Il conserve des amis francs-maçon, mais il n'a fréquenté les loges qu'au cours de sa jeunesse, marquée par le mysticisme
Il me semble que c'est qu'affirme Pierre Glaudes dans sa présentations des oeuvres du philosophes édités chez Robert Laffont, mais d'après des recherches plus récentes il semble qu'il reprendra contact avec la FM jusque dans sa période d'exil à St Petersbourg. A cette époque la FM devient très présente en Russie.
Ceci dit, le rite écossais rectifié auquel il a appartenu reste un rite maçonnique qui se veut chrétien dans la mesure où pour y appartenir il faut avoir été baptisé et croire en la chute et le salut dans le Christ. Jusqu'ici tout va bien sauf que la doctrine du RER en ce qui concerne la chute est un mélange, au moins dans ses formules apparentes d'origénisme, de platonisme voire de kabbale mais auquel il est sous doute possible de donner des formulations plus orthodoxes. L'autre problème problème c'est qu'il y a des rites théurgiques parallèles qui concurrencent les sacrements.
Il ne me semble pas qu'il ait jamais franchit la ligne rouge mais avec la doctrine de la réintégration universelle on peut vite passer à l'apocatastase que tout bon ésotériste professe. Si Maistre professe un pessimisme historique quant à l'homme, son optimisme métaphysique radical à mon sens le conduit malgré lui à dégrader la valeur du catholicisme, car il donne l'impression que quoiqu'il arrive l'homme est fondamentalement assuré de son salut, ce pourquoi la question de la Vérité et de l'adhésion à celle-ci peut être mise de côté au profit du maintient de l'ordre social. (On le lire ainsi préférer l'islam au protestantisme)
Aussi, si on adopte une lecture politique, Maistre en liant religion et ordre social menace celui-ci par sa vision utopique de l'homme quant à son destin. S'il n'y plus d'enfer et assurance d'une réconciliation universelle, alors l'homme n'a plus véritablement à se soucier de la religion sociale (ce à quoi Maistre à tendance à réduire le catholicisme), et dès lors c'est l'ordre social qui est menacé. Malgré tout, il ne me semble pas qu'il nie formellement l'existence de l'enfer. Mais sur ce dernier point je suis près à réviser mon interprétation car cela fait quelques années que je l'ai lu.
Bref, c'est là la difficulté à mélangé spiritualité et politique, on ne sait pas trop comment lire la chose, si un domaine est là pour servir l'autre etc. On ne sait pas trop non plus si on prête des intentions que l'auteur n'a pas eu.
Il n'y a pas de cynisme chez Maitre... où alors visez vous par ce terme ses redoutables "envolées" contre Locke, Voltaire ou la Révolution.
C'était justement sa froideur, son acuité, qui ferait passer Machiavel pour un rêveur qui a une époque m'a plus. Sa capacité à mettre en lumière les fondements de l'autorité, à reconnaitre que tout pouvoir à la violence comme fondement, ce qui du même coup lui donne l'occasion de justifier d'une façon toute sécularisée m'avait beaucoup impressionné. Les athées ne se donnent-ils pas le monopole du réalisme ?
Mais seulement voilà, cette façon de justifier d'une façon toute sécularisée les fondements de l'Etat ainsi que le recours à la violence est gênante. Cela rappelle Carl Schmitt qui a beaucoup médité Maistre et qui a montré que la violence en politique était le pendant du miracle en théologie, l'un comme l'autre produisant une rupture dans un ordre qu'il soit naturel ou légal afin de le sauvegarder voire d'amener celui-ci à son accomplissement.
Le Maistre qui peut condamner les dans un écrit de circonstance sur l'inquisition espagnol puis ensuite en faire l'apologie dans les Soirées est glaçant. Maistre philosémite comme le disait Pierre Boutang ? Idée qui a donné des aigreurs aux sectateurs du savoisien ... Il semble que dans ses écrits politiques Maistre fût capable de justifier tout et n'importe quoi au nom de la raison d'Etat comme le fera plus tard Schmitt.
D'ailleurs, Maistre ne dit-il pas de Machiavel qu'il avait toujours raison ? Pour un catholique la fin ne justifie jamais les moyens, et ni l'Etat ni l'ordre social ne prendront jamais la place du Christ et jamais le destin du catholicisme ne sera lié à un ordre social donné. S'il faut enfin que ces institutions périssent pour la gloire du Christ alors qu'il en soit ainsi.
C'est donc sa tendance à séculariser la religion, a en faire un instrument politique qui est troublant car elle ne peut, en lui donnant comme critère une valeur purement contingente provisoire, que s'en trouver ontologiquement abaissée.
Du reste, le providentialisme de son maitre L-C De StMartin qui voyant derrière la révolution l'action divine ce qui l'empêche de combattre pour l'ancien régime me paraît plus logique et cohérent que celui de Maistre qui tout en voyant dans ces évènement une expiation, un châtiment divin, persiste à s'attacher à un ordre qui a fait son temps.
