par LumendeLumine » jeu. 04 sept. 2008, 23:16
Merci AnneT pour votre témoignage. Je pourrais sans doute faire le sceptique et dire que les évènements que vous décrivez ont certainement des causes naturelles. Mais admettons qu’il s’agisse de vrais miracles : la foi chrétienne ne peut consister en cela tout de même. Les grands miracles, du style de la danse du soleil à Fatima, sont de purs signes : il n’y a aucune utilité en soi à ce que le Soleil ait dansé pendant 10 minutes à Fatima. Les petits miracles du genre que vous me rapportez, chacun en a, mais cela reste rare. Le miracle est toujours une chose rare, et l’attitude chrétienne, d’après ce qu’on m’a enseigné, est de ne pas se fier sur eux mais de les interpréter comme des signes que Dieu veille sur nous. Dans la plupart des vies chrétiennes, en moyenne, il faut bien dire que le miracle joue un rôle à peu près insignifiant.
La question qui me préoccupe, c’est ce que la foi chrétienne doit changer dans nos vies, par rapport à simple connaissance de la loi morale naturelle. On m’accuse d’utilitarisme : je réponds qu’il est idiot d’agir sans raison, d’investir sans attendre d’intérêt, cet intérêt fût-il de nature matérielle, sentimentale ou autre. On qualifie d’altruistes ceux qui trouvent leur joie dans le fait d’aider les autres, et non ceux qui aident les autres à contrecœur. En d’autres termes, on qualifie d’altruistes ceux qui
veulent aider les autres, et comme on le sait l’
objet de la volonté c’est ce qui est perçu comme un
bien pour soi, cf. Aristote. La distinction entre intéressé et altruiste est celle-ci : l’intéressé trouve dans sa joie dans un bien autre que l’amour du prochain, et n’aide son prochain que pour l’obtention de ce bien; l’altruiste trouve sa joie dans l’amour du prochain. Tous les deux agissent en bout de ligne pour eux-mêmes, et personne n’agit pour autre chose que son propre bien. Tout autre comportement serait absurde, car cesser de rechercher son bien, c’est agir de façon désordonnée et courir à sa perte. Il est donc légitime de ma part de chercher quel bien la foi chrétienne me propose, et de la rejeter si elle ne m'en propose pas. Si le bien consiste dans l'amour de Dieu, encore faut-il que cet amour se manifeste d'une manière ou d'une autre - AUTRE QUE NATURELLE, évidemment, pas besoin d'être chrétien pour penser que Dieu est l'auteur de la nature.
Cela dit, donc, je cherche ce que le fait d’être baptisé, de prier Dieu chaque jour, et autres aspects de la vie chrétienne, changent à mon existence. J’observe que si changements il y a, ils sont entièrement mon œuvre. Il n’y a pas de miracle, du moins je ne dois pas en attendre; l’Eucharistie ne me donne rien que je ne convainque intimement qu’elle me donne : de même avec les autres Sacrements; la prière ne fait communiquer avec personne d’autre que le fruit de mon imagination, que Dieu écoute ou non – et il ne répond pas; mes lectures me donnent une connaissance intellectuelle d’une doctrine qui n'a plus de sens intellectuellement pour moi, comme je l’ai déjà dit; on pourrait multiplier les exemples.
Je me rends compte que si on me demandait pourquoi je crois, je n’aurais rien à dire; la foi ne fait pas de moi un être différent de mon voisin athée; Dieu n’intervient pas de façon particulière dans mon existence; tout au plus la foi, en tant que conviction personnelle, est une aide psychologique pour motiver mon travail et éviter le mal; mais je me rends compte que je suis seul dans cette prétendue relation avec Dieu, que lui n’a aucun rôle à jouer là-dedans, et qu’au final ma conviction est vide. Il n’y a pas de Providence. La Résurrection du Christ n’a aucune incidence ici et maintenant pour moi. La soi-disant vie sacramentelle est un produit de la psychologie humaine et non l’agir de Dieu.
Dieu est si respectueux de sa nature, au dire des chrétiens d’aujourd’hui, qu’autant dire qu’il n’y a que la nature et que Dieu se cache totalement derrière. Si tel est le cas, la foi chrétienne n’a plus de raison d’être; il est plus cohérent d’être déiste.
*********************
@Raistlin:
Comment osez-vous dire que Dieu n'a rien fait pour vous ? Il a donné son Fils Unique qui est mort sur la croix pour vous sauver. Et Il l'a ressuscité.
