L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

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Carhaix
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Carhaix » mar. 21 janv. 2020, 0:53

Pathos a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 0:31
Vous ne voyez pas la manipulation médiatique contre ce misérable qui fait écran à l'impunité totale de tant d'autres qui ont fait bien pire.

Et vous osez parler de justice dans ce pays..
Il est quand même l'initiateur de la fameuse pétition en faveur de la pédophilie. Il a été le fer de lance de ce mouvement idéologique.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » mar. 21 janv. 2020, 14:45

Le portrait de Vanessa S de Luc Vaillant dans Libération :

https://next.liberation.fr/livres/2019/ ... ra_1771343

J'en profite pour de petites corrections. Matzneff écrivait ses billets dans Le Point et non dans Le Figaro. V. Springora dit que le mouvement # Me Too n'entre pour rien dans le fait de ce qui l'anime, sa volonté de produire son récit.
Dernière modification par Cinci le mar. 21 janv. 2020, 15:28, modifié 1 fois.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par PaxetBonum » mar. 21 janv. 2020, 15:21

Carhaix a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 0:53
Il est quand même l'initiateur de la fameuse pétition en faveur de la pédophilie. Il a été le fer de lance de ce mouvement idéologique.
Avec Sartre et Simone de de Beauvoir…
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » mar. 21 janv. 2020, 15:24

Autre commentaire intéressant :

Vanessa Springora a très bien documenté, en chapitres successifs, la fascination, l’emprise, la déprise, l’empreinte puis sa libération par l’écriture d’un livre. Ce monde ou cet ordre du livre figurent en effet l’alpha et l’omega de son histoire : petite, elle est élevée dans la maison d’édition de sa mère, côtoie ces dieux pour d’autres inaccessibles, les gens-de-lettres comme autant d’Olympiens. Mais cette mère est bafouée, délaissée par le père de Vanessa, lui-même grand amateur de bibliothèques strictement rangées, de restaurants hors de prix et de poupées gonflables. La carence familiale explique assez comment l’intérêt manifesté pour la fillette par un Matzneff, auréolé auprès de la mère d’un charme certain, put fonctionner comme délégation de paternité. Et puis assez vite s’appliqua, devant le couple improbable ainsi formé, la formule étourdie que Louise de Vilmorin lança en réponse à l’enquête « Que pensez-vous du mariage des prêtres ? – Oh moi vous savez, du moment qu’ils s’aiment ! »…

https://media.blogs.la-croix.com/matzne ... 020/01/06/
J'inviterais à jeter un oeil aussi sur le commentaire de tribune libre qui suit et signé par Véronique Ignace.

Beaucoup à dire sur l’éphébophilie et ses déclinaisons au fil des époques.
p.198 du « Consentement » :

« Il est éphébophile, ce qu’il aime, c’est l’âge de la puberté, celui auquel il est sans doute resté bloqué lui même. Il a beau être redoutablement intelligent, son psychisme est celui d’un adolescent. Et quand il est avec des filles toutes jeunes, il se sent comme un gamin de quatorze ans lui aussi, c’est pour cette raison sans doute qu’il n’a pas conscience de faire quoi que ce soit de mal. »


Tout au long de sa vie il cherchera à revoir Vanessa, ne comprenant visiblement pas ni son rejet, ni sa souffrance.
Beaucoup à dire sur le droit d’un auteur à créer des personnages de fiction à partir de sa vie réelle. Reproche récurant de Vanessa à G. Matzzneff. Mais ne faisons nous pas tous un peu cela surtout lors de nos histoires d’amour ?


Et surtout :

Aujourd’hui il s’agit d’une tragédie entre deux adultes extrêmement vulnérables.

Il ne s’agit aucunement de minimiser le comportement hors la loi et profondément nocif de cet écrivain. Mais à la lecture du livre de Vanessa S. les grandes souffrances que traverse cette jeune fille puis cette adulte nous touchent profondément, mais difficile de ne pas voir que ces deux années passées auprès de G. Matzzneff n’est pas l’unique cause de ses souffrances. Une enfance fracassée, un père qu’elle déteste tout autant que G.M. Traversant une dépression avant la rencontre, puis un épisodes psychotique un peu après, puis se choisissant comme prochain amant un toxicomane, etc. … et à 47 ans elle est loin de la maturité qui l’amènerait à comprendre ses parents, avec leur ombre et leur lumière, et à faire la paix avec eux.


