une dissertation sur la poésie anglaise.
- Et de quoi parlait cette dissertation ?
- Je ne pense pas pouvoir m'en souvenir, c'était il y a dix ans.
- Balivernes ! Vous pouvez très bien vous en souvenir si vous le voulez.
- Eh bien, je crois que le sujet principal était Gerard Manley Hopkins, l'un des premiers poètes modernes. Le poème, Pied Beauty, était le thème central de ma dissertation.

Je quittai le cabinet pour aller dans ma bibliothèque et revins avec un livre de poésie anglaise que j'avais utilisé à l'université. Je trouvais Pied Beauty et le lus. J'avais des larmes aux yeux.
- C'était un poème sur l'enthousiasme, dis-je.
- Oui.
- C'est aussi un poème très religieux.
- Oui.
- Vous avez écrit ce devoir à la fin du premier semestre, c'est à dire probablement en janvier, n'est-ce pas ?
- Oui.
je sentais une forte tension monter en moi. Je n'étais pas sûr de dire ce qu'il fallait, mais je me lançai :
- Alors vous avez été rejeté par votre première petite amie à l'âge de dix-sept ans, et vous avez perdu tout enthousiasme pour la religion. Trois ans plus tard, vous perdez votre meilleur ami et en même temps votre enthousiasme pour la vie.
- Je ne l'ai pas perdu, il m'a été retiré.
Théo criait presque, je ne l'avais jamais vu aussi ému.

- Dieu vous a rejeté, et vous l'avez rejeté à son tour.
- Pourquoi pas ? C'est un monde pourri, ça toujours été un monde pourri.
- Je croyais que votre enfance avait été heureuse ?
- Non, pas du tout.

Et c'était vrai. Sous des apparences calmes, l'enfance de Théo avait été pour lui un champ de bataille permanent. Ses deux frères aînés l'avaient sans cesse taquiné, avec une méchanceté rare. Ses parents, trop impliqués dans leurs affaires et leur haine l'un pour l'autre, n'étaient pas concernés par les problèmes apparemment mineurs de leurs enfants, et n'avaient pas su lui donner à lui, le plus petit et le plus faible, la moindre protection. De longues marches solitaires dans la campagne constituaient son seul réconfort, et nous pûmes, à partir de cela, remonter aux racines de son goût pour la vie érémitique jusqu'à ses dix ans. La pension, avec ses petites cruautés, avait été un soulagement. Théo en voulait au monde, et ce sentiment, en s'extériorisant, prit de l'ampleur au fur et à mesure qu'il en parlait. Au cours des mois qui suivirent, il revécut non seulement la souffrance de son enfance et la douleur de la mort de Hank, mais aussi la souffrance de milliers de petites morts, de rejets et de pertes. Toute sa vie semblait avoir été un tourbillon de mort et de souffrance, de danger et de cruauté.»

(à suivre)

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » dim. 06 avr. 2014, 16:11

(suite)


«... Au quinzième mois de thérapie, nous arrivâmes à un tournant. Un jour, Théo m'apporta un petit carnet.

- Vous avez toujours dit que j'étais secret, et c'est vrai, dit-il. Hier soir, en fouillant dans de vieilles affaires, j'ai trouvé ce carnet : c'est mon journal pendant ma deuxième année à l'université. Je ne l'ai même pas regardé pour le censurer. J'ai pensé que vous pourriez avoir envie de le lire pour connaître le moi d'il y a dix ans, en version originale, texte intégral.

Je dis que j'allais le lire, ce que je fis les deux soirs suivants. En fait, c'était peu révélateur, si ce n'est que son côté solitaire et son isolation par le snobisme, née de la souffrance, étaient déjà fortement marqués.

Mais un petit passage retint mon attention. Il racontait comment, lors d'une promenade solitaire par un dimanche de janvier, il s'était fait prendre par une violente tempête et était rentré à son dortoir tard dans la nuit. «Je sentais comme une sorte d'ivresse, avait-il écrit, en retrouvant la sécurité de ma chambre, contrairement à la fois où j'avais approché la mort de si près l'été dernier.» Le lendemain, pendant la séance, je lui demandai de me raconter comment il s'était trouvé si près de la mort.

- Oh, je vous l'ai déjà dit, répondit Théo.

Mais je le connaissais assez pour savoir que lorsqu'il m'assurait avoir déjà raconté quelque chose, Théo ne cherchait qu'à éviter le sujet.

- Vous recommencez à me cacher des choses, répondis-je.
- Pourtant, je suis sûr de vous en avoir déjà parlé. Enfin, ce n'était pas si tragique. Souvenez-vous, je travaillais en Floride cet été-là. Il y eut un ouragan. J'aime les tempêtes , vous savez. Au moment où l'ouragan battait son plein, je suis allée sur la jetée. Une vague m'emporta, et une autre me renvoya vers la jetée. C'est tout. Cela s'est très vite terminé.

