L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Peccator » mar. 01 oct. 2013, 23:54

Je vous avais lu un peu trop vite, ou n'ai pas pris assez de temps pour réfléchir, ou les deux. J'ai donc réagi à chaud, et pas à bon escient.
Et je n'ai pas encore assez réfléchi à tout ça, il est donc probable que je finisse par comprendre les choses autrement. Mais en discuter avec vous m'aide à avancer dans ma réflexion.



Je me permet de reformuler votre hypothèse, pour être sûr que nous nous comprenons bien :
- l'univers a été créé, pourquoi pas, selon le scénario expliqué aujourd'hui par la science (cosmologie, évolution, tout ça)
- dans le cadre de cette création de l'univers, il y a sur terre une espèce animale un peu particulière : homo sapiens ; spéciale car elle aura un avenir hors du commun
- un jour dans l'histoire de la Terre, Dieu crée l'homme en donnant à deux représentants de cette espèce une âme humaine : un mâle conventionnellement appelé Adam, et une femelle, appelée Eve. Et ils ont une descendance, et leur descendance a elle-même descendance en se reproduisant avec d'autres homo sapiens de leur environnement.
- tous les êtres humains de la planète aujourd'hui, sans exception, (et depuis longtemps) sont des descendants d'Adam et Eve.


J'espère vous avoir bien compris.

De ce que je comprend de la génétique, c'est possible. Nous savons de manière quasi-certaine que tous les êtres humains ont un ancêtre masculin commun en lignée patrilinéaire pure (c'est à dire en remontant de père en père uniquement, lignage que l'on trace par le chromosome Y) et une ancêtre féminine commune en lignée matrilinéaire (remontée de mère en mère, lignage que l'ont trace par le capital génétique mitochondrial).

Ces deux ancêtres communs sont très loin dans notre histoire, et pas du tout à la même époque. Mais cela démontre que nous avons au moins un ascendant mâle commun et un ascendant féminin commun.

Il est statistiquement quasi-certain que si on ne se limite pas aux lignées patrilinéaires et matrilinéaires, mais que l'on remonte par les deux sexes, alors on pourrait trouver deux ancêtres communs, homme et femme, à une date considérablement plus récente. Mais nous n'avons pas de possibilité de les retrouver par la génétique, donc ce n'est qu'une certitude statistique.

Ceci ne démontre pas que l'hypothèse d'Adam et Eve premier homme et première femme historique soit réelle, mais qu'en tout cas elle est possible sur le plan scientifique.


Personnellement, j'aime bien quand foi et science ne se contredisent pas :)



Par contre, il faut être cohérent.
Xavi a écrit :
Peccator a écrit :vous, moi, tous les gens qui lisent ce forum sont des être nouveaux créés par Dieu dans le monde matériel bien concret dans lequel nous vivons. C'est là quelque chose de bien certain…
Il y a création nouvelle d'une âme immortelle pour chaque être humain, qui s'allie à la "généalogie biologique" pour que soit un nouvel être humain. Chacun de nous est créature de Dieu
Bien sûr, mais cela ne vient-il pas, pour chacun, par une transmission généalogique par nos parents ? Vous remontez jusqu’où dans l’histoire ? Jusqu’aux homo erectus, aux australopithèques, à leurs ancêtres aquatiques, végétaux ? Dans toute cette chaîne qui remonte dans le passé jusqu’au Big Bang, où et comment apparaît pour la première fois un tel être nouveau et quid de ses parents biologiques ?
Non, à moins que vous ne trouviez un texte du magistère qui dise que mon âme vient de mes parents, ou que mes parents ont participé à sa création, je persiste à penser que mon âme vient de Dieu, uniquement de Dieu, et que mes parents n'y sont pour rien. Je ne tiens pas mon âme d'une transmission généalogique (générationisme). Cette transmission se limite à la matérialité de mon corps biologique, et c'est déjà pas mal ;)

Pour autant que je sache, c'est là ce qu'enseigne le Magistère.


Par conséquent, je suis un Adam. Vous êtes un Adam. Dieu nous a doté chacun d'une âme toute neuve. Notre réalité dépasse le simple lien causal de l'acte procréateur de nos parents. Tout comme, dans votre modèle, c'est le cas pour Adam. Adam aurait simplement été le tout premier homme pour qui Il aurait fait cela.

Et du coup, je n'ai aucun moyen de savoir si Il a commencé par le faire pour un seul couple (monogénisme), ou s'Il a créé indépendamment 100000 être humains "pleinement humanisés" qui tous n'avaient que des ancêtres homo sapiens (polygénisme).

Le monogénisme dit que la première création d'hommes, dont les parents étaient des homo sapiens et non des "hommes complets", n'a eu lieu qu'une fois dans l'histoire, pour un seul homme et une seule femme : Adam et Eve.
Pour ce que j'en sais, et la distinction est subtile, le monogénisme n'est pas un dogme de la foi catholique, mais une doctrine que les fidèles sont tenus de suivre, car sinon on a des problèmes notamment avec le péché originel (qui ne serait pas forcément remis en cause, mais ça poserait quand même beaucoup de difficultés).

Sur le plan scientifique, le monogénisme n'est pas démontré, mais possible et même pour pas mal de chercheurs (mais il n'y a pas consensus sur la question), vraisemblable.

Donc je suis tout disposé à suivre le "conseil" de l'Eglise d'adhérer à cette doctrine.


Conclusion : je pense que jusqu'ici, nous sommes d'accord. Ou en tout cas, que nous pouvons nous entendre : je pense que nous n'avons pas (encore) de moyen de trancher entre monogénisme et polygénisme, mais je me range du côté du monogénisme.

Et si je choisis le monogénisme, c'est surtout à cause des implications sur beaucoup d'autres domaines, notamment l'histoire du salut. C'est le rasoir d'Occam : le polygénisme n'explique pas mieux la création de l'homme, mais complique l'explication de beaucoup d'autres choses. Le monogénisme est plus simple tout en étant aussi puissant.


Et du coup, je réponds ainsi moi-même à "l'énorme difficulté" que j'avais soulevé ;)


Je relis le passage d'Humani Generis que vous avez cité, et je constate que je suis finalement d'accord avec Pie XII. J'aime bien constater que je suis conforme au Magistère :D



vous avez glissé : le Christ n'a pas été créé. "Engendré, non pas créé, de même nature que le Père"
Bien sûr que le Christ est engendré non pas créé puisqu’il est Dieu de toute éternité. Mais, son incarnation est une « création » comme vient de l’écrire notre Saint Père Benoît XVI juste avant de quitter son ministère
Je n'ai pas lu le livre de Benoit XVI sur l'enfance de Jésus : j'aurais dû, car j'ai parcouru le fil dont vous donnez le lien, et effectivement c'est pour moi une petite bombe. Il va falloir que j'y réfléchisse, pour l'instant cela m'ouvre plus de questions que je n'ai de réponses.


Pour autant que je sache, rien ne permet de penser qu'Adam ait eu des dons préternaturels.
Mgr Léonard décrit bien les dons préternaturels d’Adam et Eve.

Le catéchisme nous rappelle que « toutes les dimensions de la vie de l’homme étaient confortées. Tant qu’il demeurait dans l’intimité divine, l’homme ne devait ni mourir, ni souffrir » (CEC 376). Il avait la « maîtrise » du monde (CEC 377)
Je n'ai pas le livre de Mgr Léonard (ce qui me gêne fort dans cette discussion), et je ne peux pas me l'offrir pour l'instant. Serait-ce abuser que de vous demander de citer ce que Mgr Léonard dit à ce sujet ? Et s'il explique d'où cela vient (est-ce son travail personnel, ou s'appuie-t-il sur des travaux d'autres théologiens) ?

Par contre, CEC377 explicite très clairement que la maîtrise du monde "se avant tout chez l'homme comme maîtrise de soi. L'homme était intact et ordonné dans tout son être".

