Sur les traces du déluge

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Carhaix
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Re: Sur les traces du déluge

Message non lu par Carhaix » lun. 30 déc. 2019, 21:15

J'ai entendu dans un documentaire qu'un énorme cataclysme avait pu être daté très précisément de 6000 et quelques (6700 ans, je crois) avant Jésus-Christ, lorsque d'énormes blocs de glace se sont détachés de la calotte glaciaire d'Amérique du Nord, et se sont brutalement déversés dans l'océan, provoquant une série de réactions en chaîne, dont une montée forte du niveau des eaux, un réchauffement climatique, et une aridification de la ceinture désertique passant par le Sahara et le Proche-Orient.

Ce qui expliquerait bien l'élaboration des mythes que l'on peut lire dans la Genèse : paradis terrestre perdu, et déluge.

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Xavi
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Re: Sur les traces du déluge

Message non lu par Xavi » mer. 01 janv. 2020, 15:37

Bonjour Baraq et Bonne année à vous et à tous les lecteurs de ce fil.

Merci, ici encore, pour vos réflexions.
Baraq a écrit :
lun. 30 déc. 2019, 20:30
Il y a tout de même quelques indices dans un sens universel dans le texte, et même ailleurs dans la Bible lorsqu'il est question du Déluge.
Pourriez-vous me préciser les indices que vous considérez « dans le texte » ?

Il me semble que, sur le plan concret, il n’y en a aucun dans le texte de la Genèse. Inimaginable d’envisager un rassemblement en un seul endroit d’un couple de chacune des milliers d'espèces animales de la planète. Inimaginable d’envisager une survie de quelques humains et de tous les animaux des tropiques dans un froid glacial au-dessus des 8.000 mètres de l’Everest.

La portée universelle du déluge dans d'autres textes et l’interprétation de sa portée universelle dans les temps passés, ne doivent pas nécessairement exclure un point de vue plus local pour les auteurs des récits primitifs que Moïse a pu reprendre dans la Genèse.

Peut-être pourriez-vous préciser et compléter les indices auxquels vous faites allusion, mais nous pouvons déjà examiner ceux que vous considérez dans votre message.

Baraq a écrit :
lun. 30 déc. 2019, 20:30
La région montagneuse de l'Ararat biblique n'est pas vraiment proche plat pays de Sumer mais se trouve beaucoup plus au nord, aux confins de la Turquie actuelle, de l'Iran et de l'Arménie, comme le confirme le passage du prophète Jérémie (51,27). Ce pays n'est ni sumérien ni sémite de culture, c'est le pays des hourrites, et je me demande d'ailleurs si l'Urartu n'a pas la même racine qu'Ararat.
Ce qui me frappe dans la référence à l’Ararat, aux confins de la Turquie actuelle, c’est le fait que les deux fleuves du pays de Sumer (le Tigre et l’Euphrate) y ont leur source et s’en écoulent.

Dans le texte hébreu, c’est le même mot qui désigne une « montagne » ou une « élévation ».

Aussi, il me semble que, pour un Sumérien, le mot « Ararat » ne signifiait pas nécessairement son sommet neigeux situé à plus de mille km mais pouvait couvrir toute son élévation depuis le pays de Sumer où aboutissait le Tigre et l’Euphrate qui y ont leur source.

Mais, il ne s’agit, bien sûr, que d’une hypothèse.

Baraq a écrit :
lun. 30 déc. 2019, 20:30
D'après le texte les fils de Noé ne sont-ils pas ancêtres des peuples du monde connu de l'hagiographe ? Égyptiens, cananéens, libyens, éthiopiens et autres peuples du Levant et de la Corne de l'Afrique pour Cham, grecs et méditerranéens septentrionaux, anatoliens du nord, caucasiens, iraniens du nord et autres peuples d'Asie centrale pour Japhet, et enfin les peuples sémites du Moyen-Orient (sauf les cananéens) mais aussi les anatoliens méridionaux et les iraniens du sud pour Sem.
En effet.

Mais, comme vous le relevez vous-même, il ne s’agit que « des peuples du monde connu de l'hagiographe », soit des peuples de régions relativement proches qui étaient en relations commerciales avec la Mésopotamie, et il est vraisemblable que divers mouvements migratoires aient dispersé des Sumériens parmi toutes ces populations.

À cet égard, on sait aujourd’hui que l’écriture cunéiforme sumérienne s’est répandue dans tout le croissant fertile du Moyen-Orient. Partout, cet élément essentiel de la culture sumérienne semble s’être imposé.

Je comprends, bien sûr, l’impression d’universalité que donnent les nombreux détails de la descendance de Noé, mais cela ne me paraît pas décisif dès lors que, précisément, cela ne concerne guère que les populations relativement proches et que les indices contraires à l’universalité me paraissent d’un poids beaucoup plus convaincant.

Baraq a écrit :
lun. 30 déc. 2019, 20:30
S'il existe des mythes communs à de nombreux peuples, et dont l'origine remonte très loin au Paléolithique, tout comme les langues parlées sur toute la terre, et s'il est question d'un déluge dans tous ces mythes commun, ça ne me parait pas extraordinaire que ce soit celui-là dont il soit question pour ce qui est du fond dans le texte biblique.
À l’exception des mythes babyloniens dont l’ancienneté ne remonte guère plus loin que le début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ (l’époque d’Abraham), tous les autres mythes n’ont à ma connaissance qu’une ancienneté nettement moindre.

Il me semble que tout au long du second millénaire avant Jésus-Christ, l’influence des récits mésopotamiens a pu s’étendre partout mais qu’il est aussi vraisemblable que les catastrophes par inondations diverses, du fait de crues ou de raz-de-marée, aient pu susciter partout des mythes sur cette base.

