Le problème des dettes publiques

Écoles et doctrines - Économie politique - Politique monétaire - Comptabilité nationale

Pour ou contre l'annulation de la dette des pays les plus pauvres ?

Pour
8
80%
Contre
1
10%
Ni pour, ni contre. Bien au contraire !
1
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Christophe
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Le problème des dettes publiques

Message non lu par Christophe » sam. 27 août 2005, 21:29

[ Ave ! Dans le fil consacré à la question de la licéité du prêt à intérêt a été soulevée la question des dettes publiques des pays les plus pauvres. Pour plus de clarté, j'ai donc décidé de créer un nouveau fil dédié à ce problème des dettes publiques. Afin d'initier ce débat, j'ai reproduit ci-dessous les digressions sur le sujet qui ont été publiées dans le fil sur Vix Pervenit. | Fraternellement, Christophe ]
Christophe a écrit :L'Afrique et ses habitants sont affamés par une dette dont le montant du capital initial a été remboursé plusieurs fois sous forme d'intérêts. Effacer régulièrement cette dette ne change rien si le système est laissé inchangé : une nouvelle dette, toute aussi inexorable, se substitue alors à l'ancienne et le continent noir est maintenu exsangue. Je ne dis pas que les guerres, la corruption ou la mauvaise gouvernance des pays concernés sont étrangères au sous-développement de l'Afrique. Mais les prêts à intérêt qui lui sont ( soit-disant généreusement ) "accordés" ne font jamais que d'hypothéquer davantage son avenir. L'Afrique est insolvable. Nous devons, en toute justice, soit lui donner sans exiger de remboursement, soit lui prêter sans intérêt en ne demandant que le remboursement du capital, soit investir là-bas. Mais prêter à l'Afrique avec intérêts, c'est la tuer. Comme le dit le Catéchisme de Trente.
Christian a écrit :
Christophe a écrit :Je ne dis pas que les guerres, la corruption ou la mauvaise gouvernance des pays concernés sont étrangères au sous-développement de l'Afrique. Mais les prêts à intérêt qui lui sont ( soit-disant généreusement ) "accordés" ne font jamais que d'hypothéquer davantage son avenir. L'Afrique est insolvable. Nous devons, en toute justice, soit lui donner sans exiger de remboursement, soit lui prêter sans intérêt en ne demandant que le remboursement du capital, soit investir là-bas.
Ici, Christophe, je vous rejoins tout à fait.

Il existe deux catégories de prêts immoraux, selon moi

- lorsque le prêteur exige un gage d’une valeur nettement supérieure au prêt, alors qu’il a des raisons de penser que l’emprunteur ne pourra pas rembourser et devra abandonner le gage, laissant le bénéfice de sa vente au prêteur. Le cas est fréquent avec les paysans du tiers-monde qui perdent ainsi le seul bien qu’ils peuvent hypothéquer, leur terre, alors qu’ils n’ont besoin que de quelques sous à un moment quelconque pour une hospitalisation, une soudure entre deux récoltes, etc.

- lorsque l’emprunteur est un Etat

En effet, un ‘Etat’ n’emprunte pas, il s’agit d’une fiction. Ce sont les contribuables qui vont devoir rembourser une dette qu’ils n’ont pas approuvée. Les actionnaires d’une grande entreprise aussi, me direz-vous ? L’analogie ne vaut pas. Car l’argent prêté à une entreprise l’est sur la base d’une rentabilité prévisible d’un investissement, et si l’entreprise ne peut malgré tout rembourser, les actionnaires d’une société anonyme, qui ont choisi d’investir dans cette entreprise plutôt qu’ailleurs, ne sont pas tenus de mettre la main à la poche. Le prêt à un Etat, en revanche, est accordé sur la base d’investissements de service public, sans aucune mesure de rentabilité (il est insultant de demander à des fonctionnaires quelle est la rentabilité de leur travail), et les contribuables, à qui on n’a pas demandé d’accepter ce prêt, sont appelés à rembourser sans aucune autre limite que leur capacité à payer.

Je crois juste que les banquiers qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du vol fiscal perdent leur mise. La bonne façon d'aider les pays pauvres est d'ignorer l'Etat et d'investir directement dans les entreprises sous forme de prêts ou de participation au capital.
Christophe a écrit :
Christian a écrit :Je crois juste que les banquiers qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du vol fiscal perdent leur mise.
Quel horrible atteinte au sacro-saint droit de propriété !!! :sick: :arrow: :blink:

Je crois pour ma part qu'il serait juste que les banques qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du privilège indu et exclusif - paradoxalement concédé par ces mêmes Etats - de créer la monnaie nationale voient leur crédit effacé. Le capital prêté par ces banques n'a pas été prélevé sur le capital propre de ces banques...
:P
MB a écrit :
Christophe a écrit :Je crois pour ma part qu'il serait juste que les banques qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du privilège indu et exclusif - paradoxalement concédé par ces mêmes Etats - de créer la monnaie nationale voient leur crédit effacé. Le capital prêté par ces banques n'a pas été prélevé sur le capital propre de ces banques...
Ok, va pour l'annulation de ces crédits, sauf que :
- la dette en elle-même ne plombe pas le développement (la Corée du Sud a été l'un des Etats les plus endettés du monde, la seule différence, c'est que l'argent servait à financer de réels investissements, donc cela inspirait confiance aux bailleurs de fonds)
- soyez pret à assumer votre opinion. En l'occurrence, effacer la dette d'un pays africain, cela veut dire : faire payer au contribuable français la villa, la piscine et les jacuzzis du neveu de tel ministre local... il est vrai que cela se fait tellement chez nous (frais de bouche...), que finalement ça ne changera pas grand-chose.
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Christophe
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Réponse à MB

Message non lu par Christophe » sam. 27 août 2005, 23:02

Cher MB

J'ai l'impression que vous m'avez lu un peu vite, et que vous me prêtez des intentions que je n'ai pas explicitement exprimées.
MB a écrit :
Christophe a écrit :Je crois pour ma part qu'il serait juste que les banques qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du privilège indu et exclusif - paradoxalement concédé par ces mêmes Etats - de créer la monnaie nationale voient leur crédit effacé. Le capital prêté par ces banques n'a pas été prélevé sur le capital propre de ces banques...
Ok, va pour l'annulation de ces crédits, sauf que :
[align=justify]La citation que vous commentez ne concerne que marginalement les dettes publiques des pays que nous souhaiterions réellement " en voie de developpement ".

En effet, elle évoque l'annulation des dettes contractées par des Etats auprès d'établissements bancaires - les banques à chartes - (ab)usant du pouvoir qui leur a été concédé par ces mêmes Etats de créer la monnaie. Contrairement aux pays du Tiers-Monde où tout l'argent doit être emprunté à d'autres pays - donc une dette due à des pays étrangers -, environ 90% des emprunts des pays occidentaux sont faits au pays - donc auprès d'établissements bancaires ( banques à charte et autres institutions financières ) ou de particuliers.

D'après Alain Pilote, dans son article Le problème des dettes publiques, la dette du Canada pour l'année 1984-85 contractée sous forme de Bons du Trésor ( donc auprès de banques à chartes prêtant avec intérêt l'argent émis ad hoc ) représente plus du tiers de la dette publique fédérale.

Ma remarque ne concernait l'annulation que de cette fraction de la dette. Contrairement à Christian qui propose l'annulation de toutes les dettes contractées par des Etats auprès d'établissements bancaires ou financiers... Je crois juste que les banquiers qui ont prêté à des Etats en espérant bénéficier du vol fiscal perdent leur mise, écrit-il.

Pour ma part, voilà ce que j'ai proposé : " Nous devons, en toute justice, soit lui donner sans exiger de remboursement, soit lui prêter sans intérêt en ne demandant que le remboursement du capital, soit investir là-bas. "[/align]
MB a écrit :- la dette en elle-même ne plombe pas le développement (la Corée du Sud a été l'un des Etats les plus endettés du monde, la seule différence, c'est que l'argent servait à financer de réels investissements, donc cela inspirait confiance aux bailleurs de fonds)
[align=justify]Cela conforte la conception que j'ai exprimée - que l'on pourrait qualifier de "situationniste" - sur la moralité du prêt : " En conclusion, je dirais que la moralité ou l'immoralité du prêt à intérêt me semble ne pas pouvoir être traité dans l'absolu mais doit tenir compte des situations et des conditions concrêtes dans lesquelles celui-ci est octroyé ".

Effectivement, il n'est pas du tout équivalent - du point de vue des conséquences - de réclamer des intérêts à un entrepreneur qui va faire fructifier le capital prêté - par analogie la Corée - et réclamer des intérêts à un pauvre - par analogie l'Afrique - qui est contraint d'utiliser le capital prêté pour subvenir à ses besoins vitaux. Le premier sera, si son entreprise réussie, en mesure de rembourser l'emprunt et les intérêt. Le second creusera sa tombe, en même temps que sa dette auprés des usuriers.

Le fait est que, comme l'écrivait Jean XIII dans l'extrait de Populorum Progressio présenté par Christian, les pays en voie de développement sont accablés de dettes dont le service absorbe le plus clair de leurs gains.[/align]
- soyez pret à assumer votre opinion. En l'occurrence, effacer la dette d'un pays africain, cela veut dire : faire payer au contribuable français la villa, la piscine et les jacuzzis du neveu de tel ministre local... il est vrai que cela se fait tellement chez nous (frais de bouche...), que finalement ça ne changera pas grand-chose.
[align=justify]Je suis prêt à assumer mes opinions, mais seulement les miennes...

