Dans la Genèse, c’est le même mot hébreu « néfesh » qui est utilisé pour les animaux et pour les humains.saperlipopette a écrit : ↑lun. 12 juin 2017, 20:18Mais je ne vois pas pourquoi on appelle l'être du nom d'âme. S'il est le nefesh hébraïque, c'est-à-dire l'être vivant, pourquoi traduire nefesh en "âme"?
Vous citez: "Gn 2,7 : Alors Yahvé Dieu modela l’homme (litt. : l’humain) avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie (litt. : un souffle de vie) et l’homme devint un être vivant (litt. : une âme vivante)"
Pourquoi traduire littéralement "nefesh" par âme vivante? être vivant convient mieux, puisque de toutes façons, pour la majorité des gens, âme ne signifie pas personne!
...
Mais il est pourtant évident qu'il s'agit du mot "être vivant" ou "corps animé" et non pas âme!
Le mot « âme » qui traduit le mot « néfesh » ne s’applique qu’à des êtres corporels qui ont une autonomie de déplacement.
Le mot « être » est beaucoup plus général et peut s’appliquer à n’importe quoi qui « est ». Il peut s’appliquer à Dieu comme aux créatures, aux choses inertes comme aux vivants biologiques, aux plantes attachées aux sols comme aux êtres qui peuvent se déplacer de manière autonome.
Il me semble qu’ici, il n’y a pas vraiment de difficultés, mais il y en a davantage lorsque vous écrivez que « pour la majorité des gens, âme ne signifie pas personne! ».
En effet, et cela doit nous rendre prudent dans l’usage d’un mot aussi chargé de sens.
Souvent, le mot âme est utilisé pour exprimer uniquement la réalité spirituelle d’un être humain. Et, c’est pourquoi l’âme et l’esprit sont souvent confondus sans distinction.
C’est d’autant plus facile que nous expérimentons tous le fait que le corps est mortel et que sa mort naturelle le désagrège. Alors, il reste l’âme et on ne sait que faire de la notion distincte d’esprit.
Mais, cette perception peut entraîner dans une approche dualiste trompeuse qui finit par réduire l’humain à son esprit et à mépriser le corps réduit à un accessoire temporaire à utiliser durant la vie terrestre.
Or, en réalité, nous avons été créés dans un corps et nous ne sommes pas davantage spirituels que corporels. Nous sommes créés par le produit unique d’un corps façonné par Dieu tout au long de l’évolution du monde à travers une longue chaîne de croisements généalogiques et d’un esprit insufflé par Dieu. Aussi corporels que spirituels, aussi spirituels que corporels.
Notre corps nous est essentiel malgré la mort naturelle qui peut nous en séparer et notre esprit donné par Dieu nous est tout aussi essentiel mais cet esprit qui vient de Dieu reste un don distinct qui vient de Dieu mais ne nous absorbe pas en Dieu. Moi, je ne peux pas davantage être réduit à l’esprit qui me constitue qu’au corps qui me constitue.
Mon âme ne pas être réduite à mon corps, mais elle ne peut pas davantage être réduite à mon esprit.
Mon corps, c’est moi. Mon esprit, c’est moi. Mon âme, c’est moi.
Toute tentative de dissocier mon âme de mon esprit serait vaine car le souffle de Dieu qui m’a façonné n’a pas formé une partie de moi mais il m’a formé tout entier.
Toute tentative de dissocier mon âme de mon corps serait tout aussi vaine, malgré le détachement de la mort naturelle, car le souffle de Dieu dans mon corps n’a pas fait de mon corps une partie de moi, mais mon corps m’a formé tout entier par le souffle de Dieu.
La notion d’âme exprime particulièrement bien cette double réalité spirituelle et corporelle de l’être humain, de la personne humaine.
Il est donc particulièrement juste de dire que l’âme c’est la personne.
Que penser alors de la piste du père Souchon que vous proposez ?
Le père Souchon y explique bien pourquoi le dualisme grec n’est pas chrétien. Nous ne sommes pas composé d’un corps « et » d’une âme. Non, « l’homme est « corps animé ». Il reprend une belle parole de Péguy qui indique que « le spirituel est lui-même charnel ».
Le père Souchon poursuit par ces paroles éclairantes : « Le mot hébreu néfesh (traduit le plus souvent par psychè en grec, par anima en latin et par "âme" en français) dit non pas une partie de l'homme, mais la personne entière. Le psalmiste exprime le désir de tout son être en disant : "Mon âme a soif de Dieu" (Psaume 42,3). ».
Donc, même s’il est exact d’écrire que « l’homme est « corps animé » », il ne me semble pas exact d’en déduire, comme vous l’écrivez, que « Le nefesh est traduit par l'auteur comme un corps animé, c'est-à-dire pas une âme ».
Il n’y a pas de contradiction ou d’opposition entre un « corps animé » et une « âme ». Bien au contraire, l’âme ne peut pas être dissociée du corps animé qui est le sien. Ce corps n’est pas une partie de l’âme ou de la personne : elle constitue cette personne en entier autant que l’esprit.
Ce qui est vrai, c’est que d’un point de vue scientifique et terrestre, il est possible de considérer le corps animé de manière distincte. Mais, le regard terrestre réducteur ne change rien à la double réalité spirituelle et terrestre de l’âme humaine.
Vous terminez vos deux messages par une question sur la différence dans l’hébreu biblique entre le neshama et le ruwa. Le neshama, c’est le souffle de vie que Dieu a insufflé pour créer spirituellement l’homme dans un corps dans le texte de base de Gn 2,7.
Le mot ruwa (ruwach) est utilisé beaucoup plus souvent dans la Bible et est souvent traduit par souffle ou esprit.
Je partage votre difficulté à distinguer ces mots proches. Leur origine met cependant l’accent sur une perspective différente : neshama est un mot qui vient du mot « nasham » qui n’est utilisé qu’une fois dans la Bible pour exprimer le halètement d’une femme qui accouche (Is 42, 14 : « Comme la femme qui enfante, je gémissais, je soupirais tout en haletant ») alors que le mot ruwach a comme premier sens celui de sentir (le souffle qui entre plutôt que le souffle qui sort).
C’est peut-être une clé de compréhension : le neshama semble mettre l’accent sur celui qui souffle alors que le ruwach met l’accent sur celui qui reçoit le souffle. Le neshama insufflé par Dieu est le ruwach de l’homme. Les deux mots peuvent être traduits par « esprit ».