Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

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Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Désird'humilité » mar. 19 mai 2020, 12:03

Bonjour :ciao: Je vous explique les questions qui me préoccupent en tant que jeune chrétien. Pour commencer, je tiens à préciser qu'avant d'être catholique, j'étais un simple lecteur des Évangiles et que je pensais pouvoir être chrétien hors de l'Église. J'associais le catholicisme comme le protestantisme à du pharisaïsme. :non: Pourquoi ? Parce que je pensais que la pratique était une manière hypocrite de vouloir plaire à Dieu et que la "bonne" morale (celle du Christ) suffisait.

Maintenant, je pratique assidument, par exemple, je prie tous les jours. J'ai eu du mal a m'y mettre, mais je le fais sans aucun problème :oui:

Toutefois, je me demande : comment ne pas faire pour confondre orthopraxie et religiosité au bon sens du terme ? Comment ne pas être un pratiquant hypocrite ? (Je dis du mal des gens, je me vante, je pèche souvent etc...) , et surtout (et le fait même que je me pose la question montre bien que je ne suis malheureusement pas encore pleinement catholique) : à quoi sert la pratique ? Je veux dire, qu'est-ce qui fait que pratiquer nous rapproche du Seigneur ?

Je poste cela dans "éthique et morale"parce qu'il s'agit pour moi d'une question éminemment morale, à savoir comment ne pas devenir pharisien, comment pratiquer sans pharisaïsme et comment comprendre la nécessité morale de la pratique.

Merci d'avance !
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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Altior » mar. 19 mai 2020, 19:40

Bonjour!
Désird'humilité a écrit :
mar. 19 mai 2020, 12:03
Parce que je pensais que (...) la "bonne" morale (celle du Christ) suffisait.
Notre Seigneur n'a pas eu seulement une morale irréprochable. Il a été un assidu de la pratique. Il respectait la Loi à la lettre. Vous dites avoir lu l'Évangile. Alors, vous avez sans doute remarqué la rigueur de Jésus en tout ce qui concerne la forme de la foi. Il faisait sa prière du soir. Il allait à la synagogue les samedis et souvent au Temple. Son jeûne était d'une rigueur extrême. Il respectait les fêtes et tout leur rituel. La Cène fut quoi ? Elle fut la fête de Pessah. Le Saint Graal fut quoi ? Il fut la coupe de la bénédiction dans la tradition juive. Le formalisme de Jésus allait si loin jusqu'à respecter des rites qui n'avaient aucun sens pour lui en tant que Dieu, simplement afin qu'il nous donne son exemple, comme à l'occasion de son baptême ou du règlement de la dîme.

Mais pas seulement Jésus a été extrêmement formel dans son respect de la loi. La même chose on peut dire concernant les femmes et les hommes saints qui l'entouraient. Sainte Marie Madeleine et ses compagnes cherchaient quoi le Dimanche des pâques avant l'aube, à une heure impossible? Accomplir un rituel: l'embaumement. Pourquoi dimanche au petit matin et pas vendredi soir, quand Notre Seigneur est mort ? Parce qu'une autre pratique doit être respectée: le repos de Sabbat. Qui doit commencer vendredi soir. À 18 heures battant. Formalisme? Si La Loi le dit, on doit le faire. À la lettre.

à quoi sert la pratique ? Je veux dire, qu'est-ce qui fait que pratiquer nous rapproche du Seigneur ?
À quoi sert l'amour que nous portons pour nos parents si jamais ne nous leur parlons, si jamais nous n'allons pas à table avec eux quand ils nous invitent, si jamais nous ne leur faisons des petits cadeaux ? Est-ce cela un vrai amour ? Et a quoi sert avoir dans la poche un diplôme de parachutiste si nous ne sautons jamais ? Toute la théorie sur le parachutisme qu'on a appris, toute la science qu'on a mis pour nous confectionner notre propre parachute servira à quoi? Serons-nous alors, même admis dans le club suite à une initiation, de vrai parachutistes ?
Je poste cela dans "éthique et morale"parce qu'il s'agit pour moi d'une question éminemment morale, à savoir comment ne pas devenir pharisien, comment pratiquer sans pharisaïsme et comment comprendre la nécessité morale de la pratique.
La critique sévère que Jésus a faite à l'adresse des pharisiens ne visait pas leur respect de la forme, mais la discordance entre cela et le non-respect du fond.
Or, il y a un rapport indissoluble entre fond et forme. Un rapport biunivoque. L'insuffisance de l'une attire plus tôt ou plus tard l'insuffisance de l'autre. Pas seulement nous prions selon notre foi, mais aussi notre foi devient selon notre prière. Finalement, Dieu s'est incarné pour notre salut. Concrètement, il nous a mis dans les bras deux moyens pour y arriver: l'Église et les Sacrements. Les refuser, c'est refuser notre salut.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Désird'humilité » mar. 19 mai 2020, 23:37