- Vous vous êtes aventuré sur une jetée en plein ouragan ? demandai-je incrédule.
- Je vous l'ai dit, j'adore les tempêtes. Je voulais me rapprocher de l'élément déchaîné.
- Je comprends cela, moi aussi j'aime les tempêtes, mais je n'aurais jamais mis ainsi ma vie en péril.
- Vous savez que j'ai un côté suicidaire, continua-t-il. Et cet été-là, je l'étais vraiment. J'y ai pensé. Franchement, je ne me souviens pas m'être avancé sur la jetée avec l'intention de me suicider, mais ma vie avait peu d'importance. J'avoue qu'il est probable que j'ai eu, ce jour-là, le désir inconscient de mourir.
- Vous avez été emporté par une vague ?
- Oui, j'ai à peine pu me rendre compte de ce qui m'arrivait. Il y avait tellement de mouvement qu'on ne voyait pratiquement rien. Je suppose qu'une énorme vague est arrivé sur moi. Je me suis senti frappé violemment, emporté, puis englouti par les eaux. Je ne pouvais rien faire pour sauver ma peau. J'étais certain que j'allais mourir. J'étais terrifié. Et une minute plus tard, je fus renvoyé par la mer - cela devait être un retour de vague -, puis projeté contre le béton de la jetée. J'ai rampé sur la jetée, j'ai attrapé le rebord et m'y suis agrippé pour retourner à la rive, toujours en rampant et en ne lâchant pas prise. J'avais quelques contusions, c'était tout.
- Comment ressentez-vous cette expérience ?
- Que voulez-vous dire ?
- Ce que j'ai dit. Que ressentez-vous ?
- Vous voulez dire d'avoir été sauvé ?
- Oui.
- Eh bien, je pense que j'ai eu de la chance.
- De la chance ? demandai-je. Vous croyez que ce retour de vague n'était qu'une coïncidence ?
- Oui, c'est tout.
- D'autres pourraient crier au miracle.
- J'ai eu de la chance.
- Vous avez eu de la chance ? répétai-je, en le harcelant.
- Oui, bon sang !
- C'est intéressant, Théo, dis-je, de remarquer que, lorsqu'il vous arrive quelque chose de douloureux, vous injuriez Dieu et ce monde pourri. Mais, lorsque c'est quelque chose de bien, vous trouvez que c'est simplement de la chance. Une petite tragédie, et c'est la faute de Dieu, une bénédiction miraculeuse, et c'est un peu de chance. Qu'en pensez-vous ?

Mis en face de l'inconsistance de son attitude vis-à-vis du hasard, il concentra son attention sur ce qui tourne rond dans ce monde, sur ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui est clair et ce qui ne l'est pas. Après avoir travaillé sur la douleur de la perte de Hank et sur les autres morts autour de lui, nous nous tournâmes vers l'autre côté des choses. Il finit par admettre la nécéssité de la souffrance, et par accepter la nature ambigüe de l'existence. Cette acceptation se produisit bien sûr dans l'atmosphère d'une relation chaleureuse et toujours plus agréable entre nous. Il commença de se remuer. Il reprit timidement des relations amoureuses. Il se mit à exprimer quelque enthousiasme. Sa nature religieuse s'épanouit. Partout, il voyait le mystère de la vie et de la mort, de la création, de la dégradation et de la regénération. Il s'intéressa à la théologie. Il se mit à écouter Jésus Christ Superstar, et s'acheta même le disque de Jonathan Livingston le Goéland.

Après deux ans, Théo m'annonça un matin qu'il était temps qu'il mette un terme à sa thérapie.

- J'ai fait des démarches pour entreprendre des études de psycho, dit-il. Je sais que vous allez dire que je ne fais que vous imiter, mais j'y ai pensé, et je ne le crois pas.
- Allez-y, expliquez, demandai-je.
- Eh bien, en réfléchissant, j'en suis venu à la conclusion qu'il faut que je fasse ce qui me parait le plus important. Et si je reprends des études c'est pour apprendre les matières les plus importantes.
- Continuez.
- Alors, j'ai décidé que l'esprit humain est l'une de ces matières. Et la psychothérapie aussi.
- L'esprit humain et la psychothérapie, c'est le plus important ? demandai-je.
- En fait, je pense que c'est Dieu.
- Alors pourquoi n'étudiez-vous pas Dieu ?
- Je ne comprends pas très bien.
- C'est parce que vous vous empêchez de comprendre.
- Vraiment, je ne comprend pas. Comment peut-on étudier Dieu ?
- Si on peut étudier la psychologie dans une école, on peut étudier Dieu dans une école, continuai-je.
- Vous voulez dire la théologie ?
- Oui.
- Vous voulez dire devenir pasteur ?
- Oui.
- Oh non ! je ne pourrais pas.
Il était attéré.

- Pourquoi ?
Il devint évasif.
- Il n'y a pas vraiment de différence entre psychothérapie et pasteur. Je veux dire que les pasteurs font aussi de la thérapie. Et faire de la psychologie c'est un peu comme un sacerdoce.
- Pourquoi ne pourriez-vous pas devenir pasteur ?
- Vous faites pression sur moi, dit-il, furieux. Une carrière est une décision personnelle. C'est à moi de décider. Les thérapeutes n'ont pas le droit de diriger leurs patients. Ce n'est pas votre rôle de choisir pour moi. Je ferai mon choix tout seul.

