Gaudens a écrit : ↑jeu. 09 mai 2019, 12:12
Bonjour à tous,
J’ai l’impression que depuis quelques jours le ton des échanges s’est aigri et qu’on ne repère plus de points centraux qui pourraient justement faire « cesser la guerre des messes, » ce qui était le point de départ de Cinci.C’est du reste à lui que je m’adressais quand j’écrivais : »Vous écrivez que nous avons dépassé le stade des questions fondamentales.Comme c'est vous qui avez lancé ce fil de discussion il me semble qu'il serait excellent que vous y reveniez pour recentrer le débat sur ces questions essentielles ».Et apparemment Cinci avait lui-même perdu le fil de ces « questions essentielles ».
La réponse de Carhaix à cette question renvoyait à la p 16 quand il écrivait : « est-il juste de remplacer le chant officiel qui n'indispose personne par des styles et goûts particuliers qui vont plaire aux uns et déplaire aux autres ? ».
Plus loin,il ajoutait : « ma question porte spécifiquement sur l'introduction de chansons au goût particulier qui ne peuvent que hérisser une partie de la foule, invitée à aller ailleurs si ça ne lui convient pas, en lieu et place d'un répertoire de plain-chant, qui était (est ?) le répertoire de l'Église depuis des temps immémoriaux».
Pour Carhaix,pas de doute
eul le chant grégorien(ou plain-chant) plait à tous et n’est pas facteur de division,le reste l’ est ;après cela,il reconnait que dans tout ce qui n’est pas plain-chant mais chant en langue vulgaire,il y a de tout,du plus ou moins acceptable liturgiquement(dans un respect objectif de ce que doit être la liturgie) mais problématiquement toujours affaire de goûts divergents voire séparateurs.
Ensuite pour Christian K,le Concile est responsable des dérives par le flou de ses affirmations et surtout par le primat donné par lui « par-dessus tout »(summopere) à la « participation active des fidèles »,relativisant totalement d’autres affirmations du même Concile(dans la constitution Sacosanctum Concilium, en agrégé plus loin SC) quant au maintien prioritaire du latin et du chant grégorien.
Voyons cela :
Au sujet du chant grégorien, SC écrit que l’Eglise romaine(c a d l’Eglise latine, pas les Eglises orientales unies) reconnait en lui le chant propre de sa liturgie et que « c’est lui qui dans les actions liturgiques,toutes choses égales par ailleurs(ceteris apribus) doit occuper la première place ».La priorité du grégorien est affirmée par respect de l’histoire dans sa continuité et non par ce que le plain-chant serait par nature en dehors des affaires de goût ; j’ai indiqué en ce qui me concernait deux limites que j’y voyais -en ce qui concernait son interprétation,chose en effet personnelle- en dehors même de la difficulté de compréhension par les fidèles,Kyriale à la rigueur mis à part.Et c’est peut-être cette dernière limitation -la compréhension – que visait SC par l’incise un peu mystérieuse « ceteris paribus »,je ne sais …Reste qu’un certain retour au grégorien dans les paroisses ,sans pousser la chose trop loin ,qui pourrait faire fuir beaucoup de fidèles attachés au vernaculaire et aux chants nouveaux(et oui, affaire de goût,aussi…) serait souhaitable pour respecter les vœux de SC : « on veillera à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble,en langue latine,aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent »(54).
Quant aux pièces en langue vernaculaire ,il est clair qu’elles doivent respecter les textes liturgiques approuvés (point 36.4)et que les paraphrases ou condensés n’y ont donc pas leur place(ce qui n’interdit pas,à côté, les « cantiques » évoqués aussi par SC).Reste que le point 38 accepte que « pourvu que soit sauvegardée l’unité substantielle du rite romain,on admettra les différences légitimes et des adaptations à la diversité des assemblées,des régions,des peuples,surtout dans les missions,même lorsqu’on révisera les livres liturgiques ».Donc adaptation possible,surtout dans les missions,mais sous contrôle des livres liturgiques révisés.Mais j’ignore ce que peuvent être les « différences légitimes » visées par SC.
Au final,SC maintenait la nécessité des règles ,des rubriques,d’éviter les adaptations sans contrôle et respectait la primauté du latin et du plain-chant ,avec certes des formulations un peu vagues ,type « ceteris paribus ».Mais nullepart SC ne me parait employer la formule « summopere »(par-dessus tout) évoquée par Cristian K qui l’a peut-être trouvée dans un texte d’adaptation de moindre force liante.
Ces considérations peuvent recentrer les questions fondamentales mais elles ne sont sans doute pas suffisantes pour faire cesser la « guerre des messes » et je persiste à penser que la fidélité aux sages intentions de Benoit XVI demanderait une lente et prudente évolution convergente des deux formes en laissant chacune des deux imprégner progressivement l’autre de ce qu’elle a de meilleur et qui manquerait dans l’autre.
