N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Anthropologie - Sociologie - Histoire - Géographie - Science politique
Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » lun. 06 avr. 2009, 15:43

Bonjour,

Je suis un peu gêné de venir vous demander ça parce que ça pourrait être pris comme de la publicité, mais voilà j'ai écrit sur mon blog un petit article sur un sujet d'exégèse dont j'ai déjà débattu à quelques reprises et dont je sais les avis partagé. Comme je l'ai déjà fait savoir ici, je suis assez critique envers certaines conclusions de l'exégèse moderne. Mais je ne suis pas exégète (juste amateur). Et là j'avoue que je réfute une théorie largement admise alors que je n'ai nettement pas le bagage pour ça : je défends l'idée que Moïse est bien celui qui a reçu et transmis la Torah dans son ensemble, réfutant ainsi toutes les théories dites "documentaires" largement admises par grand nombre d'historiens des religions et d'exégètes.

J'ai déjà un peu parlé de cette question avec le prêtre de ma paroisse, jeune prêtre qui a appris au séminaire avec l'exégèse moderne et les hypothèses documentaires. Ici même, quand je suis arrivé sur ce forum, lors d'un débat un peu houleux avec Hélène, j'ai eu l'occasion aussi de constater qu'un grand théologien comme le Père J.M. Verlinde allait visiblement dans le sens des thèses documentaires. C'est aussi ce que j'ai appris il y a quelques années en histoire des religions, et c'est encore le cas du plus grand nombre il me semble, il suffit de gratter un peu pour s'en rendre compte. Bref...

L'article est ici : http://pneumatis.over-blog.com/article-29655748.html

Voilà je sollicite donc des avis et des critiques quant à ma démarche, de préférence directement à la suite de l'article, ou même ici à la suite de ce message. Ce n'est pas une démarche "publicitaire" c'est vraiment pour m'éviter de raconter des bêtises et me permettre d'ajuster le tir si besoin. Je sais qu'il y a parmi vous des prêtres et des gens qualifiés en matière d'exégèse, c'est pourquoi je lance cet appel ici.

En vous remerciant de votre compréhension et de votre aide.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

Avatar de l’utilisateur
Raistlin
Prætor
Prætor
Messages : 8038
Inscription : jeu. 01 mars 2007, 19:26
Localisation : Paris

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Raistlin » lun. 06 avr. 2009, 16:05

Bonjour Pneumatis,

Bon, je ne suis pas compétent pour vous répondre, cependant j'ai pu relever ceci :
Aujourd'hui, les premiers à défendre cette théorie sont les historiens qui nient l'existence historique de Moïse ou qui veulent invalider la tradition juive ou catholique point par point (on devine que, partant de la négation de l'existence historique de Moïse, on se rapproche plus facilement de la négation de l'existence historique de Jésus, n'étant plus à une révision prêt).
Il y a un an, j'ai eu un petit cours sur la formation des Ecritures par une bibliste qui disait justement que l'existence de Moïse était fortement probable. Pourquoi ? Tout simplement parce que Moïse est un nom à consonance égyptienne et qu'il est peu crédible - dans l'hypothèse d'un personnage inventé de toute pièce - que le peuple hébreu ait donné un nom qui ne soit pas d'origine hébraïque à son plus grand prophète.

Bien à vous,
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » lun. 06 avr. 2009, 16:22

Merci Raistlin,

Effectivement nier l'existence de Moïse c'est absurde à de nombreux points de vue. Et pourtant certains, tenaces, s'y emploient pour trouver des hypothèses qu'ils espèrent assez fortes pour nous faire oublier les bases élémentaires de la logique.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

Avatar de l’utilisateur
Invité
Barbarus
Barbarus

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Invité » lun. 06 avr. 2009, 16:50

Que l'exil ait poussé à mettre par écrit l'histoire de l'alliance pour conforter la foi du peuple secoué par cet évènement
comme la chute du Temple en 70 a poussé à mettre par écrit la Torah orale pour devenir le Talmud, cela se comprend.
Mais il y a une différence entre ceux qui écrivent l'histoire et ceux qui la font. Moïse est celui qui a fait l'histoire du peuple avec son Dieu. Et c'est lui qui fait l'unité d'approche et de l'acte salvateur de Dieu vis à vis de son peuple, et de son alliance et de sa torah. Et ceux qui ont mis par écrit ont respecté cela. C'est ce qui donne l'unité de ces livres.

Avatar de l’utilisateur
Libremax
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1375
Inscription : mer. 01 avr. 2009, 16:54
Conviction : chrétien catholique

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Libremax » mar. 07 avr. 2009, 10:55

Aujourd'hui, les premiers à défendre cette théorie sont les historiens qui nient l'existence historique de Moïse ou qui veulent invalider la tradition juive ou catholique point par point (on devine que, partant de la négation de l'existence historique de Moïse, on se rapproche plus facilement de la négation de l'existence historique de Jésus, n'étant plus à une révision prêt).
Pour aller dans le sens de raistlin, je dirais qu'il est capital de garder en mémoire que la théorie "documentaire" n'a pas pour conséquence directe de nier l'existence de Moïse.
Pour prendre un parallèle un peu décalé mais parlant, ce n'est pas parce que nous considérons les Evangiles comme étant les écrits des disciples du Christ, et non de lui-même, qu'ils nient l'existence du Christ.