- Écoutez, je ne suis pas en train de choisir pour vous. Je ne fais qu'une analyse de la situation. Je suis en train de passer en revue les possibilités qui se présentent à vous. C'est vous qui ne voulez pas - je ne sais pas pourquoi - considérer sérieusement l'une de ces possibilités.

C'est vous qui voulez faire ce que vous jugez le plus important, c'est vous qui pensez que le plus important c'est Dieu, et, lorsque je vous parle d'envisager une carrière religieuse, vous la rejetez. Peut-être ne pouvez-vous pas l'entreprendre mais, en tout cas, c'est de mon ressort de m'intéresser aux raisons qui vous font croire que vous n'en êtes pas capable et qui vous poussent à rejeter cette option.

- Je ne pourrais tout simplement pas être pasteur, dit Théo, pas vraiment convaincu.
- Pourquoi ?
- Parce que ... Parce que être pasteur, c'est être publiquement un homme de Dieu. Je veux dire que je devrais manifester publiquement ma croyance en Dieu. Et ça, je ne le pourrais pas.
- Non, il faut que vous restiez secret, n'est-ce pas ? C'est votre névrose, et vous voulez la garder. Vous ne pouvez pas montrer publiquement votre enthousiasme, vous voulez le garder dans un placard, n'est-ce pas ?

- Écoutez, gémit Théo, vous ne pouvez pas savoir ce que cela représente pour moi. Chaque fois que je manifestais quelque enthousiasme, mes frères se moquaient de moi.
- Alors je présume que vous avez toujours dix ans, et que vos frères sont toujours présents.

Théo pleurait, fou de rage contre moi.
- Ce n'est pas tout, dit-il, en larmes. C'est comme cela que mes parents me punissaient. Dès que je faisais une bêtise, ils ne privaient de quelque chose que j'aimais : «Voyons, qu'est-ce qui fait plaisir à Théo ? Oh oui ! sa visite chez sa tante la semaine prochaine, il en a très envie; on va lui dire que, parce qu'il n'a pas été sage, il ne pourra pas aller la voir, voilà tout. Et puis son arc et ses flèches, il adore jouer avec, retirons-les lui.» C'est très simple comme système. Tout ce qui me faisait plaisir, tout ce qui m'enthousiasmait, ils me le retiraient. J'ai perdu tout ce que j'aimais.

C'est ainsi que nous arrivâmes au plus profond de la névrose de Théo. Petit à petit, à force de volonté, ayant à se rappeler continuellement qu'il n'avait pas dix ans, qu'il n'était plus sous la coupe de ses parents ou proche de ses frères, il se força à communiquer son enthousiasme, son amour de la vie et de Dieu. Il finit par se décider à s'inscrire en théologie.

Quelques semaines avant son départ, je reçus son chèque pour les séances du mois passé. Mon regard fut accroché par sa signature : jusque-là, il avait toujours signé «Théo», et cette fois, c'était «Théophile». Je lui fis part de ce changement.
- J'espérais que vous le remarquiez, me dit-il. Je crois que d'une certaine manière, je suis toujours un peu secret, n'est-ce pas ? Lorsque j'étais petit, ma tante m'avait dit que je pouvais être fier de mon nom parce que cela voulait dire : «Celui qui aime Dieu». Effectivement, j'en étais fier. J'en avais donc parlé à mes frères, et ils se moquèrent de moi : «Grenouille de bénitier ... pourquoi ne vas-tu pas embrasser l'autel ?» (théo sourit). Vous connaissez la chanson. Alors j'étais embêté de porter ce nom-là. Il y a quelques semaines, je me suis rendu compte que cela ne me gênait plus du tout. Après tout, j'aime Dieu, n'est-ce pas ?»


Source : Scott Peck, «Troisième partie : L'évolution et la religion», dans Le chemin le moins fréquenté, pp. 260-275

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Zarus » mer. 09 avr. 2014, 20:14

C'est un texte pas mal mais j'ai une question qui est peut-être un peu saugrenue mais bon.

Si je comprends qu'un psychiatre parle de religion (pas forcément que la religion mais bon, puisque c'est l'exemple) à un patient chez qui cela à une importance dans ses troubles (et c'est vraiment le cas pour ce Théo) mais comment un psychiatre travaille avec quelqu'un qui à des opinions religieuses et/ou idéologiques fort différentes de lui-même ?
Un psychiatre peut difficilement convaincre de quelqu'un de la foi même si il pense personnellement que c'est nécessaire à l'épanouissement humain; il est parfois difficile de séparer sanité mentale et son avis personnelle.
Un psychiatre croyant pourrait à cause de ses propres opinions; mal voir l'incroyance d'un point de vue psychiatrique,ect...(mais ça marche dans les deux sens : un psychiatre incroyant pourrait sous-estimer l'importance de la croyance chez son patient ou y voir de la naivité)
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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » jeu. 10 avr. 2014, 15:21

Zarus,
... mais comment un psychiatre travaille avec quelqu'un qui à des opinions religieuses et/ou idéologiques fort différentes de lui-même ?
Il y parvient apparemment.