Enfin Donoso Cortes n'a-t-il pas dit qu'il fallait boire le calice jusqu'à la lie, que tout devait finir par se corrompre ? Je crois qu'il est bon de garder ceci en tête afin de ne pas céder à la tentation de combattre pour le retour d'un ordre politique passé.
Quelle doctrine, dans quelle œuvre ?
Dans son essai sur les sacrifices il passe outre la condamnation de la doctrine des deux âmes. Admirons la pirouette :
"Je n'ignore pas que la doctrine des deux âmes fut condamnée dans les temps anciens ; mais je ne sais si elle le fut pas un tribunal compétent ..." (J de Maistre, Oeuvres, p812)
Comme l'explique P. Glaudes en introduction, Maistre encore inspiré par Origène postule une puissance mauvaise en l'homme, non pas la chair au sens propre, mais "l'âme de la chair".
Ainsi se dessine une conception physique du mal en accord avec la doctrine du RER où la chute est conçue comme une chute dans la matière.
Maintenant, je ne pense pas que Maistre professe véritablement dualisme gnostique (pas plus que la doctrine du RER bien qu'elle use de formulations douteuses), la doctrine de l'analogie universelle qu'il expose dans les Soirées le préservant de cela.
Cela fait quelques années que je l'avait lu, et j'avoue avoir été partagé entre admiration et circonspection. Ce qui m'a posé problème c'est sa façon de traiter des questions politiques. je ne vois pas bien la différence avec Machiavel, Maurras, ou Carl Schmitt, tous des penseurs qui déploient des philosophies politiques fondamentalement laïque où le politique apparaît comme un domaine autonome doté de sa propre fin et dont l'éventuelle soumission à l'autorité spirituelle apparaît uniquement justifiée pour des question d'opportunité et d'utilité.
En tout cas, il m'a semblé qu'il y avait beaucoup trop d'ambigüités dans ses écrits, et qu'il y avait parfois chez lui peu trop d'empressement à mettre la charité de côté, pour le canoniser. Malgré tout, j'aime beaucoup le Maistre "mystique" et son opuscule sur les sacrifices reste un petit chef d'oeuvre : c'est de l'ésotérisme dans le bon sens du terme. C'est un ouvrage qui a surement dû inspiré les anthropologues qui travaillent sur la signification des sacrifices.
Au final, je pense qu'il reste un auteur très intéressant mais je me garde de faire d'un philosophe (sauf si c'est le Christ la Sagesse incarnée), d'une philosophie, un critère de pensée.
[quote]Il conserve des amis francs-maçon, mais il n'a fréquenté les loges qu'au cours de sa jeunesse, marquée par le mysticisme[/quote]
Il me semble que c'est qu'affirme Pierre Glaudes dans sa présentations des oeuvres du philosophes édités chez Robert Laffont, mais d'après des recherches plus récentes il semble qu'il reprendra contact avec la FM jusque dans sa période d'exil à St Petersbourg. A cette époque la FM devient très présente en Russie.
Ceci dit, le rite écossais rectifié auquel il a appartenu reste un rite maçonnique qui se veut chrétien dans la mesure où pour y appartenir il faut avoir été baptisé et croire en la chute et le salut dans le Christ. Jusqu'ici tout va bien sauf que la doctrine du RER en ce qui concerne la chute est un mélange, au moins dans ses formules apparentes d'origénisme, de platonisme voire de kabbale mais auquel il est sous doute possible de donner des formulations plus orthodoxes. L'autre problème problème c'est qu'il y a des rites théurgiques parallèles qui concurrencent les sacrements.
Il ne me semble pas qu'il ait jamais franchit la ligne rouge mais avec la doctrine de la réintégration universelle on peut vite passer à l'apocatastase que tout bon ésotériste professe. Si Maistre professe un pessimisme historique quant à l'homme, son optimisme métaphysique radical à mon sens le conduit malgré lui à dégrader la valeur du catholicisme, car il donne l'impression que quoiqu'il arrive l'homme est fondamentalement assuré de son salut, ce pourquoi la question de la Vérité et de l'adhésion à celle-ci peut être mise de côté au profit du maintient de l'ordre social. (On le lire ainsi préférer l'islam au protestantisme)
Aussi, si on adopte une lecture politique, Maistre en liant religion et ordre social menace celui-ci par sa vision utopique de l'homme quant à son destin. S'il n'y plus d'enfer et assurance d'une réconciliation universelle, alors l'homme n'a plus véritablement à se soucier de la religion sociale (ce à quoi Maistre à tendance à réduire le catholicisme), et dès lors c'est l'ordre social qui est menacé. Malgré tout, il ne me semble pas qu'il nie formellement l'existence de l'enfer. Mais sur ce dernier point je suis près à réviser mon interprétation car cela fait quelques années que je l'ai lu.
Bref, c'est là la difficulté à mélangé spiritualité et politique, on ne sait pas trop comment lire la chose, si un domaine est là pour servir l'autre etc. On ne sait pas trop non plus si on prête des intentions que l'auteur n'a pas eu.