Un mot : humanité blessée.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » mar. 21 janv. 2020, 15:48

Sur la page wiki :
Quand Bernard Pivot invite Gabriel Matzneff le 12 septembre 1975 dans Apostrophes, pour Les Moins de seize ans, les thèses de ce livre sont mises en cause par deux auteurs également présents sur le plateau. Jeanne Delais, professeur de lycée, qui a fondé une association pour la défense des droits de l’enfant, s’efforce de ménager l’amour-propre de l’écrivain mais l'accuse de ne pas respecter les enfants et les adolescents, d’attenter à leur dignité, en les utilisant à son profit.

Le biologiste Rémy Chauvin déclare, quant à lui, avoir été « gêné » par le livre de Matzneff, et conteste l'affirmation de celui-ci selon laquelle ses relations sexuelles avec « des petits garçons » ne causeraient en eux aucun traumatisme, déclarant notamment, à propos de tel ou tel de ces garçons : « Vous l'avez peut-être traumatisé pour la vie. » Matzneff révélera un an après qu'un téléspectateur a porté plainte contre lui « pour détournement de mineurs, actes contre nature et incitation de mineurs à la débauche », et s'inquiète du « silence » des intellectuels sur son sort24, dans Le Monde, qui signale, lui, « de nombreuses réactions de nos lecteurs pour la plupart critiques, voire hostiles et quelquefois indignées »25 à cette « Tribune libre » de Gabriel Matzneff et en publie trois.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Matzneff


Ailleurs sur la page ...

En juin 1957, il rencontre Henry de Montherlant et demeure pour lui un ami, en dépit de brouilles, jusqu'à son suicide, le 21 septembre 1972. Dans la nuit du 21 au 22 mars 1973, il disperse les cendres de Montherlant avec l'exécuteur testamentaire de ce dernier, Jean-Claude Barat, sur le Forum romain et dans le Tibre..

Il commence à tenir son journal intime le 1er août 1953 mais ne le publie qu'à partir de 1976. Dans le premier volume, il dessine de lui-même le visage d'un « réfractaire », adepte d'une pratique individualiste, opposée aux mœurs modernes. Français d'origine russe, et pédéraste — au vrai sens du terme, c'est-à-dire amateur de jeunes garçons, sans qu'il renonce aux femmes ni aux jeunes filles, — il se sent « un peu métèque », un peu exclu. « J'étais Athos, écrit-il, le grand seigneur misanthrope, secret, différent…

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par PaxetBonum » mar. 21 janv. 2020, 16:08

Kerniou a écrit :
dim. 19 janv. 2020, 21:39
je trouve choquant et immoral qu'un homme de 53ans, par ailleurs marié et père de famille, sodomise une adolescente !...

Personnellement je trouve choquant la sodomie en générale quelque soit l'âge et le sexe de la personne…
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par PaxetBonum » mar. 21 janv. 2020, 16:10

Le scandale de l'affaire Matzneff, si j'ai bien compris c'est encore plus que les agissements pédophiles et immoraux de l'individu, le fait que son œuvre ouvertement pédophile ait été primée de prix littéraires !
Que lui soit un pervers, soit.
Qu'on l'en félicite, là j'ai du mal à le concevoir.
Tous les membres du jury devraient être dans le box des accusés avec lui.
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par la Samaritaine » mar. 21 janv. 2020, 21:18

Article vraiment remarquable !

Vous citez Vanessa Ignace :
"Aujourd’hui il s’agit d’une tragédie entre deux adultes extrêmement vulnérables." Je ne suis pas d'accord ! Ils n'ont rien à voir !

Vanessa S a parcouru un chemin de vérité, elle a fait un gros travail sur elle-même pour sortir du mensonge de son adolescence, pour regarder en face ce passé hanté par ce conte de fée diabolique ou le prince charmant est joué par un ogre. Elle est devenue adulte tandis que lui est pour l'instant demeuré scotché à son mensonge, à l'illusion de son conte de fée, il dit qu'il est "triste qu'elle renie leurs lumineuses amours". Elle est certainement demeurée vulnérable après avoir traversé tout cela mais forte de la vérité qui libère. Il est certainement vulnérable pour en être arrivé là mais il est faible de son encroutement dans le mensonge qui enferme.

Votre article en donne un lumineux passage :

"C’est par un livre enfin, Le Consentement, et les pouvoirs d’une parole que l’enfant, l’infans qui bredouille encore ne saurait tenir face au beau parleur, que Vanessa quitte le rôle de victime pour prendre ici pleinement celui de sujet. Le Consentement, ce récit éprouvant propre à nourrir notre indignation, devient ainsi le livre d’une catharsis, ou d’une épreuve durement surmontée par les moyens même du livre.