L'extrait retenu plus haut ne représente q'un cas de figure, bien entendu. Dans son livre, il y a des cas où c'est justement les «croyances religieuses» qui suscitent le problème et vont nourrir la névrose.

Et alors le même psychiatre doit tantôt soutenir la démarche libératrice, celle pour qui serait impératif le fait de se libérer de la «religion de papa» qu'à laisser survenir, d'autre part, des aspirations authentiquement religieuses, mais alors quand c'est l'enfouissement plutôt ou l'athéisme forcé (le reniement de soi-même; étant croyant) qui viendrait rendre l'individu malade.

Il semble que son job soit d'accompagner l'autre personne, de l'entendre. C'est de permettre à l'autre de voir plus clair en lui-même. L'intervenant m'impose pas ses propres croyances.

[...]

Je pense qu'il n'y a que la personne soumise à l'analyse qui puisse finalement confirmer si l'accompagnement représenterait un progrès ou pas.

Et obtiendrait-on de meilleurs résultats avec un psy croyant pour des chrétiens ? athée avec des athées ? Peut-être. Je ne sais pas. Il n'est peut-être pas négligeable de pouvoir se sentir en confiance avec un accompagnateur, en confiance et non pas jugé en partant, même si ce ressenti ne serait qu'une projection imaginative.

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » jeu. 10 avr. 2014, 16:08

  • Jeter le bébé avec l'eau du bain

    ... la foi en Dieu est-elle une forme de psychopathologie ? Si l'on veut sortir du bourbier de l'enseignement de l'enfance, des traditions et de la superstition, c'est une question que l'on doit se poser. Mais les exemples ci-dessus mentionnés montrent que la réponse n'est pas simple. Elle peut être positive : la foi aveugle de Kathy dans le dieu que son église et sa mère lui avaient présenté retardait, de tout évidence, son évolution, et empoisonnait sa vie. C'est seulement en mettant en question puis en rejetant sa croyance qu'elle a pu s'aventurer dans une existence plus ouverte, plus satisfaisante et plus productive. C'est seulement alors qu'elle a pu évoluer. Mais parfois la réponse est non. Marcia, en évoluant hors du froid microcosme de son enfance vers un monde plus chaleureux, vit sa croyance en Dieu grandire en elle, silencieusement et naturellement. Et pour Théo, la foi qu'il avait enterrée au fond de lui-même dut être ramenée à la vie pour la renaissance de son esprit et sa libération.

    Que faire de cette réponse de Normand ?

    Les scientifiques se consacrent à la recherche de la vérité. Mais ils sont humains eux aussi, et, comme tous les humains, ils voudraient que leurs réponses soient claires et faciles. Dans leur désir de trouver des solutions simples, ils risquent, en se posant des questions sur la réalité de Dieu, de tomber dans deux pièges. Le premier, c'est de jeter le bébé avec l'eau du bain, et le deuxième, c'est de voir les choses avec des oeillères.

    Il y a effectivement beaucoup d'eau sale autour de la réalité de Dieu. Les guerres saintes, l'Inquisition, les sacrifices animaux et humains, la superstition, l'abrutissement, le dogmatisme, l'ignorance, l'hypocrisie, la rigidité, la cruauté, l'iconoclasme, l'extermination des sorcières, l'inhibition, la peur, le conformisme, la culpabilité, la folie ... la liste est presque illimitée. Mais est-ce la faute de Dieu ou la faute des hommes ? De tout évidence, la foi est souvent d'un dogmatisme destructeur. Mais le problème est-il que les hommes croient en Dieu ou bien qu'ils ont tendance à être dogmatiques ?

    Quiconque a connu un athée inébranlable sait bien qu'il peut être tout aussi dogmatique dans son absence de foi qu'un croyant dans sa foi. Alors doit-on se débarrasser de la foi ou du dogmatisme ?

    Une autre raison qui pousse les scientifiques à jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est que, comme nous l'avons vu, la science est une religion. Le scientifique néophyte qui entre à peine dans le monde de la science peut être tout aussi fanatique qu'un croisé ou un soldat d'Allah. C'est particulièrement vrai quand il vient d'une culture ou d'une famille où la croyance en Dieu est associée à l'ignorance, à la superstition, la rigidité et l'hypocrisie. Alors, il a des mobiles émotionnels aussi bien qu'intellectuels pour détruire les idôles d'une croyance primitive.

    [...]

    Il est possible d'évoluer en tuant notre croyance en Dieu, mais je voudrais maintenant montrer qu'il est possible d'évoluer en devenant croyant. L'athéisme ou l'agnosticisme sceptiques ne sont pas les plus hauts stades de compréhension. Au contraire, nous avons toutes les raisons de croire que, derrière les idées fausses qui circulent autour de Dieu, se cache la réalité qu'est Dieu. C'est ce à quoi Paul Tillich faisait référence lorsqu'il parlait du «Dieu derrière le Dieu», et c'est pourquoi certains chrétiens évolués proclamaient : «Dieu est mort, vive Dieu !»

    [...]