Rien ici ne permet de conclure qu'Adam, avant son péché, aurait eu des pouvoirs préternaturels. Hormis bien sûr le fait de ne connaître ni mort, ni souffrance, ce que l'on peut considérer comme des pouvoirs préternaturels. Mais rien à voir avec le fait de déplacer les montagnes.




Au sujet des "pouvoirs" du Christ, comment considérez-vous Marie ? Rien n'indique qu'elle ait des pouvoirs autres que ceux de tout saint. Et pourtant, elle est bien conçue sans péché. En quoi Marie est-elle différente d'Eve ? Elle nous montre au contraire comment l'homme dénué du péché originel est immortel, puisque dans son assomption, elle atteint son plein accomplissement, corps et âme. Par sa virginité, elle montre qu'elle ne connait pas la souffrance. Il me semble que Marie est en tout point la nouvelle Eve.
Et il est évident qu'il y a une différence fondamentale entre Marie et son fils ;)



Par contre, l'homme pleinement homme, dénué du péché originel, ne veut rien d'autre que ce que veut Dieu. Son seul souci est de collaborer à la volonté divine, il n'a pas d'autre désir. Et donc, dans ce cadre, il "peut" déplacer des montagnes : s'il veut déplacer des montagnes, c'est que Dieu le veut, et à Dieu tout est possible. C'est pourquoi la foi peut déplacer les montagnes : avoir la foi, ce n'est pas asservir les pouvoirs de Dieu à sa volonté propre, c'est au contraire asservir sa volonté propre à celle de Dieu. "Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux".


Si c'est là pour vous la définition des pouvoirs préternaturels d'Adam, alors nous sommes d'accord. Mais ce n'est pas exactement ce à quoi je pense quand on me parle de pouvoirs préternaturels : dans l'histoire, l'homme n'a aucun pouvoir en propre.
Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux. Mc 14, 36

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » mer. 02 oct. 2013, 9:39

Merci pour votre magnifique message.

J'ai l'impression d'être bien compris et vos précisions me semblent pertinentes.

Les mots sont toujours trop faibles pour être complets.

Ma journée est trop chargée pour écrire plus longuement maintenant.

Bien à vous.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » mer. 02 oct. 2013, 18:30

Peccator a écrit : De ce que je comprend de la génétique, c'est possible. Nous savons de manière quasi-certaine que tous les êtres humains ont un ancêtre masculin commun en lignée patrilinéaire pure (c'est à dire en remontant de père en père uniquement, lignage que l'on trace par le chromosome Y) et une ancêtre féminine commune en lignée matrilinéaire (remontée de mère en mère, lignage que l'ont trace par le capital génétique mitochondrial).
C’est exact.

Ce sujet a été développé dans le sous-forum des savoirs, sciences et technos, dans un sujet intitulé : « Couple originel, déluge, homo sapiens et haplogroupes » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 84&t=10018
Peccator a écrit : à moins que vous ne trouviez un texte du magistère qui dise que mon âme vient de mes parents, ou que mes parents ont participé à sa création, je persiste à penser que mon âme vient de Dieu, uniquement de Dieu, et que mes parents n'y sont pour rien. Je ne tiens pas mon âme d'une transmission généalogique (générationisme). Cette transmission se limite à la matérialité de mon corps biologique, et c'est déjà pas mal.

Bien sûr, notre âme à chacun est créée directement par Dieu. Mais, cette création, comme celle de nos premiers parents créés à l’image de Dieu, vient « par » et « avec » une réalité corporelle transmise par nos parents.

Tous les descendants biologiques d’Adam et Eve sont des âmes immortelles. Tous les humains descendant biologiquement d’Adam et Eve ne procréent que des humains à l’image de Dieu. Et inversement, aucune créature terrestre non humaine ne procrée un humain avec une âme immortelle.

Depuis la création du premier couple originel d’humains créés à l’image de Dieu, il y a un lien exclusif et sans exception entre la reproduction biologique terrestre et la création d’une âme humaine immortelle.

On retrouve ici le danger du dualisme déjà évoqué. Le lien entre chaque âme et son corps requiert de nuancer la pensée que la transmission par les parents terrestres se « limite » au corps biologique, même s’il est vrai que l’âme est créée directement par Dieu. Vous pouvez ajouter qu’elle est créée « uniquement » par Dieu, mais alors il me semble qu’il faut préciser immédiatement que cette création se fait par l’intermédiaire, avec la collaboration, au moyen des parents géniteurs biologiques.

Mais, je pense qu’en fait, nous sommes ici bien d’accord et qu’en réalité notre réflexion ne fait qu’explorer les imprécisions du langage.
Peccator a écrit : Par conséquent, je suis un Adam. Vous êtes un Adam. Dieu nous a doté chacun d'une âme toute neuve. Notre réalité dépasse le simple lien causal de l'acte procréateur de nos parents. Tout comme, dans votre modèle, c'est le cas pour Adam. Adam aurait simplement été le tout premier homme pour qui Il aurait fait cela.
Cela me semble bien exact.
Peccator a écrit : Le monogénisme dit que la première création d'hommes, dont les parents étaient des homo sapiens et non des "hommes complets", n'a eu lieu qu'une fois dans l'histoire, pour un seul homme et une seule femme : Adam et Eve.
C’est bien cela. Avant Adam et Eve, il faudrait parler d’hominidés ou de préhumains pour être plus exacts du point de vue de la foi, mais la création d’âmes immortelles, d’êtres radicalement nouveaux par rapport à Dieu, est en dehors de tout ce que la science peut explorer.

Cette création d’êtres à l’image de Dieu peut passer totalement inaperçue pour la science moderne sans aucune contradiction avec l’évolution qu’elle décrit.

Mais, la question difficile demeure : cela ne vient-il pas, pour chacun, « par » une transmission généalogique par nos parents ? Vous remontez jusqu’où dans l’histoire ? Jusqu’aux homo erectus, aux australopithèques, à leurs ancêtres aquatiques, végétaux ? Dans toute cette chaîne qui remonte dans le passé jusqu’au Big Bang, où et comment apparaît pour la première fois un tel être nouveau et quid de ses parents biologiques ?
Peccator a écrit :Je n'ai pas le livre de Mgr Léonard (ce qui me gêne fort dans cette discussion), et je ne peux pas me l'offrir pour l'instant. Serait-ce abuser que de vous demander de citer ce que Mgr Léonard dit à ce sujet ? Et s'il explique d'où cela vient (est-ce son travail personnel, ou s'appuie-t-il sur des travaux d'autres théologiens) ?
Vous parlez ici des dons préternaturels. J’ai cité dans mon premier message ce que Mgr Léonard en écrit. Il n’est pas davantage précis. Mais, ce que vous précisez me paraît suffisant : pour être vainqueur de la mort et de la souffrance dans une nature où les feuilles tombes et où les êtres animés ne subsistent qu’un temps, il faut un rapport à la nature qu’il nous est difficile d’imaginer, sauf en regardant le Christ.

Vous dites avec justesse que « , l'homme pleinement homme, dénué du péché originel, ne veut rien d'autre que ce que veut Dieu » et c’est bien dans cette harmonie, et uniquement dans cette harmonie en communion avec son créateur, qu’il peut déplacer des montagnes. C’est aussi avec justesse que vous constatez que « dans l'histoire, l'homme n'a aucun pouvoir en propre » ce qui rejoint les paroles du Christ : « Hors de moi, vous ne pouvez rien faire ».
Peccator a écrit : Au sujet des "pouvoirs" du Christ, comment considérez-vous Marie ? Rien n'indique qu'elle ait des pouvoirs autres que ceux de tout saint. Et pourtant, elle est bien conçue sans péché. En quoi Marie est-elle différente d'Eve ? Elle nous montre au contraire comment l'homme dénué du péché originel est immortel, puisque dans son assomption, elle atteint son plein accomplissement, corps et âme. Par sa virginité, elle montre qu'elle ne connait pas la souffrance. Il me semble que Marie est en tout point la nouvelle Eve.
Le sujet de l’assomption de Marie par rapport à la création a été évoqué dans le sous-forum de l’Ecriture Sainte, dans le sujet : « L’assomption : une lumière pour comprendre la Genèse » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... =91&t=9545

Mais, ne nous éloignons pas du sujet.