Et Gabriel ? Comment va-t-il nous jouer le coup suivant ? Pouvons-nous imaginer quelle est sa figure d’octogénaire blessé aujourd’hui, foudroyé dans son image ? Ce qu’il rumine, ce qu’il enfouit ? Je vois pour lui une issue, que je lui suggère s’il lit jamais ce billet. Un grand Narcisse ne peut se refaire que publiquement, sous le regard de la foule. Puisque lui-même nous a habitués à ses prédications de croyant orthodoxe, qu’il s’empare de ce rôle en le jouant à fond, celui du grand pécheur à la Dostoïevsky, qui a beaucoup fauté mais qui (dessillé par le livre de Vanessa qu’il remercie profondément) se repent, et du fond de son abîme tourne désormais son bâton de pèlerin vers quelque ermitage où toute tentation lui sera épargnée, où il connaîtra sa misère, et l’acceptera. Un renoncement public, une contrition sincère (s’il en est capable) seraient un épilogue décent à ce destin (ce festin ?) si funeste…"


Bien à vous,

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Carhaix » mar. 21 janv. 2020, 21:58

PaxetBonum a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 15:21
Carhaix a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 0:53
Il est quand même l'initiateur de la fameuse pétition en faveur de la pédophilie. Il a été le fer de lance de ce mouvement idéologique.
Avec Sartre et Simone de de Beauvoir…
Mais je crois bien qu'il était l'instigateur en chef, et même le rédacteur. Les autres étaient seulement les signataires :

https://www.liberation.fr/amphtml/check ... ts_1771174

Y a même une page wikipédia (c'est fou), lisez :
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9 ... 9_sexuelle

Matzneff a été complètement moteur dans cette affaire. Il est vraiment l'artisan principal, à en croire ce qu'on peut lire, de toute cette campagne médiatique.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Carhaix » mar. 21 janv. 2020, 22:01

Cinci a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 15:48
Sur la page wiki :
Quand Bernard Pivot invite Gabriel Matzneff le 12 septembre 1975 dans Apostrophes, pour Les Moins de seize ans, les thèses de ce livre sont mises en cause par deux auteurs également présents sur le plateau. Jeanne Delais, professeur de lycée, qui a fondé une association pour la défense des droits de l’enfant, s’efforce de ménager l’amour-propre de l’écrivain mais l'accuse de ne pas respecter les enfants et les adolescents, d’attenter à leur dignité, en les utilisant à son profit.

Le biologiste Rémy Chauvin déclare, quant à lui, avoir été « gêné » par le livre de Matzneff, et conteste l'affirmation de celui-ci selon laquelle ses relations sexuelles avec « des petits garçons » ne causeraient en eux aucun traumatisme, déclarant notamment, à propos de tel ou tel de ces garçons : « Vous l'avez peut-être traumatisé pour la vie. » Matzneff révélera un an après qu'un téléspectateur a porté plainte contre lui « pour détournement de mineurs, actes contre nature et incitation de mineurs à la débauche », et s'inquiète du « silence » des intellectuels sur son sort24, dans Le Monde, qui signale, lui, « de nombreuses réactions de nos lecteurs pour la plupart critiques, voire hostiles et quelquefois indignées »25 à cette « Tribune libre » de Gabriel Matzneff et en publie trois.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Matzneff


Ailleurs sur la page ...

En juin 1957, il rencontre Henry de Montherlant et demeure pour lui un ami, en dépit de brouilles, jusqu'à son suicide, le 21 septembre 1972. Dans la nuit du 21 au 22 mars 1973, il disperse les cendres de Montherlant avec l'exécuteur testamentaire de ce dernier, Jean-Claude Barat, sur le Forum romain et dans le Tibre..

Il commence à tenir son journal intime le 1er août 1953 mais ne le publie qu'à partir de 1976. Dans le premier volume, il dessine de lui-même le visage d'un « réfractaire », adepte d'une pratique individualiste, opposée aux mœurs modernes. Français d'origine russe, et pédéraste — au vrai sens du terme, c'est-à-dire amateur de jeunes garçons, sans qu'il renonce aux femmes ni aux jeunes filles, — il se sent « un peu métèque », un peu exclu. « J'étais Athos, écrit-il, le grand seigneur misanthrope, secret, différent…
Je découvre plein de choses, moi. On dirait qu'il y a toute une généalogie morbide partant de Gide jusqu'à nos starlettes actuelles. C'est ahurissant. J'étais loin d'imaginer.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Riou » mer. 22 janv. 2020, 1:08