Altior, votre réponse répond vraiment à mes interrogations, et je vous en remercie. Je comprends bien mieux le lien entre Ancien et Nouveau Testament et la perspective dans laquelle vous exposez les enseignements du Seigneur va dans le sens de Tresmontant. :clap:

Cependant, je me pose encore deux questions : premièrement, pourquoi Jésus dit-il « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat.Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. » ? Cela ne rentre t'il pas en contradiction avec la pratique assidue du Christ ?

Deuxièmement, comment expliquez-vous la parabole du Bon Samaritain ? Le Bon Samaritain n'est-il pas un hérétique proscrit qui sauve un homme par opposition au prêtre parfaitement orthodoxe qui laisse mourir le même homme ? :sonne:
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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Altior » mer. 20 mai 2020, 6:52

Désird'humilité a écrit :
mar. 19 mai 2020, 23:37
Cependant, je me pose encore deux questions : premièrement, pourquoi Jésus dit-il « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat.Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. » ? Cela ne rentre t'il pas en contradiction avec la pratique assidue du Christ ?
Par «le sabbat a été fait pour l'homme et non pas l'homme pour le sabbat» Notre Seigneur nous rappelle une vérité simple et évidente, pourtant une vérité que nous oublions souvent. Le bon Dieu nous a donné ses commandements pas pour son bien, ni de son caprice, mais pour notre bien. Car la créature ne se connaît pas mieux que le Créateur ne la connaît. Si Dieu nous impose certaines restrictions, c'est pour notre plus grand bien.
Par «le Fils de l'homme est maître, même du sabbat», il nous rappelle que la loi n'oblige pas le souverain.

Au total, la Loi fut faite PAR le Législateur et non par POUR le Législateur.

C'est pourquoi Notre Seigneur répond aux reproches des pharisiens par l'exemple de David (Marc 2 : 25). Effectivement, David, étant en fuite et affamé, mange les pains consacrés à Dieu, qui étaient réservés pour les prêtres. Et pas seulement il mange lui-même, mais il partage avec ses compagnons. Les pharisiens ne peuvent pas rejeter l'exemple de l'illustre David et dire qu'il a actionne hors la Loi. Or, si par nécessité, David, qui n'était pas prêtre et n'était qu'un antitype (=préfigurateur) de Jésus, d'autant plus la Loi permet la même chose à Jésus, vrai prêtre et vrai roi. Ce qu'on ne peut pas reprocher à David, d'autant plus on ne peut reprocher à son Fils. Donc, Notre Seigneur fit cette chose SELON sa Loi, et non pas CONTRE celle-ci, car Il n'est pas venu pour la changer (Mt 5 : 17)

Nous voyons bien que, en affichant le respect de la Loi, les pharisiens oublient la Loi même. Ou font mine de l'oublier. Car nous avons du mal à croire que ces docteurs de la Loi ne sussent pas l'article du Deutéronome 23:25 qui prévoit exactement le fait que les gens peuvent cueillir le blé à la main. Ils le savaient, car c'est pour cela qu'ils n'osent pas accuser Jésus et ses Apôtres de vol de froment. Alors, il l'accusent d'outrepasser la loi du sabbat. Or, par cela ils nous montrent qu'ils ont oublié le sens de la Loi. Il ne savent plus pourquoi Dieu donne ses lois et c'est pour ça que Dieu incarné leur rappelle: pour les êtres humains. Car, si Deut 23:25 nous interdit la récolte du blé qui ne nous appartient pas à la faucille tendis qu'il la permet à la main c'est justement pour rassasier notre faim en cas de nécessité. Un aspect de ce que la sainte doctrine de l'Église appelle «La destination universelle des biens».

Deuxièmement, comment expliquez-vous la parabole du Bon Samaritain ? Le Bon Samaritain n'est-il pas un hérétique proscrit qui sauve un homme par opposition au prêtre parfaitement orthodoxe qui laisse mourir le même homme ? :sonne:
Par là, on arrive à votre question. La théorie sans pratique ne sert pas à grande chose. L'Orthodoxie sans l'orthopraxie donne des résultats monstrueux, voilà.

