Il s'agit d'un personnage fort méconnu de notre histoire au Québec, même au Canada. En Europe aussi, je présume. Il est méconnu des gens d'aujourd'hui. Ce n'était pas le cas de l'opinion publique d'il y a soixante ans. Voyant le fil sur le conspirationnisme, je me suis dit qu'il fallait remédier un peu à cet oubli. Les nombreux anecdotes à son sujet ou qui jalonnent sa carrière ne sont pas sans intérêts.
On pourrait retrouver assez facilement les éléments de sa biographie sur Internet. Mais, juste pour situer le personnage, j'aimerais quand même faire ressortir moi-même certaines choses. Pour cela, je m'appuierai essentiellement sur l'ouvrage récent de Jean-François Nadeau consacré au même sujet.
Donc :
La notoriété d'Arcand dans le monde de l'extrême-droite européenne avant la Seconde guerre mondiale était apparemment très grande, en particulier dans un nombre respectable de publications fascistes anglo-saxonnes, états-uniennes, sud-africaines, etc.
Au point que Kurt Ludecke que voici :
http://spartacus-educational.com/Kurt_Ludecke.htm
Ce militant du nazisme de la première heure fera un voyage spécial à Montréal pour rencontrer Adrien Arcand en 1932.
- « Le führer canadien fait à l'évidence une très vive impression sur Ludecke, qui le qualifie d'homme à .intelligence vibrante. Ludecke témoignera qu'Arcand semble très proche du premier ministre Bennett et que son mouvement l'a fortement impressionné. « (Arcand, p.174)
« Les correspondances intellectuelles qui peuvent être tracées entre le mouvement d'Arcand et le régime hitlérien sont indéniables. Arcand entretient même certains contacts directs avec des intellectuels ou des militants nazis, comme il le fait avec des militants racistes d'autres pays. Le 21 février 1933, il reçoit une lettre d'un nazi de Bavière qui le félicite de porter si haut en Amérique l'idéal d'Hitler.(cité dans le Toronto Star du 19 juin 1940, p.2) Des échanges de textes ont lieu avec certains journaux, comme Der Stürmer de l'antisémite Julius Streicher.
L'ami Céline
Écrivain maudit autant que béni, Louis-Ferdinand Destouches, alias Céline, est un personnage politique composite, un anarchiste de droite doté à certains égards d'une sensibilité de gauche, professeur de haine exterminatrice et tout à la fois défenseur des miséreux.
A la fin des années 1930, après avoir connu la gloire littéraire une première fois avec Voyage au bout de la nuit, ce médecin bavard donne à lire des pamphlets dévastateurs Bagatelles pour un massacre (1937) et L'école des cadavres (1938) déploient sur papier sa haine du matérialisme et sa conviction profonde que le monde à force d'être enjuivé comme il l'imagine, court à sa perte prochaine tandis que le communisme s'avance à pas de loup.
En avril 1938, l'homme qui vient de publier pareil pamphlet s'embarque discrètement sur un bateau. Départ de Bordeaux en fin d'après-midi, le 15 avril 1938, un vendredi saint. Destination finale : Montréal. Que vient-il faire exactement au Nouveau Monde, dans la capitale du Canada français? Ses biographes n'en disent rien ou presque, faute de le savoir ou pensant que tout cela ne se résume à rien.
Dans une étude consacrée à cette visite rapide en Amérique, Hélène Le Beau note pourtant avec raison que « ce séjour à Montréal par les raisons que le motivent, mérite une attention particulière ». (Hélène Le Beau, « D'un voyage à l'autre », Études littéraires, vol. 18, numéro 2, automne 1985, p. 425)
Le bateau avec lequel Céline quitte la France, Le Celte, est un petit cargo à vapeur de 907 tonneaux. Il est commandé par le capitaine Jean-Marie Esnault qui travaille pour le compte de la Compagnie générale de grande pêche. Ce bateau compte à son bord 22 hommes d'équipage et quatre passagers dont Céline.