Carhaix a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 22:01


Je découvre plein de choses, moi. On dirait qu'il y a toute une généalogie morbide partant de Gide jusqu'à nos starlettes actuelles. C'est ahurissant. J'étais loin d'imaginer.
Bonjour,

Il est possible que l'acte fondateur qui a fait imploser toutes les normes transcendantes qui venaient contraindre le désir humain soit la discussion à la fois littéraire et philosophique sur "l'acte gratuit", notamment à propos du meurtre. Peut-on tuer sans raison, sans haine, sans motif déterminant, mais simplement pour éprouver sa liberté, son pur libre arbitre indéterminé et limité par rien, et ce par une affirmation illimitée du désir humain. En gros, la liberté humaine jouirait d'elle même, mais de manière purement formelle, sans se fixer sur un contenu et surtout sans être fixée par une Loi qui la dépasse. André Gide a effectivement pris part, dans ses romans, à cette querelle de l'acte gratuit, lorsqu'il montre un personnage dans un train qui est pris dans un soliloque intérieur pour savoir s'il pousse cet homme devant lui qu'il ne connaît pas et qui ne lui a strictement rien fait (dans "Les caves du Vatican").
C'est le "Tu ne tueras point" qui a sauté dans la conscience littéraire de l'époque, et Gide a eu beaucoup d'influence. On le retrouve jusqu'au cinéma, avec Hitchcock, dans La Corde, où deux jeunes hommes se demandent s'ils sont capables de tuer un être humain sans raison, pour finalement le faire, dans un cynisme très noir. Le principe est toujours le même : l'affirmation absolue de sa liberté individuelle qui ne tolère plus aucune Loi.
Ceci a posé le problème de la morale dans l'art, avec à la clef la question de savoir si l'art peut-être a-moral ou ne peut pas, soulevant ainsi le problème de la responsabilité de l'artiste à l'égard de la société. Car la fiction, qu'elle le veuille ou non, tend à promouvoir des styles de vie, éventuellement des idées, et soulève la thématique de la place de l'homme dans l'univers.
Une bonne partie de la vie littéraire a pris le parti de Gide. Or, je crois que lorsqu'on a fait sauter le "Tu ne tueras point", on a fait sauter tout le reste, et il n'y a aucune raison pour que l'individu tolère une quelconque limite sexuelle, puisque la liberté a décidé de ne plus même s'encombrer de l'existence de l'autre. Matzneff est peut-être un lointain produit de cela, à sa manière...
Le désir débridé, sans Loi, peut laisser place au sadisme. Il y a sans doute là un mal de l'époque dont on peut suivre la trace un peu partout, y compris dans l'histoire du 20ème siècle avec les camps de concentration.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » mer. 22 janv. 2020, 19:14

Carhaix :
Je découvre plein de choses, moi. On dirait qu'il y a toute une généalogie morbide partant de Gide jusqu'à nos starlettes actuelles. C'est ahurissant. J'étais loin d'imaginer.
En effet.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Carhaix » mer. 22 janv. 2020, 22:02

Riou a écrit :
mer. 22 janv. 2020, 1:08
Carhaix a écrit :
mar. 21 janv. 2020, 22:01


Je découvre plein de choses, moi. On dirait qu'il y a toute une généalogie morbide partant de Gide jusqu'à nos starlettes actuelles. C'est ahurissant. J'étais loin d'imaginer.
Bonjour,

