Philippe Pétain

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Re: Philippe Pétain

par Gaudens » mer. 31 mai 2023, 18:34

Cher Paulau,
Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point mais pardonnez ma question:quel rapport y a-t-il avec les sujets traités par notre forum?

La figure désacralisée du "vainqueur de Verdun"

par Cinci » sam. 08 févr. 2020, 17:56

Bonjour,


Pour l'édification du peuple, voici qu'écrivait feu Henri Guillemin (1903-1992) à propos du Maréchal, pas plus tard qu'à l'été de 1945 (!) C'est un texte que Philippe Guillemin, donc le fils, aura fait rééditer en 1996, avec le consentement du paternel donné un peu avant sa propre disparition.



Voici :
Le vainqueur de Verdun

Pour connaître avec précision la conduite de Philippe Pétain pendant la guerre de 1914-1918, l'étude fondamentale qui s'offre à nous est la remarquable Histoire de la Guerre mondiale (4 vol.) publiée en 1936-1937 par les généraux Duffour, Daille, Hellot et Tournès. On se réferera également aux Mémoires du maréchal Joffre ainsi qu'au grand ouvrage de Raymond Poincarré : Au Service de la France. Au livre hagiographique du général Laure (en collaboration avec le général Audet et les lieutenants-colonels Montjean et Buot de L'Épine) intitulé Pétain (Berger-Levrault, 1942) répond la très minutieuse analyse du général Chadebec de Lavalade, intitulée de même, mais avec un point interrogatif à la suite du nom propre : Pétain ? (Éditions France-Levant, Beyrouth, 1943). Un document intéressant a été procuré en outre par Pertinax dans l'appendice de son livre Les Fossoyeurs (Éditions de la Maison française de New-York, 1943).

De grandes surprises sont réservées à qui veut, là-dessus, s'instruire sérieusement.

L'affaire de Verdun d'abord, On lit dans les notes de Raymond Poincaré, sous la date du 27 mars 1918, ce propos de Joffre que le Président enregistre : "Pétain a péché par les mêmes défauts que lorsqu'il voulait abandonner Verdun." Est-ce possible ? Erreur de texte sans doute. Ou le Président a mal entendu, ou Joffre se permet là quelque boutade paradoxale. Car il est acquis, établi, définitif, que Pétain s'appelle Le "vainqueur de Verdun", "Le sauveur de Verdun" : c'était même là son titre de gloire, le plus incontestable et le plus usuel. Et il aurait voulu abandonner Verdun ? Reportons-nous aux Mémoires de Joffre lui-même; tome II, p. 216, nous lisons :

"Vers le début d'avril 1916 je cherchai le moyen d'éloigner le général Pétain du champ de bataille de Verdun" (Joffre)

Un peu plus loin, page 222, après l'attaque allemande du 9 juin :

"Une vive émotion s'est emparée du G.Q.G. au reçu des nouvelles envoyées du front par Pétain; Joffre se renseigne; "en fait. écrit-il, Pétain, encore une fois, avait alarmé tout le monde"; n'ayant qu'une confiance limitée dans la durée possible de la résistance à Verdun, Pétain soutenait qu'il importait d'envisager dès maintenant le retrait des troupes sur la rive gauche de la Meuse.

L'Histoire de la Guerre mondiale apporte sur ce point tous les éclaircissements nécessaires. La chose est demeurée à peu près inconnue du grand public; elle n'en est pas moins hors de discussion : par deux fois, en 1916, Pétain conseilla l'abandon de la rive droite de la Meuse; par deux fois Joffre fut obligé de lui interdire ce repli désastreux. On comprend mieux alors ces lignes trop ignorées mais catégoriques du maréchal Joffre dans ses Mémoires (Tome II, p. 269) :

"Si l'histoire me reconnaît le droit de juger les généraux qui opérèrent sous mes ordres, je tiens à affirmer que le vrai sauveur de Verdun fut Nivelle."