Ici encore, il faut mettre cet élément en balance avec les indices contraires à l’universalité.

Baraq a écrit :
lun. 30 déc. 2019, 20:42
Pourquoi les textes historiques de la Genèse, textes inspirés, ne fonctionneraient pas comme les prophéties apocalyptiques du Nouveau Testament où deux futurs, l'un proche et l'autre éloigné, sont placés en apparence sur le même plan ?
C’est a priori possible, mais je ne vois pas quel intérêt cela aurait ici, ni pourquoi les Sumériens qui connaissaient les inondations récurrentes de la plaine de Sumer (les historiens affirment qu’au troisième millénaire avant Jésus-Christ, la mer s’étendait jusqu’à Ur et recouvrait tout l’eden sumérien), auraient dû se référer à une inondation universelle.

Il est, par contre, fort possible, que le déluge décrit par la Bible comme étant le dernier, ait été précédé par d’autres qui ont pu être plus importants et être à l’origine de mythes plus anciens.

Baraq
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Re: Sur les traces du déluge

Message non lu par Baraq » ven. 03 janv. 2020, 14:50

Bonjour Xavi, et bonne année à tous également.

Je pense que vous l'avez compris mais je ne milite pas en faveur d'un déluge universel ayant recouvert les plus hauts sommets de la planète, pas plus que pour un sauvetage de la totalité de la faune mondiale, ce qui est inconcevable au vu de sa répartition actuelle sur la terre.

En ce qui concerne la forme et l'un des sens littéral du récit du déluge, je pense comme vous qu'il est tout à fait pertinent le placer dans son contexte culturel et qu'on peut y voir la relation d'une inondation locale en Mésopotamie. C'est peut-être le même déluge que celui de Ziusudra qui a inspiré les récits mésopotamiens, car la ressemblance entre les récits est frappante. J'ai découvert il y a un ou deux ans sur le site Science & Foi que le texte est construit comme en utilisant une figure de style particulière, le chiasme. Est-ce Moïse l'auteur ? Est-ce plus ancien encore comme vous le pensez ? Est-ce un emprunt ajouté plus tardivement à un récit très bref datant de Moïse ?

Par contre, dans le sens exclusif d'une inondation locale en Irak, je ne vois pas très bien comment comprendre les promesses divines et l'alliance avec l'humanité annonçant que la terre ne serait désormais plus châtiée de la sorte (8,21-22 et 9,1-17). Comment dans ce cas pouvez-vous dire qu'il s'agit de la dernière inondation dans le pays de Sumer alors que l'Irak n'a jamais cessé d'être inondé régulièrement, le dernier "déluge" local remontant au printemps dernier. Et même si l'on ne prend que les catastrophes, il y en a eu un certain nombre depuis l'époque sumérienne : la chute de la Perse face aux armées arabo-musulmanes a été précédée de problèmes économiques en partie liée à des inondations très grandes en Mésopotamie, suite à des précipitations et à une hausse temporaire du niveau de la mer il y a 1500 ans.

Ce n'est certes pas un indice en faveur de l'universalité, mais l'aire géographique qui va du Golfe Persique à l'Ararat est tout de même un territoire immense qui recouvre la quasi totalité de l'Irak et de bonnes parties de la Syrie, de la Turquie et de l'Iran. Ur n'est pas située au pied du massif de l'Ararat mais à l'ouest des piémonts sud de la chaîne du Zagros dont les sommets culminent à plus 4000 mètres. Il n'y a aucune trace archéologique en faveur d'une inondation de cette ampleur. Les couches de limon que l'on attribuait autrefois au déluge ne concernent que deux ou trois villes du pays sumérien, et rien ne prouve qu'il s'agisse d'inondations simultanées.

Je parlais aussi des descendants d'Adam : la Genèse ne dit pas que les descendants de Noé sont allés essaimer un peu partout dans les pays voisins, elle identifie les petit-fils de Noé aux peuples eux-mêmes, et c'est ainsi que ce texte a toujours été interprété. Il me semble que lorsque le texte biblique parle de Misraïm, de Javan ou d'Aram, il parle des peuples de l'Egypte, de l'Ionie et de la Syrie, pas des communautés sumériennes qui auraient pu s'exiler dans ces pays là.

Les expressions "toute la terre" ou "sous le Ciel" sont malgré tout universalistes, même si on peut aussi les interpréter dans un sens local, comme vous le faites précédemment. Mais le plus important à mon sens, beaucoup plus que la lettre du texte, c'est la manière dont la tradition a compris le Déluge depuis trois mille ans. Si vraiment le sens d'une inondation locale était aussi évident que cela, ce texte n'aurait jamais suscité des débats aussi passionnés. Jamais les littéralistes n'auraient fait preuve de tant d'ardeur pour pouvoir justifier leur croyance en une inondation qui aurait submergé les plus hauts sommets de l'Himalaya. Jamais les sceptiques n'auraient pu utiliser ce texte pour se moquer de cette croyance dans un déluge universel comme de la foi et de la religion en général.

D'où vient donc cette idée d'universalité du Déluge, si présente dans les traditions juives et chrétiennes ? J'ai du mal à croire qu'elle ne soit due qu'à l'ignorance des hommes, d'autant qu'il y a tout de même de très grands noms parmi les Pères de l'Eglise qui ont défendu cette idée. Je ne peux pas exclure que cette tradition ne soit pas aussi l'oeuvre du Saint-Esprit. Mais je comprends aussi que cette question doit avoir moins d'importance pour vous que pour moi, vu nos hypothèses respectives quant à l'époque à laquelle Adam aurait vécu.