Et qu’est-ce que cet évènement historique change à ma vie personnelle? Si la résurrection du Christ ne change rien pour moi, il ne s’agit pas d’une preuve d’amour à mon égard.
S'il fallait s'attendre à ce que Dieu accorde la grâce d'un miracle, autre déjà que celui de la vie, à chacun d'entre nous, alors la nature elle-même n'aurait plus de raison d'être ! Dieu a demandé à l'homme de dominer la terre, donc à la fois de vivre sur la nature et de protéger la nature ! Il a soumis l'homme à l'ordre de la nature, dont l'homme est partie, et en ce sens, Son action serait absurde s'Il brisait cet ordre en permanence !
Et pourtant, partout sur la terre à chaque instant, nous dit l’Église, se produit le miracle de l’Eucharistie, où la substance du pain est remplacée par celle de la divinité. Partout sur la terre des chrétiens consomment la substance de Dieu lui-même, et ils sont paraît-ils des temples de l’Esprit-Saint. Vous savez que lorsqu’on commet un péché mortel, on perd ce que l’Église appelle la vie de la grâce. La grâce réside de façon ordinaire chez un chrétien. Or la grâce est quelque chose de surnaturel. De façon similaire, Saint Paul nous dit que déjà nous ne sommes plus soumis à la chair mais à l’Esprit, ce qui implique une action surnaturelle de Dieu dans nos vies. Que cela soit absurde, j’en conviens, mais c’est néanmoins la foi chrétienne. Ce que je dénonce aujourd’hui, ce n’est pas l’absurde de la chose (je l’ai déjà fait auparavant), c’est l’absence de toute trace d’un tel surnaturel ordinaire. Je ne vois pas la grâce agir. D’après ce que j’en comprends, grâce et conviction personnelle sont entièrement synonymes et par conséquent la grâce se ramène à l’agir humain. Dieu est évacué. Si Dieu est évacué de la grâce, la grâce n'est pas grâce. Il n'y a que l'homme et la nature, Dieu est au Cieux et nous ne le connaissons pas.
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@Olivier JC :
Bonsoir,
Vous abordez le christianisme avec une mentalité de païen... Pas étonnant, donc, que vous en arriviez à la conclusion qui est la vôtre.
J’aborde le christianisme de façon très crue, et même sûrement naïve. Mais avant de porter les gants blancs il faut bien passer par là; je ne peux pas rester en conflit avec moi-même. J'ai appris une chose à mon dernier emploi comme programmeur, c'est de ne pas avoir peur de poser les questions les plus stupides. On m'a toujours répondu avec empressement. Lorsqu'on pose des questions stupides sur la foi chrétienne, pourquoi seraient-ce les reproches et l'évasion?
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@Christophe:
Pour faire simple, comment la Foi chrétienne pourrait-elle faire "sens moralement" pour vous, si vous rejetez le surnaturel et que notre destinée soit dans les Cieux ? En effet, la morale chrétienne est essentiellement subordonnée à la fin surnaturelle de l'homme qu'est la béatitude... même si des fins intermédiaires "naturelles" peuvent souvent être discernées !
Je ne rejette pas le surnaturel de prime abord, je le rejette parce que je constate qu'il est absent, de façon ordinaire, de la vie chrétienne, alors qu'il est censé en faire partie intégrante.
D'autre part, il me semble que vous mélangez dans votre message vie spirituelle et vie morale. En effet, pour illustrer les difficultés que vous avez avec la morale chrétienne, vous évoquez vos doutes sur la prière, la participation aux sacrements, les grâces de la foi...
J'abuse du terme "moral" en englobant tous les aspects autres qu'intellectuels de la foi chrétienne. Du reste ça ne sert à rien dans le cadre de cette discussion de les dissocier: la grâce est d'abord un soutien à l'agir moral, par exemple, quoiqu'elle soit importante dans la vie spirtuelle aussi; tout se tient et tout va ensemble. Mes difficultés dans la vie spirituelle comme dans la vie morale sont une seule même difficulté: l'absence de Dieu, c'est cela qui est en question.
Pour le reste de votre réplique, je vous répondrais bien mais ce serait faire dévier le sujet. La question pour moi n'est pas d'être altruiste ou utilitariste (d'après le sens que je donne à ces mots, voir plus haut dans ce message), mais de voir si Dieu fait quelque chose de spécial dans ma vie, s'il y a une bonne raison d'adhérer à plus qu'à un déisme primaire.