A bord, l'écrivain fréquente à la table du capitaine les autres passagers, tous originaires de Saint-Pierre-et-Miquelon. Selon la jeune Jeanne Allain, une des passagères, ce médecin qu'elle appelle "Monsieur" porte un imperméable beige et un gros cache-nez enroulé à double tour, et il est chaussé de bottes en peau de phoque.
Chargé de 240 tonnes de charbon et de différents produits, Le Celte s'arrête dans les îles inhospitalières de Saint-Pierre-et-Miquelon, dernières possessions françaises d'Amérique du Nord. Après douze jours en mer, il arrive au port de Saint-Pierre le mardi 26 avril 1938, par un après-midi brumeux.
Cet archipel perdu au milieu du bleu de la mer intéresse Céline, toujours curieux de tout.
Selon ses biographes, il cherche depuis un moment un lieu suffisamment en marge du monde pour ne faire l'envie de personne et échapper ainsi aux batailles qui, sent-il, couvent déjà au-dessus de l'Europe. Pareil archipel pourrait-il lui servir de lieu de refuge? Il y songe. Quelques années plus tard, en fuite, à Sigmaringen, Céline demandera tout de même à Pierre Laval de le nommer gouverneur de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui lui sera accordé, mais en vain puisque la guerre, pour pareils collaborateurs, est alors tout à fait perdue. […]
Louis-Ferdinand Destouches s'embarque, deux jours après son arrivée, le 28 avril, sur un vapeur postal, Le Belle-Isle. Ce bateau est le lien le plus direct entre le Canada et les îles.
Montréal
Montréal est à la tête des eaux, devant les rapides qui empêchèrent les premiers Européens de poursuivre leur route plus à l'Ouest. C'est une île-ville qui fend le fleuve en deux, avec ses rues et ses ruelles, ses églises innombrables […]
Que diable vient faire cet homme sulfureux à Montréal? Le Dictionnaire Céline affime au moins qu'il est alors dans l'écriture de L'école des cadavres, son troisième pamphlet :
- Les Démocraties veulent la guerre. Les Démocraties auront la guerre finalement. Démocratie = masse aryenne domestiquée, rançonnée, vinaigrée, divisée, muflisée. Ahurie par les Juifs au saccage, hypnotisée, dépersonnalisée, dressée aux haines absurdes, fratricides. Affolée par la propagande youtre : Radio, Ciné, Presse, fripouillages électoraux, marxistes, socialistes.
Ville nouvelle pour lui? Non. Pas tout à fait. Au printemps de 1925, sous l'égide de la Société des Nations, il a visité la ville en compagnie d'une délégation venue étudier en Amérique les pratiques de la médecine sociale, des hôpitaux publics jusqu'au dispensaires les plus sommaires.
Il a 43 ans lorsqu'il débarque à Montréal en mai 1938. C'est un des écrivains français les plus connus. Il n'a semble-t-il annoncé sa visite à aucun média ni aucune autorité. L'annonce impromptue de sa présence dans la ville surprend tout le monde.
[...]
Dans une entrevue qu'il accorde à La Presse, Céline indique le motif de sa visite sans détour : »J'ai rencontré les chefs d'un parti fasciste à l'avenir duquel je m'intéresse. » En fait, l'unique raison du séjour de Céline à Montréal est l'activité fasciste locale. Il y consacre d'ailleurs vraisemblablement plus de temps qu'on a pu le croire.
Selon les journaux montréalais – La Presse, Le Devoir et Le Canada – le navire de Céline est en rade le 6 mai au soir. Mais Céline se trouve à Montréal au moins depuis le jeudi 5 mai puisqu'il est déjà auprès de fascistes locaux au petit matin de la nuit de jeudi à vendredi.