    Les psychiatres et les psychothérapeutes qui ont des réactions simplistes envers la religion risquent de nuire à leurs patients. Il en sera ainsi s'ils jugent toute religion bonne et saine; de même s'ils jettent le bébé avec l'eau du bain, considérant la religion comme une maladie et un ennemi. Également, de fait, si, devant la complexité de la question, ils refusent de se préoccuper des problèmes religieux de leurs patients, pour se cacher derrière le bouclier d'une totale objectivité qui ne leur permet pas de s'impliquer spirituellement. Leurs patients ont besoin de leur engagement. [...] Mon vrai désir serait que les psychothérapeutes s'efforcent non pas de se détacher de la religion, mais qu'ils s'y intéressent à un niveau bien plus élevé que beaucoup ne le font actuellement.»

    p. 280
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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » jeu. 10 avr. 2014, 17:03

Il me fait penser ...

Hier soir, au centre St-Pierre, j'assistais à un entretien d'une bibliste qui participe régulièrement à une émission à la radio.

Un moment donné, elle mentionnait qu'en dépit de tout ce que l'on pourrait penser d'une large désaffection du public envers la religion, les questions de foi, il ne restait pas moins qu'à chaque fois où elle participait du programme à la radio, qu'elle avait donc l'opportunité d'aborder les récits évangéliques, les paraboles de Jésus et tout : la station de radio était débordé d'appels de gens qui voulaient lui poser des questions. Parmi ces gens : beaucoup de psychologues, psychiatres ... jusqu'à des hommes d'affaires. «Plus d'hommes d'affaires qu'on serait porté à l'imaginer», disait-elle.

Je retiens ici (à cause de Scott Peck au-dessus) que plusieurs thérapeutes ''psy'' cherchaient à communiquer avec la bibliste après son émission. Il semble que si les églises sont désertées, les gens seraient plus que jamais en quête d'un sens à leur existence.

:)

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » jeu. 17 avr. 2014, 14:59

Et son autre bouquin aussi que j'essaies de trouver Les gens du mensonge

Le sommaire :

  • L'espoir de guérir la méchanceté humaine

    Table des matières

    Introduction

    A lire avec prudence

    Chapitre 1

    L'homme qui fit un pacte avec le diable

    Vers une psychologie du mal
    Parlons de modèles et de mystères ....................................... 39
    Une question de vie ou de mort
    Le cas de Bobby et ses parents
    Le mal et le péché
    Narcissisme et volonté

    Chapitre 3

    La présence du mal dans la vie de tous les jours

    Le cas de Roger et ses parents
    Le cas de Hartley et Sarah
    La maladie mentale et le nom du mal
    Le cas du rêve vaudou
    Le cas de la phobie des araignées

    Chapitre 4

    La confusion initiale
    L'un ou l'autre : enfant ou adulte
    Elle-même était la loi
    Le rêve de la merveilleuse machine
    Situation d'échec
    Le mal et le pouvoir
    Si je pouvais recommencer

    Chapitre 5

    De la possession et de l'exorcisme
    Le diable existe-t-il ?
    Danger : haute tension
    Les aspects du diagnostic et du traitement
    Recherche et enseignement
    Le père du mensonge ........................................................... 218

    [...]
[/size][/color]

  • Scott Peck, Les gens du mensonge [?]
[/size]

En bibliothèque, j'ai pu me rendre compte qu'il arrivait à cet auteur de se retrouver classer dans la section New Age. C'est plutôt injustifié. L'auteur se révèle chrétien, de plus en plus avec les années qui passent voire.

Je crois qu'il est le seul psychiatre que j'aurai jamais vu, moi, pour prendre clairement parti en faveur de l'existence du diable soit dit en passant (en fonction de son expérience, sa pratique, des cas rencontrés). La chose est suffisamment rare parmi ce genre d'auteurs pour qu'elle mérite d'être mentionné. En général, les ''psys'' ne vont pas se mouiller de la sorte. Le détail a son importance pour moi. Car il signifie que la psychologie n'est pas la panacée qui aurait réponse à tout (attitude qui serait réductrice), et que lui-même ne se fait donc pas une idôle de la psychanalyse.

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par isabelle48 » jeu. 17 avr. 2014, 15:53

Scott Peck développe à longueur de pages et de répétitions, dans ses livres auto-satisfaits, une théorie new-âge.
Mieux que ce que je ne saurais le faire ici, vous pouvez lire, si vous le souhaitez, les articles du Père J.M. Verlinde, prêtre catholique, spécialiste des mouvements new âge et de leurs hérésies. Ces articles sont postés sur son site Final-age.com.
Le Père J.M. Verlinde analyse Scott Peck et débusque ses erreurs et supercheries. Il analyse, notamment, la confusion faite par Peck entre inconscient et divinité ainsi que la théorie fumeuse de l' étincelle divine tombée dans la matière", qui est une hérésie gnostique.
Scott Peck est un auteur new âge et n'est pas à recommander sur un site catholique.

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » jeu. 17 avr. 2014, 20:49

Je n'ai rien aperçu de malsain du côté du psychiatre américain.