Le fait que derrière l'exemple imaginé par Jésus de cet homme blessé à mort se cache une allégorie pour le péché mortel est bien connu. Tel que je ne vais pas insister là-dessus.

Mais quel est le rapport entre les deux ? Quel est le rapport entre le fait (bien réel, cette fois) de la récolte du blé et la parabole du Bon Samaritain ? Dans les deux cas on voit une action par nécessité. Une action que, comme on a vu, la Loi n'interdisait pas. Le Bon Samaritain, qui n'est pas autre que le Fils de David intervient par nécessité. Le prêtre et le lévite passent leur chemin non pas par négligence, mais parce qu'il obéissent à la Loi plus qu'au Législateur. Car, en touchant un corps qu'ils croyaient mort, ou même le sang impur, ils se rendaient incapables de leur service au Temple. Une procédure minutieuse et compliquée de purification devrait suivre dans ce cas. Nous voyons ici comment un prêtre de Dieu vivant, de Dieu de la vie, devient un fonctionnaire du Temple. Aux bons entendeurs, salut!

Mais le rapport va au delà de la question de la nécessité, commune dans les deux cas. Si on parle du sens allégorique, on doit remarquer ce qui se cache derrière le fait que les Apôtres, pour apaiser leur faim, arrivent à récolter du blé à la main.. Comme le Vénérable Bède le voit bien, les apprentis de Jésus, pleins de sollicitude apostolique, sont affamés du salut des hommes. Le blé, ce sont les âmes qui peuvent être sauvées. Arracher les épis, c'est arracher les hommes à toutes les intentions terrestres. Les froisser entre les mains c'est dégager, par le travail sacramentel de leurs mains bénites, ce qui est très bon, la pureté, le noyau de leur âme, de toute concupiscence charnelle comme d'une sorte de paille qui se dépose sur ce noyau. Le souffle par lequel cette paille s'en va pour dégager ce qu'il est très bon c'est la prédication évangélique. Peut-être même le souffle transmis par Dieu? Manger ce blé c'est le faire incorporé dans le monde des apprentis de Dieu. C'est ce que ni le prêtre, ni le lévite ne le font pas. Les Docteurs de la Loi non plus. Eux, ils laissent le blé pourrir. Le jour de Dieu, ils ont oublié qu'ils sont les apprentis de Dieu.

In corde Iesu,
A.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Kerygme » mer. 20 mai 2020, 10:13

Bonjour Désird'humilité,
Désird'humilité a écrit :
mar. 19 mai 2020, 23:37
Cependant, je me pose encore deux questions : premièrement, pourquoi Jésus dit-il « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat.Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. » ? Cela ne rentre t'il pas en contradiction avec la pratique assidue du Christ ?

Deuxièmement, comment expliquez-vous la parabole du Bon Samaritain ? Le Bon Samaritain n'est-il pas un hérétique proscrit qui sauve un homme par opposition au prêtre parfaitement orthodoxe qui laisse mourir le même homme ? :sonne:
Deux questions essentielles.

Tout d'abord la première se réfère à la loi de Moïse dans laquelle si on passait près d’une culture, on pouvait prendre quelques épis ou grappes de raisins pour les manger sur l'instant. Ce n'est pas un vol, les Pharisiens accusent donc les disciples de Jésus de réaliser un « travail » un jour de sabbat. Jésus leur répond en prenant l'exemple du roi David qui dût se nourrir, mais aussi ses compagnons, de pains réservés aux prêtres.
On peut déjà en déduire que si Jésus prend cet exemple c'est que cette action (contraire à la loi) n'a pas été condamnée par Dieu.

Par cette phrase Jésus donne un enseignement qui va au-delà du respect du sabbat (orthopraxie) : celui de l’esprit dans lequel l’ensemble de la loi doit être vécue. Qui est au service de qui ?
Cela vaut encore aujourd’hui : comment considérons-nous les commandements de Dieu et les demandes de l’Église ? Sont-ce des obligations auxquelles il faut seulement obéir ou un guide dans notre vie ? La loi doit être servante de la vie, et non l'inverse. L'être humain est plus important que la stricte obéissance de la loi c'est ce qu'exprime Jésus; et par là même ce qu'est la volonté de Dieu.