Voilà pourquoi, quand j'entend des spécialistes de différentes disciplines parler d'un événement volcanique de très grande ampleur dans le passé, ayant eu des répercussions profondes sur le climat mondial et des effets destructeurs sur la faune et la flore de l'époque, et quand je constate, grâce à la génétique des populations, que cet événement coïncide dans le temps avec un renouvellement quasi complet de la population humaine, je ne peux que faire le rapprochement avec la tradition du Déluge universel de Noé que rapporte l'Ecriture Sainte, non seulement dans la Genèse mais ailleurs dans la Bible, par exemple dans le Siracide et le Nouveau Testament.

Et voilà pourquoi je pense que ce récit est à comprendre historiquement sur au moins deux deux plans, l'un récent et local, et l'autre lointain et universel, à l'instar de la double prophétie de Jésus sur la ruine prochaine de Jérusalem et sa Parousie à la fin du monde.

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Re: Sur les traces du déluge

Message non lu par Xavi » ven. 03 janv. 2020, 18:00

Bonjour Baraq,

Une fois de plus, je me réjouis de vos réflexions approfondies qui affrontent les problèmes sans les éviter.

Vous écrivez, à juste titre, que « Si vraiment le sens d'une inondation locale était aussi évident que cela, ce texte n'aurait jamais suscité des débats aussi passionnés ».

Il faut être clair : ce n’est pas évident du tout. Loin de là ! On ne peut actuellement parler ici que d’hypothèses.

Celui qui s’intéresse au déluge (comme à tout le début de la Genèse, d’ailleurs) doit être modeste autant que prudent. On n'en sait pas grand-chose et le champ des multiples interprétations possibles est très vaste.

Ici, ne faut-il pas rappeler, une fois encore, les propos du Pape Pie XII dans l’encyclique Humani Generis ? Il y indique que « l’exégète catholique, poussé par un amour de sa science, actif et courageux, sincèrement dévoué à notre Mère la sainte Église, ne doit, en aucune façon, se défendre d'aborder, et à plusieurs reprises, les questions difficiles qui n'ont pas été résolues jusqu'ici, non seulement pour repousser les objections des adversaires, mais encore pour tenter de leur trouver une solide explication, en accord parfait avec la doctrine de l'Église, spécialement avec celle de l'inerrance biblique, et capable en même temps de satisfaire pleinement aux conclusions certaines des sciences profanes…
Qu'ils aient avant tout présent, que… dans l'immense matière contenue dans les Livres Saints, livres de la Loi ou livres historiques, sapientiaux et prophétiques, il y a bien peu de textes dont le sens ait été défini par l'autorité de l'Église, et il n'y en a pas davantage sur lesquels règne le consentement unanime des Pères. Il reste donc beaucoup de points, et d'aucuns très importants, dans la discussion et l'explication desquels la pénétration et le talent des exégètes catholiques peuvent et doivent avoir libre cours, afin que chacun contribue pour sa part et d'après ses moyens à l'utilité commune, au progrès croissant de la doctrine sacrée, à la défense et à l'honneur de l'Église
» (n° 42), « Car bien des points, en particulier parmi ceux qui touchent à l'histoire, ont été expliqués à peine ou insuffisamment par les exégètes des siècles écoulés, parce qu'il leur manquait presque toutes les connaissances nécessaires pour les élucider. Combien il était difficile et quasi impossible aux Pères mêmes de traiter certaines questions, Nous le voyons, pour ne rien dire d'autre, aux efforts réitérés de beaucoup d'entre eux pour interpréter les premiers chapitres de la Genèse » (n° 33).

Baraq a écrit :
ven. 03 janv. 2020, 14:50
dans le sens exclusif d'une inondation locale en Irak, je ne vois pas très bien comment comprendre les promesses divines et l'alliance avec l'humanité annonçant que la terre ne serait désormais plus châtiée de la sorte (8,21-22 et 9,1-17)…
Les expressions "toute la terre" ou "sous le Ciel" sont malgré tout universalistes
Dans le verset 8, 21, lorsque Dieu dit « Je ne maudirai plus cette terre », ce n’est pas le mot « erets » utilisé pour désigner la planète terre dans le premier chapitre de la Genèse, mais le mot « adamah » qui signifie « la terre rouge » ce qui vise de manière spécifique le pays d’argile rouge de Sumer où cette argile était utilisée, notamment, pour former des tablettes d’écriture.

Par contre, dans le verset 8,22, la bénédiction universelle pour les temps à venir qui ne concerne plus directement le déluge utilise le mot plus imprécis de « erets ».

Dans le chapitre 9, le mot « erets » est aussi utilisé lorsqu’il ne vise plus le déluge. Ainsi, dans le verset 1 lorsqu’il s’agit de se multiplier et de remplir « la terre » (« erets »).

Mais, dans le verset où il est question avec précision de l’endroit où Noé a accosté, c’est de nouveau le mot « adamah » qui est utilisé.

« Toute la terre », il me semble c’est seulement tout le pays en cause de l’adamah. Le mot « erets » a aussi, dans de nombreux textes bibliques le sens de « région » ou de « pays ». Rien n’impose de le traduire par « planète ».

L’expression « sous le ciel » indique seulement que ni les insectes, ni les oiseaux, n’étaient concernés par le déluge. Ce qui a été inondé, c’est évidemment ce qui se trouvait sur le sol.