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par isabelle48 » jeu. 17 avr. 2014, 21:15

Je ne mets pas en doute votre bonne foi. Une lecture un peu rapide peut être trompeuse et Scott Peck ne dit pas que des sottises. Mais jetez un coup d'œil, s'il vous plait, sur l'analyse du Père J.M. Verlinde, comme je vous l'ai proposé, sur son site final.age.com, site consacré au discernement chrétien sur le nouvel âge, l'ésotérisme...cela peut vous aider à comprendre de quoi il retourne avec Scott Peck.

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » jeu. 17 avr. 2014, 22:21

Dans mon opinion, le père Verlinde faisait juste un faux procès à Scott Peck en 2007.
  • «... si vous voulez savoir où trouver la grâce, c'est à l'intérieur de vous-même. Si vous cherchez une plus grande sagesse, vous la trouverez en vous-même. Cela revient à dire que la jonction entre Dieu et l'homme est, en partie, la jonction entre le conscient et l'inconscient. Pour être plus direct, notre inconscient est Dieu, Dieu qui est en nous. Nous avons toujours fait partie de Dieu. Dieu a toujours été avec nous, et le sera toujours.

    Comment peut-il en être ainsi ? Si le lecteur est horrifié à l'idée que notre inconscient est Dieu, il devrait se rappeler que ce n'est pas un concept hérétique, puisque, dans son essence, c'est le même que le concept chrétien du Saint Esprit qui est en chacun d'entre nous. Je trouve que, pour mieux comprendre cette relation entre Dieu et nous, il faut considérer que notre inconscient est comme un énorme et riche système de racines cachées, qui nourrit la conscience.» (Le chemin, p.351)
ou
  • «... il arrive qu'après l'une de mes conférences certains se disent : «Ce n'est pas le même homme que celui qui a écrit Le chemin le moins fréquenté. Rien de surprenant à cela : j'ai écrit ce livre en 1976 et 1977. Puisque j'ai moi-même choisi de voyager sur cette route de l'évolution, il est tout à fait logique que je ne sois pas le même homme qu'il y a une dizaine d'années. Le changement le plus important est sans doute qu'à l'époque je n'étais pas chrétien pratiquant, alors que je le suis aujourd'hui. Je suis très attristé que certains en soit déçus, comme si c'était un régression. Cette réaction est compréhensible parce que le christianisme n'a pas encore la réputation d'une grande ouverture d'esprit. J'espère que les autres chrétiens m'aideront à changer cet état de fait.» (Le chemin, préface de l'édition de 1985)
La remarque plus haut n'est plus ''new age'' que la fameuse remarque de saint Augustin au sujet de Dieu qui est à l'intérieur de lui cf. «... Beauté ancienne ... je te cherchais à l'extérieur, mais tu étais à l'intérieur».


Encore :

  • «... pour expliquer les miracles de la grâce et de l'évolution, nous supposons l'existence d'un Dieu qui veut notre évolution, un Dieu qui nous aime. Pour beaucoup, cette hypothèse paraît trop simple, trop illusoire et trop naïve. Mais qu'avons-nous d'autre ? Mettre des oeillères n'est pas une réponse. Nous ne pouvons pas obtenir de réponse si nous ne posons pas de questions. Bien que celle de Dieu soit simple, personne n'a pu fournir une meilleure - ou même une autre - hypothèse. Tant que personne n'a trouvé, nous devons nous contenter de cette notion quelque peu infantile d'un Dieu d'amour, ou bien d'un vide théorique.

    Et si nous prenons les choses au sérieux, nous trouverons que cette notion simple de Dieu ne tient pas lieu de philosophie facile.

    Si nous supposons que notre capacité à aimer nous est, on ne sait comment, «soufflée» par Dieu, alors nous devons nous demander vers quelle fin. Pourquoi Dieu veut-il que nous évoluions ? et vers quoi ? Qu'est-ce que Dieu attend de nous ?

    [...]

    Lorsque je dis que cette idée est terrifiante, les mots sont faibles. C'est une très vieille idée mais, par millions, paniqués, nous cherchons à lui échapper. C'est l'idée la plus exigeante de toute l'histoire de l'humanité. Non parce qu'elle est difficile à concevoir, au contraire, elle est très simple. Mais, parce que, si nous y croyons, cela exige de nous tout ce que nous possédons.

    C'est une chose que d'avoir foi en un Dieu bon et généreux qui va prendre bien soin de nous depuis les hauteurs de Son pouvoir que nous ne pouvons même pas imaginer atteindre. Mais lorsqu'il s'agit de croire en un Dieu qui veut que nous arrivions à Sa position, à Son pouvoir, à Son identité, c'est tout à fait différent.

    Si nous admettons qu'il est possible pour un homme de devenir Dieu, nous sommes obligés d'essayer d'atteindre ce qui est possible. Mais nous rejetons cette obligation. Nous n'avons pas envie de travailler si dur.

