L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

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Fleur de Lys
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Fleur de Lys » lun. 06 janv. 2020, 17:00

Suliko a écrit :
sam. 04 janv. 2020, 17:45
Ceci étant dit, cette affaire confortera les chrétiens convaincus du fait qu'une morale basée uniquement sur le consentement atteint bien vite ses limites.
+1 :D (espérons que les autres aussi ouvrent un peu les yeux sur les conséquences de cette "morale").

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » mar. 07 janv. 2020, 14:19

Le dandysme est une manière d'être toute en nuances, qui résulte d'un « état de lutte sans fin entre la convenance et l'ennui ». Le dandy est le « souverain futile d'un monde futile » et se caractérise par l'absence d'émotion, l'horreur de la nature, l'audace et l'impertinence, la passion du luxe, l'artificialité, et le besoin d'individualité.

Wiki, dans l'article consacré à l'écrivain catholique Jules Barbey d'Aurevilly

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » jeu. 09 janv. 2020, 22:54

https://www.youtube.com/watch?time_cont ... e=emb_logo

Le point de vue critique de Finkielkraut au sujet de cette affaire, mais avec ce mérite d'ouvrir le débat sur la perspective d'un jugement [discutable ?] de notre époque en matière politique sur nombre d'autres artisans du domaine de la culture.  

- Haro sur tous ceux qui n'échapperaient pas au crible du nouvel ordre moral ?



Je précise que c'est à partir de 18 : 30 que Finkielkraut embarque sur l'affaire Matzneff. Il explique un peu le contexte dans lequel la fameuse pétition de Matzneff de 1977 aura été signé à l'époque, celle dont l'objet était de réclamer la disparition des contraintes liées à l'âge et à partir duquel des jeunes ados pourraient embrayer dans une sexualité active avec qui ils le souhaiteraient. Dans le fond, c'est la notion de détournement de mineurs que la gauche de l'époque aurait voulu faire disparaître, non pas d'autoriser les crimes sexuels commis sur des enfants. La nuance est quand même importante.

Le tout n'excuserait pas l'écrivain d'avoir pu pratiquer le tourisme sexuel et y satisfaire ses envies sur des enfants mais , dans le cas de Springora qui est celle par qui le scandale arrive pour Matzneff, on pourrait concevoir qu'il ait pu se trouver dans une zone grise, vu le contexte d'époque, vu l'âge de l'adolescente naguère versus ce qui pouvait être reconnu alors comme période charnière pour la majorité sexuelle. Juste pour ce dernier aspect, il peut être injuste de vouloir faire de Matzneff une sorte de bouc-émissaire. La remarque de Finki est intéressante encore touchant le fait "qu'un homme ça s'empêche" amenée en citation de Camus. Il pouvait être dans une zone grise, il aurait mieux fait de s'empêcher.

Vers 21 : 20
André Gide : "Je me penche vertigineusement sur les possibilités de chaque être et pleure tout ce que le couvercle des moeurs atrophie"

"On se grisait naguère de briser les tabous, on se grise maintenant de briser les réputations ... dans vingts ans l'on va se demander mais qu'est-ce qu'ils avaient tous à vouloir dresser des listes ... Baltus, Gauguin, Roland Barthes, etc. ' (Finkielkraut)

Personne ne méprise autant la crétinerie d'hier que la crétinerie d'aujourd'hui (23 : 17)

[...]

Par ailleurs, au début du vidéo, il est amusant de voir que Finkielkraut commence par dire que "beaucoup de choses étaient mieux avant". Là-dessus, je ne pourrais que lui donner raison !


Il évoque l'état de la littérature. Aïe ! On pourrait parler du cinéma également. Ouche ! Il n'y a pas deux jours, un autre journaliste chez nous évoquait le fait que nos commerçants qui produisaient les films aujourd'hui (Hollywood; la grande production) ne ciblaient que la clientèle de consommateurs âgés entre 6 et 20 ans ! Il ne se fait plus de films pour un publique composés de gens adultes et matures.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » ven. 10 janv. 2020, 18:42

Commentaire de Rioux justement touchant le nouvel ordre moral ...