Vous parlez à juste titre dans votre article de traditions orales, et de l'oralité en général qui constitue le même "moule culturel" que celui qui a donné le jour aux Evangiles.
La Genèse et l'Exode, par exemple, peuvent tout à fait être les exemples de ce que les chrétiens, eux, ont refusé avec le diatessaron et les synopses en général.
Je ne m'avance pas; je ne suis pas exégète ni hébraïsant.
Mais il semble évident que plusieurs types de récits ont été joints ensemble de la même manière que ce qu'un Tatien a fait avec les évangiles, et ceci pour donner jour à une nouvelle tradition liturgique plus rigide sans doute que les diverses traditions plus populaires antérieures : c'est une hypothèse, mais cela correspond bien aussi à l'évolution du culte juif qui s'est progressivement (l'archéologie l'atteste) centralisé sur Jérusalem.

Les problèmes auxquels tente de répondre les théories sur la rédaction de la Bible sont aussi d'ordre historique. L'Exode tel qu'il est narré dans l'Exode est une énigme pour l'Histoire. Il en va de même pour le livre de Samuel et des Rois, même si nous sortons ici du Pentateuque. Les guerres du livre de Josué n'ont jamais eu lieu : c'est ainsi.

Je vous rejoindrais tout à fait dans votre prudence à l'égard des grandes théories, qui ne restent, effectivement, que des théories.
Faut-il que ce soit une négation de la foi ?
Ces récits sont les témoins d'un passé très, très lointain. Nous ne devons pas l'oublier. Et un passé qui a, de manière très probable, quoi qu'on en dise, profondément marqué un peuple tout entier, même si la formation de ce peuple a connu une progression somme toute bien longue.
L'oralité n'est peut-être, elle non plus, pas dénuée d'imperfection, ni à l'abri de toute déformation, ni surtout, étrangère à toute évolution dans ses techniques et ses règles. Les traditions orales du peuple hébreu ont pu être plus primaires à leur apparition et se charpenter par la suite, ce qui ne va pas sans un enrichissement inévitable, et qui dit enrichissement dit diversité. Et donc, possiblement, incohérences a posteriori.
C'est là qu'il est important de se demander vraiment qu'est-ce qu'apporte l'écrit par rapport à l'oral usuel dans les enseignements hébreux jusqu'alors. Ce ne peut être la fidélité car elle ne faisait pas défaut du temps de Moïse, guère plus que du temps de Jésus. En revanche cette mise par écrit apporte : le Signe. C'est la trace sensible, gravée dans la pierre, du doigt de Dieu (l'Esprit Saint). C'est une nouvelle couche signifiante, et déjà une préfiguration de l'incarnation du verbe de Dieu. Jésus sera d'ailleurs "le Signe" par excellence. Ici, les tables de la Loi sont elles-mêmes le signe de la Parole de Dieu révélée à Moïse. Ce signe n'est pas (encore) vivant, chair et sang, il est juste gravé dans la pierre. Il est en quelque sorte le prototype de Jésus. Et il fait que la parole est déjà signe indépendamment de toute parole humaine. En ce sens elle survit déjà à Israël et le dépasse pour s'inscrire dans l'éternité.
C'est donner une importance immense à l'écrit, même si vous ne le rendez pas fondateur.
Même si aujourd'hui, l'ecrit est utilisé pour pallier à notre mémoire défectueuse, il n'a, à mon humble avis, jamais eu aucun autre type de vocation. Il faudrait plutôt dire qu'aujourd'hui notre seule mémoire est le livre, alors que dans l'antiquité, l'ecrit servait simplement d'aide-mémoire.
Tous les peuples antiques ont toujours rechigné à mettre par écrit, de manière officielle et sacrée, leurs traditions orales. Israël n'a pas fait exception à ce niveau. Même si ces écrits aide-mémoire revêtaient, de fait, une importance sacrée comme objets servant à la liturgie, ils ne devenaient pas des objets de culte. La parole, la mémoire, devait rester vivante, et inséparable du souffle: c'est tout le moteur de l'usage des Ecritures chez les juifs, jusqu'à l'époque hellénistique, où les Pharisiens, paraît-il, se sont de plus en plus rattachés à l'écrit, comme les Protestants avant l'heure.

Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » mer. 08 avr. 2009, 19:02

Bonjour,
Libremax a écrit :Pour aller dans le sens de raistlin, je dirais qu'il est capital de garder en mémoire que la théorie "documentaire" n'a pas pour conséquence directe de nier l'existence de Moïse.
Pour prendre un parallèle un peu décalé mais parlant, ce n'est pas parce que nous considérons les Evangiles comme étant les écrits des disciples du Christ, et non de lui-même, qu'ils nient l'existence du Christ.
C'est bien ce que je veux dire dans mon article. Néanmoins, cette théorie est incontournable pour ceux qui veulent nier l'existence de Moïse. Disons que c'est là quelque chose d'un peu plus sérieux que la négation du Jésus historique. L'argument des historiens disant qu'il n'y a aucune trace historique de Jésus est très sérieux, surtout lorsqu'ils soulignent que, contrairement à Jésus, Moïse fut une figure politique très importante, tour à tour pour le peuple Egyptien et pour le peuple Hébreu. Ce qui fait de la Torah sa seule trace historique. Bref, mon intention n'était pas tant d'axer ma réfutation sur le danger du "négationnisme", mais de répertorier un peu les différentes conséquences plus ou moins fâcheuses d'une acceptation "a priori" des thèses documentaires. Après, je le disais, des historiens ont fait un très bon travail pour réfuter les arguments historiques de la réforme sous Josias ou des autres thèses d'écriture tardive et agrégées. Ce ne sont QUE des théories à l'heure actuelle, aussi sérieuses qu'elles puissent être.
Touriste a écrit :Que l'exil ait poussé à mettre par écrit l'histoire de l'alliance pour conforter la foi du peuple secoué par cet évènement comme la chute du Temple en 70 a poussé à mettre par écrit la Torah orale pour devenir le Talmud, cela se comprend.
Idée, à laquelle vous ajoutez, Libremax :
Libremax a écrit :C'est donner une importance immense à l'écrit, même si vous ne le rendez pas fondateur. Même si aujourd'hui, l'ecrit est utilisé pour pallier à notre mémoire défectueuse, il n'a, à mon humble avis, jamais eu aucun autre type de vocation. Il faudrait plutôt dire qu'aujourd'hui notre seule mémoire est le livre, alors que dans l'antiquité, l'ecrit servait simplement d'aide-mémoire.
Là je propose justement une autre idée. Car d'abord il me semble que l'hypothèse selon laquelle Dieu aurait demandé de mettre la Torah par écrit, en la gravant distinctement sur des tables de pierre, uniquement pour ne pas que ça se perde, en dehors d'être une hypothèse qui correspondrait à notre logique actuelle, n'est rien d'autre... :siffle: ... qu'une hypothèse qui correspond à notre logique actuelle. On projette cette seule hypothèse, tout ce qu'il y a de plus "réflexe" chez nous, sur le peuple juif, et même sur "l'intention de Dieu" quand il confit à Moïse cette écriture.