Provenons-nous, comme le pense Mgr Léonard, d’une source naturelle corrompue depuis le Big Bang par un péché originel hors de l’histoire du monde présent ?

Y aurait-il désormais un doute sur le monogénisme au début de notre humanité dans l’histoire concrète ? un vide dans la foi de l’Eglise qui viendrait toucher ce que nous sommes dans le monde présent ?

Peu importe quand, où et comment des êtres ayant une âme immortelle sont arrivés dans l’histoire ?

Il me semble qu’il y a un sérieux problème dont Mgr Léonard est conscient.

En août 2010, il a réédité son livre « Les Raisons de croire » qu’il a présenté comme un livre d’apologétique.

Dans sa nouvelle introduction, il semble indiquer qu’il s’est préparé aux coups de crosse, en citant Pierre Chaunu : « De l’intérieur des Eglises, écrivait-il vous serez admonesté par ceux dont c’est la tâche. Attendez pour le moins leurs mises en garde. Elle viseront à vous décourager d’abord ; à vous discréditer si vous passez outre. Vous avez été prévenu. » (p. 8) et il évoque même les « chrétiens poursuivis par les autorités religieuses », mais il ajoute néanmoins : « Malgré cet avertissement … je me jette à l’eau, avec conviction, et j’ose… » (p. 9).

Peut-être gardera-t-il le mérite d’avoir provoqué un approfondissement de la théologie de la création, mais, avec tout le respect et l'affection qu'il mérite, il me semble qu’il faut le contredire en espérant qu’il entendra les admonestations de « ceux dont c’est la charge », ce qui, dans le chef d’un archevêque, ne semble pouvoir provenir que de Rome.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Pneumatis » mer. 02 oct. 2013, 22:20

Bonsoir,

Juste un court message, sans refaire le débat, pour dire que je lisais récemment (il faudrait que je retrouve où, par contre) cette précision d'un spécialiste sur Humani Generis, disant justement que Pie XII avait été très prudent dans sa formulation, et laissé toute la place au développement de la connaissance dans ce domaine : "En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder"... on ne voit pas comment, mais ça n'exclut pas du tout qu'un jour on voit comment. On voit ici qu'on n'a pas une formulation positive et encore moins définitive, mais quelque chose qui laisse la porte ouverte.

J'ajoute que parler, avec le passage du C.E.C. que Xavi a cité, d'un Adam par qui commence l'histoire de l'humanité pose tout le problème de l'ambiguïté du mot "histoire"... dans la mesure où ce catéchisme nous arrive à une époque où on distingue histoire et préhistoire, et où c'est l'invention de l'écriture qui marque pour nous l'articulation des deux. Oui, le problème c'est que la foi utilise un langage, et qu'elle prend donc ici le risque du langage de la science, alors s'il faut en respecter la rigueur, nous devons la respecter jusqu'au bout... en interprétant littéralement ce passage du C.E.C. cité par Xavi, il faudrait donc admettre un Adam historique, c'est-à-dire en fait un Adam contemporain de l'invention de l'écriture, c'est-à-dire (hé hé, c'est là que c'est drôle) un Adam créé à peu près au moment où les généalogies bibliques le font naître, quelques 3000 ou 4000 ans avant notre ère.

Bon sinon, de mon côté, plus je travaille sur le récit de la Genèse, plus je me rends compte à quel point ce qui est au centre du récit, c'est la question du temps, du commencement du temps... et de sa sortie. Et ma foi, il est bien vrai que ces récits du début de la Torah n'ont pas prétention à faire de l'histoire ni de l'archéologie - du moins pas au sens où nous le concevons aujourd'hui. Mais bon, je ne veux pas refaire le débat, je suis désolé, ce n'est pas que ce n'est pas passionnant, mais je manque cruellement de temps... justement.
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Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Peccator » mer. 02 oct. 2013, 22:54

Avertissement au lecteur : le message ci-dessous présente ma lecture personnelle de la Genèse, ma compréhension du péché originel et de ses conséquence notamment sur ce qui concerne la vie et la mort. Je n'ai pas encore pris le temps de vérifier qu'il est en accord total avec le Magistère de l'Eglise, mais les premières vérifications que j'ai faites me laissent penser que c'est le cas.
Toujours est-il qu'il n'est pas à lire comme étant l'enseignement de l'Eglise, mais uniquement comme l'état des réflexions d'un simple fidèle, qui n'est même pas théologien.

Il est tout à fait possible que je sois dans l'erreur, j'en serais peiné, mais pas surpris.
-------------
Cher Xavi,

J'ai repris les passages que vous avez cité du livre de Mgr Léonard. Et je constate que nous ne lisons pas du tout la Genèse de la même manière, et que la lecture qu'il en fait ne correspond pas à ce que je comprend de l'enseignement de l'Eglise.

Certes, il est évêque et je ne suis rien, et je ne conteste pas ses compétences de théologien, mais je m'interroge quand même avant d'accepter de le suivre.


Mgr Léonard a écrit :Si donc nous voulons maintenir l’affirmation chrétienne de l’intégrité originelle de l’homme et de l’univers tout en prenant acte du caractère naturel du mal dans le monde présent, il nous faut logiquement conclure que c’est l’ensemble du monde présent, avec ses lois inexorables, qui n’est pas naturel … La création telle qu’elle est sortie des mains de Dieu était intègre … la corruption du monde présent s’est inscrite jusque dans les lois de la nature … la contagion du péché, porteuse de mort, s’est installée jusqu’au cœur de la nature, jusque dans les lois de fonctionnement, qui acheminent désormais tout être vivant vers sa mort…
Cette question présuppose (peut-être est-ce établi précédemment dans l'ouvrage) que la mort n'est pas "naturelle", et que ce n'est pas uniquement l'homme, mais toute la nature qui a été corrompue et est devenue mortelle. Que sans le péché, rien dans l'univers ne serait mortel.

Il me semble que cela est à établir fermement si on veut s'appuyer dessus pour construire un raisonnement.


Que nous dit la Genèse ?

Très concrètement, elle ne nous apprend rien de la mortalité ou de l'immortalité des créatures.

Il n'est pas écrit que l'homme a été créé immortel. Ce qui est écrit, c'est que Dieu l'a placé au jardin d'Eden, et qu'au milieu de ce jardin, il a placé l'arbre de vie. Il est donc tout à fait légitime de penser que c'est en mangeant du fruit de cet arbre que l'homme accède à la vie éternelle. C'est d'ailleurs bien ce qui est écrit en Gn 3, 22 ("s'il en mangeait les fruits, il vivrait indéfiniment").

Le verset 19, où il est écrit que "fais de poussière, tu retourneras à la poussière" ne dit pas que l'homme devient mortel alors qu'il ne l'était pas. Il constate que l'homme est poussière, et donc logiquement s'il ne peut plus manger des fruits de l'arbre de vie, il doit retourner à la poussière.




Mais alors, comment, par Jésus Christ, l'homme peut-il à nouveau devenir immortel ? L'apocalypse nous donne la réponse, dialoguant précisément avec la Genèse :

Ap 2, 7 : "A ceux qui auront remporté la victoire, je donnerai à manger les fruits de l'arbre de la vie qui se trouvent dans le jardin de Dieu"

Ap 22, 14 : "Heureux ceux qui lavent leur vêtements et qui ont ainsi le droit de manger les fruits de l'arbre de la vie et d'entrer par les portes de la ville"



Qu'est-ce donc que cet arbre de vie, qui par ses fruits nous permet d'être immortel ? C'est grâce à St Augustin que j'ai trouvé la réponse, au livre des Proverbes :

Prov 3, 18 : "la sagesse est un arbre de vie".

