Cinci dit :
Les sociétés chrétiennes du monde médiéval n'avaient pas pour ambition de forger un nouvel homme à ma connaissance, en contrôlant étroitement toutes les activités des individus, en centralisant l'information dans des énormes fichiers, en disposant d'une armée de flics pour intimider les sujets.
- pas d'ambition de forger un nouvel homme => c'est discutable : NT contient allusion à nouvelle naissance, vin nouveau et outres nouvelles entre autre. En 1200, l'ambition de l'Eglise était d'éradiquer l'hérésie ce n'est pas discutable : la nécessité n'était pas d'éradiquer les hérétiques mais de les contrôler.
- en contrôlant étroitement toutes les activités des individus => 1200, c'est l'époque de la création de la confession auriculaire obligatoire et de l'établissement d'un "réseau" de curé de village : l'objectif de contrôle de la pensée semble net.
- en centralisant l'information dans des énormes fichiers : avec les moyens de l'époque; les tribunaux d'inquisition (entre 1229 et la fin du moyen-age) avait une documentation : perdue pour la plupart pendant la révolution française.
- en disposant d'une armée de flics pour intimider les sujets : je ne voudrais pas faire de la peine, mais il semblerait que les tribunaux d'inquisition, la réorganisation des prêtres en curés avec un réseau géographique maillé, et l'obligation de la confession auriculaire ressemble bien, à cette époque là, à "une armée de flic".
La situation étant que l'Église et les princes aussi avaient comme devoir de protéger le peuple des idées malsaines pouvant se glisser dans l'opinion, jusqu'à pouvoir corrompre la vérité enseignée par l'Église et professée comme vérité par toutes les autorités publiques jusque là.
Les autorités de l'Eglise étaient sans doute sincèrement persuadées que les hérésies étaient "malsaines". Pour les princes, c'est plutôt discutables : ceux des hérétiques restant de bons sujets tranquilles ne dérangeaient pas les princes ni les seigneurs.
Ce n'est pas vrai que l'Église était incapable de supporter la critique ou que des débats contradictoires ne pouvaient pas avoir lieu
- Avant la guerre albigeoise, les débats contradictoires organisés en pays d'oc dans la deuxième moitié du 12ème siècle n'ont pas été à l'avantage des docteurs du nord (dont saint Bernard). Il semblerait que les docteurs du nord (en majorité des cisterciens) en ait conçu du ressentiment : citation de saint Bernard "Verfeuil, que Dieu te dessèche !". Ces personnes
là ne supportaient pas la critique.
Les débats organisés par saint Dominique semblent avoir été très écoutés et avec beaucoup plus de succès (sans doute parce que Dominique parlait la langue d'oc). Mais lui non plus n'aimait pas trop les contradicteurs : il était certainement un puissant orateur et organisateur, malheureusement avec peu d'entrée au niveau de la cour papale, alors que vraisemblablement les cisterciens étaient très écoutés.
- D'autre part, Abélard et ses amis n'ont pas été bien traités par l'Eglise. Les orthodoxes, n'arrivant pas à faire entendre leurs arguments, se sont séparés. Plus tard, Maitre Eckart a été lui aussi "recadré". Les débats contradictoires sont devenus plus difficiles il semble au tournant de cette époque : 1100 - 1200.
Il est probable que l'Eglise ait eu du mal à cette époque à supporter la critique, et peut être est-ce toujours le cas à notre époque ?
Pour autant, il semble difficile de dire que l'Eglise ait eu des "visées totalitaires". C'est peut être plutôt un rapport non neutre avec la Vérité : je m'explique : peut être que beaucoup de gens d'Eglise pensaient "je suis détenteur de la Vérité" et "j'ai le devoir d'imposer la Vérité" ; au lieu de penser "je crois que ce que je crois est la Vérité" et "je prie pour que les autres soient éclairés par la Vérité".
Par ailleurs : il me semble qu'il ne faut pas oublier le côté économique et la confiscation des biens des hérétiques. Mine de rien, beaucoup de richesses ont changées de main dans cette époque trouble. L'Eglise n'est pas composée que de gens aux intentions pures et désintéressées.
Archidiacre dit :
J'ose penser que l'inquisition ne s'opposait pas forcément à ce que les juifs transmettent leur foi
Mais à cette époque c'était racialisé : les juifs transmettaient leur foi à leurs enfants, l'Eglise essayait de les convertir. Il n'était pas pensable que les juifs essaient de convertir des non né-juif.