1918 maintenant. Pétain est entièrement opposé à toute stratégie offensive. Il n'en fait pas mystère. Ses dispositions sont connues de l'ennemi, lequel a pu ainsi, l'année précédente, liquider en toute tranquillité la Russie, en finir avec la Roumanie et asséner à l'Italie le coup de Caporetto. Au début de cette année 1918, on voit le général Pétain s'employer de toute son énergie à contrecarrer les desseins offensifs de Foch; il se dépense; il multiplie les démarches et les arguments, commettant même, ainsi que le démontre Chadebec de Lavalade, une stupéfiante erreur de calcul de près de 40 divisions sur 200. Ce que Pétain veut écarter par-dessus tout, c'est le commandement unique des armées alliées. Cependant, en novembre 1917, après Caporetto, cette même idée lui semblait souhaitable; l'Histoire de la Guerre mondiale l'atteste. Mais les chances de désignation pour ce poste suprême étant nettement en faveur de Foch, il semble que cette considération ait suffi à Pétain pour modifier dès lors, du tout au tout, ses sentiments sur la question.

Toujours est-il qu'en janvier et février 1918, dans le dessein de rendre sensible l'inutilité du commandement unique, Pétain entre personnellement en conversation avec le maréchal Haig pour établir un plan d'assistance mutuelle entre les armées française et anglaise. Partenaire suspect, il prête d'ailleurs, et depuis longtemps, aux Anglais de "lointains calculs" et n'a nul dessein de s'engager sérieusement avec Haig qui, dès le 14 mars, peut s'en apercevoir devant le texte précautionneux et plein de réserves que Pétain lui propose pour sanctionner leur accord.

Le 21 mars 1918, l'offensive allemande se déclenche contre la partie du front tenue par les Anglais. La situation devient rapidement critique. Pétain ne tient même pas ses modestes promesses du 14 et, le 24 au soir, vers 20 heures, il adresse à ses trois commandants de groupe d'armée, les généraux Fayolle, Franchet d'Esperey et Castelneau un ordre écrit (instruction no 26/225) - que le général Laure, plus tard, dans son livre, passera avec soin sous silence. Cette instruction qui ne parlait plus que subsidiairement de maintenir si possible la liaison avec les forces britanniques, révélait la claire intention d'abandonner les Anglais à leur sort. D'une part, Pétain les tiens pour écrasés et ne veut rien tenter pour les secourir; d'autre part, dans l'éventualité, qu'il envisage, d'une défaite générale, il se réserve le droit d'en faire porter la responsabilité aux Anglais; le même 24 mars 1918 en effet, à Compiègne, Pétain déclare à Clémenceau :

"Si nous sommes battus, nous le devrons aux Anglais."

Le 26 mars, Poincaré consigne dans ses carnets ce que Clémenceau vient de lui apprendre :

: "Il [Pétain] m'a dit une chose que je ne voudrais confier à aucun autre qu'à vous; c'est cette phrase : Les Allemands battront les Anglais en rase campagne, après quoi ils nous battront aussi."

L'affaire du commandement unique a été enfin réglée, en pleine crise militaire, à la conférence de Doullens, le 26 mars. Le 25, à Abbeville, Haig avait exposé que, devant le refus persistant de Pétain d'intervenir pour porter secours aux Britanniques, leur armée se voyait obligée de combattre lentement en retraite, en couvrant les ports du Pas-de-Calais. A tout prix éviter cette rupture dont les conséquences pouvaient être terribles : c'est l'unique pensée de Poincaré, de Foch et de Clémenceau. Haig, d'ailleurs, se rendant compte de l'erreur qu'il avait commise en prenant, d'accord avec Pétain, le contre-pied des idées de Foch, s'applique à la réparer; ce qu'il veut maintenant avant tout, ses yeux s'étant ouverts, c'est que Pétain soit neutralisé par Foch et placé sous ses ordres; le meilleur moyen pour Haig de l'obtenir, c'est de donner lui-même l'exemple et de réclamer un commandement unique auquel il se déclare prêt à s'abandonner sur le champ.