C. Rioux, "Le point de bascule" dans Le Devoir du 10 janvier 2020

[...] Il y a des moments où l’histoire chavire. Plus le temps passe, plus le massacre de Charlie Hebdo apparaît comme ce point de bascule où nous sommes passés dans un autre monde. Celui d’un nouvel ordre moral, où la liberté de parole a subi un recul incalculable. Sauf que les libres penseurs d’aujourd’hui n’ont plus un, mais deux fusils sur la tempe. Les forces de l’islamisme meurtrier s’alliant à celles de la nouvelle majorité morale américaine font de plus en plus régner un régime de terreur dans le domaine de la pensé

[...] écrit l’avocat Richard Malka dans le numéro anniversaire de Charlie Hebdo publié cette semaine. Aujourd’hui, « notre nouvelle bourgeoisie néovertueuse demanderait la peau de Voltaire », conclut-il.

[...]

Qui aurait à nouveau le culot de caricaturer Mahomet en cette époque où Sleeping Giants, ce collectif de militants américains sur Internet qui dit combattre la haine, fait campagne en France pour que les annonceurs retirent leurs publicités des médias qui ne pensent pas comme eux ? La liste des censures ne cesse de s’allonger : annulation de conférences, de pièces de théâtre, disparition des caricatures dans la presse, boycottage de films et d’expositions, police du langage ; sans compter la pire de toutes les censures, celle qui ne laisse pas de trace : l’autocensure.

À quand les sensitivity readers qui aux États-Unis relisent les oeuvres afin d’aider les éditeurs à formater des romans qui ne heurtent aucune sensibilité ?



https://www.ledevoir.com/opinion/chroni ... de-bascule

C'est vrai qu'Il y a là quelque chose de préoccupant. Il y a là comme une sorte de néo-puritanisme ou de parfaite hypocrisie (pharisaïsme ?) exactement dans le genre de ce que voulait combattre un Oscar Wilde à son époque.

Vous n'êtes pas de cet avis ?

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par zelie » sam. 11 janv. 2020, 12:47

Je viens de lire l'article en entier de Christian Roux, et en particulier le paragraphe qui suit la citation du post de départ de Cinci :
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas d’abord au nom de l’art et de la littérature qu’on a justifié de tels agissements. Et encore moins au nom d’une prétendue culture patriarcale ou de ce que d’aucuns se complaisent à décrire comme la vieille culture machiste hexagonale.

Au contraire ! C’est bien au nom de l’« interdiction d’interdire » que l’on garda le silence. C’est au nom de cette pensée libertaire repoussant toutes les morales, d’une libération sexuelle conquérante et d’un gauchisme culturel assumé, que toute limitation de la liberté sexuelle fut alors jugée « réactionnaire ».
Rappelons-nous le contexte. À la faveur de ce qu’on a appelé la « pensée 68 », toute norme, toute contrainte, surtout sexuelle, était considérée comme une servitude inacceptable. De la même manière, on applaudissait à l’éclatement de la famille, oubliant par le fait même que, malgré ses défauts, elle fut toujours la première protection des enfants, qu’elle a d’ailleurs pour tâche de préparer et d’introduire dans le monde adulte, comme nous le rappelle la philosophe Hannah Arendt. Or, rien ne l’a vraiment remplacée depuis.
Tous affirmaient évidemment combattre l’ordre moral. Dans ce contexte, la sexualité adolescente était jugée par essence libératrice et la famille, perçue comme l’institution oppressive par excellence. C’est alors que le privé est devenu politique et que la transgression (surtout sexuelle) est pratiquement apparue comme un impératif politique. Impératif qui subsiste d’ailleurs jusqu’à nos jours, comme le démontrent nombre de nos débats sur le « genre » et le radicalisme de certains militants LGBT. Or, comme chaque fois que l’on repousse toutes les limites et que l’on fait sauter tous les « tabous », ce sont les plus vulnérables qui paient les pots cassés. En l’occurrence, ici, les plus jeunes.

Cependant, depuis les années 1970, ces limites n’ont cessé d’être repoussées. En cette époque où la parole des ados est devenue sacrée, comme l’illustre la personnalité de l’année Greta Thunberg, il est de bon ton de se pâmer devant tous les désirs adolescents sans exception. Car il faudrait ajouter qu’à la destruction de l’autorité familiale a correspondu celle tout aussi dramatique de l’école. Après avoir « joui sans entraves », on a cru à tort qu’il était aussi possible d’« éduquer sans entraves ». Tels furent les mots d’ordre d’une époque dont nous sommes encore très loin d’être sortis.