Dans Le Fasciste canadien, on apprend que Céline et le chef ontarien Joseph C. Farr sont, le soir du 5 mai, les invités d'honneur d'Arcand lors d'une assemblée générale. […] L'assemblée à laquelle assiste Céline se tient à la salle St-Thomas d'Aquin, dans le quartier ouvrier de Saint-Henri. C'est un quartier où les fascistes d'Arcand se sont bien implantés.
Ce soir du jeudi 5 mai 1938, plusieurs centaines de chefs de groupes se rapportèrent à cette réunion, qui se termina à une heure après minuit. On discute des modalités qui doivent conduire à la formation d'un nouveau parti politique susceptible de réaliser l'alliance de l'extrême-droite canadienne.
La photographie qui fait foi de tout
Avec son gros appareil à soufflet, le photographe F.E. Marsan illumine la salle d'un éclair de magnésium et immortalise le visage des fascistes réunis ce soir-là. Sur son cliché, presque tous les visages apparaissent très distinctement […] presque tout le monde porte l'uniforme bleu à croix gammée. Des 360 personnes que capte l'appareil du photographe 85% sont de sexe masculin. Ils occupent les premières places. Au fond de cette salle couverte d'oriflammes frappés de la croix gammée, on distribue de la propagande. On peut aussi y acheter du Coca-Cola, comme l'indique une affiche bien en vue.
Céline s'est assis à l'arrière, près des femmes […] on le distingue facilement, un peu en retrait, dès lors que l'on examine la photo avec l'aide d'une loupe. Céline fixe l'objectif. Sa tête est droite et volontaire. Il porte un complet pâle, une tenue de ville élégante qui, au milieu des uniformes à croix gammée, le singularise encore davantage.
Plusieurs discours sont prononcés.
Que dit-il? Ceci, selon le journal fasciste :
- "Quand on voit une pareille manifestation de discipline, d.esprit de corps, d'idéal hautement tendu et de patriotisme, on peut dire qu'il y a un bon espoir d'éviter au Canada ce qui s'est passé en Espagne."
- "Mais ne vous faites pas d'illusion : comme la France, toute l'Amérique du Nord est gravement saturée du mauvais levain et gravement menacée; vous ne serez jamais trop bien préparés, vous n'arriverez jamais trop vite; les mêmes forces qui ont déchiré et ensanglanté l'Espagne travaillent à un rythme redoublé sur ce continent et son apparemment plu avancées qu'elles ne l'étaient en Espagne il y a deux ans, Ce que j'ai vu de votre élite est comme en France : elle dort inconsciente, aveugle devant le danger imminent qui la menace.
Vous êtes le seul espoir, avec votre chef qui m'a tant impressionné et avec vos cadres puissants dont on ne pourrait trouver les équivalents en France en ce moment. Si vous faillisez à la tâche, votre pays est foutu. Mais, par ce que j'ai vu ce soir, il n'est pas possible que vous faillissiez. Vous avez tous les éléments voulus, vous avez l'esprit, le moral, la fibre, et surtout la clé indispensable : la compréhension claire et nette de la question juive, la question de base, la question centrale qui rayonne et influe sur toutes les autres. La réunion de ce soir est le seul souvenir valable que j'emporte d'Amérique."
Dans l'évocation de ses souvenirs publiés dans Aspects de la France en 1963, Victor Barbeau dit avoir appris la présence de Céline à Montréal par un beau dimanche, soir vraisemblablement le 1er mai.
- Je le trouvai, nous étions en mai 1938, à l'assemblée de chemises brunes, peut-être noires, taillées sur le modèle européen et dont l'existence, m'apprit-il, lui avait été signalée par un ami de New-York. Lui-même portait une chemise qui avait dû être blanche naguère. Le « cher maître » que je lui servis le fit s'esclaffer, et tout de suite nous fûmes dans les meilleurs termes.