Telles furent les circonstances exactes dans lesquelles fut prise la fameuse mesure, la mesure de salut, du 26 mars 1918, en dépit des manoeuvres de Pétain. Il était temps. Pétain avait déjà donné, note Poincaré, "Il faut le dire, des ordres bizarres"; il préparait un vaste repli des armées françaises vers le sud; carnets de Poincaré du 26 mars 1918 (tome X, p. 88) : "Foch me confirme ce dernier renseignement et me communique l'ordre de retraite donné par Pétain." Foch est intervenu en hâte pour annuler ces instructions ruineuses. Mieux même. En cette fin de mars 1918, Pétain parle autour de lui de cesser le combat; il estime la guerre perdue, la victoire, du moins, impossible.

Du journal de Poincaré encore, sous la date du 27 mars 1918 :

"Pétain a déclaré à Loucheur : il faudrait entamer des pourparlers de paix. Loucheur a consulté Foch, lequel a répondu : C'est de la folie."

Le 31 mai suivant, l'attaque de Champagne n'ayant pas donné les résultats qu'on en attendait, Pétain, de sa propre initiative, prescrit un recul; il est prêt à laisser à l'ennemi Verdun, la Lorraine, Nancy, la ligne des Vosges; il fait donner par Franchet d'Esperey l'ordre d"évacuer Reims, ordre que Foch, de nouveau, devra annuler, et auquel, du reste, le général Micheler a refusé d'obéir. En même temps, Pétain suggère à Clémenceau que le gouvernement, selon lui, doit se préparer à quitter Paris. Le 4 juin 1918, Pétain propose d'abandonner ses positions entre Dunquerke et Amiens et d'établir le front entre Amiens et la mer, sur la Somme; ainsi commente Chadebec de Lavalade, le 4 juin 1918, exactement 44 jours avant la date ou Foch va jeter les armées alliées dans une offensive irrésistible qui, en quatre mois, les conduira à la victoire, il s'est trouvé un chef français pour proposer l'abandon spontané des dernières parcelles de la Belgique libre, de Dunkerque, d'Arras, de Doullens, de toute la côte française au nord de la Somme, et pour envisager l'abandon, à la première alerte, de Verdun, de Nancy, des Vosges et de toute l'Alsace.

Le 15 juillet, les Allemands attaquent, Pétain, écrit le journal du général Tournès dans Histoire de la Guerre mondiale (tome IV, p. 173), concède aussitôt la victoire à l'adversaire "Le même jour, en effet, le 15 juillet 1918, à 10 heures, malgré les instructions formelles de Foch interdisant de modifier la répartition des réserves en vue de l'opération offensive qu'il méditait, Pétain donne à Fayolle l'ordre d'arrêter les préparatifs de l'entreprise.. "" Et encore une fois Foch doit réparer cette intervention déplorable.

En septembre 1918 enfin, à deux mois du triomphe, on verra Pétain s'efforcer de peser sur l'esprit de Foch pour interrompre l'offensive en cours et la suspendre au moins jusqu'au printemps.

En résumé, on peut conclure avec le général Chadebec : à quatre reprises, en 1918, le général Pétain a failli faire perdre la guerre aux Alliés - une première fois, au début de l'année, lorsqu'il s'opposa à toute idée d'offensive dans les mois à venir et combattit le projet de commandement unique - une seconde fois, à la fin de mars, lorsqu'il se résignait, très aisément, à la rupture du front franco-britannique - une troisième fois, quand il proposait (le 31 mai) l'évacuation de Paris et (4 juin) l'abandon de Dunkerque, d'Arras - une quatrième fois, le 15 juillet, quand il s'efforça d'arrêter net la contre-offensive prévue et ordonnée par Foch.

Son incurable pessimisme, systématique, était connu de tous les chefs, civils et militaires. "Dès le mois de mai 1916, dit Joffre (Mémoires, tome II, p. 216), son pessimisme me frappa." Le 19 décembre 1917, Clémenceau déplore devant Poincaré le tempérament trop négatif de Pétain; "Vous l'avez entendu l'autre jour ? Nous lui demandions : tiendrez-vous ? Il n'a pas répondu : Je tiendrai à telles conditions ... Il a répondu : Je ne tiendrai pas à moins que ... Tout l'homme est là."