« L’arme principale du diable, écrivait Matzneff, ce n’est ni la beauté ni la sensualité, c’est l’ennui. » Prenons donc garde à ces procès médiatiques qui trompent trop bien l’ennui mais où l’on change de morale comme on change de chemise, jetant aux foules en furie ceux que l’on glorifiait il y a quelques années à peine. Dans le cas qui nous occupe, il sera toujours plus facile de lyncher un vieil écrivain français que pratiquement personne n’a lu que de s’interroger sur les sources profondes d’une telle « affaire ».
de: https://www.ledevoir.com/opinion/chroni ... s-entraves

Mais c'est tellement, tellement vrai!
Cet auteur, GM, je n'en ai jamais entendu parler. La pétition pour l'annulation de l'âge du consentement sexuel, je n'en ai pas entendu parler à l'époque, que beaucoup plus tard. Denise Bombardier, je ne la connais pas, l'émission de Pivot non plus.
Pourtant... l'interdiction d'interdire était partout. Elevée de façon très cadrée, j'avais l'impression de vivre dans deux mondes à la fois : le monde familial, très protecteur, rigide, sur le sujet de la sexualité, et le monde extérieur, où les journaux pour gamines de 11 ans ne cessaient de détailler les actes sexuels et toutes les bêtises à faire pour "découvrir son corps, le corps de l'autre ou des autres"! C'était même grossier, choquant. Et quand on croyait lire un truc sur Sheila, on se retrouvait avec un cours de gynécologie de barrés dans les mains. Et tout à l'avenant. Partout, dans les cours, dans les journaux scientifiques, dans les moeurs... des mères amenaient leur fille se faire prescrire la pilule avant 15 ans pour que "ce soit une habitude" avant même que la petite ait un amoureux ou des vélléités sexuelles.
Les gens qui se sont mis en couple dans les années 70 avaient été élevés avant 68, et gardaient donc les traces de leur éducation la plupart du temps. Mais de fut la dernières génération, une génération charnière en quelque sorte. Les personnes qui se sont installées dans leur vie d'adulte dans les années 80 étaient bien imprégnées de valeurs qui ne leur interdisaient plus rien. Seule l'apparition du Sida, entre 83 et 85 en France, est venu un peu calmer le jeu de la liberté totale qui s'était si rapidement installé dans les mentalités; les jeunes ne voulaient pas avoir le Sida, mais jamais personne ne s'est dit, sans le Sida," je renonce à une sexualité débridée", non. La prudence n'est née que sur la peur du Sida, qui à l'époque faisait des ravages largement médiatisés. Les capotes ont été mises à l'honneur, et depuis, elles chantent les louanges de 68.
Voilà pour l'époque.
Les papas étaient reniés, les femmes faisaient des bébés toutes seules, ou même adoptaient toutes seules. Les parents grondaient, disaient, criaient, mais les jeunes finissaient par faire comme bon leur semble.
Je suis bien d'accord avec Christian Roux, le patriarcat n'a été pour rien, du moins à cette époque, dans l'exploitation sexuelle des enfants, ni la littérature, car cette littérature-là, d'intellectuels parisiens, n'a jamais atteint aucun lycée de France. A cette époque, la seule littérature qui avait droit de cité auprès des élèves était classées par période (par siècle) et chaque année on se tapait tout un siècle, c'est ainsi qu'on apprenait des poésies de François Villon (la fameuse ballade des pendus). Le vingtième siècle, on n'avait jamais le temps de l'atteindre, et encore moins ce très inconnu Matzneff.


Quand Christian Roux parle de l'ennui, c'est très vrai aussi. Après une mode, il en vient une autre, après un jouet, on zappe à un autre, pour fuir l'ennui, ne réalisant pas combien on ne pourra jamais fuir l'ennui dans autre chose qu'un travail sain et prenant, sans pour autant en faire trop. Et d'ennui en ennui, on renie aujourd'hui ce qu'on encensait hier, sans réaliser que d'une suite décousue d'attitudes n'en sortira rien de bon.
Dans mon entourage, mon retour au religieux n'a pas pu être compris parce qu'il a été entier. Quand je dis que dans les évangiles j'ai trouvé une colonne vertébrale, personne ne capte de quoi je parle. Mais Christian Roux démonte très bien ce système où jouissance et ennui ont mené à toutes les reptations. Tomber en amour pour Dieu m'a sortie des reptations à perpétuité, et par là de toutes les cupidités. C'est dans ce genre d'expérience qu'on finit par comprendre que l'anti-religiosité n'est pas anodine, et pourquoi les musulmans font aussi un retour en grâces à leur religion ; parce qu'à ne pas trouver de cadre suffisant dans les lois de la république, on y pallie ailleurs, autrement, des fois heureusement, des fois malheureusement.
L’intégrisme est un refuge pour la misère parce qu’il offre un sursaut d’espérance à ceux qui n’ont rien.
Que leur mal disparaisse, et l’intégrisme perdra ses troupes. L'Abbé Pierre
Vis vraiment chaque instant. Fais-le meilleur. Aime-le. Chéris-le. Fais-le beau, bon pour toi-même et pour Ton DIEU. Ne néglige pas les petites choses. Fais-les avec Moi, doucement. Fais de ta maison un Carmel où Je puisse Me reposer. Jésus, Premier Cahier d'Amour