Cela nous renvoie également au reproche que Jésus fait aux pharisiens dans Matthieu 23 : "faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent, et ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt.".
Certains aiment dire ce qu'est la loi mais ne la pratiquent pas pour autant ou pas pleinement, beaucoup se référent à la lettre de la loi (orthodoxie) dans le faire (orthopraxie) plutôt qu'à son esprit. On pourrait dire que c'est l'amour de la loi qui prime, parfois au détriment du prochain, c'est cela le légalisme.


Le Samaritain est en effet en dehors du Judaïsme tel qu'on le pratiquait à Jérusalem, et à travers lui c'est justement ce à quoi nous sommes appelés à réfléchir : la relation à la loi, non son orthodoxie.
Un prêtre puis un lévite (probablement un sacrificateur) montent à Jérusalem, s'ils aident ce pauvre homme alors ils risquent de contracter une impureté rituelle qui les empêchera d'aller au Temple et les obligeront à un long rite de purification. Ils préfèrent donc délaisser leur prochain pour être "en règle" avec la loi et rester "purs". Ce n'est pas qu'ils ne voulaient pas aider cet homme mais la loi leur interdisait de l'approcher, en cela ils l'ont scrupuleusement respectée.
Ce Samaritain (qui lui n'a pas cette relation à l'orthodoxie : la loi du Temple) prend de son temps et de ses biens pour porter assistance à un inconnu (peut être même un juif de Judée - adversaire de la Samarie - qui allait au Temple) : il fait acte de charité.

Alors ces deux exemples nous enseignent que la loi est importante, certes, puisque volonté de Dieu mais qu'elle est un guide pour que nos vies soient selon sa volonté : bonnes, belles, pleines, justes. Mais que cette loi reste soumise à une volonté plus grande de Dieu : la loi de l'Amour qu'est la Charité, c'est à dire l'amour envers Dieu, premier servi, et notre prochain. C'est le commandement le plus important nous dit Jésus, le reste de la loi lui est donc subordonné.

Cette parabole est une parabole de la Miséricorde. L'ensemble nous ramène aussi la parabole du Publicain et du Pharisien : qui des deux est justifié aux yeux de Dieu ? Celui qui pratique pleinement la loi ?

Si l'amour de la loi n°... (juste pour l'exemple), ou sa pratique, implique que je manque de charité envers mon prochain alors il y a désordre puisque je n'obéis pas à la première d'entre elles. Mais comme on sait ... l'amour rend aussi aveugle.


Alors pour répondre à votre question initiale en titre, j'ose une proposition : ne pas ramener la généralité de la loi à l'individu; lequel à une vie propre, une histoire, un vécu personnel etc. Mais il faut se demander comment cette loi peut s'inscrire dans sa vie afin qu'elle devienne un guide pour lui/elle et qui sera chemin vers Dieu.


Cordialement.
Dernière modification par Kerygme le mer. 20 mai 2020, 12:19, modifié 2 fois.
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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Riou » mer. 20 mai 2020, 10:52

Bonjour,

Pour compléter le message de Kérygme, je dirai qu'une tendance du légalisme est d'être un volontarisme et, d'illusions en illusions, d'en venir à l'idée que par la seule force de son poignet il serait capable de se sauver seul. Le respect scrupuleux des règles, la pratique bien conventionnelle, parfaitement dans les formes, peut devenir simplement un devoir moral qui croit pouvoir s'accomplir dans l'effort de la personne pour respecter la lettre. Je jeûne comme il faut, je donne ma dîme, je fais ceci et cela, dit le pharisien dans Saint Luc (18, 9-14), et à force de dire "je", "moi j'ai fait", on a l'impression que son salut est comme un dû, et que Dieu, devant ce parfait légalisme, serait en dette. Le problème est que le pharisien a oublié quelque chose en route : le don gratuit de la grâce, toujours premier, et c'est pourquoi le pharisien, sans en être vraiment conscient, en vient à rejeter la grâce en raison de son orgueil. Il peut donc exister une certaine pratique orgueilleuse.
C'est ce qui explique que le centre du culte est l'eucharistie, la réception humble du don de la grâce. La pratique religieuse s'ordonne autour de cette relation d'amour originel que le légalisme perd de vue. C'est moins une affaire de morale qu'une ascèse spirituelle qui dispose le corps et l'esprit à recevoir l'amour de Dieu. La pratique religieuse n'est pas une glorification pharisienne de sa volonté et de son activisme, mais un effort de recueillement, une ascèse visant à se rendre passif et disponible pour l'accueil de Dieu, se "faire récipient", en quelque sorte, ce qui demande une méthode et un ordre précis. Car beaucoup de choses font barrage à cette attitude intérieure, à commencer par le "Je" qui, quand il enfle, prend toute la place. C'est une chose d'être aimé, mais il faut être en capacité de l’accueillir. La pratique religieuse est avant tout une pratique rendant possible cet accueil et cette relation d'amour. C'est après que les questions morales peuvent se poser dans un sens plus large. Mais une pratique qui occulte cette relation d'amour rejette la grâce et sombre dans la rigidité légaliste.
La question n'est donc pas de savoir s'il faut pratiquer ou pas, mais de comprendre la finalité réelle de la pratique religieuse. Peut-être que la lecture de l'évangile de Saint Jean sur le Pain de Vie (chapitre 6) peut donner le sens originel de tout ça.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Désird'humilité » mer. 20 mai 2020, 11:59