Ce que je veux dire c'est : pourquoi ne pas voir dans l'écrit justement une autre vocation ? Aide-mémoire, oui ! Mais mémoire de quoi ? Des mots ou de l'enseignement ? Un fait : la langue hébreu écrite de la Torah n'avait aucun signe permettant la vocalisation. Sa vocation n'était donc pas d'être une aide-mémoire du langage, ni d'être enseignée oralement. Ou alors, pardon mais, c'est vraiment foiré ! Je pense que les hébreux s'y seraient pris un peu autrement, non ? Le minimum aurait été d'écrire aussi la vocalisation !

Très tôt les juifs ont eu à coeur de préserver la lettre, quite à modifier des mots au moment dans la récitation orale (qere/ketiv) : on se retrouve alors avec une récitation différente ponctuellement à ce qui est écrit, de manière à ce qu'oralement cela soit compréhensible ou respectueux du sens, sans que l'écrit ne soit altéré. Il y a donc dans cette tradition un soucis particulier de préserver l'esprit ET la lettre.

Alors oui pour l'aide-mémoire, je le redis : mais une mémoire du sens, par une autre voie que celle des sons, des intonations et des geste. Et cette voie c'est celle du signe. Celle qui par exemple nous explique que la lettre Beth ouvre la Genèse car elle a 3 côtés, ouverte dans le sens de la création (sens de la lecture) et fermée dans tous les autres sens, de sorte que rien en dehors de ce qui est révélé n'est connaissable par l'homme. Ces 3 côtés de la lettre Beth sont très important, et d'une manière générale, la graphie de l'alphabet hébreu a une grande importance. C'est aussi pourquoi les juifs portaient un soin tout particulier, dans la copie des rouleaux, avec une minutie dans le dessin des lettres, montrant comme tout cela est sacré pour eux. La précision n'est pas seulement celle qui s'oppose aux erreurs de lettres ou de mots, mais également celle qui fait que la pointe du Yod sera toujours à la bonne hauteur, et que les écarts entre les pointes du Shin seront parfaitement respectés. En général, dans les écoles rabbiniques, ils ne rigolent pas avec ces choses-là. Idem avec les valeurs numériques des lettres et le sens mathématique qui se dégage de l'écrit, chose qui à l'oral n'existe pas, sauf en dehors d'un certain rythme de syllabes éventuellement, mais c'est encore autre chose que les concordances entre des mots différents mais qui vont avoir une analogie numérique, par exemple.

Bref, ici je crois qu'il faut bien distinguer la Torah écrite, et ce qui a poussé les hébreux à mettre par écrit la tradition orale du Talmud de crainte qu'il ne soit perdu. Ah mon avis ce sont deux choses bien différentes. Dieu n'a pas demandé de mettre le Talmud par écrit. Jésus n'a pas demandé à ses disciples de mettre ses enseignements par écrit. Mais Dieu a demandé à Moïse de GRAVER DISTINCTEMENT sur des tables de pierre l'enseignement qu'il lui a révélé. Et je crois que de réduire ça à de la "simple" prudence humaine, c'est passer à côté de quelque chose, certes pas essentiel dans la compréhension des Ecritures, mais qui peut-être nous laisse plus prompts à profaner ce quelque chose de sacré qu'est la lettre hébreu.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

Avatar de l’utilisateur
Invité
Barbarus
Barbarus

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Invité » mer. 08 avr. 2009, 21:53

L'oralité est importante mais la lettre aussi. La Torah écrite dans la pierre, n'est pas qu'un simple aide mémoire. C'est un témoignage de l'alliance, la référence un mémorial.

Avatar de l’utilisateur
Libremax
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1375
Inscription : mer. 01 avr. 2009, 16:54
Conviction : chrétien catholique

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Libremax » jeu. 09 avr. 2009, 9:24

Bref, ici je crois qu'il faut bien distinguer la Torah écrite, et ce qui a poussé les hébreux à mettre par écrit la tradition orale du Talmud de crainte qu'il ne soit perdu. Ah mon avis ce sont deux choses bien différentes. Dieu n'a pas demandé de mettre le Talmud par écrit. Jésus n'a pas demandé à ses disciples de mettre ses enseignements par écrit. Mais Dieu a demandé à Moïse de GRAVER DISTINCTEMENT sur des tables de pierre l'enseignement qu'il lui a révélé. Et je crois que de réduire ça à de la "simple" prudence humaine, c'est passer à côté de quelque chose, certes pas essentiel dans la compréhension des Ecritures, mais qui peut-être nous laisse plus prompts à profaner ce quelque chose de sacré qu'est la lettre hébreu.
Je souscris tout à fait au ton de vos conclusions.
A ceci près que ce que Dieu demande à Moïse de graver, c'est la Loi : les commandements, la règle de vie. On fait de la Torah ("loi") un ensemble bien plus vaste, mais il m'est difficile de voir dans les textes eux-mêmes que Moïse eût inscrit dans les tables de pierre la Genèse, l'Exode tout entier et le lévitique, par exemple.