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Sam D. » sam. 11 janv. 2020, 21:55

Bonjour,

On m'a toujours inculqué que "ma liberté s'arrête là où commence celle d'autrui". Je constate qu'au fond, ce qui a fait défaut dans de telles affaires, et plus généralement dans tout ce qui est abus sexuels, c'est la méconnaissance de cette maxime, et qu'on a pas su, ou voulu voir (il y a peut-être un peu des deux, je veux bien croire que la nocivité de tels actes ait pu être méconnue) qu'on était, au bas mot, en train de violer la liberté d'autrui. Pour en revenir au mot de Camus, il s'agit moins de "s'empêcher" (ou alors, pour préciser, de s'empêcher de faire le mal) que d'examiner scrupuleusement ce qu'il en est de la frontière entre sa propre liberté et celle d'autrui, cet autrui auquel je dois de la bienveillance.
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Riou » dim. 12 janv. 2020, 10:31

Sam D. a écrit :
sam. 11 janv. 2020, 21:55
Bonjour,

On m'a toujours inculqué que "ma liberté s'arrête là où commence celle d'autrui". Je constate qu'au fond, ce qui a fait défaut dans de telles affaires, et plus généralement dans tout ce qui est abus sexuels, c'est la méconnaissance de cette maxime, et qu'on a pas su, ou voulu voir (il y a peut-être un peu des deux, je veux bien croire que la nocivité de tels actes ait pu être méconnue) qu'on était, au bas mot, en train de violer la liberté d'autrui. Pour en revenir au mot de Camus, il s'agit moins de "s'empêcher" (ou alors, pour préciser, de s'empêcher de faire le mal) que d'examiner scrupuleusement ce qu'il en est de la frontière entre sa propre liberté et celle d'autrui, cet autrui auquel je dois de la bienveillance.
Bonjour Sam,

Oui, mais d'un point de vue chrétien, cette maxime des Droits de l'homme me semble en conflit avec la vertu de la règle d'or : faire à autrui ce que je voudrais qu'on fasse pour moi-même implique que ma liberté ne commence et ne se réalise qu'à travers mon prochain. C'est une liberté qui se vit avec autrui, et non par une limitation de ma liberté par la liberté d'autrui. Le devoir de bienveillance, c'est un devoir qui implique non pas seulement une conception négative de ma liberté, mais un exercice de celle-ci à travers autrui, en me faisant le prochain d'autrui. Comme le dit Benoît XVI, ce mouvement s'accomplit par l'amour, qui est un exode de soi-même, une liberté qui se donne pour se faire serviteur de celui qui vient. A mon avis, entre la maxime des droits de l'homme et la règle d'or, c'est l'être de la liberté humaine qui est renversé. Je n'ai pas l'impression que les deux soit compatibles dans leurs fondements (elles peuvent peut-être co-habiter socialement, mais une différence essentielle restera toujours). On ne peut adapter l'une à l'autre autrement qu'en perdant l'une au profit de l'autre. C'est peut-être là que se distingue profondément la vie de la foi de la vie séculière et profane (qui a ses droits et sa légitimité qu'il faut entendre au vu du contexte où elle a été énoncé).
La maxime des Droits de l'homme est la liberté de l'homme sans Dieu. La règle d'or est la liberté de l'homme en Dieu-amour.

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Message non lu par Sam D. » lun. 13 janv. 2020, 13:52

Merci Riou pour ces réflexions, je n'entendais bien sûr pas opposer liberté et bienveillance, la liberté n'est pas encore à confondre avec un libéralisme débridé qui aurait pour fin le seul intérêt égoïste sans égard pour d'autres considérations.