    Nous refusons la responsabilité de Dieu [...] Tant que nous pouvons croire que la divinité est hors de notre portée, nous n'avons pas à nous soucier de notre évolution spirituelle, à nous pousser vers des niveaux toujours plus élevés de conscience et d'amour : nous pouvons nous contenter d'être des hommes. Si Dieu est dans son paradis et que nous sommes ici-bas, les deux sont incompatibles, et nous pouvons lui laisser toute la responsabilité de l'évolution et de la direction de l'univers. Nous pouvons faire de notre mieux pour nous assurer une vieillesse confortable, peut-être avec d'heureux enfants et petits-enfants, mais en-dehors de cela nous ne voulons pas être dérangés. [...] Cette croyance nous piège, au moins jusqu'à la mort, dans un engrenage de travail sur soi et d'évolution spirituelle. Il n'est donc pas étonnant qu'elle nous rebute.» (Le chemin le moins fréquenté, p.337)


Je n'ai jamais vu un auteur du New Age s'exprimer de la sorte.

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Re: Le chemin le moins fréquenté (extraits)

Message non lu par Cinci » ven. 18 avr. 2014, 5:19

Enfin, la page du père Verlinde me gêne «assez» à quelque part. Je voudrais quand même dire pourquoi.

voici :
[+] Texte masqué
« Lorsque nous les scientifiques regardons, depuis la supériorité de notre scepticisme, le phénomène de la croyance en Dieu, il ne nous impressionne pas. Nous voyons le dogmatisme et ce qui en découle : les guerres, l’Inquisition et les persécutions. Nous voyons l’hypocrisie de gens qui prônent la fraternité et tuent leur prochain au nom de leur foi, s’emplissent les poches au détriment des autres, agissent avec brutalité et cruauté. Nous voyons la multiplication anarchique des rituels et des images, sans consensus : tel dieu est une femme à six bras ; tel autre est un homme assis sur un trône ; tel autre est un éléphant ; tel autre encore, l’essence du néant ; nous voyons des panthéons, des dieux pour chaque famille, des trinités, des unités… Nous voyons l’ignorance, la superstition, la rigidité. Le bilan n’est pas fameux. Il est tentant de penser que l’humanité serait en meilleure posture sans sa croyance en Dieu, que Dieu n’est pas seulement un cadeau promis qui n’arrive jamais mais, s’il arrive, un cadeau empoisonné. Il serait même raisonnable de conclure que Dieu n’est qu’une illusion destructrice de l’esprit humain, et que la croyance en Dieu constitue une forme très répandue de psychopathologie qu’il faut absolument guérir.
Alors on peut se poser la question suivante : la croyance en Dieu est-elle une maladie ? Est-ce la manifestation d’un transfert, une idée de nos parents provenant du microcosme et incorrectement transférée dans le macrocosme ? Ou, autrement dit, une telle croyance, est-elle une forme de pensée infantile ou primitive dont nous devons nous débarrasser en cherchant de plus hauts niveaux de conscience et de maturité ? » - Scott Peck
D'où il commence :

Cette longue citation donne le ton du discours religieux du Nouvel Age, dont le célèbre psychiatre américain Scott Peck est un des principaux porte-paroles.

Sauf, l'extrait ci-dessus ne représente pas du tout «la pensée du Nouvel Age». C'est simplement Scott Peck qui veut illustrer, dans ce passage de son livre, à quoi pourrait ressembler le raisonnement habituel du scientifique moyen. C'est le genre de critique en effet que l'on retrouve à pleine page dans de nombreuses publications.

Dans le livre de Scott Peck :

« ... plus précisément, je trouve que le point de vue de la plupart des scientifiques sur la réalité de Dieu tient de l'esprit de clocher, un peu comme de simples paysans embrassent aveuglément la foi de leurs parents. Les scientifiques ont de terribles difficultés dans leur rapport avec la réalité de Dieu.

Lorsque nous (les scientifiques) regardons, depuis la supériorité de notre sceptiscisme sophistiqué, le phénomène de la croyance en Dieu, il ne nous impressionne pas [...] » (Le chemin le moins fréquenté, p.240)


Scott Peck s'exprime ici «comme en se mettant lui-même au rang des pécheurs» en quelque sorte. Il n'est pas du tout en train de couronner de pétales de roses ce genre d'attitude scientiste hautaine (!) Il y a là un contresens.



Après ?

Pour ce faire, notre auteur suit une stratégie « classique » de dénigrement, qui se déploie en trois étapes.

Il commence par traîner la religion devant le tribunal de l’histoire. Toutes les horreurs – « guerres, l’Inquisition et les persécutions » – ne sont-elles pas dues au fanatisme religieux ? (La référence incontournable à l’Inquisition précise si besoin est, quelle religion est visée en premier.) Aucune allusion à l’action pacificatrice des saints ni à leurs œuvres de charité qui ont marqué durablement notre culture : la religion est réduite à ses exactions, c’est-à-dire à ses parodies mensongères, fruits de la trahison de l’homme et non de la grâce divine. Ce discours caricatural est hélas passé dans les axiomes – c’est-à-dire les propositions que l’on ne remet plus en question – du nouveau paradigme, comme en témoigne entre autres, le succès du Da Vinci Code.


Non, l'auteur ne dénigre en rien le phénomène religieux. Il ne fait pas du tout ce que le père Verlinde raconte.

Il ramasse, sans malveillance particulière à part ça, ce qui peut exister déjà dans l'environnement : je parle du genre de critiques habituelles qui vont retenir l'attention des profanes. Le père Verlinde erre gravement dans sa critique maintenant, si c'est pour faire croire que Scott Peck lui-même serait intéressé à ''réduire'' la religion ou la foi chrétienne à des exactions (!)