Il est possible que l'acte fondateur qui a fait imploser toutes les normes transcendantes qui venaient contraindre le désir humain soit la discussion à la fois littéraire et philosophique sur "l'acte gratuit", notamment à propos du meurtre. Peut-on tuer sans raison, sans haine, sans motif déterminant, mais simplement pour éprouver sa liberté, son pur libre arbitre indéterminé et limité par rien, et ce par une affirmation illimitée du désir humain. En gros, la liberté humaine jouirait d'elle même, mais de manière purement formelle, sans se fixer sur un contenu et surtout sans être fixée par une Loi qui la dépasse. André Gide a effectivement pris part, dans ses romans, à cette querelle de l'acte gratuit, lorsqu'il montre un personnage dans un train qui est pris dans un soliloque intérieur pour savoir s'il pousse cet homme devant lui qu'il ne connaît pas et qui ne lui a strictement rien fait (dans "Les caves du Vatican").
C'est le "Tu ne tueras point" qui a sauté dans la conscience littéraire de l'époque, et Gide a eu beaucoup d'influence. On le retrouve jusqu'au cinéma, avec Hitchcock, dans La Corde, où deux jeunes hommes se demandent s'ils sont capables de tuer un être humain sans raison, pour finalement le faire, dans un cynisme très noir. Le principe est toujours le même : l'affirmation absolue de sa liberté individuelle qui ne tolère plus aucune Loi.
Ceci a posé le problème de la morale dans l'art, avec à la clef la question de savoir si l'art peut-être a-moral ou ne peut pas, soulevant ainsi le problème de la responsabilité de l'artiste à l'égard de la société. Car la fiction, qu'elle le veuille ou non, tend à promouvoir des styles de vie, éventuellement des idées, et soulève la thématique de la place de l'homme dans l'univers.
Une bonne partie de la vie littéraire a pris le parti de Gide. Or, je crois que lorsqu'on a fait sauter le "Tu ne tueras point", on a fait sauter tout le reste, et il n'y a aucune raison pour que l'individu tolère une quelconque limite sexuelle, puisque la liberté a décidé de ne plus même s'encombrer de l'existence de l'autre. Matzneff est peut-être un lointain produit de cela, à sa manière...
Le désir débridé, sans Loi, peut laisser place au sadisme. Il y a sans doute là un mal de l'époque dont on peut suivre la trace un peu partout, y compris dans l'histoire du 20ème siècle avec les camps de concentration.
La toute-puissance... Et ses ramifications multiples dans toutes les idéologies du 20e siècle, et dans toutes les formes d'art. Dans l'architecture, par exemple. Mais aussi dans ce qu'on a appelé le "pop art". On la retrouve aussi dans le rock, ou dans le rap. Et bien sûr, en premier lieu, dans le capitalisme et la consommation.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Riou » jeu. 23 janv. 2020, 1:02

Carhaix a écrit :
mer. 22 janv. 2020, 22:02

La toute-puissance... Et ses ramifications multiples dans toutes les idéologies du 20e siècle, et dans toutes les formes d'art. Dans l'architecture, par exemple. Mais aussi dans ce qu'on a appelé le "pop art". On la retrouve aussi dans le rock, ou dans le rap. Et bien sûr, en premier lieu, dans le capitalisme et la consommation.
En effet. La démesure illimitée, la liberté illimitée, ersatz du désir d'infini en Dieu. L'illimité est une image déformée de l'infini, comme son ombre falsifiée. Avec le délire de toute puissance qui va avec. "Vous serez comme des dieux"...
C'est vraiment la notion de limite sous toutes ses formes qui a implosées. La limite n'est plus ce par quoi l'homme se libère et se forme, mais une contrainte extérieure qui oppresse le désir de manière injustifiée. Il faudrait donc dépasser la limite, et la modernité se fonde sur ce slogan. C'est le cas avec la Loi, mais partout ailleurs, notamment en art. Les règles poétiques, par exemple, sont souvent comprises comme des contraintes extérieures qu'il faudrait dépasser pour inventer, et non comme les anneaux nécessaires d'un beau style (Proust) à travers lesquelles la liberté du génie peut surgir.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » jeu. 23 janv. 2020, 1:21

Riou :

Il est possible que l'acte fondateur qui a fait imploser toutes les normes transcendantes qui venaient contraindre le désir humain soit la discussion à la fois littéraire et philosophique sur "l'acte gratuit", notamment à propos du meurtre. Peut-on tuer sans raison, sans haine, sans motif déterminant, mais simplement pour éprouver sa liberté, son pur libre arbitre indéterminé et limité par rien, et ce par une affirmation illimitée du désir humain. En gros, la liberté humaine jouirait d'elle même, mais de manière purement formelle, sans se fixer sur un contenu et surtout sans être fixée par une Loi qui la dépasse. André Gide a effectivement pris part, dans ses romans, à cette querelle de l'acte gratuit, lorsqu'il montre un personnage dans un train qui est pris dans un soliloque intérieur pour savoir s'il pousse cet homme devant lui qu'il ne connaît pas et qui ne lui a strictement rien fait (dans "Les caves du Vatican").
C'est un thème de Dostoïevski, je crois; et qui a été superbement mis en scène et réalisé en 1956, dans un film français avec Jean Gabin, Robert Hossein, LIno Ventura, Bernard Blier, Gaby Morlay, Marina Vlady et d'autres. Un véritable chef d'oeuvre ! Et chrétien ... ce qu'on ne voit plus guère de nos jours.

Le film traitait bel et bien du problème de la déviance par rapport à la norme morale.

https://www.dailymotion.com/video/x2zcd24


Le tout serait certainement applicable au présent cas Matzneff; oui, sous un certain rapport.

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