Message non lu
par Xavi » mer. 01 mai 2019, 10:46
Comment répondre au doute sur l’origine historique d’Abraham que répandent les opinions qui affirment que le récit de la Genèse aurait été inventé par des scribes durant le premier millénaire avant Jésus-Christ, au moment de l’exil ou, du moins, seulement vers le VIIIème siècle avant Jésus-Christ ?
L’indice qui me semble le plus convaincant concernant la réalité historique d’Abraham comme étant réellement issu de Ur, en Chaldée, au début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, c’est le calendrier utilisé par le récit de la Genèse lui-même.
Tant à Babylone qu’en Canaan ou en Égypte, durant tout le premier millénaire avant Jésus-Christ, le temps se mesurait selon le retour des saisons semblables déterminé par le soleil par des années d’environ 365 jours parfois calculée sur la base de 12 mois lunaires d’un total de 354 jours avec l’ajout de mois intercalaires.
Par contre, dans la cité antique de Ur, environ deux millénaires avant Jésus-Christ, le calendrier annuel était particulier car une année se mesurait entre les deux équinoxes lorsque le jour est d’une durée égale à la nuit (soit, actuellement entre le 21 mars et le 21 septembre). Une année, c’était donc 182 jours, comme le nombre des années de vie de Lémec lorsqu'il engendra Noé (Gn 5, 28).
Comment imaginer qu’un récit inventé durant le premier millénaire avant Jésus-Christ aurait attribué aux Abraham, Isaac et Jacob des durées de vie non réalistes, dans le calendrier annuel d’environ 365 jours généralisé à cette époque, de 175 ans (Gn 25, 7), de 180 ans (Gn 35, 28) et de 147 ans (Gn 47, 28) ? Comment comprendre que Sarah aurait enfanté à l’âge de 90 ans (Gn 17, 17) e serait décédée à 127 ans (Gn 23, 1) ? Comment comprendre qu’Abraham, âgé de 137 ans à la mort de Sarah (Gn 17, 17) se serait remarié ensuite avec Ketura dont il a encore eu 6 enfants (Gn 25, 1-2) ?
Dans son livre, « Histoire des Religions », Tome II, Edwin Oliver James observe que, dans le pays de Sumer, « Les deux moments les plus importants de l'année agricole sont le printemps, dans lequel la croissance est apparente, et l'automne, quand les récoltes ont été moissonnées » et que « Chacun de ces deux moments peut être considéré comme le début de l'année et, au travers des textes rituels babyloniens, nous savons que, lors de ces deux moments, on célébrait le festival de l'An nouveau dans les villes d'Erech et de Ur » (p. 59-60).
Cette fête de la nouvelle année, qui s'y déroulait alors deux fois dans l'année, aux deux équinoxes, se nommait a-ki-ti en sumérien ou akitu en akkadien et elle est mentionnée dans des textes relatifs à plusieurs des villes majeures du pays de Sumer, dans la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C. Outre Ur, la cité d’où cette fête semble originaire, et Uruk, elle est notamment attestée à Nippur. Au deuxième millénaire, l'akitu se repère dans un nombre croissant de cités situées au nord de l'ancien pays de Sumer : Babylon, Sippar, Eshnunna, puis plus loin Terqa, Assur et Ninive.
Ainsi, dans le pays de Sumer, les années se comptaient par six mois et seule l'application d'un tel décompte du temps, qui était en vigueur à Ur vers deux mille ans avant Jésus-Christ, paraît pouvoir expliquer les âges d'Abraham, Sarah, Isaac et Jacob relatés par la Genèse.
Dans une étude de 1999 intitulée « La chronologie biblique d’Adam à la mort de Moïse », le professeur Bernard Barc, spécialiste de l’herméneutique juive ancienne qui a enseigné dans les universités de Nancy II, Lyon et Laval et s’est intéressé à mettre en lumière les règles anciennes d'interprétation de la Bible, a observé que « des années doubles (existent) après le Déluge, comme si la sortie du Déluge avait pour conséquence la mise en place d'un double modèle du temps… ».
Le professeur Barr estime que « Le lien étroit de cette architecture numérique avec les événements de l'histoire me semble exclure l'hypothèse d'une chronologie plaquée a posteriori et de façon artificielle par un ultime rédacteur. Les nombres font corps avec le récit. Le sens symbolique ressort de la mise en correspondance des nombres et des faits rapportés, ce qui suggère une écriture du texte en fonction d'un projet chronologique global ».
Lorsque Moïse compose le livre de la Genèse, il calcule le temps annuel sur une base de 12 mois, comme on le faisait en Égypte, mais lorsqu’il reprend le récit ancien d’Abraham, Isaac et Jacob, il ne modifie pas les années mentionnées ce qui est un indice d’une tradition déjà bien fixée.
D’un point de vue sumérien, les années du récit primitif de la famille sumérienne d’Abraham, Isaac et Jacob n’ont donc pas la même signification que la nôtre et n’ont, en réalité, qu’une durée équivalente à une demi-année actuelle.
Nous pouvons alors comprendre que lorsque Abraham quitte Charan à l’âge de « 75 » ans (Gn 12, 4), il en a, en réalité, de notre point de vue, seulement 37. Il a 50 ans lorsque Sara donne naissance à Isaac (Gn 21, 5). Et Sara n’enfante pas à 90 ans (Gn 17, 17), mais à 45 ans.
Lorsque Sara meurt à « 127 » ans (Gn 23, 1), elle en a en réalité 63. Abraham devient donc veuf à 68 ans (et non 137) ce qui permet de comprendre qu’il est encore capable d’avoir six autres enfants après s’être remarié avec Ketura (Gn 25, 1-2).
Isaac n’enfante pas Jacob à l’âge de 60 ans (Gn 25, 26) mais à l’âge de 30 ans.
Ce n’est pas à l’âge de 130 ans (Gn 47, 28) que Jacob arrive en Égypte, mais à 65 ans.
Cela montre toute l’importance pour l’exégèse biblique d’être attentif au lien historique avec la ville antique de Ur citée trois fois dans la Genèse (Gn 11, 28 et 31 ; Gn 15, 7).
Il faut seulement accepter que les faits historiques ne sont pas relatés dans la Bible à la manière d’une chronologie historique moderne mais selon les usages culturels en vigueur lorsque les textes primitifs ont été rédigés.