Merci AnneT pour votre témoignage. Je pourrais sans doute faire le sceptique et dire que les évènements que vous décrivez ont certainement des causes naturelles. Mais admettons qu’il s’agisse de vrais miracles : la foi chrétienne ne peut consister en cela tout de même. Les grands miracles, du style de la danse du soleil à Fatima, sont de purs signes : il n’y a aucune utilité en soi à ce que le Soleil ait dansé pendant 10 minutes à Fatima. Les petits miracles du genre que vous me rapportez, chacun en a, mais cela reste rare. Le miracle est toujours une chose rare, et l’attitude chrétienne, d’après ce qu’on m’a enseigné, est de ne pas se fier sur eux mais de les interpréter comme des signes que Dieu veille sur nous. Dans la plupart des vies chrétiennes, en moyenne, il faut bien dire que le miracle joue un rôle à peu près insignifiant.
La question qui me préoccupe, c’est ce que la foi chrétienne doit changer dans nos vies, par rapport à simple connaissance de la loi morale naturelle. On m’accuse d’utilitarisme : je réponds qu’il est idiot d’agir sans raison, d’investir sans attendre d’intérêt, cet intérêt fût-il de nature matérielle, sentimentale ou autre. On qualifie d’altruistes ceux qui trouvent leur joie dans le fait d’aider les autres, et non ceux qui aident les autres à contrecœur. En d’autres termes, on qualifie d’altruistes ceux qui [b]veulent[/b] aider les autres, et comme on le sait l’[b]objet de la volonté[/b] c’est ce qui est perçu comme un [b]bien pour soi[/b], cf. Aristote. La distinction entre intéressé et altruiste est celle-ci : l’intéressé trouve dans sa joie dans un bien autre que l’amour du prochain, et n’aide son prochain que pour l’obtention de ce bien; l’altruiste trouve sa joie dans l’amour du prochain. Tous les deux agissent en bout de ligne pour eux-mêmes, et personne n’agit pour autre chose que son propre bien. Tout autre comportement serait absurde, car cesser de rechercher son bien, c’est agir de façon désordonnée et courir à sa perte. Il est donc légitime de ma part de chercher quel bien la foi chrétienne me propose, et de la rejeter si elle ne m'en propose pas. Si le bien consiste dans l'amour de Dieu, encore faut-il que cet amour se manifeste d'une manière ou d'une autre - AUTRE QUE NATURELLE, évidemment, pas besoin d'être chrétien pour penser que Dieu est l'auteur de la nature. :zut:
Cela dit, donc, je cherche ce que le fait d’être baptisé, de prier Dieu chaque jour, et autres aspects de la vie chrétienne, changent à mon existence. J’observe que si changements il y a, ils sont entièrement mon œuvre. Il n’y a pas de miracle, du moins je ne dois pas en attendre; l’Eucharistie ne me donne rien que je ne convainque intimement qu’elle me donne : de même avec les autres Sacrements; la prière ne fait communiquer avec personne d’autre que le fruit de mon imagination, que Dieu écoute ou non – et il ne répond pas; mes lectures me donnent une connaissance intellectuelle d’une doctrine qui n'a plus de sens intellectuellement pour moi, comme je l’ai déjà dit; on pourrait multiplier les exemples.
Je me rends compte que si on me demandait pourquoi je crois, je n’aurais rien à dire; la foi ne fait pas de moi un être différent de mon voisin athée; Dieu n’intervient pas de façon particulière dans mon existence; tout au plus la foi, en tant que conviction personnelle, est une aide psychologique pour motiver mon travail et éviter le mal; mais je me rends compte que je suis seul dans cette prétendue relation avec Dieu, que lui n’a aucun rôle à jouer là-dedans, et qu’au final ma conviction est vide. Il n’y a pas de Providence. La Résurrection du Christ n’a aucune incidence ici et maintenant pour moi. La soi-disant vie sacramentelle est un produit de la psychologie humaine et non l’agir de Dieu.
Dieu est si respectueux de sa nature, au dire des chrétiens d’aujourd’hui, qu’autant dire qu’il n’y a que la nature et que Dieu se cache totalement derrière. Si tel est le cas, la foi chrétienne n’a plus de raison d’être; il est plus cohérent d’être déiste.
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@Raistlin:
[quote]Comment osez-vous dire que Dieu n'a rien fait pour vous ? Il a donné son Fils Unique qui est mort sur la croix pour vous sauver. Et Il l'a ressuscité.[/quote]Et qu’est-ce que cet évènement historique change à ma vie personnelle? Si la résurrection du Christ ne change rien pour moi, il ne s’agit pas d’une preuve d’amour à mon égard.