(bien qu'ils (les juifs) étaient pour le cas de l'Espagne déjà expulsés avant son établissement)
Pouvez vous citez une source ? je croyais que les persécutions - expulsion (ou fuite) dataient de Charles Quint.
C'est plutôt la dureté des peines (de l'inquisition), la torture et les peine de morts inopportunes qui m'indignent, plus que le fait d'appliquer une peine à un prêcheur de mensonges.
Oui, mais ... c'est encore le problème de "la détention de la Vérité". Vous vous placez en détenteur de la Vérité, donc ça ne vous dérange pas trop qu'on brûle un hérétique prêcheur, qu'on confisque ses biens, qu'on déshérite ses enfants, qu'on oblige ceux qui l'écoutait à porter un signe sur leur vêtement et à faire une pénitence de travail ?
Mais ... est-ce bien chrétien ?
Je ne comprend pas bien votre réponse sur l'Etat. Je parlais plutôt d'une théorie éthique. Est-ce que, selon le Christ, les Pères ou les Papes, un Etat n'a aucun droit moral à légiférer sur l'orthodoxie?
- sur l'état : à l'époque c'est ambigu : les états sont imbriqués, avec des notions de vassalité et de prééminence.
La papauté essaie de faire valoir sa prééminence sur tout les autres chefs d'état, en utilisant des moyens parfois ... peu orthodoxes, comme l'excommunication politique.
Reste que les autre chefs d'état tente de limiter le pouvoir papal et clérical à la seule sphère spirituelle.
Donc lui reconnaisse en effet le droit de légiférer sur l'orthodoxie : factuellement, l'Eglise en a le droit légal, et les tribunaux qui vont avec.
Et factuellement, le corolaire est que les états temporels renoncent au droit de légiférer l'orthodoxie , jusqu'à Henri VIII d'Angleterre qui reprend ce droit avec une certaine virulence.
Mais le droit moral ? Je n'en sais rien : n'est-ce pas un péché d'orgueil intellectuel de prétendre que nous on sait et que les autres sont toujours des imbéciles ou des malveillants ?
Personnellement je préfère me positionner dans la recherche de la vérité, plutôt que dans la propagation de l'approximation.
Mais c'est plus long : c'est chronophage.
Mais je ne sais pas s'il y a un chiffre absolument global (ce serait un travail immense) des peines,
En effet, travail immense ! et puis la documentation n'est pas accessible et en partie détruite.
Mêmes les bons bénédictins du 18ème siècle, qui avaient accès à des archives aujourd'hui détruites, ne pouvaient déterminer tous les chiffres, notamment à cause de ces malheureuses exhumations : ce n'est pas pareil de brûler des vifs ou des morts.
Pour moi, je préfèrerais qu'il y ait plus d'études sur la partie économique : à mon opinion, les arbres bûcher et tortures cachent la forêt confiscation, changement de propriétaires, modification des usages sur l'héritage et la dot.
Kerniou dit :
L'inquisition n'aurait-elle prononcé qu'une seule condamnation à mort que ce serait toujours une de trop.
Merci ! Kerniou et Prodigal (d'autres aussi certainement) :
Gerhard dit (en février) :
Si je comprends bien votre développement, l'Inquisition au total n'a pas été une bonne chose. Ais-je bien compris ? Quelles leçons doit-on en tirer ?
Tout bien réfléchi, je crois que la leçon à en tirer concerne le problème du discernement du bien et du mal.
Faut-il être kantien comme Kerniou et Prodigal ou bien faut-il défendre sa communauté (position d'Albert Camus) et minimiser les fautes comme Archidiacre (et beaucoup d'autres) ?
Est-ce qu'on doit la loyauté d'abord à la vérité ou d'abord à sa communauté ?
A mon sentiment, je préfère être utilitariste : tout ça c'est du passé, on peut en faire l'histoire et même l'histoire des histoires qui en ont été faites ! ça doit juste servir à nous faire comprendre qu'il faut faire attention aux idéologies et aussi aux contre-idéologies et rechercher la vérité au mieux de nos possibilités. et d'enseigner à nos enfants l'esprit critique et de savoir que le bien et le mal c'est comme les trains : l'un peut cacher l'autre, ça peut s'emballer et ça peut dérailler.
En conclusion : j'ai arrêté de lire ce gros livre (je m'y remettrai peut être) parce que les exhumations, les joyeuses grillades, et les émeutes c'était la goutte de trop ! Il faudrait quand même accepter l'évidence : il y a certains zèles qui sont déplacés et stupides.