Si vous souhaitez réfléchir la question par rapport au texte hébreu, vous pouvez, au besoin, consulter ces deux excellents sites :

Sur le premier, vous devez choisir un texte puis cocher la case « strong » pour voir apparaître tous les mots en hébreu avec des détails accessibles :
https://emcitv.com/bible/lire-la-bible.html

Sur le second, vous pouvez suivre le texte hébreu avec un mot à mot en anglais (cf. Scripture4all [PDF] Bible interlinéaire : hébreu & traduction de chaque mot en anglais) :
https://www.lexilogos.com/bible_hebreu.htm

Baraq a écrit :
ven. 03 janv. 2020, 14:50
Comment dans ce cas pouvez-vous dire qu'il s'agit de la dernière inondation dans le pays de Sumer alors que l'Irak n'a jamais cessé d'être inondé régulièrement, le dernier "déluge" local remontant au printemps dernier. Et même si l'on ne prend que les catastrophes, il y en a eu un certain nombre depuis l'époque sumérienne
Il me semble que, depuis le changement climatique constaté il y a 4.200 ans, il n’y a plus jamais eu d’inondation de l’ampleur de celle indiquée par le récit biblique avec plusieurs mois sans plus apercevoir aucun sommet, ni aucun rivage, comme cela a pu être le cas dans la vaste plaine de l’eden sumérien de très faible altitude (Ur, la capitale du pays de Sumer, à 250 km du Golfe persique, n’est qu’à 6 mètres d’altitude).

C’est ce que vous confirmez de manière exacte lorsque vous écrivez que « Il n'y a aucune trace archéologique en faveur d'une inondation de cette ampleur. Les couches de limon que l'on attribuait autrefois au déluge ne concernent que deux ou trois villes du pays sumérien, et rien ne prouve qu'il s'agisse d'inondations simultanées. »

Baraq a écrit :
ven. 03 janv. 2020, 14:50
Ce n'est certes pas un indice en faveur de l'universalité, mais l'aire géographique qui va du Golfe Persique à l'Ararat est tout de même un territoire immense qui recouvre la quasi totalité de l'Irak et de bonnes parties de la Syrie, de la Turquie et de l'Iran. Ur n'est pas située au pied du massif de l'Ararat mais à l'ouest des piémonts sud de la chaîne du Zagros dont les sommets culminent à plus 4000 mètres. Il n'y a aucune trace archéologique en faveur d'une inondation de cette ampleur. Les couches de limon que l'on attribuait autrefois au déluge ne concernent que deux ou trois villes du pays sumérien, et rien ne prouve qu'il s'agisse d'inondations simultanées.
Votre description est exacte, mais l’eden sumérien ne s’étend pas dans tout le territoire que vous considérez. Il ne s’agit que de la plaine du sud de l’Irak, de la région autour de la ville actuelle de Al Qurnah où le Tigre rejoint l’Euphrate (la région de « l’adamah » où la Genèse situe la création de « l’adam »).

Pour le surplus, c’est une question de point de vue. Il n’était pas anormal de rattacher plutôt le Tigre et l’Euphrate au sommet de l’Ararat d’où ils s’écoulent encore aujourd’hui plutôt qu’aux monts Zagros.

Baraq a écrit :
ven. 03 janv. 2020, 14:50
Je parlais aussi des descendants d'Adam : la Genèse ne dit pas que les descendants de Noé sont allés essaimer un peu partout dans les pays voisins, elle identifie les petit-fils de Noé aux peuples eux-mêmes, et c'est ainsi que ce texte a toujours été interprété. Il me semble que lorsque le texte biblique parle de Misraïm, de Javan ou d'Aram, il parle des peuples de l'Egypte, de l'Ionie et de la Syrie, pas des communautés sumériennes qui auraient pu s'exiler dans ces pays là.
Sur ce point, il faut tenir compte des préhumains (les « nephilims ») qui ont cohabité dans toute la région ainsi que du fait (un autre indice biblique qui contredit l'universalité) qu’il en subsistait encore après le déluge (cf. Nb 13, 33) et parmi lesquels les descendants d’Adam et Ève se sont rapidement multipliés.

La supériorité des Sumériens qui maîtrisaient l’écriture et ont répandu leur écriture partout dans le croissant fertile a pu transformer profondément et rapidement toutes les régions dans lesquelles ils se sont implantés.

Le genre littéraire utilisé me semble pouvoir expliquer le reste. Mais, c’est clair : on est dans l’hypothèse.

Baraq a écrit :
ven. 03 janv. 2020, 14:50
Mais le plus important à mon sens, beaucoup plus que la lettre du texte, c'est la manière dont la tradition a compris le Déluge depuis trois mille ans. Si vraiment le sens d'une inondation locale était aussi évident que cela, ce texte n'aurait jamais suscité des débats aussi passionnés. Jamais les littéralistes n'auraient fait preuve de tant d'ardeur pour pouvoir justifier leur croyance en une inondation qui aurait submergé les plus hauts sommets de l'Himalaya. Jamais les sceptiques n'auraient pu utiliser ce texte pour se moquer de cette croyance dans un déluge universel comme de la foi et de la religion en général.

D'où vient donc cette idée d'universalité du Déluge, si présente dans les traditions juives et chrétiennes ? J'ai du mal à croire qu'elle ne soit due qu'à l'ignorance des hommes, d'autant qu'il y a tout de même de très grands noms parmi les Pères de l'Eglise qui ont défendu cette idée. Je ne peux pas exclure que cette tradition ne soit pas aussi l'oeuvre du Saint-Esprit.
Bien sûr !

C’est tout sauf « évident ».

Quelle que soit l’interprétation, la portée du récit est certainement universelle.

Pour le reste, il me semble inévitable que l’ignorance relative de l’histoire favorisait des interprétations conformes aux connaissances scientifiques limitées du passé.

Cela ne doit pas nous enfermer, comme le Pape Pie XII l’a si bien écrit.