Bonjour, merci pour vos réponses que j'ai lues attentivement :oui:
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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Kerygme » mer. 20 mai 2020, 15:11

Bonjour Riou,
Riou a écrit :
mer. 20 mai 2020, 10:52
Mais une pratique qui occulte cette relation d'amour rejette la grâce et sombre dans la rigidité légaliste.
Très joli exposé. J'en retire ce passage qui, comme une citation, arrive à exprimer en peu de mots toute une pensée.

Nulle provocation de ma part envers qui que ce soit, mais mon directeur spirituel dit que le légalisme est dû à un manque de vie spirituelle dans l'expérience de la présence de Jésus-Christ. Je trouve qu'est c'est assez proche du passage ci-dessus.
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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Désird'humilité » mer. 20 mai 2020, 17:53

Le respect scrupuleux des règles, la pratique bien conventionnelle, parfaitement dans les formes, peut devenir simplement un devoir moral qui croit pouvoir s'accomplir dans l'effort de la personne pour respecter la lettre. Je jeûne comme il faut, je donne ma dîme, je fais ceci et cela, dit le pharisien dans Saint Luc (18, 9-14), et à force de dire "je", "moi j'ai fait", on a l'impression que son salut est comme un dû, et que Dieu, devant ce parfait légalisme, serait en dette.
J'ai aussi l'impression que les légalistes voient Dieu comme un patron et que leur relation avec Dieu est purement contractuelle. Aussi, ils vont tout faire pour respecter le "contrat" (jeûner, faire l'aumône, prier...) en pensant que le Salut s'obtient comme l'argent versé par le patron.

J'ai aussi l'impression que le Christ change tout en disant que Dieu est un Père qui aime ses enfants, et que l'économie du Salut comme le rapport entre Dieu et les hommes se trouvent bouleversé.
Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père !

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Riou » mer. 20 mai 2020, 18:47

Kerygme a écrit :
mer. 20 mai 2020, 15:11

Nulle provocation de ma part envers qui que ce soit, mais mon directeur spirituel dit que le légalisme est dû à un manque de vie spirituelle dans l'expérience de la présence de Jésus-Christ. Je trouve qu'est c'est assez proche du passage ci-dessus.
Bonjour Kerygme,

Je le crois aussi, et je suis bien d'accord avec votre directeur spirituel. Sans la présence du Christ, la pratique religieuse perd sa substance, la Substance de la Trinité. Il est donc inévitable de constater en conséquence une sorte d'assèchement, une perte de consistance. Le légalisme souffre au fond d'un manque.

Bonjour Désird'humilité,
J'ai aussi l'impression que les légalistes voient Dieu comme un patron et que leur relation avec Dieu est purement contractuelle. Aussi, ils vont tout faire pour respecter le "contrat" (jeûner, faire l'aumône, prier...) en pensant que le Salut s'obtient comme l'argent versé par le patron.
Oui, sans doute. Ce qui nous amène à penser la bonne relation à Dieu que le Christ apporte. La pratique est une affaire de justesse dans la relation avec Dieu, et c'est ce qui définit la religion selon Saint Augustin : "En le choisissant ou plutôt en le rechoisissant car nous l'avions perdu par notre négligence - et en le rechoisissant donc, d'où vient, dit-on, le mot religion - nous tendons vers Lui par notre amour, afin qu'en parvenant à Lui nous trouvions notre repos, et nous soyons heureux parce que rendus parfait grâce à cette fin" (La Cité de Dieu, X, III). Le cœur de la pratique est bien l'amour, irréductible à la relation Patron/employé, pour reprendre votre image, car la nature du lien est fort différente d'un lien simplement contractuel.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Altior » mer. 20 mai 2020, 19:31