[quote]S'il fallait s'attendre à ce que Dieu accorde la grâce d'un miracle, autre déjà que celui de la vie, à chacun d'entre nous, alors la nature elle-même n'aurait plus de raison d'être ! Dieu a demandé à l'homme de dominer la terre, donc à la fois de vivre sur la nature et de protéger la nature ! Il a soumis l'homme à l'ordre de la nature, dont l'homme est partie, et en ce sens, Son action serait absurde s'Il brisait cet ordre en permanence ![/quote]Et pourtant, partout sur la terre à chaque instant, nous dit l’Église, se produit le miracle de l’Eucharistie, où la substance du pain est remplacée par celle de la divinité. Partout sur la terre des chrétiens consomment la substance de Dieu lui-même, et ils sont paraît-ils des temples de l’Esprit-Saint. Vous savez que lorsqu’on commet un péché mortel, on perd ce que l’Église appelle la vie de la grâce. La grâce réside de façon ordinaire chez un chrétien. Or la grâce est quelque chose de surnaturel. De façon similaire, Saint Paul nous dit que déjà nous ne sommes plus soumis à la chair mais à l’Esprit, ce qui implique une action surnaturelle de Dieu dans nos vies. Que cela soit absurde, j’en conviens, mais c’est néanmoins la foi chrétienne. Ce que je dénonce aujourd’hui, ce n’est pas l’absurde de la chose (je l’ai déjà fait auparavant), c’est l’absence de toute trace d’un tel surnaturel ordinaire. Je ne vois pas la grâce agir. D’après ce que j’en comprends, grâce et conviction personnelle sont entièrement synonymes et par conséquent la grâce se ramène à l’agir humain. Dieu est évacué. Si Dieu est évacué de la grâce, la grâce n'est pas grâce. Il n'y a que l'homme et la nature, Dieu est au Cieux et nous ne le connaissons pas.
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@Olivier JC :
[quote]Bonsoir,
Vous abordez le christianisme avec une mentalité de païen... Pas étonnant, donc, que vous en arriviez à la conclusion qui est la vôtre.[/quote]J’aborde le christianisme de façon très crue, et même sûrement naïve. Mais avant de porter les gants blancs il faut bien passer par là; je ne peux pas rester en conflit avec moi-même. J'ai appris une chose à mon dernier emploi comme programmeur, c'est de ne pas avoir peur de poser les questions les plus stupides. On m'a toujours répondu avec empressement. Lorsqu'on pose des questions stupides sur la foi chrétienne, pourquoi seraient-ce les reproches et l'évasion?
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@Christophe:
[quote]Pour faire simple, comment la Foi chrétienne pourrait-elle faire "sens moralement" pour vous, si vous rejetez le surnaturel et que notre destinée soit dans les Cieux ? En effet, la morale chrétienne est essentiellement subordonnée à la fin surnaturelle de l'homme qu'est la béatitude... même si des fins intermédiaires "naturelles" peuvent souvent être discernées ![/quote]Je ne rejette pas le surnaturel de prime abord, je le rejette parce que je constate qu'il est absent, de façon ordinaire, de la vie chrétienne, alors qu'il est censé en faire partie intégrante.
[quote]D'autre part, il me semble que vous mélangez dans votre message vie spirituelle et vie morale. En effet, pour illustrer les difficultés que vous avez avec la morale chrétienne, vous évoquez vos doutes sur la prière, la participation aux sacrements, les grâces de la foi...[/quote]J'abuse du terme "moral" en englobant tous les aspects autres qu'intellectuels de la foi chrétienne. Du reste ça ne sert à rien dans le cadre de cette discussion de les dissocier: la grâce est d'abord un soutien à l'agir moral, par exemple, quoiqu'elle soit importante dans la vie spirtuelle aussi; tout se tient et tout va ensemble. Mes difficultés dans la vie spirituelle comme dans la vie morale sont une seule même difficulté: l'absence de Dieu, c'est cela qui est en question.
Pour le reste de votre réplique, je vous répondrais bien mais ce serait faire dévier le sujet. La question pour moi n'est pas d'être altruiste ou utilitariste (d'après le sens que je donne à ces mots, voir plus haut dans ce message), mais de voir si Dieu fait quelque chose de spécial dans ma vie, s'il y a une bonne raison d'adhérer à plus qu'à un déisme primaire.