Que l'autre soit en quelque sorte ma voie de sainteté, la "porte étroite", je le conçois, c'est entre autre cela qu'implique le "Convertissez-vous et croyez à l’Évangile" de l'Evangile de ce jour. Pour autant, aller jusqu'à dire que ma liberté ne commence qu'à travers mon prochain me paraît aller bien loin. Soit deux personnes agissant, l'une avec empathie, l'autre avec indifférence au malheur d'autrui : je ne vois pas que l'une soit plus libre que l'autre, sauf bien sûr à considérer que la première est exempte de la peur de desservir son propre intérêt en se montrant compatissante ou simplement aimable.
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par la Samaritaine » mar. 14 janv. 2020, 2:24

Ce qui se passe pour Matzneff montre que l'opération féministe Me too a libéré la parole des anciennes victimes (femmes et enfants) et changé nos mentalités laxistes. Désormais, plus aucun personnage peu recommandable n'est à l'abri.

Une personne a dénoncé avec vigueur Matzneff il y a 30 ans, je m'en souviens très bien, c'est Marie-France Botte, une humanitaire belge très connue à l'époque qui a lutté et dénoncé le tourisme sexuel pédophile en Asie. Je pense qu'elle a joué un grand rôle dans la lutte contre la pédophilie en Europe. Elle clamait qu'elle ne comprenait pas pourquoi l'écrivain pouvait impunément raconter dans ses livres ses exploits pédophiles sans être inquiété. Ma mère bibliothécaire me parlait de Matzneff, remarquable écrivain paraît-il. Elle était passionnée par ses livres "normaux" (des romans) et horrifiée par ses livres ou il se racontait (se fameux carnets noirs) qui lui tombaient des mains. Tout le monde savait qui était Matzneff et nombreuses étaient les personnes qui s'étonnaient de son impunité. Le problème était qu'il n'y avait aucune plainte… Les gamines séduites étaient en pamoison devant lui et les parents laissaient faire….Et à l'époque, le parquet n'entrainait pas seul de poursuites, il fallait une plainte. Quand au tourisme sexuel qu'il pratiquait en Asie: les "touristes" n'étaient pas encore poursuivis.

Matzneff s'est inscrit dans la lignée d'autres grands écrivains ouvertement pédophiles comme Henri de Montherlant et André Gide qui ne semblaient déranger personne. Dans les années 70, il a bénéficié de l'extrême tolérance de la mouvance libertaire des années 70, une extension du "Jouir sans entraves" et "il est interdit d'interdire", avec glissement du "entre adultes consentants" au consentement tout court. J'ai lu que des femmes féministes de cette époque ont pris le contre-pied et dénoncé le laxisme envers la pédophilie, qu'elles considéraient comme une manifestation de la domination du mâle, mais elles ne semblent pas avoir crié bien fort…

Cette tolérance envers l'écrivain dans les années 80, 90 et 2000 alors que la lutte contre la pédophilie prenait de l'ampleur pose des questions.

La première, c'est l'attitude des parents. Il n'y a pas eu de plainte pace qu'aucun parent des jeunes filles de 13 à 15 ans ouvertement séduites par l'écrivain (qui n'agissait pas du tout en cachette, les emmenait en soirée, en voyage….) n'a porté plainte pour détournement de mineures. Comme tout pédophile, il choisissait ses victimes et choisissait donc des jeunes filles dont il savait qu'il n'aurait rien à craindre des parents, probablement très flattés de la situation de leur fille avec un écrivain célèbre. J'estime qu'il sont les grands coupables, je n'ai pas de mots pour dire à quel point je les trouve aussi ignobles que lamentables, ils ont laissé leur gosse se faire dévorer par l'ogre, sous prétexte que c'était en douceur.
(on peut se faire la même remarque pour la centaine de parents qui ont laissé leur enfant dormir avec Mickael Jackson trop fiers et heureux que leur progéniture se rapproche d'un dieu vivant, bien que de réputation sulfureuse…)

Ensuite, la question du consentement : cela veut dire quoi le consentement d'une gamine de 14 ans, probablement en manque de père, à qui un séduisant papa de substitution, charmant et cultivé, offre monts et merveilles et te fait croire que tu es l'élue ?