Vous voyez dans l'ecriture de la Torah une vocation propre, porteuse de sens, voulue par Dieu, en quelque sorte, portée dans ce qu'il faut bien appeler la calligraphie du signe lui-même. N'est-ce pas faire l"économie de ce que l'on sait, par ailleurs, de l'évolution de cette même écriture, qui n'était pas, loin s'en faut, aussi élaborée aux temps de Moïse, c'est à dire au XIIIe siècle avant JC, qu'aujourd'hui dans les écoles rabbiniques dont vous parlez, ni même celles du temps de Jésus ni même encore celles du temps de Josias?

Mais tout ce propos ne s'éloigne-t-il pas de la problématique que vous posiez au début sur la thèse documentaire?
Car en quoi votre idée (respectable, au demeurant) sur le sens du signe s'oppose-t-elle catégoriquement à celle selon laquelle plusieurs "documents" (on pourrait parler de plusieurs textes, qu'ils soient oraux ou écrits) aient été agrégés entre eux pour donner le Pentateuque que nous connaissons?

Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » jeu. 16 avr. 2009, 23:18

Bonsoir,

J'avais commencé l'autre jour à formuler un début de réponse et puis j'ai laissé macérer un peu... au point que j'ai failli oublier de revenir.
Libremax a écrit :A ceci près que ce que Dieu demande à Moïse de graver, c'est la Loi : les commandements, la règle de vie. On fait de la Torah ("loi") un ensemble bien plus vaste, mais il m'est difficile de voir dans les textes eux-mêmes que Moïse eût inscrit dans les tables de pierre la Genèse, l'Exode tout entier et le lévitique, par exemple.
Je pense que là il y a une certaine méprise sur le sens de la Torah. Torah signifie moins "loi" que "enseignement". Ce n'est pas une charte ou une constitution politique, quoiqu'elle semble littéralement contenir des principes de la vie sociale. C'est un enseignement d'un seul tenant sur l'homme et sa relation à Dieu. Enfin bref, on pourrait en disserter des heures, mais là encore, l'exégèse canonique, la tradition, tout nous porte à considérer la Torah d'une seule pièce, en unité avec le Christ.

Si le Vrai Homme, incarné pour nous par Dieu dans le Christ, était une maison (temple), alors la Torah en serait le plan avec toutes ses codifications, ses niveaux, ses dimensions ... C'est ce qui fait du Christ la fameuse clé d'interprétation de toute la Torah car il montre la réalisation de l'ouvrage en conformité parfaite avec les Ecritures. Obéir à la Torah c'est réaliser tout ce qu'a fait le Christ, c'est marcher dans ses pas. Cela ne veut pas dire qu'il nous suffit de suivre le Christ et que la Torah est devenue inutile, au contraire. C'est les deux qu'il nous faut car nous ne pouvons pas bien comprendre qui est le Christ, le sens de sa vie et ses enseignements, encore moins celui de sa passion et de sa résurrection, sans connaitre son explication, toute entière contenue dans la Torah et les Prophètes.

Le Christ c'est donc la Torah réalisée. C'est un peu comme si soudain celui qui a conçu le plan de la maison investissait les matériaux, qui s'animeraient et s'assembleraient pour former pas à pas la maison conforme au plan : ainsi le Verbe s'incarne. Le Verbe de Dieu réalise dans la chair ce qu'il a préalablement gravé dans la pierre : le vrai Homme, nouvel Adam. Il nous sauve de la Chute, état de l'homme qui ne connait pas sa propre fin. En voyant le Christ ressuscité, prototype de l'homme véritablement accompli, l'homme peut enfin comprendre sa destinée et lui ordonner ses actes. La Torah prend alors tout son sens dans la mesure où on sait enfin ce qu'elle décrit : l'Homme. Et cela ne vaut pas que pour la Torah d'ailleurs... C'est ainsi que l'ancien testament contient à différents niveaux les plans du Temple comme autant de définitions de l'Homme véritable. A différent niveaux car selon ses états, l'homme requiert des niveaux d'enseignements différents. Selon qu'il est l'homme à délivrer, l'homme à gouverner ou l'homme à sauver, par exemple.

Je m'écarte du sujet... désolé. J'y reviens.
Libremax a écrit :Vous voyez dans l'ecriture de la Torah une vocation propre, porteuse de sens, voulue par Dieu, en quelque sorte, portée dans ce qu'il faut bien appeler la calligraphie du signe lui-même. N'est-ce pas faire l"économie de ce que l'on sait, par ailleurs, de l'évolution de cette même écriture, qui n'était pas, loin s'en faut, aussi élaborée aux temps de Moïse, c'est à dire au XIIIe siècle avant JC, qu'aujourd'hui dans les écoles rabbiniques dont vous parlez, ni même celles du temps de Jésus ni même encore celles du temps de Josias?
Que l'écriture ait évolué n'en déforme pas totalement la graphie : le haut reste le haut et le bas reste le bas, les côtés restent les côtés. Par ailleurs, je signalais aussi ce que le signe apporte en supplément : les valeurs numériques et toutes les analogies nouvelles qu'elles permettent, l'ordre des lettres, ... Enfin bref, tout ce qui n'existe que dans un alphabet écrit.