Désird'humilité a écrit :
mer. 20 mai 2020, 17:53
leur relation avec Dieu est purement contractuelle.
Bien vu. Les grands du Temple, qui étaient les mêmes que les grands du Sanhédrin, entretenaient dans le peuple une psychologie de type «le plus vous donnez, Dieu vous payera davantage». Le Temple était devenu une boucherie, tendis que la Cour une machine à sous. Et c'est pour cela que, finalement, ils ont mis Notre Seigneur à mort: parce que son premier geste, une fois reconnu roi par le peuple le Dimanche des Rameaux, fut de détruire leurs affaires à l'aide d'un fouet.

Afin qu'ils mettent en oeuvre cela, les docteurs de la Loi ont mis en oeuvre un procès contre la Loi. Car la Loi interdisait aux témoins de mentir, et ils ont fait appel aux faux témoignages. La Loi interdisait que quiconque soit jugé la nuit et ils ont monté un procès en pleine nuit.

Au total, jamais Notre Seigneur n'a outrepassé la Loi. Sa Loi qu'il avait donnée. Par contre, ce sont les docteurs de la Loi qui l'ont outrepassée.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par gerardh » mer. 20 mai 2020, 23:18

__

Bonsoir Désir,

Le bon samaritain, c'est Jésus, comme vous l'avez certainement compris.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Kerygme » jeu. 21 mai 2020, 10:58

Bonjour Désird'humilité,
Désird'humilité a écrit :
mer. 20 mai 2020, 17:53
J'ai aussi l'impression que les légalistes voient Dieu comme un patron et que leur relation avec Dieu est purement contractuelle.
Personnellement je ne leur jette pas la pierre tant que ce légalisme n'est pas une occasion de culpabiliser l'autre face à sa propre orthodoxie, sa propre orthopraxie.

Je dirais plutôt, mais c'est un avis personnel, que le légaliste a une relation à Dieu qui est de l'ordre du paternalisme et non paternelle.
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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Gaudens » jeu. 21 mai 2020, 17:42

Vous m' ouvrez un gouffre de pensées moroses,Kérygme (peut-être dues aussi à cette fin bizarre de déconfinement,qui n'en est pas une):
ne pouvant me prévaloir d'aucune "expérience spirituelle de la présence de Jésus" , je crains bien au fond d'être un légaliste sans le savoir.Est-ce que j'aime le Christ? En théorie,oui bien sûr. Mais ne l'ayant pas rencontré de façon évidente sur mes chemins,puis-je dire que je l'aime comme je le dirais de membres de ma famille ou d'amis chers? Je tâche de le suivre plutôt que de l'aimer,probablement.Question douloureuse que je ne suis sans doute pas le seul à me poser.

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Re: Le légalisme (Comment ne pas devenir un pharisien ?)

Message non lu par Foxy » jeu. 21 mai 2020, 17:50

Gaudens a écrit :
jeu. 21 mai 2020, 17:42
Vous m' ouvrez un gouffre de pensées moroses,Kérygme (peut-être dues aussi à cette fin bizarre de déconfinement,qui n'en est pas une):
ne pouvant me prévaloir d'aucune "expérience spirituelle de la présence de Jésus" , je crains bien au fond d'être un légaliste sans le savoir.Est-ce que j'aime le Christ? En théorie,oui bien sûr. Mais ne l'ayant pas rencontré de façon évidente sur mes chemins,puis-je dire que je l'aime comme je le dirais de membres de ma famille ou d'amis chers? Je tâche de le suivre plutôt que de l'aimer,probablement.Question douloureuse que je ne suis sans doute pas le seul à me poser.
Bonsoir Gaudens

Je pense en effet qu'un jour ou l'autre, tout le monde se pose la question !!

Mais justement, il y a ceci que Jésus a dit :
1 Jean 4
…19 Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier.
20 Si quelqu'un dit: J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur; car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas?
21 Et nous avons de lui ce commandement: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.
La foi que j’aime le mieux,dit Dieu,c’est l’Espérance.
Charles Péguy

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