Développons cela... Nous chrétiens croyons que la Croix est l'arbre de vie. C'est par le sacrifice de la Croix que Jésus rachète le péché. Quel est le "fruit" de l'arbre de vie, si ce n'est Jésus, qui pend à ses branches ? Jésus qui nous donne son corps en nourriture pour que nous ayons la vie éternelle ?

On voit bien qu'en Eden, l'homme n'est pas immortel par nature, mais parce qu'il est en communion avec Dieu, que la Sagesse est au centre de son monde, qu'il peut manger librement du fruit qui donne la vie. Autrement dit, il n'est pas immortel en lui-même, mais il tire son immortalité de sa relation à Dieu.

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La thèse de Mgr Leonard semble accréditer l'idée que la nature a été voulue bonne par Dieu, mais qu'elle aurait été corrompue puisque sujette à la mort. Que nous dit la Genèse ? Que Dieu crée la nature, la regarde et voit qu'elle est bonne.

Au chapitre 2, il est écrit que le jardin d'Eden est créé au milieu d'une terre vide : il n'y avait encore aucun buisson sur la terre, et aucune herbe n'avait encore germé. Il n'y avait pas d'êtres humains pour cultiver le sol.

Dieu crée l'Eden et y place l'homme pour le cultiver et le garder. Il confie donc à l'homme le soin d'entretenir Sa création. Mais soyons logique, si le jardin a besoin du jardinier, c'est bien parce que ce qui y pousse est périssable !

Tout porte donc à croire que Dieu a voulu la nature telle que nous la connaissons : périssable, et que c'est ainsi qu'elle est bonne. Seul l'homme, parce qu'au jardin d'Eden il peut manger des fruits de l'arbre de vie, peut accéder à l'immortalité. Autrement dit, l'homme n'est immortel que tant qu'il se nourrit de la Sagesse, qu'il vit de la vie que Dieu lui donne.

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Qu'est-ce alors que le péché originel ? C'est tout simplement l'homme qui cesse de mettre Dieu au centre de son monde : Eve se trompe, elle confond l'arbre défendu et celui qui est au centre du jardin... Le péché originel, c'est l'homme qui se détourne de Dieu et veut exister de manière autonome.

Mgr Léonard cherche à "maintenir l’affirmation chrétienne de l’intégrité originelle de l’homme et de l’univers tout en prenant acte du caractère naturel du mal dans le monde présent".

Ce n'est pas ce que l'on peut lire dans la Genèse : au contraire, il me semble clairement établi que ce qui préserve l'homme de la mort, et ce dès le départ, c'est de vivre en relation à Dieu, de se nourrir des fruits de l'arbre de vie. Et que quand Jésus nous donne son corps en vraie nourriture, il ne fait que ramener les choses à ce qu'elles étaient dans le jardin d'Eden. Oui, Dieu pardonne le péché : par son sacrifice pour notre rédemption, Il nous ouvre les portes du jardin et nous permet de manger à nouveau des fruits de l'arbre de vie.

Il me semble au contraire dangereux au plus haut point de croire que la vie "naturelle" aurait pu être immortelle indépendamment de Dieu.

Au contraire, c'est le plan de Dieu que de donner à l'homme d'être immortel, non parce que ce serait son "intégrité originelle", mais parce que dès l'origine Dieu lui donne la grâce de l'être, et que l'homme uni à Dieu (ce qu'il peut être puisque Dieu l'a doté d'une âme à cette fin) ne cesse de recevoir cette grâce.

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Mgr Léonard a écrit :Certains lecteurs préféreront s’en tenir à la représentation courante selon laquelle Adam et Ève désignent les premiers hommes issus de l’évolution biologique à l’intérieur du monde actuel et de notre histoire présente … en ce qui concerne l’origine (la protologie), ils jugeront nécessaire de situer le Premier Adam dans le temps de l’évolution et de placer le paradis terrestre dans un coin déterminé de la planète. Si on le juge indispensable, on peut s’en tenir à cette vision des choses (p. 221)
A ce stade de réflexion, il me semble effectivement nécessaire de s'en tenir à cette vision des choses.
Parce que, comme je l'ai dit, concevoir que l'immortalité serait l'état "naturel" de la vie, avant qu'elle ne soit corrompue, pose de sérieux problèmes :

- elle suppose que la vie "intègre" serait immortelle par elle-même, sans avoir besoin de se nourrir des fruits de l'arbre de vie, donc sans avoir besoin de Dieu pour être immortelle.

- elle contredit la Genèse (Gn 3, 22), qui montre que l'homme c'est en mangeant ces fruits que l'homme est immortel.

- elle suppose que le péché originel ne frapperait pas que l'homme et sa descendance, mais tout l'univers. A moins de considérer que toute vie dans l'univers soit en fait une descendance de l'Adam de la Genèse, ce qui entraîne que toute vie est sauvée par le Christ, les homo sapiens au même titre que les bactéries...

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L'interprétation que j'expose ici de la Genèse n'est pas sortie toute seule de ma cervelle. Elle est basée sur les notes de la Bible Expliquée, notes rédigées sous la direction de Mgr Thomas, évèque émérite de Versailles, et sur l'enseignement oral que j'ai reçu de plusieurs prêtres.

Cette interprétation propose donc que l'homme, comme le reste de la création, soit mortel dès le départ, que c'est son lien particulier à Dieu qui lui donne la vie, et qu'en coupant ce lien il reste mortel.
Elle n'est pas sans poser de difficultés, qu'il ne faut pas négliger.

Par exemple, Sagesse 3, 21 et sq.
"Voilà comment raisonnent ces gens-là; mais ils se trompent, car leur méchanceté les aveugle. Ils ignorent les intentions secrètes de Dieu; ils n'ont jamais espéré en une récompense accordée à qui mène une vie sainte et ils ne croient pas à l'honneur réservé au êtres irréprochables. Or Dieu a créé les humains en les destinant à une vie immortelle, il les a fait à l'image de ce qu'il est lui-même. C'est à cause de la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde et les partisans du diable doivent la subir".


Le magistère de l'Eglise s'appuie sur ce passage pour interpréter la chute et la Bonne nouvelle :
CEC 313 a écrit :Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24)
On a facilement tendance à comprendre ces lignes comme signifiant que l'homme était immortel et, par la chute, est tombé sous l'empire de la mort.

Mais il me semble que c'est là faire dire au CEC ce qu'il ne dit pas.
Le livre de la Sagesse nous dit non pas que Dieu a créé l'homme immortel, mais qu'il l'a destiné à l'immortalité. Et en effet, il lui a donné l'arbre de vie. Et c'est par le péché originel que l'homme ne peut plus manger de l'arbre de vie, et qu'il reste donc mortel.

On constate d'ailleurs que le diable, ange déchu qui lui aussi (et le premier) s'est détourné de Dieu, mais n'en conserve pas moins sa nature d'ange : il est lui aussi "pécheur dès l'origine" (1 Jn 3, 8), mais pourtant il reste immortel.



J'ai une petite difficulté avec le CEC un peu plus loin :
CEC 400 a écrit :Enfin, la conséquence explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2, 17) se réalisera : l’homme " retournera à la poussière de laquelle il est formé " (Gn 3, 19). La mort fait son entrée dans l’histoire de l’humanité (cf. Rm 5, 12).
Il faudrait que j'aille lire ce qui est écrit en latin au CEC, mais il me semble que la phrase que j'ai soulignée est une interprétation discutable de Rm 5, 12.

Voici ce que dit St Paul (traduction Bible de la liturgie) :
Par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché.
St Paul n'écrit pas "Par Adam, la mort est entrée dans le monde". La genèse montre bien comment Adam (et Eve...) ont péché, et comment le péché leur a fait perdre la vie éternelle, comment "par le péché est venue la mort". Effectivement, par Adam, la mort est passée en tous les hommes en ce sens que les hommes ne peuvent plus manger des fruits de l'arbre de vie.