Enfin il faut quand même reconnaitre qu'une langue écrite qui ne contient aucune marque de vocalisation (à l'origine) est très éloignée de sa vocation si cette vocation c'est d'être un enseignement de même niveau que l'oral. Ca coute quoi, quand on veut faire un support de mémoire, de rajouter des signes de vocalisation. Si on ne comprend que la question du tétragramme, si ce qui était important c'était de "prononcer" ou de connaitre le nom de manière "sonore", ne croyez-vous pas qu'il aurait été d'une prudence enfantine d'en garder une trace ! Ca nous aurait éviter bien des polémiques. Ici on est obligé de constater, soit que Dieu s'est planté quelque part, soit que ce qui est important dans le tétragramme c'est précisément les 4 lettres ! Que le Grand Prêtre prononce le Saint Nom dans le Temple est une affaire non pas de connaissance ésotérique d'une sorte de "formule magique" connue de lui seul, mais de compréhension parfaite du Nom et de sa réalisation en acte. La sonorité n'a que peut de choses à faire là-dedans.
Libremax a écrit :Mais tout ce propos ne s'éloigne-t-il pas de la problématique que vous posiez au début sur la thèse documentaire?
Car en quoi votre idée (respectable, au demeurant) sur le sens du signe s'oppose-t-elle catégoriquement à celle selon laquelle plusieurs "documents" (on pourrait parler de plusieurs textes, qu'ils soient oraux ou écrits) aient été agrégés entre eux pour donner le Pentateuque que nous connaissons?
Entièrement d'accord avec vous. Ce n'est qu'un argument "supplémentaire" dans la liste que je propose. Une liste qui n'est pas de réfutation des théories scientifiques mais des implications doctrinales des théories documentaires. Je suis en train de lire ce qui est un peu l'ouvrage de référence sur ces thèses, en matière de vulgarisation du moins : La Bible dévoilée. Et ça commence fort dans son prologue : la Torah n'est pas le fruit d'une quelconque révélation, elle n'est que le fruit grandiose de l'imagination humaine. Tout le reste des théories documentaires n'ont jamais servi qu'à alimenter des idéologies de ce genre.

Bon je dois vous laisser, mais on y reviendra si vous voulez.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

gerardh
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 5032
Inscription : ven. 26 déc. 2008, 20:02
Conviction : chrétien non catholique
Localisation : Le Chambon sur Lignon (France)

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par gerardh » ven. 17 avr. 2009, 0:39

___________

Bonjour,

Le Pentateuque a été écrit par Moïse, ainsi que le Christ le déclare lui-même dans les évangiles.


__________

Avatar de l’utilisateur
Libremax
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1375
Inscription : mer. 01 avr. 2009, 16:54
Conviction : chrétien catholique

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Libremax » ven. 17 avr. 2009, 14:43

Pneumatis a écrit : Je pense que là il y a une certaine méprise sur le sens de la Torah. Torah signifie moins "loi" que "enseignement". Ce n'est pas une charte ou une constitution politique, quoiqu'elle semble littéralement contenir des principes de la vie sociale. C'est un enseignement d'un seul tenant sur l'homme et sa relation à Dieu. Enfin bref, on pourrait en disserter des heures, mais là encore, l'exégèse canonique, la tradition, tout nous porte à considérer la Torah d'une seule pièce, en unité avec le Christ.
Oui. Mais puisque votre propos concerne la valeur que nous portons au texte écrit, regardons ce texte: C'est un ensemble de lois et de commandements très concrets.
La Tradition qui nous donne à voir en Christ l'accomplissement de ladite Loi ou même l'interprétation que vous en donniez, à savoir, une description de l'Homme, tout cela donc s'appuie à mon sens non plus sur la lettre mais bien sur l'esprit: Le Pentateuque ne parle pas de ces interprétations.
Vous qui connaissez bien les travaux de M.Perrier savez sans doute que le coeur de la Tradition chrétienne était cet esprit, et que le mieux placé pour transmettre l'esprit ( le "souffle") était bien l'oral.

Pour tout vous dire, il me semble que vous confondez la mise par écrit dans la pierre de la Loi par Dieu devant Moïse sur le Sinaï et la mise par écrit de la Torah sur le papier, qui sont en fait bien distinctes.
Pourquoi les sociétés antiques se refusaient à écrire les traditions religieuses? Parce qu'elles craignaient la radicalisation, l'appauvrissement du sens, le "littéralisme". Le souci avec l'écrit, c'est qu'il est immuable et incomplet.
Dieu prend un risque en écrivant. Le risque se réalise en ce que Jésus dénonce chez les pharisiens. Mais du reste, ces tables gravées, les hébreux se dépêchent de les coffrer dans l'Arche d'Alliance. Nul ne songera à en faire d'autres.

Enfin il faut quand même reconnaitre qu'une langue écrite qui ne contient aucune marque de vocalisation (à l'origine) est très éloignée de sa vocation si cette vocation c'est d'être un enseignement de même niveau que l'oral. Ca coute quoi, quand on veut faire un support de mémoire, de rajouter des signes de vocalisation. Si on ne comprend que la question du tétragramme, si ce qui était important c'était de "prononcer" ou de connaitre le nom de manière "sonore", ne croyez-vous pas qu'il aurait été d'une prudence enfantine d'en garder une trace ! Ca nous aurait éviter bien des polémiques. Ici on est obligé de constater, soit que Dieu s'est planté quelque part, soit que ce qui est important dans le tétragramme c'est précisément les 4 lettres ! Que le Grand Prêtre prononce le Saint Nom dans le Temple est une affaire non pas de connaissance ésotérique d'une sorte de "formule magique" connue de lui seul, mais de compréhension parfaite du Nom et de sa réalisation en acte. La sonorité n'a que peut de choses à faire là-dedans.
J'ai l'impression que votre sentiment sur la simplicité de garder la trace de la vocalisation est celui d'un occidental habitué à son alphabet (à moins que j'aie mal compris ce que vous écrivez et dans ce cas, je vous prie de m'excuser). Les voyelles constituent une évolution majeure de l'écriture en général. Les alphabets n'ont pas pensé tout de suite à retranscrire les voyelles. Et la mise par écrit de la Torah est survenue avant cette évolution.
Vous prenez l'écrit comme un enseignement. C'est encore un archétype occidental et moderne. L'enseignement dans les civilisations antiques en général et en Israël en particulier est oral. L'écrit n'est qu'un outil pratique. Le problème de la prononciation du tétragramme n'est qu'une question de déférence et de dévotion. Ne pas le prononcer n'a été, ni plus ni moins, qu'une radicalisation du commandement sur le Nom de Dieu, qui concernait en fait un problème bien plus profond.