Dans les environs du square Victoria dont parle Barbeau, on trouve cependant les bureaux du parti d'Arcand. Céline a pu participer là à une deuxième réunion de fascistes, ce qui est très vraisemblable […] Toujours est-il que c'est en compagnie du major Scott, du dentiste Noël Décarie et d'Adrien Arcand lui-même que Barbeau retrouve son écrivain. Ce n'est qu'avec beaucoup de peine que Barbeau réussit alors à arracher l'écrivain à cette réunion fasciste pour le traîner au repas mondain d'une société de gens de lettres.
- Il me fut toutefois impossible de vaincre sa phobie des discours en public. Non, pour quelque cachet que ce soit, il ne ferait pas de conférence, ni en smoking (il n'avait jamais eu de quoi s'en acheter un) ni en veston de ville. D'ailleurs, ce n'était pas une question de costume, c'était une incapacité totale à « faire le pitre » pour l'amusement des gens du monde. Un dîner d'écrivains? Oui, mais à condition qu'ils ne soient pas plus d'une dizaine et que tout se passe à la bonne franquette comme à un rendez-vous de cochers et de chauffeurs.
- Malgré la bonne chère et les bons vins, Céline ne désserra pas les dents. Assailli de questions, abasourdi par les caquets d'une femme de lettres dans le secret de toutes les fausses gloires de Paris, il toucha à peine aux plats. Je m'attendais au pire, mais l'ogre ne dévora personne. Il n'en avait pas moins déçu les invités lorsque je mis fin à son supplice et qu'à son corps défendant je l'amenai dans une maison amie boire le coup de l'étrier, le Night Cap du Ritz.
Les dieux m'aimèrent, ce soir-là, car nous n'en étions qu'à notre première libation que soudainement du soliveau qu'il avait été jusqu'à cette heure, Céline se mua en le plus disert et le plus pittoresque des compagnons. Pour le voir au naturel, il avait suffi de le voir dans l'intimité. Un mot par-ci, un mot par-là, et Céline enfourchait l'un après l'autre tous ses dadas, multipliant les anecdotes, donnant des noms, dressant des généalogies, fulminant, prophétisant jusqu'aux petites heures de la nuit. Encore que bien en-deça de ce que devait être la réalité, il entrevoyait jusqu'au sort qui lui était réservé.
Au moment où Barbeau prit congé de lui, le reconduisant à son hôtel, Céline parlait encore, mais il n'était plus question de Bagatelles pour un massacre. "Il y a de bien belles femmes à Montréal, me dit-il, Au fait, comment s'appelle cette magnifique rouquine qui n'a pas ouvert la bouche de la soirée?" A l'an prochain, me promit-il, tout souriant et allégé de sa faconde.
A-t-il alors vraiment le projet de revenir bien vite à Montréal? C'est fort possible. Selon François Gibault, un de ses biographes, Céline cherche vraiment par ce court voyage exploratoire à connaître le développement en Amérique française d'idées qui lui sont chères, tout en étant à la recherche d'un lieu éventuel pour s'installer loin d'une Europe qu'il croit sur le point de sombrer dans le vide. Il est obsédé par l'idée que l'Europe va basculer aux mains des Juifs et que la France va tomber. Le salut national lui apparaît impossible. Il cherche à fuir.
Au printemps 1938, Arcand écrit à son patron de L'Illustration nouvelle, Eugène Berthiaume, toujours installé à Paris, quelques mots au sujet de son ami Céline. On trouve cette lettre dans les papiers de la famille Berthiaume.
- J'ai un ami à Paris qui est venu passer deux jours avec nous, pour voir notre mouvement à l'oeuvre. C'est le docteur Destouches, qui écrit sous le nom de Céline (Bagatelles pour un massacre, etc.) Si vous le rencontrez, vous le trouverez très intéressant. Il parle comme il écrit : à coups de dynamite, mélinite, cordite et T.N.T. Il m'a surpris en disant qu'il ne voit pas l'ombre d'un commencement d'espoir pour la France.