Mais St Paul ne parle que des hommes ! Il ne dit pas qu'Adam a condamné à mort toute la création, alors qu'elle aurait dû être immortelle...


Au contraire, vouloir la création immortelle, ce serait vouloir que toute créature ait une âme qui lui permet d'être en relation avec Dieu....

-----
Abordons la question des "dons préternaturels".
Mgr Léonard a écrit :dans cette perspective, Adam et Eve naissent fragiles et mortels comme tout être vivant à l’intérieur de ce monde, et cela en dépit de l’infusion en eux de l’âme immortelle créée immédiatement par Dieu. Il faut alors se représenter que Dieu les dote par miracle des dons préternaturels d’immortalité, de science et d’intégrité et les entoure d’un paradis terrestre artificiel échappant aux lois de la nature (p. 221)
Effectivement, dans la lecture que je fais de la Genèse, Adam et Eve naissent mortels, comme tout être vivant. Mais ils n'ont à aucun moment les dons préternaturels d'immortalité, de science et d'intégrité ! Je ne sais pas où le Magistère enseigne qu'Adam et Eve auraient eu de tels dons.

L'immortalité et l'intégrité, ils les ont par la grâce qu'est le fruit de l'arbre de vie.
Quant à la science, il semble bien qu'ils en soient dépourvus, puisqu'ils l'acquièrent en mangeant le fruit de la connaissance du bien et du mal.

Décidément, je ne comprend pas la manière dont Mgr Léonard lit la Genèse.




Bref, lisant la Genèse, je constate que tout le plan de Dieu pour l'homme y est déjà présenté. Dieu crée le monde. Il crée l'homme à son image et à sa ressemblance, lui confie la charge d'être le jardinier de la création, et le prédestine à vivre en union avec Lui, en mettant à sa disposition les fruits de l'arbre de vie.
Malheureusement, l'homme choisit de se détourner de Dieu, voulant non pas dépendre de Sa grâce, mais se hisser à Son niveau en mangeant du fruit défendu ("Vous serez comme lui"). Et ce faisant, il coupe sa relation à Dieu, relation qui lui donne la vie éternelle, et donc tombe sous l'empire de la mort.
Mais Dieu n'abandonne pas l'homme au pouvoir de la mort : il annonce qu'il y aura une nouvelle Eve qui sera sans péché (elle foulera le serpent du talon), et par la Croix, il nous donne un nouvel arbre de Vie, par lequel nous pouvons à nouveau être sauvés de la mort.



On le voit, cette lecture ne place pas le péché originel avant la création de l'univers. Il a bel et bien lieu après la création, alors que l'univers existe déjà. C'est parfaitement compatible avec l'hypothèse que la création de l'homme intervienne à un moment de l'histoire de l'espèce homo sapiens, et tout ce qui a été exposé dans les messages précédents.



--------
Bon, je ne nie pas que j'ai un problème de taille avec le début du livre de la Sagesse (chapitre 1) :
04 Car la Sagesse ne peut pas entrerdans une âme qui médite le mal,ni habiter dans un corps asservi au péché.
Jusque là, ça me convient bien ;) : si l'homme est pécheur, la sagesse (qui est arbre de vie) ne peut entrer en lui, donc il n'a pas accès à l'immortalité.

C'est un peu plus bas que j'ai du mal :
13 Dieu n'a pas fait la mort,il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
14 Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent ;ce qui naît dans le monde est bienfaisant,et l'on n'y trouve pas le poison qui fait mourir.La puissance de la mort ne règne pas sur la terre,
15 car la justice est immortelle.
Les notes de la Bible Expliquée me guident un peu : la mort donc il est ici question ne serait pas la mort physique, mais la mort spirituelle. Quand le rédacteur du livre de la Sagesse parle des êtres vivants, il parle non pas de toutes les créatures que l'on voit sur terre, mais des êtres qui vivent de la vraie vie, celle qui est nourrie à l'arbre de vie. Il ne s'agit donc pas des êtres "biologiquement vivants", mais des êtres vivant de la vie de Dieu, et là effectivement Dieu ne se réjouit pas de les voir mourir, c'est à dire se détourner de Dieu.







Bon, j'ai encore un peu de travail pour regrouper tout ça de manière plus claire et synthétique, mais les idées sont là, et décidément cher Xavi je m'accorde beaucoup plus à votre hypothèse qu'à ce que je perçois (à travers des courtes citations) de la théologie de Mgr Léonard.
Par acquis de conscience, je viens de relire rapidement les sections du CEC ayant trait à la chute et à la mort, et je n'ai rien trouvé qui me contredise : je pense donc respecter le Magistère de l'Eglise (le contraire m'aurait peiné, puisque toute ma réflexion est partie des notes rédigées sous la direction de Mgr Thomas, notes qui ont l'imprimatur de la Conférence des évêques du Canada et qui, je le sais, ont été travaillées et relues avec attention, c'est un travail qui a été très long)


Je vais voir ce que je trouve d'autre comme textes du Magistère sur la mort et le péché originel, pour m'assurer que je n'erre pas avec mon hypothèse que le péché ramène l'homme sous l'empire de la mort (alors que Dieu veut l'en soustraire, et ce dès l'origine de l'homme), mais que la mort fait partie de la création, même s'il nous est difficile de l'admettre.
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Peccator » mer. 02 oct. 2013, 23:01

Je relis le fil, et je découvre grâce à Laurent L. que je ne fais que redire très longuement ce que Thomas d'Aquin résumait en moins de 6 lignes :
Le paradis était le lieu convenable à l'habitation de l'homme en raison de l'incorruption de l'état primitif. Or cette incorruption n'appartenait pas à l'homme selon sa nature, mais en vertu d'un don surnaturel de Dieu. Donc, pour que cela fût imputé à la grâce de Dieu et non à la nature humaine, Dieu créa l'homme en dehors du paradis et le plaça ensuite dans le paradis pour qu'il y habitât pendant tout le temps de sa vie animale, pour être transféré après cela au ciel, lorsqu'il aurait obtenu la vie spirituelles.
Bref, le monde n'a pas été créé incorruptible, l'homme non plus, c'est Dieu qui par sa grâce nous donne la vie éternelle. C'était ainsi à l'origine, c'est ainsi depuis que Jésus est mort et ressuscité pour le pardon du péché.
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » jeu. 03 oct. 2013, 17:44

Mille mercis Peccator !

Le drame de Mgr Léonard, c’est de ne pas admettre cette intervention divine extraordinaire qu’a été l’action de Dieu par laquelle il a pris du terrestre, du corporel, du matériel, [qu’Il avait préalablement créé avec ses règles bonnes (y compris des feuilles qui tombent et sont remplacées par d’autres, des êtres animés qui apparaissent avec une vie animale temporaire puis disparaissent…)], pour le placer DANS « son » Eden !

L’expression « paradis terrestre » est trompeuse si nous imaginons un paradis de nature matérielle tel que notre cerveau terrestre peut l’imaginer.

L’Eden, c’est la « réalité » de Dieu. On est dans le « monde », le « réel », le « spirituel » de Dieu. Les mots manquent…

Le jardin d’Eden, ce n’est pas l’Eden (la réalité spirituelle de Dieu qui est au delà de notre cerveau et de notre sensibilité terrestres) qui devient matériel, c’est, au contraire, du terrestre, du créé, qui est « placé dans » la réalité de Dieu.

Et cela, ça nous dépasse.

Il n’est possible d’en parler qu’en images, et encore…

Le jardin d’Eden, c’est un jardin, un endroit clos et limité, dans l’Eden de Dieu. Le couple originel était et restait certes dans la réalité terrestre, mais il s’est, en même temps et au même endroit (du point de vue terrestre), retrouvé placé dans la réalité spirituelle de Dieu.