Baraq a écrit :
ven. 03 janv. 2020, 14:50
Voilà pourquoi, quand j'entend des spécialistes de différentes disciplines parler d'un événement volcanique de très grande ampleur dans le passé, ayant eu des répercussions profondes sur le climat mondial et des effets destructeurs sur la faune et la flore de l'époque, et quand je constate, grâce à la génétique des populations, que cet événement coïncide dans le temps avec un renouvellement quasi complet de la population humaine, je ne peux que faire le rapprochement avec la tradition du Déluge universel de Noé que rapporte l'Ecriture Sainte, non seulement dans la Genèse mais ailleurs dans la Bible, par exemple dans le Siracide et le Nouveau Testament.

Et voilà pourquoi je pense que ce récit est à comprendre historiquement sur au moins deux deux plans, l'un récent et local, et l'autre lointain et universel, à l'instar de la double prophétie de Jésus sur la ruine prochaine de Jérusalem et sa Parousie à la fin du monde.
Il me semble qu’il n’y a guère d’indices permettant de parler d’un « renouvellement quasi complet de la population humaine » dans un lointain passé que vous avez situé il y a environ 75.000 ans.

Quoi qu’il en soit, j’y vois éventuellement un épisode de la préhistoire des préhumains que rien ne permet de rattacher au récit biblique du déluge.

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Re: Sur les traces du déluge

Message non lu par Xavi » mer. 19 janv. 2022, 16:51

Selon le récit de la Genèse, « L’an six cent de la vie de Noé, le deuxième mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là, les réservoirs du grand abîme se fendirent ; les vannes des cieux s’ouvrirent. » (Gn 6, 11) et, ensuite, après 150 jours, « Les sources de l’abîme et les vannes du ciel se fermèrent, la pluie des cieux s’arrêta. » (Gn 8, 2)

Selon d’autres traductions, « toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s'ouvrirent ».

Le mot hébreu « baqa » traduit, dans la version officielle en français, par « se fendirent » peut, en effet, aussi se traduire par « jaillirent », ou « sortirent », ou encore « éclatèrent ».

Il faut, à cet égard, éviter de considérer que le déluge ne résulta que de pluies abondantes lorsque « les vannes des cieux s’ouvrirent ». Selon le récit biblique, il y a bien eu une autre provenance des eaux qui ont inondé le pays de l’adamah car le récit mentionne deux causes et même une première cause précédant les pluies et provenant des « réservoirs » ou des « sources » (ces deux mots traduisent le même mot hébreu « mayan ») du « grand abîme ». Le mot hébreu « tehowm », traduit par « abîme » peut viser les profondeurs, la mer, l’océan. Ce sont les eaux qui viennent d’en bas par rapport aux eaux de pluie qui viennent d’en haut.

Ne faut-il pas comprendre ici qu’il y eut ce que nous appellerions aujourd’hui un tsunami ?

Sur le plan historique, dans le pays de Sumer, il y avait fréquemment des inondations du fait des crues fluviales dont l’ampleur pouvait être augmentée par des pluies abondantes.

Dans les niveaux superposés d’occupation de plusieurs villes mésopotamiennes, on a retrouvé des couches d’alluvions qui pourraient correspondre à une inondation importante vers 2900 ans avant Jésus-Christ.

Selon Salanville, il y a eu, en Mésopotamie, des « périodes plus humides au cours de l'Holocène. La principale a été datée de l'Holocène inférieur, entre 9 500 et 6 000 BP [entre 7500 et 4000 avant Jésus-Christ] : la remontée vers le nord de la mousson africaine a alors entraîné une sensible augmentation des pluies d'été, conjuguée probablement, dans le nord du Moyen-Orient, avec un accroissement non négligeable des précipitations hivernales tempérées » et « Il en est donc résulté, globalement, des conditions de vie plus favorables aux hommes et la possibilité pour eux d'occuper des secteurs qu'ils ont dû ensuite abandonner lorsque les conditions arides se sont rétablies. ».
https://www.persee.fr/doc/paleo_0153-93 ... _31_1_4780

À cet égard, il semble aujourd’hui certain que la plaine de Sumer, nommée « eden » en sumérien (le pays de l’adamah dans la Genèse), était particulièrement fertile et habitable durant plusieurs millénaires du néolithique à partir de 7500 avant Jésus-Christ.

Ce n’est qu’à partir de 2200 ans avant Jésus-Christ, qu’un changement climatique majeur a amené dans la région un temps beaucoup plus sec qui a persisté jusqu’à ce jour et qui a rendu la plaine de Sumer beaucoup plus désertique.
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C ... de_4200_BP

Mais, entretemps, les recherches archéologiques ont découvert que la plaine de Sumer, l’eden sumérien, a été recouverte durant une période par les eaux du golfe persique.

Selon les travaux de Salanville, « On sait que lors du dernier maximum glaciaire, vers 18 000 B.P., l'abaissement général du niveau des Océans a entraîné la disparition du Golfe arabo persique, les fleuves mésopotamiens rejoignant directement l'Océan dans le Golfe d'Oman, c'est-à-dire à 800 km au sud de leurs embouchures actuelles » et « La remontée glacio-eustatique du niveau de l'Océan mondial est bien connue. Celui-ci se trouvait vers 120 m au-dessous du niveau actuel lors du maximum de la glaciation, tandis qu'il atteignait ou dépassait le niveau actuel autour de 6 000 BP » et « Lors du maximum glaciaire, le golfe Persique était totalement émergé. En raison de sa faible profondeur, son envahissement par les eaux marines n'aurait guère commencé avant 12 000 BP. La mer a repris alors progressivement possession de la cuvette et la transgression est arrivée à son terme vers 6 000 BP ». Dans ces conditions, « le niveau marin s'est élevé progressivement de — 20 m, vers 8 000 BP, jusqu'à + 2 m entre 6 000 et 5 000 BP ».