Ensuite, la fascination que Matzneff a exercé sur l'élite intellectuelle : cela confirme ce que je pense depuis longtemps : c'est que la majorité des pédophiles ne sont pas que pédophiles, ils sont aussi pervers manipulateurs et possèdent le talent de séduire leur entourage par leur charme, leur culture, leur "gentillesse" qui ne cache qu'un narcissisme forcené. Pourquoi s'étonner que les intellectuels étaient séduits par Matzneff quand on sait que des dizaines de parents recevaient le père Preynat à leur table et envoyaient parfois de force leurs gamins aux Scouts alors même qu'il y avait quelques méchants bruits de couloir sur le père? Comment s'en étonner alors que Saint Jean-Paul 2 lui-même a soutenu Martial Maciel, ce suppôt de Satan, qu'il a toute sa vie cru innocent ?
Ces personnes sont des séducteurs remarquables et sont de vivantes illustrations que Satan se déguise en ange de lumière.

A part cela : je trouve ridicule que tout d'un coup, on lui supprime sa pension d'auteur sous prétexte qu'une de ses anciennes victimes écrive un livre. Comme si on l'apprenait maintenant ! Quelle hypocrisie ! Que le parquet ouvre une enquète et fasse appel à la loi, oui cela a du sens et montre que les temps ont changé. Mais qu'on lui enlève ses gains comme s'il fallait le punir à la place de la loi, non, cela na pas de sens, on marche sur la tête et on mélange tout.
Que Mazneff réponde de ses actes devant la loi.

En Christ,

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Kerniou » mar. 14 janv. 2020, 19:40

Merci, Chère Samaritaine, pour cette très bonne analyse dont je partage l'argumentation...
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

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Re: Sur la liberté

Message non lu par Riou » jeu. 16 janv. 2020, 17:21

Sam D. a écrit :
lun. 13 janv. 2020, 13:52
Merci Riou pour ces réflexions, je n'entendais bien sûr pas opposer liberté et bienveillance, la liberté n'est pas encore à confondre avec un libéralisme débridé qui aurait pour fin le seul intérêt égoïste sans égard pour d'autres considérations.

Que l'autre soit en quelque sorte ma voie de sainteté, la "porte étroite", je le conçois, c'est entre autre cela qu'implique le "Convertissez-vous et croyez à l’Évangile" de l'Evangile de ce jour. Pour autant, aller jusqu'à dire que ma liberté ne commence qu'à travers mon prochain me paraît aller bien loin. Soit deux personnes agissant, l'une avec empathie, l'autre avec indifférence au malheur d'autrui : je ne vois pas que l'une soit plus libre que l'autre, sauf bien sûr à considérer que la première est exempte de la peur de desservir son propre intérêt en se montrant compatissante ou simplement aimable.
Bonjour Sam. Vous avez sans doute raison. Je ne pense pas que la liberté des droits de l'homme puisse être uniquement réduite à une avidité égoïste et démesurée. Elle ménage une liberté privée très saine dans le cadre social, et ce n'est pas nécessairement contraire à la liberté chrétienne. Ce qui me pose plus de problème, c'est lorsqu'on réduit la liberté humaine à cette conception négative, qui voit en autrui une limitation de l'exercice de ma liberté. Je ne vois pas comment un "prochain" peut surgir dans ces conditions. Et il me semble que notre époque tend à réduire la liberté à cela, notamment en économie, mais aussi concernant les thèmes des moeurs, où chaque individu, au nom de cette liberté privée, cherche à se faire reconnaître des droits parfois contradictoires entre eux lorsqu'on agglutine ces droits à l'échelle collective.
A vrai dire, sur la liberté chrétienne, je pensais à ces aphorismes très beaux de Sainte Elisabeth de la Trinité, dans "Vous êtes la maison de Dieu" : "je voudrais pouvoir semer un peu de mon bonheur chez ceux que j'aime". "J'aime mieux ta joie que la mienne". "Si tu savais comme cela me réjouit que le bon Dieu me laisse la souffrance et non à toi". "Il m'apprend à t'aimer comme Il a aimé, Lui le Dieu tout Amour". "Il me donne son Amour pour t'aimer!". "En lui je me sens si près de vous, je vous crois tout près de moi", etc. Je ne vois pas que la liberté des droits de l'homme puisse impulser cette charité, et je peux voir que parfois, quand elle est exclusive, elle puisse constituer un obstacle à cet Amour. La liberté des droits de l'homme tend à'prendre ses droits et à les étendre au maximum dans les limites de la liberté d'autrui, tandis que la charité chrétienne configure une liberté qui donne et se donne à autrui.
Je vois donc une différence entre celui qui a peur et celui qui est pris de compassion : le premier agit sous l'empire de la peur, qui est esclavage selon Saint Paul, tandis que le second agit sous l'impulsion de l'Amour, qui est la loi de la liberté apportée par le Christ.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » ven. 17 janv. 2020, 16:08

Riou :
La maxime des Droits de l'homme est la liberté de l'homme sans Dieu. La règle d'or est la liberté de l'homme en Dieu-amour.
Vous avez raison.