Bien sûr qu’il ne faut pas espérer trouver une trace terrestre du jardin placé dans l’Eden de Dieu. Sur ce point, on peut être pleinement d’accord avec Mgr Léonard. Même du temps d’Adam et Eve, la réalité terrestre placée dans la réalité spirituelle de l’Eden était et restait une réalité terrestre, mais cette mise ensemble du terrestre et du spirituel dans l’Eden de Dieu est une réalité magnifique. Elle permettait un développement du monde par l’homme en harmonie avec Dieu que nous ne pouvons pas imaginer.

Nous avons certes les miracles et surtout les apparitions du Christ ressuscité qui nous entrouvrent un coin du voile.

Le baptême de Jésus lors duquel l’Esprit est descendu sur Lui me semble apporter beaucoup de lumière sur cette mise du premier Adam dans le jardin d’Eden. Cela a été développé dans un sujet difficile de ce sous-forum de théologie : « Jésus aurait découvert peu à peu sa divinité » (message du 20 janvier 2013) :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 04#p244604

Le réel ne se limite pas à ce que notre cerveau et notre sensibilité neurologique nous permettent de saisir dans le temps et l’espace. Même l’athée le plus convaincu ne peut prétendre savoir ce qui est au delà de ce que son cerveau et sa sensibilité terrestres lui permettent de percevoir.

Nous croyons qu’il y a de l’être au delà de ce que nous pouvons percevoir par nos moyens terrestres. Nous sommes aussi fait d’un souffle spirituel qui nous fait participer à cet au delà. Par la conscience et l’intuition, par la prière, la contemplation, les sacrements, et bien d’autres voies, nous pouvons percevoir un peu, dans notre réalité terrestre, qu’il y a une vie, une réalité spirituelle, au delà des réalités matérielles ou immatérielles que notre cerveau nous permet de percevoir.

Affirmer qu’au delà de nos perceptions, c’est le néant, c’est audacieux pour un cerveau qui sait très bien qu’il ne connaît et ne peut connaître que ce qu’il peut percevoir dans les limites naturelles qui sont les siennes.

L’humain a été créé à l’image de Dieu, capable de partager la vie de Dieu, en étant fait de matière ET d’esprit.

Peut-être pouvons-nous y chercher un début d’explication de l’étrange opinion originale de Mgr Léonard.

En effet, dans l’introduction de la réédition de 2010 de son livre « Les Raisons de croire », lorsque Mgr Léonard évoque l’homme dans sa totalité, il ne cite que des caractéristiques terrestres de notre système cérébral et neurologique, des caractéristiques produites par ces éléments de notre corps matériel.

Il écrit que « La foi … doit … toucher … l’homme lui-même, l’homme total – raison, volonté et affectivité réunies » (p. 9), sans évoquer ce que l’humain a et est, en plus que toutes ces aptitudes qui concernent notre réalité corporelle, au delà de ses possibilités cérébrales et neurologiques, sans évoquer que le réel ne se limite pas à tout ce que notre cerveau et notre sensibilité terrestre nous permettent de percevoir.

Si Mgr Léonard omet, dans une définition de l’homme total, de parler de l’esprit qui peut nous relier à Dieu, je peux comprendre qu’il ne perçoit pas la nécessité de la création spirituelle du premier couple humain à l’image de Dieu dans l’Histoire concrète.

En effet, ce qui convainc de la réalité d’une création dans l’histoire, c’est, d’abord, le fait qu’il est assez manifeste que les capacités cérébrales et neurologiques, qui se sont développées tout au long de l’évolution de nos ancêtres biologiques, n’ont jamais produit une âme immortelle, ni un esprit capable de produire dans un corps une âme humaine à l’image de Dieu.

Pour la création spirituelle d’une âme immortelle, il fallait, dans l’histoire, une action spirituelle extraordinaire qui, à un moment, mette une créature corporelle limitée dans l’Eden de Dieu, dans la réalité spirituelle de Dieu. Il fallait qu’elle puisse accéder, par une création spirituelle, à un être nouveau lui permettant de partager la vie et l’amour de Dieu.

Dieu a mis une créature terrestre dans son Eden. C’est le fait historique le plus important de toute l’histoire du monde concret depuis le Big Bang, avant l'incarnation de Dieu Lui-même.

Le péché originel nous a fait perdre l’accès à cet Eden, mais, même en dehors du jardin d’Eden, nous restons des âmes immortelles formées par un esprit ET un corps. Pas des anges uniquement spirituels. Nous restons une création absolument nouvelle unissant un souffle spirituel donné par Dieu à un corps. Un vrai. Pas un corps hors du temps et de l’espace comme le considère Mgr Léonard qui, par cette approche fait du « corps » une réalité abstraite et, en réalité, spirituelle.

Comment ne pas s’inquiéter du mépris profond pour le corps concret de l’humain d’aujourd’hui, s’il n’est qu’un produit spirituel déchu, dans une créature déchue ?

Non, Dieu a glorifié la nature créée et le corps des humains en choisissant de créer un être nouveau capable de partager sa vie et son amour ayant non seulement un esprit comme les anges mais un corps.

Il l’a glorifié davantage encore en sa faisant Lui-même homme.

L’incarnation de Dieu Lui-même dans un corps semblable à celui de l’homme créé nous en montre toute la valeur et la réalité.

Dieu a créé un être nouveau dans la réalité corporelle. Il l’a fait en créant Adam et Eve. Il l’a refait en se créant à Lui-même et pour Lui-même une âme humaine semblable par un souffle nouveau semblable dans un corps semblable façonné dans le sein de Vierge Marie.

Nous pouvons croire fermement que les désordres naturels d’aujourd’hui ne sont pas le résultat d’un monde déchu, corrompu. Cette vision négative de Mgr Léonard est désespérante.

Le monde matériel était promis à un avenir construit et développé par les humains créés capables de vivre éternellement en communion avec leur Créateur. Mais, depuis Adam et Eve, il reste dans les douleurs d’un enfantement interrompu qui dure encore tant qu’il sera privé de l’harmonie avec Dieu qui existait dans le jardin d’Eden.

Et ce jardin n’a pas disparu. C’est nous qui sommes dehors. C’est nous qui sommes incapables d’y entrer et de le percevoir.

L’Eden, ce n’est rien d’autre que le Royaume des cieux qui est parmi nous, tout proche de nous, comme le proclamait la Bonne Nouvelle du Christ sur les routes de Palestine.

Le nouvel Adam nous rouvre un chemin dès aujourd’hui, dans le monde concret et au delà de notre mort.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » jeu. 03 oct. 2013, 17:44

Pneumatis a écrit :Juste un court message, sans refaire le débat, pour dire que je lisais récemment (il faudrait que je retrouve où, par contre) cette précision d'un spécialiste sur Humani Generis, disant justement que Pie XII avait été très prudent dans sa formulation, et laissé toute la place au développement de la connaissance dans ce domaine : "En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder"... on ne voit pas comment, mais ça n'exclut pas du tout qu'un jour on voit comment. On voit ici qu'on n'a pas une formulation positive et encore moins définitive, mais quelque chose qui laisse la porte ouverte.
Ravi de vous retrouver, cher Pneumatis ! Sans nos excellents dialogues déjà lointains, je n’aurais pu découvrir tant et tant de trésors que notre époque néglige, mais votre scepticisme actuel reste grand et, si la prudence du Pape Pie XII est évidente, je ne peux partager votre interprétation trop extensive du net rejet qu’il exprime pas les mots « on ne voit pas comment pareille affirmation peut s'accorder".

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » dim. 13 oct. 2013, 19:38

Poursuivons notre réflexion concernant la thèse théologique avancée par Mgr Léonard.

J’achève la lecture de la nouvelle édition de son livre « Les raisons de croire » qu’il vient de rééditer en août 2010.

Je suis désolé d’être tellement en désaccord sur ce qu’il écrit sur la création alors qu’il présente tellement bien tant d’aspects difficiles de la foi avec une pensée intellectuelle, théologique et philosophique exceptionnellement claire.