L'ennui, c'est que la musique liturgique ne dépend pas de règles écrites s'appliquant uniformément, mais uniquement de pratiques locales non paramétrables. On peut aussi bien trouver des messes Paul VI chantées en latin, que des messes Saint-Pie V accompagnées de chants de l'Emmanuel. Rien n'interdit de célébrer, si on voulait, une messe saint Pie V avec des Je crois en Dieu qui aime la vie, La paix elle aura ton visage, des guitares et du tam-tam. Simplement, les gens qui célèbrent ce genre de messe n'en ont pas envie, et donc ça ne se rencontre pas. Mais ce serait possible, tant que le prêtre lit le contenu du missel à l'autel, avec les bonnes antiennes de la messe et le kyriale. Ce qui rend la messe valide, c'est ce que fait le prêtre à l'autel. Les fidèles peuvent danser sur des rythmes de reggae pendant ce temps, et chanter Kumbaya en frappant des mains, ça n'empêche pas la messe d'être valide.
Alors concrètement, sur le terrain, vous trouverez des gens qui ne tolèrent pas le vernaculaire, et qui chantent le grégorien, uniquement, d'autres qui ajoutent de la polyphonie, et d'autres qui ajoutent des chants de l'Emmanuel (qui sont quand même très en cours chez les tradis), voire des chants platement Paul VI, comme "Seigneur, dirige", qui est un vrai tube également en milieu tradi.
Vouloir que les deux pratiques se rapprochent pour converger un jour, c'est une idée sur le papier. Mais il me semble que ça ne signifie rien de concret. Déjà, aucune pratique ne se ressemble dans les messes Paul VI. Et chez les tradis, même s'il y a moins de disparités, on trouve quand même aussi des variantes locales, qui découlent tout simplement des personnalités qui sont chargés localement de ces messes.
En fait, ces "rapprochements" existent déjà. Et ils sont fragiles, car il suffit simplement qu'une personne change, pour que le répertoire musical soit différent.
Pour être plus concret, il y a différents types de chants dans une messe st Pie V. Il faut entrer dans le concret pour bien comprendre de quoi on parle.
- le kyriale. Le kyriale n'est pas interchangeable avec les inventions du nouveau missel (Sylvanès, Je crois en Dieu qui chante, Blondel, etc.). Sinon la démarche traditionnelle n'a plus de sens. À ce compte là, autant adopter la messe Paul VI.
- les antiennes grégoriennes. Si un chœur capable de chanter est présent, il n'y a aucune raison de se priver de ces antiennes. Sauf problème. Le problème, c'est lorsque le curé ou l'organiste s'y opposent. Mais ce ne sont pas des conditions normales. La raison invoquée est le plus souvent la longueur : le graduel est long et difficile. L'offertoire empêche l'orgue de jouer. Souvent, un prêtre qui prône l'ouverture (le fameux rapprochement) demandera de laisser tomber ces deux-là, et d'abréger l'Alléluia. Parfois même, voudra tout supprimer pour mettre à la place des chants Paul VI et de l'orgue. Généralement, ces mesures sont vécues comme vexatoires par les fidèles (comme si on leur faisait la leçon : vilains traditionalistes refermés sur vous-mêmes, ça vous apprendra à être ouverts). Et beaucoup de tradis les ont subies par le passé dans les paroisses où ils étaient parqués dans le cadre du motu proprio. En fait, vous voyez, cette idée n'est pas nouvelle. Mais partout où les tradis ont réussi à secouer ce joug, ils ont obtenu de pouvoir disposer du répertoire grégorien normal (à condition d'avoir une chorale capable de l'exécuter).
- les cantiques : généralement l'entrée et la sortie, en concurrence avec l'orgue. Mais là aussi, c'est tout tracé. Car le cantique de sortie est le plus souvent à la Vierge Marie (généralement ignorée par la liturgie Paul VI). L'entrée, c'est souvent l'orgue (faut bien que l'orgue puisse jouer, aussi), ou le chant en rapport avec le cycle liturgique (chants de Pâques, Noël, Carême, là aussi, largement délaissés par la messe Paul VI).
Comme on le voit, ça ne laisse pas beaucoup d'occasions de chanter Peuple de Dieu marche joyeux, ou des Alléluias jazzy.
Et donc, concrètement, je ne vois pas ce que pourrait être un "rapprochement" progressif.
D'ailleurs je n'ai parlé que de la musique, mais il y a aussi d'autres éléments qui éloignent : le missel en lui-même (intégralement différent), l'organisation de l'espace (orientation de l'autel, position du tabernacle), les ornements, le calendrier liturgique (années abc), etc.
Il faut nécessairement en passer par une nouvelle réforme écrite, voire une double réforme parallèle, si on veut un "rapprochement". Avec tous les risques potentiels.