Je suis en train de lire ce qui est un peu l'ouvrage de référence sur ces thèses, en matière de vulgarisation du moins : La Bible dévoilée. Et ça commence fort dans son prologue : la Torah n'est pas le fruit d'une quelconque révélation, elle n'est que le fruit grandiose de l'imagination humaine. Tout le reste des théories documentaires n'ont jamais servi qu'à alimenter des idéologies de ce genre.
Je connais l'argumentaire de la Bible Dévoilée. Leurs auteurs sont dans une grande démarche de démystification de la notion de Peuple Elu. J'y vois surtout pour l'instant l'influence d'une idéologie d'ordre politique et philosophique: Tout se passe comme si les auteurs regrettaient en fait la revendication religieuse d'Israël sur les terres Palestiniennes, et leurs travaux ont, c'est vrai, tendance à y mettre un sérieux plomb dans l'aile.
Cependant il faut rester honnête: Le contenu de l'Ancien Testament pose de très sérieuses énigmes historiques. Nous ne pouvons pas l'ignorer. Nous croyons en un Dieu qui est intervenu dans l'Histoire.
Se voiler la face devant ce qu'a dû être la réalité politique d'un peuple qui a donné naissance au Judaïsme, c'est se réfugier, là encore, derrière la lettre. Et donner finalement bien peu de place à l'Esprit.
Saint, celui-là.

Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » sam. 18 avr. 2009, 2:59

Bonsoir Libremax,

Je vous remercie d'alimenter si richement ce débat. Malheureusement, comme je l'ai signalé dans un autre sujet, je commence à manquer cruellement de temps (et peut-être aussi d'organisation) pour vous répondre dignement. Je vous réponds très vite sur 2 ou 3 points.

Suite à votre message, je voulais juste souligner que je ne confonds pas la tradition orale juive mise par écrit (le Talmud torah) avec la Torah que Dieu a demandé à Moïse de mettre par écrit (avec un grand "T" celle-là). La citation du Deutéronome qu'il y a dans mon article ("Vous mettrez cet enseignement par écrit") utilise bien le terme de "Torah" pour enseignement. D'ailleurs la tradition juive ne s'y trompe pas : il y a bien un enseignement écrit distinct d'une tradition orale. Les targumim et midrashim, même si ils ont été compilés par écrit, sont bien une tradition orale. La Torah (avec un grand "T") est quant à elle un enseignement par nature écrit : tel qu'il se présente lui-même, notamment dans le Deutéronome.

Sur votre remarque, par rapport au contenu "législatif" de la Torah, cela m'a fait pensé à une tradition juive justement :
Dans Commentaire de la Torah, Jacob ben Isaac Achkenazi de Janow a écrit :Rabbi Isaac dit : "Pourquoi la Torah décrit-elle comment Elohim créa le monde ? La Torah est commandements et elle aurait dû commencer par l'exposé de commandements" ; Oui mais alors les idolâtres pourraient rétorquer : "Pourquoi conquérir et voler la terre de Canaan ?" Israël répondra : "Le Saint, béni soit-Il, a créé le monde et Il le donne à qui Il veut." Nos sages ont dit : "Elohim a créé le monde pour trois raisons : la Torah, début du chemin, les sacrifices offerts dans le Temple, appelé le premier car il a été conçu avant la création du monde, et les aumônes et les dîmes nommées début de la moisson."
Pour ce qui est de distinguer l'écrit gravé dans la pierre de l'écrit sur papier, je reconnais que je n'ai pas fait de distinction jusqu'ici. Ca demanderait à être approfondi, probablement.

Pour ce qui est de la vocalisation, je sais bien dans quel "ordre" s'est formé l'écriture. Mes remarques sont tout le contraire de projeter notre culture occidentale de l'écrit sur l'écriture biblique. Elles invitaient à se poser la question du "pourquoi". Pourquoi invente-t-on un alphabet et quelle raison met-on derrière chaque signe ? Et si on invente une codification écrite pour supporter la mémoire orale, alors la logique veut que la codification de l'écrit soit conforme à une restitution orale. Simple logique (épistémologique). Ce n'est pas le cas de l'hébreu biblique. Simple constat. On n'invente pas une écriture juste comme ça parce que l'envie nous passe par la tête, en se disant : tiens, faudrait songer à se faciliter la mémoire. Et pour cause, l'hébreu biblique n'a rien d'une langue vernaculaire, c'est un langage sacré destiné à être purement écrit. C'est du moins comme cela qu'il est considéré dans la tradition juive. On ne peut par exemple détruire les manuscrits sur lesquels a été écrit le Nom de Dieu, et les kabbalistes ont, pendant des siècles, étudié la porté des signes hébreux, et des arcanes qu'ils renferment. Ces signes renferment en eux-même une certaine puissance qui n'est pas sans rappeler celle des chiffres, mais qui va encore bien au-delà.