J'ai proposé, pour l'Afrique, d'explorer les pistes suivantes : " soit lui donner sans exiger de remboursement, soit lui prêter sans intérêt en ne demandant que le remboursement du capital, soit investir là-bas ". Dons gratuits, prêts sans intérêts : ce à quoi nous invitait déjà SS le pape Jean XIII en 1967 : " Taux d'intérêt et durée des prêts pourront être aménagés de manière supportable pour les uns et pour les autres, équilibrant les dons gratuits, les prêts sans intérêts ou à intérêt minime, et la durée des amortissements. "

Je considère que l'annulation de la dette des pays pauvres n'est pas un acte de charité : il s'agit là de simple justice, dès lors que ces pays ont remboursés - souvent plusieurs fois, sous forme d'intérêts composés - le capital emprunté. Vous constaterez donc que je ne partage pas les motivations de Christian qui appuie sa position sur sa statophobie libérale. Il ne s'agit aucunement de faire supporter au contribuables français le coût des dérives des républiques bananières, mais de poser une limite à la cupidité des usuriers.

Cela étant dit, je vous concède qu'une politique de dons gratuits, de prêts sans intérêts ou à intérêts réduits nécessiterait plus de transparence et un contrôle plus important de l'usage fait de l'argent reçu, comme le proposait déjà avec une grande clairevoyance le Saint-Père Jean XIII, dans le même extrait déjà cité : " Des garanties pourront être données à ceux qui fournissent les moyens financiers, sur l'emploi qui en sera fait selon le plan convenu et avec une efficacité raisonnable, car il ne s'agit pas de favoriser paresseux et parasites ".


Amicalement
Christophe[/align]
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Réponse à MB et Christophe

Message non lu par Christian » dim. 28 août 2005, 16:46

Bonjour Christophe, Bonjour MB,

:) :)

Je pars en voyage dans quelques minutes, je réponds donc hâtivement à vos derniers articles.
je ne partage pas les motivations de Christian qui appuie sa position sur sa statophobie libérale.
Ma statophobie est plutôt de la kleptophobie. Je n’ai rien contre un Etat qui à l’instar de notre Eglise catholique ou de toute autre organisation légitime ne réclamerait rien de gens qui n’ont pas volontairement adhéré. Je reproche aux Etats de pratiquer le crime, le vol et la coercition impunément, se mettant ainsi au-dessus de la loi naturelle commune.

Cette position de principe réitérée, on peut mieux comprendre où nos opinions divergent.
il n'est pas du tout équivalent - du point de vue des conséquences - de réclamer des intérêts à un entrepreneur qui va faire fructifier le capital prêté - par analogie la Corée - et réclamer des intérêts à un pauvre - par analogie l'Afrique - qui est contraint d'utiliser le capital prêté pour subvenir à ses besoins vitaux.
Mais la Corée n’a pas débuté avec la richesse dans sa poche. Au contraire. Colonisée comme l’Afrique, la Corée ne possédait aucune des réserves immenses de pétrole, minerais et autres ressources dont l’Afrique abonde. La question est donc : pourquoi la Corée est-elle riche aujourd’hui et l’Afrique désespérément pauvre ? N’est-ce pas la kleptocratie au pouvoir dans tous les pays africains qui en est la cause ? Sinon, quelle autre explication ?
il s'agit là de simple justice, dès lors que ces pays ont remboursés - souvent plusieurs fois, sous forme d'intérêts composés - le capital emprunté.
La Corée et tous les pays émergents ont dû rembourser le capital et les intérêts. N’y a-t-il pas alors une injustice à faire grâce à ceux qui ont mal géré les prêts qu’ils recevaient ? “car il ne s'agit pas de favoriser [les] parasites ".

Si je pense que les banques occidentales doivent accepter de perdre l’argent prêté aux pays africains, c’est qu’elles savaient très vite après les indépendances l’usage que la kleptocratie allait en faire. L’argent serait détourné aux fins personnelles de ces dirigeants, à leurs dépenses somptuaires, et aucun investissement productif ne permettrait de rembourser les prêts. Mais comme disait Walter Wriston, le président de Citibank, «un pays ne fait pas faillite». D’une part, il comptait sur les masses pressurées d’impôts pour le rembourser, ce qui est moralement odieux, d’autre part, il avait quand même tort, même les masses dans beaucoup de cas n’ont pu rembourser l’argent qu’elles n’ont jamais reçu.

L’immoralité ici n’est pas dans les banques à charte, etc. L’immoralité est dans le fait que les dirigeants ont accaparé l’argent prêté au pays en comptant que d’autres, les populations, seraient amenées à payer. Et les banques ne pouvaient ignorer cette escroquerie.

Christian

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Message non lu par Benedictus » dim. 04 sept. 2005, 19:44

question très dure ... franchment je ne sais pas y répondre!
mais je trouve anormal que la france par exemple aggrave sa situation au profit de dettes africaines ... je suis désolé mais notre argent ne sers pas a la jetter par la fenetre!

WE WANT OUR MONEY BACK !
:roll:

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