Quand le 26 mars, Clémenceau rapporte à Poincaré les pronostics sinistres de Pétain sur la bataille en cours ('Les Allemands battront les Anglais [...] après quoi ils nous battront aussi.'), il ajoute, scandalisé : "Un général devrait-il parler et même penser ainsi ?" Et le 24 juin 1917, Poincaré enregistre assez amèrement que le général anglais Wilson a appelé Pétain : UN GÉNÉRAL PACIFISTE.

[...]

[Pour conclure, Guillemin porte enfin un jugement sur le caractère de Pétain]

Non pas un traître, assurément, mais un homme de petit caractère, sans flamme, sans confiance, ennemi des risques, convaincu jusqu'à la fin de l'extrême supériorité allemande, exactement un défaitiste, tel se révèle par sa conduite dans la Grande Guerre, ce général dont on fit un maréchal (8 décembre 1918) dans l'euphorie de la victoire, pour éviter devant la France et l'étranger des discriminations fâcheuses et pour ne pas aigrir davantage un tempérament rancuneux, capable de nourrir de très longues haines.

Source : Henri Guillemin (alias Cassius), La vérité sur l'affaire Pétain, 1945 ( Éditions Utovie, 1996) pp. 17 à 27

Re: Philippe Pétain

par Nanimo » jeu. 27 juin 2013, 22:46

ledisciple a écrit :(...) le général de Gaulle était si admiratif de Pétain qu'il donna à son fils son prénom : Philippe. C'est encore De Gaulle qui le gracia. (...)
En êtes-vous certain? N'oubliez pas que Leclerc se prénommait Philippe également.
Aldous a écrit :(...) il (Pétain) n'est aucunement sa place à être évoqué sur un forum chrétien.(...)
Pourquoi pas? Il y a des zones d'ombre. Le général de Gaulle aurait déclaré à Churchill (contacts durant la débâcle) que pour lui "Pétain était mort en 1926, lorsqu'il avait refusé de réarmer la France". Ce à quoi Churchill aurait répondu "Quel âge avez-vous?" Puis, effectivement, c'est de Gaulle qui a gracié Pétain, condamné à mort pour haute trahison. Dans le cas de Pétain, on ne sait pas tout. C'est en tous cas ce que laisse entendre Churchill à de Gaulle qui, plus tard, a gracié Pétain.

… je sais, c'est polémique. :oops:

Re: Pétain et les Juifs

par Fée Violine » mer. 27 mars 2013, 0:54

[J'ai fusionné trois fils : le vôtre sur Guillemin, un autre sur Pétain et les juifs, et un hors sujet extrait du fil sur l'ignorance du catholicisme. Pour que tout ça aille ensemble, j'ai donc dû mettre un titre plus général. Voilà !]

Re: Philippe Pétain

par Cinci » mar. 26 mars 2013, 17:09

ledisciple
[...]
Les messages ont été déplacés.

Mon intervention visait simplement la contradiction apparente de deux phrases. Vous n'avez pas remarqué que j'agissais amicalement dans le but de vous réconcilier avec Aldous, si possible, au sujet de cette broutille cf Que disiez-vous au juste à propos de l'Église ? elle fait des erreurs ou pas ? C'est parce que je voyais cette arrête de sardine menacer bientôt de se changer en os de chameau. C'est juste ça.

Sinon, je ne vous lance pas de flèche pour vous blesser, un boomerang dans l'espoir secret de vous assommer. Un émoticone espiègle posé par moi à la fin d'un message a pour fin de vous signaler mon affection.

:oops:

Je ne sais pas de quoi vous parler maintenant avec une affaire de « ... déni de mémoire ou d'indifférence.» Regardez plus haut dans ce fil. Il me semble que je m'intéresse assez aux affaires de mémoire.