Alors après cette écriture sacrée a bien une correspondance orale, dans la tradition qui le porte, puisque tout nait de traditions orales, mais la fonction du signe, dans l'hébreu biblique, n'a rien à voir avec les autres langues antiques du type grec ou latin. Et quand les langues araméennes ont commencé à s'accorder un peu à cette "culture de l'écrit", alors elles ont repris l'alphabet qu'elles avaient déjà, mais dont elles avaient probablement déjà un peu perdu du sacré, et sur lesquels elles ont collé des voyelles.

Mais la Torah de Moïse n'a rien d'une introduction à la culture de l'écrit chez les peuples hébraïques : c'est bien un enseignement écrit, mais c'est ce qui le rend, justement, totalement original au regard de la culture orale dans laquelle il est né. On est donc obligé de s'interroger sur le sens de ce support écrit. A mon sens, ne retenir que le contenu de la Torah et ne pas s'occuper de sa forme, c'est un peu comme ne retenir que les enseignements de Jésus et pas sa vie.

J'ajoute une remarque qui n'a que peu de valeur, mais j'ai pu discuter ce midi avec un ami prêtre, très versé aussi dans l'exégèse et qui contribue actuellement à la relecture de la nouvelle traduction liturgique de la Bible, qui m'a confirmé que mon article était déjà un peu dépassé : dans les "hautes sphères" d'exégèse canonique, m'a-t-il dit, on a abandonné les théories documentaires depuis un moment déjà, et on lutte également contre toutes ces théories de vulgarisation qui veulent absolument saucissonner la Torah. Ca me semble corroborer les remarques récentes de Benoit XVI que j'ai cité dans mon article, et ce qui ressort un peu du dernier synode sur la Parole de Dieu.

Pour ce qui est des énigmes historiques, il ne s'agit évidemment pas de se voiler la face, au contraire : c'est un formidable défi pour la science et pour l'exégèse. Mais énigme ne veut pas dire qu'on doivent remettre en cause des siècles d'une tradition acquise dont on aurait petit à petit oublié le sens, juste pour se faciliter la tâche.

Enfin bon voilà. En tout cas je vous remercie pour ces échanges. Si il y a une suite j'essaierai de suivre au mieux, mais je manque quand même de disponibilités, malheureusement.

Bien à vous.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » sam. 18 avr. 2009, 3:19

Je remets, à tout hasard, le discours de Benoit XVI que j'ai cité dans mon article, et que j'ose voir comme une confirmation de ma démarche...
Benoit XVI a écrit : Chers frères et soeurs, en travaillant à mon livre sur Jésus, j’ai eu largement l’occasion de voir tout le profit que l’on peut tirer de l’exégèse moderne, mais aussi d’en percevoir les problèmes et les risques.

La [constitution conciliaire] Dei Verbum, n. 12, donne deux indications méthodologiques pour un travail d’exégèse adéquat. En premier lieu, elle confirme la nécessité d’utiliser la méthode historico-critique, dont elle décrit rapidement les éléments essentiels. Cette nécessité est la conséquence du principe chrétien formulé en Jean 1, 14 : "Verbum caro factum est." Le fait historique est une dimension constitutive de la foi chrétienne. L’histoire du salut n’est pas une mythologie, mais une histoire vraie et il faut donc l’étudier selon les méthodes de la recherche historique sérieuse.

Mais cette histoire a une autre dimension, celle de l’action divine. C’est pourquoi Dei Verbum parle d’un second niveau méthodologique nécessaire pour bien interpréter des paroles qui sont à la fois des paroles humaines et la Parole de Dieu. Le concile dit - appliquant en cela une règle fondamentale pour toute interprétation d’un texte littéraire - qu’il faut interpréter la Sainte Ecriture dans l’esprit même où elle a été écrite et il indique en conséquence trois éléments méthodologiques fondamentaux qui permettent de tenir compte de la dimension divine, pneumatologique de la Bible. Il faut donc :

1) interpréter le texte en ayant présente à l’esprit l’unité de toute la Sainte Ecriture ; aujourd’hui on appelle cela l’exégèse canonique, une expression qui n’avait pas encore été créée à l’époque du concile, mais le concile dit la même chose : il faut avoir présente à l’esprit l’unité de toute la Sainte Ecriture ;
2) il faut aussi tenir compte de la tradition vivante de toute l’Eglise et enfin,
3) il faut respecter l’analogie de la foi.

Ce n’est que lorsque les deux niveaux méthodologiques - historico-critique et théologique - sont respectés que l’on peut parler d’une exégèse théologique, d’une exégèse adaptée à ce Livre. Alors que, au premier niveau, l’exégèse académique actuelle travaille à un très haut niveau et nous aide vraiment, on ne peut en dire autant pour l’autre niveau. On constate souvent que ce second niveau, celui que constituent les trois éléments théologiques indiqués par Dei Verbum, est presque absent, avec des conséquences plutôt graves.

La première conséquence de l’absence de ce second niveau méthodologique est que la Bible n’est plus qu’un livre du passé : on peut en tirer des conséquences morales, y apprendre l’histoire, mais le Livre en tant que tel ne parle que du passé et l’exégèse n’est plus vraiment théologique, elle devient histoire pure, histoire de la littérature. C’est la première conséquence : la Bible reste dans le passé, elle ne parle que du passé.

Il y a une seconde conséquence, encore plus grave : quand l’herméneutique de la foi indiquée par Dei Verbum disparaît, un autre type d’herméneutique apparaît nécessairement, une herméneutique sécularisée, positiviste, dont la clé fondamentale est la conviction que le Divin n’apparaît pas dans l’histoire humaine. Selon cette herméneutique, quand il semble qu’il y ait un élément divin, il faut expliquer d’où vient cette impression et réduire le tout à l’élément humain.