Il analyse et défend beaucoup d’aspects de la foi chrétienne de manière abordable même pour les moins érudits. Beaucoup de pages sont remarquables et révèlent un excellent pédagogue.

Mais, dans son livre, il laisse cependant entrevoir ce qui lui fait difficulté en ce qui concerne la création dans l’histoire et cela s’étend au Christ, à l’eschatologie, à notre identité, à notre vocation, car tout se tient, bien sûr.

Ce que je ressens comme un problème, dans la pensée de Mgr Léonard, c’est sa conviction que la création spirituelle de l’humain dans la réalité corporelle du monde présent n’est pas possible (n’est-ce pas pourtant ce que l’incarnation du Christ a réalisé de manière plus forte encore ?) et plus profondément la conviction d’une incompatibilité du corps, et même de la nature terrestre, et de Dieu, parce qu’il estime que la beauté et l’amour de Dieu sont tellement infiniment aimables qu’aucune liberté n’est possible. On ne peut « que » l’aimer au point que la création d’un nouvel être immortel libre en communion avec Dieu serait impossible.

Selon Mgr Léonard, un tel être ne pourrait être créé ni dans ce monde présent qui serait déchu, ni même hors du temps et de l’espace parce que l’amour de Dieu en pleine lumière ferait disparaître toute liberté.

Le monde matériel, dont plus particulièrement notre corps terrestre, y compris notre cerveau, sont-ils dans un état incompatible avec Dieu ou sont-ils seulement « dans les douleurs de l’enfantement », parce que le développement du monde présent en harmonie avec Dieu a été brisé par le péché originel ?

Quelques passages de son livre sont particulièrement interpellants.

Selon Mgr Léonard, « dans la vie éternelle, quand Dieu sera tout en tous, nous serons subjugués par sa présence et incapables de nous refuser à lui. De notre liberté, il ne restera, face à lui, que l’adhésion spontanée…
L’aspect de libre choix ou de libre arbitre, qui est l’un des traits de notre liberté présente, aura disparu … notre libre choix disparaîtra face à Dieu et …
notre liberté s’épanouira en se dépouillant du libre arbitre 
» (p. 136-137)

Mgr Léonard n’imagine pas de compatibilité entre la pleine vision de Dieu et la liberté.

Très logiquement, il n’admet pas davantage une pleine liberté lors du péché originel. Si l’homme a pu pécher, ce serait parce que Dieu ne se serait pas pleinement montré.

Il écrit que « il est clair que la vie humaine ne peut commencer d’emblée par la claire et évidente connaissance de Dieu » (p. 135), et que « Nos premiers parents furent créés, certes, dans la sainteté, la justice et l’intégrité originelles, mais cependant dans une condition transitoire, caractérisée par ce clair –obscur, cette relative inévidence de Dieu…
ils ne furent pas posés aussitôt dans le plein épanouissement de la communion humaine avec Dieu
 » (p. 241-242).

Les anges qui ont chuté n’avaient-ils pas cette claire et évidente connaissance ?

Le Christ donnant sa vie (« Pas ce que je veux, mais ce que Tu veux » [Lc 22,42]) n’était-il pas libre ?

Dieu serait-il responsable du péché originel pour avoir laissé l’humain sans la claire vision qui lui aurait permis d’y échapper ?

L’humain n’a-t-il été créé qu’en partie à l’image de Dieu, sans claire vision ?

La liberté, sans laquelle il n’y a cependant pas vraiment d’amour, serait-elle impossible dans la lumière de Dieu ?

Ne faut-il pas considérer plutôt que l’amour dans lequel le Père, le Fils et l’Esprit vivent de toute éternité ne cesse de demeurer dans une parfaite liberté de don mutuel même si cette union dépasse de manière indivisible tout ce que nous pouvons imaginer ?

Ne faut-il pas considérer que les humains comme les anges ont pu, à cause même de la liberté qui est en Dieu et qui leur a été donnée, choisir de rejeter la communion avec leur créateur et le faire en pleine connaissance de cause ?

C’est certainement un grand mystère !

Mais, hélas, c’est bien « dans » l’Eden, où Dieu l’avait mis dans sa pleine communion, qu’Adam a péché.

La mal physique serait-il la preuve de cette absence de liberté et la preuve que le premier humain n’a pu être créé à l’image de Dieu, en pleine communion avec Lui dans ce monde présent ?

Le « mal » est-il inhérent au monde présent depuis avant le Big Bang ?

Le monde présent (y compris le corps de l’humain) n’est-il pas capable de Dieu ? Mgr Léonard croit à l’existence du mal physique dans l’ordre naturel du monde présent depuis avant le Big Bang. Mais, qu’est ce qui permet de qualifier objectivement de « mal » une réalité quelconque de la création indépendamment de l’humain ? N’est-ce pas uniquement parce que la nature le fait souffrir et mourir que l’humain la déclare comme étant atteinte par le mal et que Mgr Léonard la considère comme déchue de sa bonté originelle ?

Mais, si l’humain avait développé ce monde présent en harmonie avec Dieu, il n’aurait été atteint ni par la souffrance, ni par la mort. Il déplacerait les montagnes et jamais personne ne souffrirait, ni ne mourrait.

Le seul, l’unique, responsable des souffrances et de la mort causées par la nature, c’est l’humain qui ne conduit plus cette nature en harmonie avec Dieu comme il aurait dû le faire s’il était resté spirituellement dans l’Eden, conformément aux lois profondes de cette nature créée pour être développée et conduite par l’humain en harmonie avec Dieu vers un avenir dont seul le Christ ressuscité nous laisse entrevoir un peu de sa réalité.

Les lois de la nature c’est bien plus que ce que notre cerveau peut en savoir. Le réel perçu par notre cerveau physique n’est pas le seul réel. Les lois de la nature ne se limitent pas à ce que la science peut en connaître.

Mgr Léonard le montre à de nombreux endroits de son livre : l’humain est plus que sa réalité terrestre. Il y a de la transcendance en lui.

Mais, Mgr Léonard ne parle guère de l'esprit humain au delà de ces limites terrestres.

Il écrit que l’esprit humain « transcende l’espace puisque, loin d’être confiné dans le lieu restreint qu’occupe le corps, il rejoint par l’éclair de la pensée les confins de l’univers » (p. 71), ce qui se réfère déjà à des réalités bien terrestres (la pensée que permet le cerveau physique et les confins de l’univers qui se réfère à l’espace perçu par notre cerveau). Il continue en ajoutant que l’esprit humain « intègre en soi le flux du temps en recueillant le passé dans sa mémoire » (id.), ce qui se réfère encore au temps que mesure notre cerveau et à la mémoire qui fait partie de ce même cerveau. Il ajoute encore, pour confirmer clairement son approche cérébrale et physique de l’esprit humain que « la moindre agression de la nature suffit à le paralyser ; il absorbe en soi le cosmos par la connaissance, mais la rupture d’un minuscule vaisseau sanguin peut lui interdire toute pensée » (id.). On est dans le physique de la nature, du cosmos et du corps.

L’esprit humain, plongé dans l’Eden de Dieu lors de notre création, n’est-il pas bien plus et bien autre que le corps, que le cerveau ? N’est-il pas ce qui, aujourd’hui encore unit notre corps terrestre à la réalité de Dieu, ce qui, au delà de notre cerveau physique et de ses plus belles capacités d’intelligence ou d’affectivité, ouvre un accès à une réalité autre à tous les enfants d’Adam et Eve, y compris à ceux dont le cerveau est le plus limité : bébés à peine conçus, handicapés mentaux ou vieillards séniles ?

Pourquoi douter de la compatibilité parfaite de notre monde présent avec Dieu qui l’a créé ?

La compatibilité d’un corps du monde avec Dieu nous est cependant attestée aujourd’hui jusque dans l’Eucharistie.