[quote]Il n'y a pas de cynisme chez Maitre... où alors visez vous par ce terme ses redoutables "envolées" contre Locke, Voltaire ou la Révolution.[/quote]
C'était justement sa froideur, son acuité, qui ferait passer Machiavel pour un rêveur qui a une époque m'a plus. Sa capacité à mettre en lumière les fondements de l'autorité, à reconnaitre que tout pouvoir à la violence comme fondement, ce qui du même coup lui donne l'occasion de justifier d'une façon toute sécularisée m'avait beaucoup impressionné. Les athées ne se donnent-ils pas le monopole du réalisme ?
Mais seulement voilà, cette façon de justifier d'une façon toute sécularisée les fondements de l'Etat ainsi que le recours à la violence est gênante. Cela rappelle Carl Schmitt qui a beaucoup médité Maistre et qui a montré que la violence en politique était le pendant du miracle en théologie, l'un comme l'autre produisant une rupture dans un ordre qu'il soit naturel ou légal afin de le sauvegarder voire d'amener celui-ci à son accomplissement.
Le Maistre qui peut condamner les dans un écrit de circonstance sur l'inquisition espagnol puis ensuite en faire l'apologie dans les Soirées est glaçant. Maistre philosémite comme le disait Pierre Boutang ? Idée qui a donné des aigreurs aux sectateurs du savoisien ... Il semble que dans ses écrits politiques Maistre fût capable de justifier tout et n'importe quoi au nom de la raison d'Etat comme le fera plus tard Schmitt.
D'ailleurs, Maistre ne dit-il pas de Machiavel qu'il avait toujours raison ? Pour un catholique la fin ne justifie jamais les moyens, et ni l'Etat ni l'ordre social ne prendront jamais la place du Christ et jamais le destin du catholicisme ne sera lié à un ordre social donné. S'il faut enfin que ces institutions périssent pour la gloire du Christ alors qu'il en soit ainsi.
C'est donc sa tendance à séculariser la religion, a en faire un instrument politique qui est troublant car elle ne peut, en lui donnant comme critère une valeur purement contingente provisoire, que s'en trouver ontologiquement abaissée.
Du reste, le providentialisme de son maitre L-C De StMartin qui voyant derrière la révolution l'action divine ce qui l'empêche de combattre pour l'ancien régime me paraît plus logique et cohérent que celui de Maistre qui tout en voyant dans ces évènement une expiation, un châtiment divin, persiste à s'attacher à un ordre qui a fait son temps.
Enfin Donoso Cortes n'a-t-il pas dit qu'il fallait boire le calice jusqu'à la lie, que tout devait finir par se corrompre ? Je crois qu'il est bon de garder ceci en tête afin de ne pas céder à la tentation de combattre pour le retour d'un ordre politique passé.
[quote]Quelle doctrine, dans quelle œuvre ?[/quote]
Dans son essai sur les sacrifices il passe outre la condamnation de la doctrine des deux âmes. Admirons la pirouette :
"Je n'ignore pas que la doctrine des deux âmes fut condamnée dans les temps anciens ; mais je ne sais si elle le fut pas un tribunal compétent ..." (J de Maistre, Oeuvres, p812)
Comme l'explique P. Glaudes en introduction, Maistre encore inspiré par Origène postule une puissance mauvaise en l'homme, non pas la chair au sens propre, mais "l'âme de la chair".
Ainsi se dessine une conception physique du mal en accord avec la doctrine du RER où la chute est conçue comme une chute dans la matière.
Maintenant, je ne pense pas que Maistre professe véritablement dualisme gnostique (pas plus que la doctrine du RER bien qu'elle use de formulations douteuses), la doctrine de l'analogie universelle qu'il expose dans les Soirées le préservant de cela.
Cela fait quelques années que je l'avait lu, et j'avoue avoir été partagé entre admiration et circonspection. Ce qui m'a posé problème c'est sa façon de traiter des questions politiques. je ne vois pas bien la différence avec Machiavel, Maurras, ou Carl Schmitt, tous des penseurs qui déploient des philosophies politiques fondamentalement laïque où le politique apparaît comme un domaine autonome doté de sa propre fin et dont l'éventuelle soumission à l'autorité spirituelle apparaît uniquement justifiée pour des question d'opportunité et d'utilité.
En tout cas, il m'a semblé qu'il y avait beaucoup trop d'ambigüités dans ses écrits, et qu'il y avait parfois chez lui peu trop d'empressement à mettre la charité de côté, pour le canoniser. Malgré tout, j'aime beaucoup le Maistre "mystique" et son opuscule sur les sacrifices reste un petit chef d'oeuvre : c'est de l'ésotérisme dans le bon sens du terme. C'est un ouvrage qui a surement dû inspiré les anthropologues qui travaillent sur la signification des sacrifices.
Au final, je pense qu'il reste un auteur très intéressant mais je me garde de faire d'un philosophe (sauf si c'est le Christ la Sagesse incarnée), d'une philosophie, un critère de pensée.