Il en résulte que l’on propose des interprétations qui nient l’historicité des éléments divins. Aujourd’hui, ce que l’on appelle le mainstream de l’exégèse en Allemagne nie, par exemple, que le Seigneur ait institué la Sainte Eucharistie et affirme que le corps de Jésus serait resté dans le tombeau. La Résurrection ne serait pas un événement historique mais une vision théologique. C’est le résultat de l’absence d’une herméneutique de la foi : une herméneutique philosophique profane s’affirme alors et nie la possibilité de l’entrée et de la présence réelle du Divin dans l’histoire.

La conséquence de l’absence du second niveau méthodologique est qu’un profond fossé méthodologique s’est creusé entre l’exégèse scientifique et la Lectio divina. C’est précisément de là que naît parfois une forme de perplexité, y compris dans la préparation des homélies. Quand l’exégèse n’est pas de la théologie, la Sainte Ecriture ne peut être l’âme de la théologie et, réciproquement, quand la théologie n’est pas essentiellement interprétation de la Sainte Ecriture dans l’Eglise, cette théologie n’a plus de base.

Il est donc absolument nécessaire, pour la vie et la mission de l’Eglise, pour l’avenir de la foi, de dépasser ce dualisme entre exégèse et théologie. La théologie biblique et la théologie systématique sont deux dimensions d’une unique réalité, que nous appelons théologie.

Je crois donc souhaitable que l’une des propositions [du synode] parle de la nécessité de tenir compte, dans l’exégèse, des deux niveaux méthodologiques qu’indique Dei Verbum 12, là où il est question de la nécessité de développer une exégèse non seulement historique, mais aussi théologique. Il faudra donc élargir en ce sens la formation des futurs exégètes, pour ouvrir vraiment les trésors de la Sainte Ecriture au monde d’aujourd’hui et à nous tous.
(Discours du 14 octobre 2008)
https://www.vatican.va/content/benedict ... inodo.html
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

Avatar de l’utilisateur
Pneumatis
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1937
Inscription : jeu. 19 févr. 2009, 17:22
Localisation : Châteaubriant
Contact :

Re: N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

Message non lu par Pneumatis » sam. 05 déc. 2009, 16:38

Bon ben voilà, je me suis réveillé un siècle trop tard :) Ca vaut le coup de faire remonter le sujet quand même pour donner l'information officielle. Source : http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/18/ ... blique.pdf
Commission biblique pontificale a écrit :
Réponse du 27 juin 1906
sur l’authenticité mosaïque du Pentateuque
181. Dubium 1 : Les arguments accumulés par les critiques pour attaquer l’authenticité mosaïque des livres saints désignés sous le nom de Pentateuque sont-ils d’un tel poids que - en dépit des très nombreux témoignages, pris dans leur ensemble, des deux Testaments, de la persuasion constante du peuple juif et de la tradition ininterrompue de l’Église, et malgré les preuves internes tirées du texte même - on ait le droit d’affirmer que ces livres n’ont pas Moïse pour auteur, mais ont été composés d’éléments pour la plus grande partie postérieurs au temps de Moïse ?

Réponse : Non.

182. Dubium 2 : L’authenticité mosaïque du Pentateuque réclame-t-elle nécessairement que tout l’ouvrage ait été rédigé de telle sorte que l’on doive tenir pour certain que Moïse a écrit de sa propre main ou dicté à des secrétaires tout l’ouvrage et chacune de ses parties ? Ou encore peut-on admettre l’hypothèse de ceux qui estiment que Moïse, après avoir conçu lui-même son oeuvre sous l’inspiration divine, en aurait confié la rédaction à un ou plusieurs secrétaires qui, toutefois, auraient fidèlement rendu sa pensée et n’auraient rien écrit contre sa volonté, ni rien omis ; et qu’enfin cet ouvrage ainsi composé et approuvé par le même Moïse, auteur principal et inspiré, aurait été publié sous son nom ?

Réponse : Non, pour la première partie ; oui, pour la seconde

183. Dubium 3 : Peut-on admettre, sans porter atteinte à l’authenticité mosaïque du Pentateuque, que Moïse, pour composer son ouvrage, s’est servi de sources, documents écrits ou traditions orales, auxquels, suivant le but particulier qu’il se proposait et sous l’inspiration divine, il a fait quelques emprunts, prenant tantôt les mots eux-mêmes, et tantôt le sens, résumant ou amplifiant, et les insérant dans son ouvrage ?

Réponse : Oui.

184. Dubium 4 : Peut-on admettre – l’authenticité mosaïque et l’intégrité du Pentateuque étant sauvegardées quant à la substance – que cet ouvrage, à travers de si longs siècles, a subi quelques modifications, par exemple : des additions faites après la mort de Moïse par un auteur inspiré, des gloses des explications intercalées dans le texte ; des mots et des tournures vieillis, traduits en un langage plus moderne ; enfin des leçons fautives imputables à des erreurs de copistes, et qu’il appartient à la critique d’examiner et d’apprécier conformément à ses principes ?

Réponse : Oui, le jugement de l’Église étant réservé.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

diviacus
Censor
Censor
Messages : 143
Inscription : sam. 01 mars 2014, 16:38

Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par diviacus » ven. 05 avr. 2019, 12:26

Pour les anglophones, ci-après un texte (un peu ardu), expliquant les indices permettant de situer les premiers textes sur Abraham au VIIIe siècle av. J.-C. (voir pages 10, 12, 16 et 17), et les premiers textes parlant de l'origine mésopotaminenne d'Abraham à la période exilique, voire post-exilique (pages 19-20).
http://www.academia.edu/29972948/Commen ... _Narrative

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 42 invités