Le Parti National Socialiste Chrétien, on l'a dit, est en relation avec plusieurs groupes fascistes à l'étranger.
On le connaît chez des nazis de Hambourg. Même Radio-Rome, à en croire Le Fasciste canadien, a consacré en mai 1936 une émission au PNSC d'Arcand. Un des pamphlets diffusés d'Arcand, La clé du mystère, a rapidement fait le tour du monde fasciste. En 1938, cette brochure violemment antisémite est très susceptible de s'être retrouvée à Paris entre les mains d'un homme tel que Céline. "Plus important travail du genre qui n,ait jamais été publié", dit Arcand, La clef du mystère est imprimé au début de l'été 1937 sous les auspices de la ligue féminine anticommuniste de Montréal. Un échange de lettres entre le médecin J.M. Lambert, secrétaire du PNSC, et H.M, Caiserman du Congrès juif le démontre.
Lambert, un antisémite furieux, veille d'ailleurs lui-même à coordonner la distribution de la brochure imprimée en format tabloïd. Il la vend par ballots de 500 unités au prix de dix cents pièce. On la publicise par des affiches à croix gammées placées à l'entrée des salles où se tiennent les réunions.
Dans un rapport, la Gendarmerie royale du Canada estime à 150 000 exemplaires le tirage de La clef du mystère. Le pamphlet circule toujours après la guerre et on l'identifie volontiers à Arcand, qui avoue finalement en avoir été l'auteur-compilateur. La clef du mystère reprend la thèse d'un complot international des Juifs telle que formulée dans les Protocoles des sages de Sion.
Dès 1937, La clef du mystère fait son apparition dans les mouvements antisémites de Paris. Elle est distribuée en France par le Centre de documenttation et de propagande d'Henri-Robert Petit et Henry Coston. Arcand connaît bien ce dernier depuis 1931. "Plus qu'un ami", dira-t-il de lui : "plutôt un frère de combat et de tribulation". Dans Le Fasciste canadien, Arcand a publié des collaborateurs de Coston dont Louis Tournayre, lequel collabore aussi en France au Réveil du peuple, l'organe du Front franc de l'architecte antisémite Jean Boissel. .
Arcand aidera même Coston dans certaines de ses recherches. Il prétendra l'avoir soutenu financièrement et éditorialement pour relancer La Libre parole, célèbre journal antisémite du XIXe siècle crée par Édouard Drumont, de nouveau publié à compter de 1935.
Dans l'immédiat avant-guerre, à Paris, le Centre de documentation et de propagande diffuse donc La clef du mystère. Ce centre est fréquenté notamment par Darquier de Pellepoix et Céline. L'éditeur de ce dernier place même ses pamphlets en dépôt dans ce Centre, comme l'indiquent ses listes de titres disponibles. Céline évoque d'ailleurs lui-même le grand intérêt du lieu pour un antisémite dans L'école des cadavres. Peut-être Céline a-t-il pu découvrir là les fulgurances antisémites du frère canadien.
Mais La clef du mystère circule également en Suisse, grâce aux soins de la princesse de Karadja, amie du nazi Julius Streicher et du major antisémite anglais Henry Hamilton Beamish, avec qui Arcand correspond et partage ses vues antisémites. On retrouve également La clef du mystère en Belgique, tout comme en Autriche, où le journal Alpenländer Rundschau, dans un article publié le 25 septembre 1937, en parle favorablement. Le pamphlet est traduit en allemand sous le titre Der Schlüssel des Geheimnisses. Il circule aussi bien sûr dans l'Allemagne nazie.
Après la guerre, Arcand tente de renouer contact avec Céline, tout comme avec d'autres collaborateurs de l'occupant nazi. Il compte beaucoup pour ce faire sur son libraire londonien habituel S.E. Fox qui tient boutique au 35 Langbourne. Ce libraire dit avoir obtenu des nouvelles de certains collaborateurs par Céline. Arcand lui-même lui demande des nouvelles de l'écrivain. C'est finalement par l'entremise d'un fasciste suédois, Borge Jensen, que le libraire espère le remettre sur la piste de Céline.