Mais, la difficulté de Mgr Léonard se prolonge jusque là. Chacun perçoit bien que nous ne pouvons pas emprisonner le Christ « dans les limites de notre univers ni le mesurer à notre aune », mais Mgr Léonard ajoute cependant : « quand je déplace de dix centimètres, sur l’autel, l’Hostie consacrée, cela n’a aucun sens de penser que de ce fait, le Christ glorieux a été déplacé. Ce qui a été déplacé, c’est le signe et le lieu efficaces de sa présence réelle pour nous en ce monde » (p. 228).

C’est pourtant bien cela que permet un corps d’une personne : on peut déplacer de dix centimètres la personne qui est corps.

Dans l’Eucharistie, le Christ est plus qu’un signe et un lieu de présence.

Durant sa vie terrestre, quand le corps de Jésus se déplaçait, c’est Jésus qui se déplaçait. Il est évident que le Christ vivant de toute éternité, le Christ ressuscité dans son corps glorieux, n’est pas limité dans son corps d’homme pas plus que dans l’Eucharistie. Mais, lorsqu’il est présent dans l’Eucharistie, c’est vraiment Lui qui se déplace de l’autel et vient dans notre bouche, c’est vraiment Lui qui est placé dans le tabernacle, même s’il ne cesse d’être présent partout dans l’univers et dans les cieux.

Nous restons devant le même problème déjà évoqué dans ce fil : Dieu a-t-il vraiment uni du terrestre à sa vie éternelle, a-t-il mis du terrestre dans son Eden ?

Ce qu’il a fait lors de la création d’Adam et Eve, il l’a refait lors de sa propre incarnation et il continue à le refaire dans l’Eucharistie.

La merveille de la création d’un être terrestre à son image et à sa ressemblance est une révélation majeure. Nous pouvons entrer corps et âme dans la réalité de Dieu par l’esprit qui nous est donné lorsqu’il devient la demeure de l’Esprit Saint et retrouve la pleine communion perdue depuis le péché originel.

Pas seulement l’âme, mais aussi le corps. Pas un corps abstrait, mais notre corps du monde présent semblable à celui d’Adam et Eve, semblable à celui du Christ, sauf le péché.

Bien sûr, notre passage dans l’Eden se fera par une transformation que nous ne pouvons imaginer du seul point de vue de notre cerveau terrestre.

Que de réalités difficiles à méditer ! Merci à Mgr Léonard de s'y être plongé avec courage en allant au fond des choses.

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Carhaix
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Re: Adam et Eve : Où et quand ?

Message non lu par Carhaix » sam. 28 juil. 2018, 20:45

Origène suppose que les peaux de bête dont Dieu revêt Adam et Ève avant de les chasser du paradis désignent en réalité le corps humain dans sa condition terrestre. Cette thèse a été condamnée par l'Église, et n'est donc pas catholique. Mais parfois je me demande si une évolution théologique ne serait pas possible aujourd'hui, compte tenu de ce que l'on sait.

Si on suit Origène, le corps de l'homme était donc différent dans l'état paradisiaque. Pas forcément fait de chair, d'os, de sang, d'eau, etc. Nous croyons aussi que la Résurrection doit nous faire entrer en possession d'un corps glorieux, donc pas celui de notre condition terrestre. Le Christ lui-même dit qu'au royaume de Dieu il n'y a ni homme ni femme mais que nous sommes comme des anges qui volent dans le Ciel. Donc, forcément, l'apparence que nous avons est seulement valable dans la vie présente.

Voici donc une thèse que j'ai échafaudée, qui est probablement fausse (puisqu'Origène a été désavoué), mais à titre personnel, je suis incapable de trouver une autre solution qui s'articule avec la connaissance que nous avons aujourd'hui de l'évolution des espèces.


Trois états de succèdent, dont un seul est temporel :

1. Dieu crée l'homme et toute la Création. La Genèse en fait un récit très imagé. La Création toute entière vit dans un état paradisiaque.

2. La chute se produit : d'abord celle de Satan et des anges, puis celle d'Adam et Ève, et enfin celle de la Création toute entière. Dieu chasse l'homme du paradis pour le mettre sur la terre, et il dit : désormais la terre est maudite, tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, etc. La mort fait son entrée dans le monde.

3. À la fin des temps, une nouvelle terre descend du Ciel, le Christ est son Soleil, les élus ressuscitent dans leur corps de gloire, et vivent dans l'éternité de Dieu. L'homme retrouve sa condition paradisiaque du départ. Le monde redevient un paradis.

La Création, l'homme, la nature, sont donc exactement dans le même état au point 1 et au point 3 : dans l'éternité de Dieu, dans la nature paradisiaque, non soumis à la mort, hors de toute linéarité temporelle et de toute limite spatiale.

Le point 2 est le résultat de la chute (celle de Satan, puis celle de l'homme, puis celle du monde). C'est le monde que nous connaissons depuis le Big Bang : soumis au temps et à l'espace, et donc aux cycles de naissance, vie, mort.

À quoi ressemble la nature dans le point 1 et 3 ? On n'en sait rien ! C'est indicible. Il est impossible d'en parler autrement que dans un langage imagé. L'Apocalypse nous décrit le monde au point 3. La Genèse nous le décrit au point 1. Le langage symbolique l'emporte. Et l'Apocalypse se veut, bien évidemment, le pendant exact de la Genèse, c'est le livre qui clôt le livre (l'alpha et l'oméga).

Que signifient les 7 jours de la Création, ou le commandement de croître et de multiplier ? De la même façon, que signifient les murs de la nouvelle Jérusalem, avec ses douze portes et pierres précieuses ? En dehors des symboles ? La signification n'est-elle pas justement symbolique, voire théologique ? S'imagine-t-on que Satan sous la forme d'un serpent a invité verbalement Ève à manger du fruit défendu ? Mon avis est que ce récit décrit un évènement extraordinaire qui se produit dans le paradis, en dehors de toute temporalité. J'emploie le présent exprès car justement l'événement en question n'est pas temporel et intervient donc forcément de toute éternité, avec une portée cosmique, à l'échelle de notre monde temporel et terrestre.

Au point 2, le monde surgit, conséquence de la chute, avec toute sa dimension temporelle et spatiale. C'est le même monde, mais défiguré et corrompu. Sur le plan purement matériel, chimique, l'homme est déjà présent dès le Big Bang, puisque la vie et la matière, dont est fait l'homme, sont déjà potentiellement réunies. Ensuite, l'évolution de cette matière suit le processus que nous connaissons jusqu'à l'arrivée des hominidés.

C'est là que ça devient délicat. Est-ce que Dieu, en chassant l'homme du paradis, et le déplaçant sur la terre (mais en fait, c'est la même terre, la même matière, dégradée, corrompue), n'a pas transféré l'âme d'Adam et d'Ève dans le premier couple d'hominidés apparus sur Terre ? Et ainsi, la génération des humains commence.

Au point 3 : retour au point 1, sauf qu'entre temps, l'homme à librement adhéré à Dieu. Du point 1 au point 3, il ne se passe pas une seconde, on est dans une même éternité, en dehors de toute temporalité. Peut-être qu'alors on peut admettre que ces deux phases, en réalité, se confondent parfaitement.

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Xavi
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Message supprimé, déplacé

Message non lu par Xavi » sam. 28 juil. 2018, 21:05

Bonsoir Carhaix,

Votre message qui s'éloigne trop du sujet "où et quand" a été déplacé ici.

Pour les motifs déjà développés dans ce fil, votre hypothèse ne me semble pas convaincante ni conforme à l'enseignement de l'Eglise, même si Mgr Léonard vous rejoint largement.


NB : L’ensemble de mes réflexions concernant l’historicité d’Adam et Ève et du livre de la Genèse a été développé dans une synthèse réactualisée ce 24 mai 2023, sous le titre « Un jardin dans l’Eden », disponible en pdf dans la section Théologie de ce forum sous l’intitulé « Évolution, création, incarnation : un livre à télécharger » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 92&t=20369

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