par Cinci » mer. 22 sept. 2021, 4:35
Paul VI et le démon
«De quoi l'église a-t-elle besoin en priorité de nos jours ? Que notre réponse ne vous surprenne pas en vous paraissant simpliste ou même superstitieuse, l'Église a surtout besoin de se défendre du démon.
Peut-on rester indifférent devant la méchanceté, la mort, la cruauté, le péché, en un mot en présence du Mal qui nous agresse ? Nous qui avons la foi ne sommes-nous pas les premiers à être troublés par l'observation et l'expérience que nous en faisons ? Pour nous la cause profonde de la mort c'est premièrement le péché -qui est une perversion de la liberté humaine -parce qu'il nous sépare de Dieu, auteur de la vie (
Rm 5,12) ; et deuxièmement le lieu ou se manifeste l'effet de l'intervention - en nous et dans notre monde - d'un ennemi ténébreux qui s'appelle le démon. Le Mal n'est pas quelque chose qui manque, c'est quelque chose qui existe. C'est quelqu'un qui est vivant, c'est un esprit, un être personnel et corrupteur. Une réalité mystérieuse et terrible, bien réelle cependant et qui fait peur.
Celui qui refuse de croire à l'existence du démon se met délibérément hors du cadre de l'enseignement de l'Écriture et de l'Église (il devient un hérétique !) Ou encore celui qui en fait un principe existant par lui-même et non une créature qui tire de Dieu son origine. Ou encore celui qui l'explique comme une réalité qui n'existerait pas en soi, mais ne serait que la personnification conceptuelle et fantastique des causes inconnues de nos maux.
Et comment ne pas nous rappeler que le Christ se référant par trois fois au démon comme à son adversaire, l'appelle "le prince de ce monde" (
Jn 12,13) Saint Paul l'appelle "le dieu de ce siècle" (
2 Co 4,4). Revêtez-vous, dit l'apôtre, de l'armure de Dieu afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais répandus dans les airs (
Eph 6, 11-12). Il est l'ennemi numéro un, le tentateur par excellence. Ainsi donc, nous devons savoir que cet Être obscur et qui nous tourmente existe vraiment, qu'avec une traîtresse malignité il est toujours à l'oeuvre dans le monde. Il est l'ennemi qui se cache pour semer erreurs et malheurs tout le long de l'histoire humaine (
Mt 13, 28) Le Christ le définit comme homicide dès le commencement, menteur et père du mensonge (
Jn 8,44) Certains prétendent en fournir une explication suffisante avec l'étude de la psychanalyse et de la psychiatrie [...]
L'attitude contemporaine affiche sa liberté de préjugés et son positivisme. Ce qui ne l'empêche pas ensuite de se prêter aux expériences dépravées des sens, à celles, délétères, des stupéfiants, ou encore aux séductions idéologiques des erreurs à la mode, qui sont autant de brèches par lesquelles le Malin peut s'introduire avec facilité et altérer la mentalité humaine. L'effroyable action du Malin est présente là ou la négation de Dieu est radicale, subtile et absurde; là ou le mensonge s'affiche, hypocrite et puissant, face à l'évidence de la vérité; là ou l'amour est étouffé par un égoïsme glacial et cruel; là ou le Nom du Christ est combattu avec une haine consciente et rebelle (
1 Co 16,22; 12,3) ; là enfin ou le désespoir s'impose comme le dernier mot.
Tout ce qui nous préserve du péché nous met à l'abri de l'invisible ennemi. La Grâce représente la protection absolue. Le chrétien doit être vigilant et fort (1 P 5,8) et recourir parfois à certains exercices particuliers d'ascèse pour éloigner les assauts diaboliques. Jésus l'a enseigné en indiquant comme remèdes «la prière et le jeûne» (
Mc 9,29)
- Audience générale du 15 novembre 1972
versus
Anne Soupa, bibliste
Dieu a-t-il crée le diable ?
Le diable comme «diable» n'est pas crée par Dieu. La tradition des premiers siècles et de certains textes apocryphes dit qu'il est un ange de lumière qui s'est perverti : il a surgi de la difficulté humaine - est-ce une fatalité, un destin ? - de vivre dans l'harmonie avec Dieu, dans des liens pacifiques entre les personnes. C'est cette impossibilité qui a installé la figure du diable dans l'humanité. Le diable s'est invité dans le paysage.
De ce constat d'un esprit de division, est-il possible de remonter vers une identité ? Figure ou personne ? Parler d'un ange invite à y voir une manière de parler, une image. Par contre, mettre une capitale à son titre comme si cela devenait un nom propre, le fait devenir une personne, plus ou moins incarnée. L'Église n'a jamais tranché. Dans ses énoncés dogmatiques, elle a très peu parlé du diable, et toujours dans des termes assez généraux, afin que plusieurs interprétations restent possibles. Traditionnellement, les protestants en font plutôt une figure symbolique, tandis que les catholiques ont tendance à le personnifier. Mais ce sont des inflexions, et non une injonction de foi.
Mais, paradoxalementm la figure du diable a aussi une fonction thérpeuthique. C'est un moyen de dire que ni Dieu ni l'homme ne sont responsables du mal, et que c'est un tiers qu'on appelle le diable, qui prend sur ses épaules toutes noires et dans ses mains toutes crochues la responsabilité de ce que nous sommes trop faibles pour assumer.
A. Soupa, «Dieu a-t-il crée le diable ?» cité dans Sophie de Villeneuve, Y a-t-il un catho dans la salle ?, Paris, Bayard, 2017, p. 114
[size=150]Paul VI et le démon [/size]
«De quoi l'église a-t-elle besoin en priorité de nos jours ? Que notre réponse ne vous surprenne pas en vous paraissant simpliste ou même superstitieuse, l'Église a surtout besoin de se défendre du démon.