À cet égard, il a fallu des milliers d’années avant que la remontée de 120 mètres du niveau des mers atteigne le plateau formé par la plaine de Sumer qui, aujourd’hui encore, ne dépasse le niveau des mers que de moins 10 mètres, ce qui implique que les eaux n’ont envahi la plaine de Sumer qu’à la fin de cette remontée du niveau des mers aux environs de 4000 à 3000 ans avant Jésus-Christ (= 6000 à 5000 BP).

Compte tenu de la marge d’incertitude des datations, il est possible que les traces d’inondation observées dans certaines cités mésopotamiennes et datées d’environ 2900 avant Jésus-Christ puissent correspondre à ladite avancée maximale du golfe persique.

Ceci confirme une bonne habitabilité de l’eden sumérien jusqu’aux environs de 4000 à 3000 (voire 2900) avant Jésus-Christ.

Au maximum de la transgression postglaciaire, on estime, par contre, que le rivage septentrional du golfe Persique passait approximativement par les villes actuelles de Nasiriya, Amara et Ahwaz, et donc que les villes sumériennes de Ur ou Eridu étaient établies à proximité de la mer.

Il s’en déduit qu’à cette époque, la plaine de Sumer, le pays de l’adamah, était entièrement sous eau.

Dans ce contexte historique, un tsunami a pu se produire comme le considère le récit biblique, avec des effets aggravés par des pluies abondantes, lors de l’avancée du golfe persique dans l’éden sumérien.

Par contre, sa destruction totale par les eaux à cette époque ne permet pas d’envisager un déluge biblique plus récent qui est, par ailleurs, écarté par l’absence de traces dans les niveaux des ruines des cités mésopotamiennes correspondant à leur occupation pendant le troisième millénaire.

Après l’avancée des eaux du golfe persique, le pays de l’adamah a pu s’en trouver inondé ou marécageux pendant des siècles. Rien n’indique, à cet égard, dans le récit biblique, qu’au moment où l’arche s’est immobilisée sur une hauteur et que la terre a séché à cet endroit de sorte que Noé a pu sortir de l’arche, tout le pays de l’adamah ait été lui-même asséché.

Dans la réalité historique, c’est le contraire qu’il faut constater.

Selon la traduction française officielle du récit biblique de la fin du déluge, « C’est en l’an six cent un de la vie de Noé, au premier mois, le premier jour du mois, que les eaux s’étaient retirées, laissant la terre à sec [en hébreu : charab]. Noé enleva le toit de l’arche, et regarda : et voici que la surface du sol était sèche [charab]. Au deuxième mois, le vingt-septième jour du mois, la terre était sèche [en hébreu : yabesh »]. Dieu parla à Noé et lui dit : « Sors de l’arche… » » (Gn 8, 13-16)

Pourquoi Noé serait-il encore resté 57 jours dans l’arche si le sol autour de l’arche était déjà sec le premier jour de l’an 601 ?

À cet égard, il semble utile d’observer des nuances dans le texte hébreu qui utilise deux mots différents que la version française traduit pourtant par les mêmes mots « à sec » ou « sèche ». En effet, pour indiquer que la terre était sèche au moment de la sortie de l’arche, le texte hébreu utilise le mot « yabesh » qui n’a que ce sens d’un sol sec ou asséché, mais c’est le mot « charab » qui est utilisé pour constater la situation 57 jours plus tôt et il faut observer que ce mot, qui a plusieurs sens, signifie aussi ravagé, en ruines, dévasté, exterminé.

Et, lorsque Noé constate 57 jours avant de sortir de l’arche que la surface du « sol » était « charab », il faut observer, en outre, que le mot hébreu traduit par « sol » est le mot « adamah ». Ce que Noé semble constater à ce moment, ce n’est pas qu’il n’y a plus d’eau sur le sol mais que tout le pays (la région) de la création de l’humanité (l’adamah) a été anéanti.

La circonstance que la hauteur sur laquelle l’arche s’est immobilisée est ensuite devenue sèche de sorte que Noé pouvait sortir de l’arche, ne permet en rien d’en déduire que l’eau s’était retirée des zones d’altitude plus basse.

Dans la réalité historique, après avoir inondé la vaste plaine de l’eden sumérien aux environ de 3000 avant Jésus-Christ, le rivage du golfe persique n’a reculé que progressivement au cours des siècles suivants.

Plusieurs mythes mésopotamiens du début du deuxième millénaire confirment l’événement évoqué dans le récit biblique et le fait que les populations gardaient le souvenir d’une époque où l’éden de Sumer, devenu ensuite marécageux puis désertique, avait été habité avec bonheur par leurs ancêtres.

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Xavi
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Re: Sur les traces du déluge

Message non lu par Xavi » mar. 23 mai 2023, 14:51

Il a été considéré, dans un autre sujet, tous les indices précis et concordants qui incitent à penser que, dans tout le Pentateuque, les années en cause sont des années sumériennes entre équinoxes qui n’ont qu’une durée de moitié par rapport à nos années de 365 jours parce que c’est ce qu’indique le texte de la création dans la Genèse qui veille, pour la mesure du temps, à ne pas donner de prévalence au soleil ou à la lune qui étaient idolâtrées dans l’Antiquité.

Cela permet de comprendre les âges individuels d’Abraham, Sarah, Isaac, Jacob ou Moïse, mais aussi le fait que les hommes pouvaient être comptés comme combattants seulement à partir de 20 ans (en fait : 10 ans).

Cela permet de comprendre les durées de 430 et 400 ans concernant les périodes avant la sortie d’Égypte et de situer concrètement le séjour en Égypte et l’exode dans la réalité historique des pharaons.

Cela permet de comprendre la généalogie biblique de Noé à Abraham et de constater la concordance historique avec le déluge constaté en Mésopotamie par les archéologues vers 2900 avant Jésus-Christ et relaté par la littérature mésopotamienne.