Notre homme fait juste le contraire. Il dira explicitement que le problème ne tient pas à la croyance en Dieu comme au fait des hommes. L'auteur ne fait pas sien un discours caricatural.

Suit la dénonciation de l’hypocrisie, de la cupidité, et de la violence des hommes religieux. L’argument est d’autant plus fragile, qu’il est évident que ces comportements ne sont pas l’apanage des croyants, loin s’en faut.

... et le psychiatre n'évoque jamais une pareille exclusivité maléfique pour les croyants.


Néanmoins

Qui nierait que les hommes restent pécheurs ? Il y a des mochetés plus ou moins grandes qui gravitent souvent autour des religions. Et puis c'est ce que l'auteur dit. Des manipulations, de la violence, des abus, des fraudes : il y en a. C'est sûr.

Ils ne découlent donc pas de l’orientation religieuse de leur vie, mais tout au contraire du « vieil homme », c’est-à-dire de la part non convertie de leur humanité. Ils ne sont pas une conséquence de la religion, mais du péché qui nous oppose à Dieu et aux autres au lieu de nous y « relier ».

Oui. Puis l'auteur n'affirme pas que c'est une conséquence obligée non plus, que pour être moine il faut être voleur à un moment ou un autre.

Il constate juste une certaine réalité. Par exemple, le fait que des fanatiques musulmans pourront couper des têtes, des prédicateurs abuser tantôt de leurs ouailles, qu'un ministre s'enfuit avec la caisse, sans compter les guerres religieuses du XVIe siècle, etc. Relever le détail à l'occasion n'est pas assurer que la foi doit prospérer grâce au vice et que le mal serait le carburant normal des religieux.



Il apostrophe plus loin l'auteur de façon littéraire :

Soit vous avouez votre complète ignorance en la matière – auquel cas il vaudrait mieux ne pas aborder le sujet – soit vous profitez de votre autorité intellectuelle pour diffuser délibérément une vision réductrice, bien plus : un véritable pastiche de la pensée religieuse, dans l’intention de la discréditer aux yeux de vos lecteurs. « L’ignorance » que vous dénoncez, ne fleurit pas là où vous prétendez la dévoiler, et c’est en mettant comme vous le faites le mensonge au service d’aprioris réducteurs, que l’on construit les « dogmatismes » les plus « rigides ».

Je ne vois pas que l'auteur aurait voulu discréditer la «pensée religieuse» aux yeux du monde. Moi, je n'ai pas du tout ce sentiment à le lire.

Mais il fait remarquer (Scott Peck; avec raison selon moi) comment certaines projections religieuses débilitantes, erronnées, névrotiques, peuvent être étouffantes pour certain(e)s. Imaginons un peu, dans la réalité, les ravages que les représentations de la maman de Carrie (pour se référer au film du même nom) occasionneraient sur le psychisme de sa fille. Est-ce que le père Verlinde applaudirait à tout ce qui peut se passer chez les Témoins de Jéhovah ? Il serait d'accord avec les techniques de manipulation mentale ?

En fait, vous avouez vos prémisses dans ce que vous faites apparaitre comme une conclusion : « L’humanité serait en meilleure posture sans sa croyance en un Dieu qui n’est pas seulement un cadeau promis qui n’arrive jamais mais, s’il arrive, un cadeau empoisonné ». Telle est sans doute l’image de Dieu à laquelle votre histoire personnelle vous a conduite ; mais une étude tant soit peu approfondie de la question aurait dû vous faire découvrir que la relation établie par la majorité des hommes avec l’Etre divin qu’ils invoquent, ne se réduit pas à cette caricature.

L'apostrophe reste totalement bancale. Parce que l'énoncé de conclusion que le père Verlinde veut reprendre du livre cf l'humanité serait en meilleur posture sans sa croyance en un Dieu ... est en fait le genre de conclusion que l'auteur met plutôt dans la bouche de son scientifique moyen à l'esprit étroit, celui portant des oeillères. Ce n'est en rien la pensée personnelle de Scott Peck. J'ai signalé comment le psychiatre américain disait, en 1985, déjà, être un chrétien pratiquant. Or le texte du père Verlinde date de 2006.

[...]

Le père Verlinde n'est plus présent sur le site final.age, du moins pas quotidiennement. C'est dommage. Il aurait peut-être valu la peine de lui signaler le contresens.

Remarquez, je ne me serais jamais attendu à devoir faire une critique (même minime) d'une des pages du père Verlinde. Il y a quelques années j'aurai lu plusieurs pages sur ce même site, et qui, elles, m'auront semblé tout à fait correctes. Sa critique de Dan Brown lu, par exemple, après que j'aurai moi-même assimilé le fameux Best-Seller, etc. Rien à redire.

Malheureusement, pour Scott Peck, j'ai la désagréable impression que le père aura vraiment mal perçu la pensée de l'auteur. Pour moi, la critique du père semble manquer sérieusement de rigueur ici. Comme étriquée, sa critique : elle tombe à plat. Je le trouve bien trop sévère pour notre ami psychiatre.

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