Peut-on rester indifférent devant la méchanceté, la mort, la cruauté, le péché, en un mot en présence du Mal qui nous agresse ? Nous qui avons la foi ne sommes-nous pas les premiers à être troublés par l'observation et l'expérience que nous en faisons ? Pour nous la cause profonde de la mort c'est premièrement le péché -qui est une perversion de la liberté humaine -parce qu'il nous sépare de Dieu, auteur de la vie ([b]Rm 5,12[/b]) ; et deuxièmement le lieu ou se manifeste l'effet de l'intervention - en nous et dans notre monde - d'un ennemi ténébreux qui s'appelle le démon. Le Mal n'est pas quelque chose qui manque, c'est quelque chose qui existe. C'est quelqu'un qui est vivant, c'est un esprit, un être personnel et corrupteur. Une réalité mystérieuse et terrible, bien réelle cependant et qui fait peur.
Celui qui refuse de croire à l'existence du démon se met délibérément hors du cadre de l'enseignement de l'Écriture et de l'Église (il devient un hérétique !) Ou encore celui qui en fait un principe existant par lui-même et non une créature qui tire de Dieu son origine. Ou encore celui qui l'explique comme une réalité qui n'existerait pas en soi, mais ne serait que la personnification conceptuelle et fantastique des causes inconnues de nos maux.
Et comment ne pas nous rappeler que le Christ se référant par trois fois au démon comme à son adversaire, l'appelle "le prince de ce monde" ([b]Jn 12,13[/b]) Saint Paul l'appelle "le dieu de ce siècle" ([b]2 Co 4,4[/b]). Revêtez-vous, dit l'apôtre, de l'armure de Dieu afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais répandus dans les airs ([b]Eph 6, 11-12[/b]). Il est l'ennemi numéro un, le tentateur par excellence. Ainsi donc, nous devons savoir que cet Être obscur et qui nous tourmente existe vraiment, qu'avec une traîtresse malignité il est toujours à l'oeuvre dans le monde. Il est l'ennemi qui se cache pour semer erreurs et malheurs tout le long de l'histoire humaine ([b]Mt 13, 28[/b]) Le Christ le définit comme homicide dès le commencement, menteur et père du mensonge ([b]Jn 8,44[/b]) Certains prétendent en fournir une explication suffisante avec l'étude de la psychanalyse et de la psychiatrie [...]
L'attitude contemporaine affiche sa liberté de préjugés et son positivisme. Ce qui ne l'empêche pas ensuite de se prêter aux expériences dépravées des sens, à celles, délétères, des stupéfiants, ou encore aux séductions idéologiques des erreurs à la mode, qui sont autant de brèches par lesquelles le Malin peut s'introduire avec facilité et altérer la mentalité humaine. L'effroyable action du Malin est présente là ou la négation de Dieu est radicale, subtile et absurde; là ou le mensonge s'affiche, hypocrite et puissant, face à l'évidence de la vérité; là ou l'amour est étouffé par un égoïsme glacial et cruel; là ou le Nom du Christ est combattu avec une haine consciente et rebelle ([b]1 Co 16,22; 12,3[/b]) ; là enfin ou le désespoir s'impose comme le dernier mot.
Tout ce qui nous préserve du péché nous met à l'abri de l'invisible ennemi. La Grâce représente la protection absolue. Le chrétien doit être vigilant et fort (1 P 5,8) et recourir parfois à certains exercices particuliers d'ascèse pour éloigner les assauts diaboliques. Jésus l'a enseigné en indiquant comme remèdes «la prière et le jeûne» ([b]Mc 9,29[/b])
- Audience générale du 15 novembre 1972
[i]versus [/i]
[quote][size=150]Anne Soupa, bibliste[/size]
[b]Dieu a-t-il crée le diable ?[/b]
Le diable comme «diable» n'est pas crée par Dieu. La tradition des premiers siècles et de certains textes apocryphes dit qu'il est un ange de lumière qui s'est perverti : il a surgi de la difficulté humaine - est-ce une fatalité, un destin ? - de vivre dans l'harmonie avec Dieu, dans des liens pacifiques entre les personnes. C'est cette impossibilité qui a installé la figure du diable dans l'humanité. Le diable s'est invité dans le paysage.
De ce constat d'un esprit de division, est-il possible de remonter vers une identité ? Figure ou personne ? Parler d'un ange invite à y voir une manière de parler, une image. Par contre, mettre une capitale à son titre comme si cela devenait un nom propre, le fait devenir une personne, plus ou moins incarnée. L'Église n'a jamais tranché. Dans ses énoncés dogmatiques, elle a très peu parlé du diable, et toujours dans des termes assez généraux, afin que plusieurs interprétations restent possibles. Traditionnellement, les protestants en font plutôt une figure symbolique, tandis que les catholiques ont tendance à le personnifier. Mais ce sont des inflexions, et non une injonction de foi.
Mais, paradoxalementm la figure du diable a aussi une fonction thérpeuthique. C'est un moyen de dire que ni Dieu ni l'homme ne sont responsables du mal, et que c'est un tiers qu'on appelle le diable, qui prend sur ses épaules toutes noires et dans ses mains toutes crochues la responsabilité de ce que nous sommes trop faibles pour assumer.
A. Soupa, «Dieu a-t-il crée le diable ?» cité dans Sophie de Villeneuve, [u]Y a-t-il un catho dans la salle ?[/u], Paris, Bayard, 2017, p. 114 [/quote]