Pour davantage de développements à cet égard, je me réfère aux messages publiés de novembre 2022 dans le sujet intitulé « Adam a-t-il vécu 930 ans ? » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 03#p457803

Comment comprendre, dans ce contexte, la chronologie du récit biblique du déluge ?

C’est une histoire qui paraît attribuable aux trois fils de Noé (Gn 10, 1) si on admet une subdivision primitive du début de la Genèse en tablettes sumériennes par des colophons qui indiquent l’auteur du récit d’une tablette par un petit mot (le mot hébreu « Towledah ») qui a un double sens qui peut signifier à la fois les origines de l’auteur (son histoire passée) et sa postérité (son histoire future).

On peut penser que le récit écrit de chacun des trois fils de Noé devait déjà être bien différencié par trois écrits distincts et respectés lorsque la Genèse a été composée, car le texte biblique reprend et fusionne ces trois versions différentes sans chercher à effacer leurs différences, même lorsqu’elles peuvent paraître contradictoires.

Mais, il est aussi possible que l’auteur de la Genèse ait volontairement écrit son récit sous la forme de trois versions distinctes fusionnées pour mieux montrer que le vrai résulte mieux de la rencontre de trois points de vue différents que du témoignage d’un seul.

La version française officielle de la Genèse nous indique que « Parmi ses contemporains, Noé fut un homme juste, parfait » (Gn 6, 9), mais la version anglaise du Vatican traduit qu’il était « blameless in that age » ("irréprochable dans ce temps") et la version protestante Segond traduit qu’il était « intègre dans son temps ». Peut-on y percevoir une allusion à la justesse de la mesure du temps de Noé dans le récit lui-même.

Juste en son temps. Noé étati certainement un juste à son époque, mais Noé n'était-il pas aussi juste dans la mesure de son temps, du temps du déluge qu’il a vécu ?

Pour observer la mesure du temps du déluge selon des années entre les équinoxes déjà observées ailleurs dans le Pentateuque et qui ne correspondent qu'à la moitié de nos années actuelles de 365 jours, il est utile d’être attentif au fait que le récit de la Genèse ne relate pas le déluge par un seul récit harmonisé mais par une union de trois récits dans laquelle, du point de vue chrétien, nous pouvons voir une image trinitaire de Dieu, au-delà des apparentes incohérences chronologiques.

Pourquoi est-il écrit après le jour du début du déluge que Noé entre dans l’arche « en ce jour même » (Gn 7, 11-13) alors qu’il vient d’être répété à deux reprises qu’il y entre sept jours avant (Gn 7, 1-4 et 7-10) ?

Pourquoi est-il écrit que « Les sources de l’abîme et les vannes du ciel se fermèrent, la pluie des cieux s’arrêta » après qu’il ait été indiqué que « les eaux montèrent au-dessus de la terre pendant cent cinquante jours » (Gn 7, 24) et alors qu’il a été répété auparavant à deux reprises que le déluge n’a duré que 40 jours (Gn 7, 4 et 12) ?

Pourquoi est-il écrit que l’arche s’arrête sur une montagne le 17ème jour du septième mois (Gn 8, 4), mais que les sommets des montagnes n’apparaissent que le dixième mois (Gn 8, 5) ?

Pourquoi est-il écrit que ces sommets apparaissent le premier jour de ce dixième mois avant un temps de 40 jours (Gn 8, 6) et le constat qu’une colombe n’est plus revenue (Gn 8, 12), mais que Noé ne regarde l’état du pays en enlevant la couverture de l’arche seulement le premier jour de l’année suivante ?

Pourquoi attend-t-il encore 57 jours avant de sortir de l’arche, onze jours après qu’une année ait été échue ?

Le temps est un, mais, comme dans la Trinité, les modes opératoires semblent triples et différents dans le récit du déluge. Un même mois y semble, en réalité, décrit comme le « septième » (Gn 8, 4) dans une première version qui le calcule et le situe dans les mois de l’année d’été à partir de l’équinoxe du printemps, comme le « dixième » (Gn 8, 5) dans une deuxième version qui le calcule et le situe dans les mois du cycle solaire de douze mois à partir du solstice d’hiver, et comme le « premier » (Gn 8, 13) dans une troisième version qui calcule et situe toujours ce même mois dans les six mois de l’année d’hiver à partir de l’équinoxe d’automne.

Il faut rappeler ici que, du fait de la durée de l’année d’été, soit 186 jours et 9 heures entre les équinoxes de printemps et d’automne, il y avait souvent dans cette période (3 fois sur huit) une septième nouvelle lune qui faisait débuter un septième mois d’été ce qui suffisait pour ajuster les calendriers lunaire et solaire en complément de l’année d’hiver, d’une durée de 178 jours et 20 heures entre les équinoxe d’automne et de printemps, qui se limitait à un nombre fixe de six mois qui correspondaient approximativement tant à six lunaisons d’une durée de 177 jours (6 x 29,5 jours) qu’à la durée de six mois arrondis de 180 jours (6 x 30 jours).

Dans ces conditions, dans l’hypothèse qui considère que, dans le récit biblique, le septième mois de l’an 600 est le même que le premier mois de l’an 601, il faut que l’équinoxe d’automne coïncide approximativement avec une nouvelle lune qui fixait le début d’un nouveau mois (car il était impossible, dans l’antiquité, de préciser à la seconde près le moment de l’équinoxe et de la nouvelle lune comme on peut le faire actuellement), pour que certains aient pu considérer un même mois comme étant le septième mois de l’année d’été entre les équinoxes de printemps et d’automne alors que d’autres le considéraient comme le premier mois de l’année d’hiver suivante entre les équinoxes d’automne et de printemps, ce qui indique que le début de ce mois devait être situé vers le 22 septembre et permet de situer tous les autres événements datés du déluge.