Ce qui me pose plus de problème, c'est lorsqu'on réduit la liberté humaine à cette conception négative, qui voit en autrui une limitation de l'exercice de ma liberté. Je ne vois pas comment un "prochain" peut surgir dans ces conditions. Et il me semble que notre époque tend à réduire la liberté à cela, notamment en économie, mais aussi concernant les thèmes des moeurs, où chaque individu, au nom de cette liberté privée, cherche à se faire reconnaître des droits parfois contradictoires entre eux lorsqu'on agglutine ces droits à l'échelle collective.
Oui.

Merci pour vos commentaires.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » ven. 17 janv. 2020, 16:21

Et puis merci Zélie. On est toujours content de réaliser qu'au moins une personne fait l'effort de lire, consulter, visionner ce qui est soumis.

:)

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » ven. 17 janv. 2020, 17:15

Zélie :

Quand Christian Roux parle de l'ennui, c'est très vrai aussi. Après une mode, il en vient une autre, après un jouet, on zappe à un autre, pour fuir l'ennui, ne réalisant pas combien on ne pourra jamais fuir l'ennui dans autre chose qu'un travail sain et prenant, sans pour autant en faire trop. Et d'ennui en ennui, on renie aujourd'hui ce qu'on encensait hier, sans réaliser que d'une suite décousue d'attitudes n'en sortira rien de bon.
Dans mon entourage, mon retour au religieux n'a pas pu être compris parce qu'il a été entier. Quand je dis que dans les évangiles j'ai trouvé une colonne vertébrale, personne ne capte de quoi je parle. Mais Christian Roux démonte très bien ce système où jouissance et ennui ont mené à toutes les reptations.
... mené à toutes les reptations ... drôle ... l'expression est savoureuse, j'aime votre style imagé, chère Zélie.


Tomber en amour pour Dieu m'a sortie des reptations à perpétuité, et par là de toutes les cupidités. C'est dans ce genre d'expérience qu'on finit par comprendre que l'anti-religiosité n'est pas anodine, et pourquoi les musulmans font aussi un retour en grâces à leur religion ; parce qu'à ne pas trouver de cadre suffisant dans les lois de la république, on y pallie ailleurs, autrement, des fois heureusement, des fois malheureusement
C'est certain qu'une personne qui se trouve dans un "passage à vide", ne croyant plus que Dieu existe, ou l'oubliant, ou s'estimant elle-même abandonnée par Dieu injustement pour "X" raison, peut être aussi une personne en danger de vouloir combler le vide par la recherche d'une excitation quelconque, un truc suffisamment distrayant/captivant comme pour être au moins libéré de soi-même l'espace d'un moment. Il y avait de cela aussi dans le dire de Matzneff à un moment donné, dans l'extrait de l'émission de Pivot, et quand il essayait un peu de justifier la démarche de son livre suite à la sortie moralisante de la dame Denise, elle-même armée comme une matrone. Il essayait de dire qu'il se roulait dans la fange parce qu'il n'était pas bien dans le fond de lui-même.

C'est vrai aussi que la nature humaine est ainsi faite, double, ambiguë, pouvant tout à la fois jouir de son vice et ne pouvant s'empêcher de se mésestimer par la même occasion. Malgré le fumier ou au travers de celui-ci, le pécheur lui-même peut continuer à croire (peut-être pas tout à fait à tort non plus) qu'un zeste de bonté ou d'amour pour l'autre lui est resté; justement ce qui apparaîtrait bien grossier de vouloir piétiner. Dans un pareil cas, ce seront les affections qui seront désordonnées. Le drame des mal-aimés, ceux qui aiment mal ...

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Pathos » sam. 18 janv. 2020, 23:50

L'avis éclairé de Maitre Alain, toujours avec hauteur et vérité...

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