Cher Gaudens,Gaudens a écrit : ↑mer. 09 janv. 2019, 17:21La Samaritaine,
Les dysfonctionnements de ses prédécesseurs ont duré plus de 15 ans, pour ne rien dire de celui de M. Hezez qui met plus de 20 ans à se réveiller (je précise que ce monsieur est un brillant financier, gestionnaire d'actifs et pas un timide adolescent peu à l'aise dans le monde juridique). Gaudens
Je vous réponds sur ce sujet où je suis malheureusement particulièrement compétente.
Si Alexandre a mis "15 ans à se réveiller ", c'est normal, c'est même court : personnellement, c'est 25 ans après les faits que je me suis réveillée d'une amnésie traumatique. Avant, aucun souvenir, aucun soupsçon, juste la souffrance de difficultés personnelles aussi abyssales qu'incompréhensibles… Si les victimes se réveillent entre 35 et 45 ans en général, c'est parce que c'est l'âge ou les souvenirs remontent. (Quand ils remontent. Je suis persuadée que certains ne se souviennent jamais et souffrent sans comprendre pourquoi).
Pour ceux qui ne sont pas amnésiques, ils refoulent quand même leurs souvenirs, ils ne veulent plus y penser, ils tentent de vivre normalement, peuvent parfois réussir brillament et gardent l'enfant blessé en eux caché au fond de leur conscience. Bien souvent, des difficultés personnelles de toute sorte les polluent en sourdine, ou de manière plus flagrante (dépression, alcoolisme, divorce, maladies...).
Pour ceux là aussi, il ya la fameuse "remontée", cela revient à leur conscience. Très lentement, peu à peu. Un fois que c'est remonté, c'est à accepter, c'est à regarder en face, les femmes vont très vite consulter un psy, les hommes peuvent prendre plus de temps pour tenter un chemin de guérison.
A un moment, après encore du temps, la question de l'action en justice se pose. Avec un personnage public qu'est un prêtre, et à l'heure d'internet et des réseaux sociaux, c'est facile de voir ce qu'il est devenu. Et là, à cette phase là, notre Alexandre s'est aperçu que Préynat était encore en exercice, en paroisse, au contact des enfants... Et là, l'affaire commence.
C'est un processus : remontée des souvenirs, acceptation, décision d'agir. Un processus qui demande un très grand courage car chaque phase est très douloureuse, c'est pourquoi les victimes se sentent très injustement accusées lorsqu'on leur reproche le temps de ce processus, temps incompressible qu'ils n'ont pas choisi. Sur le site de la Parole Libérée et sur le site memoiretraumatique.org, ce processus est expliqué.
Il faut comprendre qu'à l'intérieur de cet adulte, de cet homme et de cette femme apparemment "en forme", apparemment intégrés dans la vie, parfois brillants, et parfois très enjoués, parfois particulièrement charismatiques (par compensation), il y a un enfant qui n'a pas grandi, un enfant blessé caché sous la table, terrorisé dans son coin et qu'il est très difficile d'accepter, d'accueillir. Apprivoiser cet enfant que j'ai nié pendant tant d'année, c'est le travail d'une vie pour moi.
Et aller devant la justice et devant les médias se confronter aux gens d'Eglise et aux avocats comme le font les garçons de la Parole Libérée actuellement, cela demande un courage que vous n'imaginez pas : ils portent en eux un enfant blessé à mort avec lequel ils ne sont pas forcément encore réconciliés, ils portent pour certains une blessure toujours à vif, espérant que le procès va les aider à panser leurs plaies...
Pour les comprendre, il faut avoir le courage de se mettre à l'écoute de ce qu'ils ont vécu et prendre la peine de lire leurs témoignages au combien dérengeants mais sans lesquels on ne peut rien comprendre. C'est sur leur site. Je salue encore à ce sujet la rencontre de Lourdes ou les évêques par petits groupes, ont écouté 6 victimes.
En Christ,
Samaritaine