Avec ces indications précises, il peut être constaté que la terre fut ravagée et inhabitable pendant une période de 188 jours depuis le premier jour du déluge jusqu’à la sortie de l’arche, ce qui correspond exactement à la durée d’une année d’été (du « dix-septième jour du deuxième mois » de l’an 600 au « vingt-septième jour du deuxième mois » de l’an 601) complétant les six lunaisons de chaque année d’hiver (177 jours) pour suivre le cycle solaire de 365 jours.

Dans ces conditions, il peut être constaté, d’un point de vue, que le déluge a duré une période de 40 jours du 13 mai au 21 juin et fut suivi d’une période de 148 jours du 22 juin au 17 novembre (soit les jours qui correspondent à cinq lunaisons de 29,5 jours arrondis à cinq mois de 30 jours ou 150 jours) jusqu’à la sortie de l’arche mais aussi, d’un autre point de vue, qu’une période de dévastation de 148 jours du 13 mai au 8 octobre fut suivie d’une période de restauration de 40 jours du 9 octobre au 17 novembre.

Dans ces conditions, la chronologie du déluge semble, selon les années sumériennes entre équinoxes, pouvoir être comprise comme suit (sur la base du calendrier de 2006 qui présente une situation similaire de proximité entre l’équinoxe d’automne et une nouvelle lune) :
- Solstice d’hiver le 21 décembre
- Premier mois du cycle solaire de la nouvelle lune du 31 décembre au 29 janvier
- Deuxième mois du 29 janvier au 28 février
- Troisième mois du 28 février au 29 mars
- Équinoxe de printemps le 20 mars
- Premier mois de l’année 600 de Noé du 29 mars au 27 avril (quatrième mois du cycle solaire)
- Deuxième mois de l’année 600 de Noé du 27 avril au 27 mai (cinquième mois du cycle solaire)
- Entrée dans l’arche 7 jours avant le déluge (Gn 7, 1-4 et 7-10), soit le 6 mai
- Jour 1 : Début du déluge le 17ème jour du deuxième mois de l’année 600 de Noé (Gn 7, 11), soit le 13 mai
- Du Jour 1 au jour 40 : 40 jours de déluge (Gn 7, 12 et 17) du 13 mai au 21 juin
- Troisième mois de l’année 600 de Noé du 27 mai au 25 juin (sixième mois du cycle solaire)
- Du jour 41 au jour 188 : Période de « 150 » jours pendant 5 mois qui correspondent en réalité à cinq lunaisons de 29,5 jours qui s’étendent au total sur 148 jours jusqu’à la sortie de l’arche, du 22 juin au 17 novembre
- Quatrième mois du 25 juin au 25 juillet (septième mois du cycle solaire)
- Cinquième mois du 25 juillet au 23 août (huitième mois du cycle solaire)
- Sixième mois du 23 août au 22 septembre (neuvième mois du cycle solaire)
- Jour 133 : Nouvelle lune le 22 septembre (à 11h45 GMT). Les sommets des dénivellations apparaissent (Gn 8, 5) le « premier jour du dixième mois », ce qui est aussi le « premier jour du premier mois » de la nouvelle année 601 de Noé, et, en conséquence, Noé enlève la couverture de l’arche pour observer l’état du pays ce qui lui permet de constater la terre est dévastée (Gn 8, 13)
- Équinoxe d’automne le 23 septembre (à 4h03 GMT)
- Septième mois d’été de l’année 600 de Noé ou premier mois d’hiver de l’année 601 ou dixième mois du cycle solaire, du 22 septembre au 22 octobre
- Jour 148 : L’arche s’immobilise le 17ème jour du septième mois (Gn 8, 4), soit le 8 octobre
- Jours 149 à 188 : Pendant 40 jours (Gn 8, 6) du 9 octobre au 17 novembre, envoi d’un corbeau jusqu’à ce que la terre soit sèche (Gn 8, 7), avec envoi d’une colombe à sept jours d’intervalle (Gn 8, 8-12) les 2, 9 et 16 novembre
- Premier ou deuxième mois d’hiver ou onzième mois du cycle solaire, du 22 octobre au 20 novembre
- Jour 188 : Sortie de l’arche le 27ème jour de ce deuxième mois, le lendemain du jour où la colombe n’est plus revenue, soit le 17 novembre.

On retrouve ainsi, dans le récit du déluge, tous les éléments de mesure du temps qui semblent appliqués dans le Pentateuque qui veille partout à écarter toute prévalence du soleil ou de la lune qui étaient faussement divinisées et ne semble mesurer le temps que de manière équilibrée entre ces astres de référence, par des années entre équinoxes, alternativement d’été ou d’hiver, et par des jours de 24 heures comprenant un temps d’obscurité et un temps de lumière à égalité lors de chaque équinoxe.

« Dieu parla à Noé et lui dit : « […] Tant que la terre durera, semailles et moissons, froidure et chaleur, été et hiver [la grande mesure du temps, c’est l’alternance sur le cycle solaire de 365 jours de deux « années » de 188 ou 177 jours entre les équinoxes], jour et nuit [la petite mesure du temps, c’est l’alternance des « jours » sur 24 h de la clarté et de l’obscurité] jamais ne cesseront. » » (Gn 8, 15-22).


NB : L’ensemble de mes réflexions concernant l’historicité d’Adam et Ève et du livre de la Genèse a été développé dans une synthèse réactualisée ce 24 mai 2023, sous le titre « Un jardin dans l’Eden », disponible en pdf dans la section Théologie de ce forum sous l’intitulé « Évolution, création, incarnation : un livre à télécharger » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 92&t=20369

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