Dans l'après-guerre, Arcand achète chaque mois une quantité énorme de livres. Ses lectures inclinent toutes dans le même sens : antisémtisme, anticommunisme, penseurs de la droite extrême forment le gros de la nouvelle bibliothèque qu'il se constitue pour remplacer celle perdue durant la guerre. Il commande à son éditeur londonien les pamphlets de Céline, des ouvrages sur la Révolution française, des livres signés Disraéli, Les sélections sociales de Vacher de Lapouge ou L'idée russe de Nicholas Berdiaeff. Il commande aussi un peu partout divers livres et des brochures d'Inspiration religieuse.
Retour à la période d'avant-guerre
Le samedi 16 octobre 1937, Arcand passe toute la journée avec des fascistes américains en vue de préparer une grande assemblée qui doit avoir lieu à New-York.
Il est invité dans la métropole américaine par son bon ami Henry Hamilton Beamish, avec qui il prononce au moins deux autres discours aux États-Unis à cette occasion, dont un au chic Club Harvard. Beamish est un fasciste britannique qui voyage beaucoup. Il a déjà rendu viiste à Arcand à Montréal en novembre 1936 […] Beamish avait affirmé espérer beaucoup des Canadiens français « qui peuvent former bloc à cause de leur unité religieuse , raciale et linguistique » contre les forces du mal. Pendant ses dix jours passés au Canada français, Beamish avait participé à des assemblées à Montréal ainsi qu'à Québec, ce qui avait provoqué la protestation de groupes de gauche. Jusqu'à sa mort en 1948, Arcand et lui demeureront de très fidèles complices.
Un succès à New-York
Le grand rassemblement de New-York se tient le 30 octobre 1937. Il est organisé par le German-American Bund. Le parterre compte environ 10 000 personnes d'extraction américaine, allemande, italienne, russe, ukrainienne et espagnole. Arcand se retrouve au podium avec des ténors du fascisme en Amérique du Nord, dont les chefs hitlériens Fritz Kuhn, Rudolph Markman et James Wheeler-Hill, l'italo-fasciste John Finizio et William Dudley Pelley, un pasteur protestant devenu chef des Silver Shirts.
De part et d'autre de la tribune qui accueille à tour de rôle les orateurs, de jeunes fascistes se relaient au garde à vous, devant une forêt de drapeaux des quatre coins du monde. C'est la fanfare de la police de New-York qui produit la musique d'ambiance pour accueillir les invités. Arcand est accueilli au podium par une bruyante ovation et le salut fasciste de circonstance. Il est vêtu d'un complet sobre, à la différence de son ami Beamish qui porte, lui, pour l'occasion, le brassard à croix gammée.
Les gens réunis devant Arcand sont venus entendre des discours racistes, antisémites et ultra-patriotiques. Ils ne sont pas déçus. Arcand offre à son auditoire un concentré de ses propos anticommunistes et antisémites, dans un style parfaitement maîtrisé.
La rencontre de New-York a l'effet d'un viatique sur les activités d'Arcand. Déchaîné plus que jamais à son retour à Montréal […] En 1937, le PNSC entreprend donc son expansion en vue de devenir un véritable parti pancanadien. Arcand multiplie à vive allure les contacts avec les différents chefs de mouvements fascistes au Canada comme à l'étranger.
Le chef fait alliance avec deux groupes fascistes parmil les plus importants : la Canadian Union of Fascists de Joseph C. Farr de Toronto, et le Canadian Nationalist Party de William Whittaker, installé à Winipeg avec son journal, The Canadian Nationalist, feuille antisémite et anticommuniste, Ces deux groupes anglophones distribuent dès lors la version anglaise d'un programme commun négocié autour de l'acceptation d'Arcand comme chef national.