Re: L'ignorance du catholicisme

par Aldous » mar. 26 mars 2013, 8:44

ledisciple a écrit :Cher Aldoüs,
Nous devons assumer notre Histoire, c'est la base.
Assumer l'Histoire, oui. Assumer la trahison de Pétain, non. (c'est pourquoi je vous ai dit pas question d'assumer la responsabilité de Pétain dans la déportation). Assumer est un mot dont le sens peut glisser jusque "supporter", "accepter", "assurer" voire même jusque "ne pas regretter", "approuver"... Quand quelqu'un dit: j'assume ce que j'ai dit même si cela a de fâcheuses conséquences ça peut vouloir dire: envers et contre tout je confirme ce que j'ai dit et je l'approuve.
Donc assumer l'Histoire dans le sens où il faut bien reconnaître que ça a eu lieu, c'est indélébile, et qui veut dire assumer de regarder l'Histoire telle qu'elle a eu lieu, oui... Mais l'assumer dans le sens, j'approuve que l'Histoire a eu lieu ainsi, non.
ledisciple a écrit :Vous condamnez surtout De Gaulle qui a gracié Pétain, et je ne suis pas d'accord avec votre attitude.
Je ne condamne pas De Gaulle d'avoir gracié Pétain, je condamne qu'on cite quelqu'un qui a collaboré à envoyer des milliers de personnes dans les camps de concentration. Que De Gaulle ait gracié Pétain ne fait pas de lui (Pétain) une personne fréquentable... (Qu'un président gracie un criminel, ça ne fait pas de lui un non criminel)
ledisciple a écrit :Vous mélangez tout, c'est votre probleme, et vos réponses sont simplistes. D'abord, c'est René Bousquet qui fut responsable de la rafle du Vel' d'hiv, derriere Laval. Et en amitié imperturbable pour René Bousquet, l'artisan de la rafle des Juifs au Vél' D'Hiv pour le compte des nazis, voyez Mitterrand d'abord...
Je ne mélange pas tout car c'est trés simple (et non simpliste): Pétain a été condamné à mort et déchu de sa dignité française pour collaboration, intelligence avec l'ennemi, haute trahison pendant la deuxième guerre et quel ennemi (qui exterminait des gens), c'est suffisant à mes yeux pour qu'il ne soit pas citable sur un forum chrétien.
(il aurait écrit des bibliothèques entières sur Jeanne d'Arc, ça ne le réhabilite pas...)
ledisciple a écrit :Pétain semble diabolisé dans ce forum francophone par quelques intervenants qui s'illustrent sur leur propre ignorance du catholicisme.
Et alors où est le problème?? Un parfait connaisseur du catholicisme pourrait tout aussi bien diaboliser Pétain. (tandis qu'à l'inverse je ne vois pas trop la compatibilité entre un individu qui a une responsabilité dans la déportation et le catholicisme). Enfin si pour vous est ignorance du catholicisme tout ce qui a trait à Vatican II, ça fait beaucoup d'ignorants du catholicisme...

bonne journée,

Re: L'ignorance du catholicisme

par ledisciple » mar. 26 mars 2013, 5:20

Chère Cinci,
Ce sujet traite de la méconnaissance du catholicisme et vous recevez ce boumerang en retour que vous croyez me jeter. Car enfin, vous en faites une parfaite illustration, avec un déni de mémoire & d'indifférence, ce qui est peut-être pire encore.
Hégésippe a écrit :Je ne savais pas qu'il avait ecrit sur Ste Jeanne d'Arc.
Lisez au moins "Cette flamme d'idéal qui brûle dans l'âme française" de Philippe Pétain. C'est autre chose que le "Jeanne d'Arc" de Michelet !

Pétain semble diabolisé dans ce forum francophone par quelques intervenants qui s'illustrent sur leur propre ignorance du catholicisme. Pourquoi ne pas en rapporter sur Pascal, à partir de son livre "Les provinciales", & d'en faire un janséniste dès lors, et le condamner dans une égale damnatio memoriae ?

L'ignorance du catholicisme commence par celle du rituale romanum et du missale romanum. Elle se poursuit dans l'ignorance du saint sacrifice de la messe dont chaque geste fut canonisé par le pape Pie V. Elle se découvre encore par la perte de l'historique du rosaire à 6 dizaines de Sainte Brigitte bien avant la naissance de l'Islam. En ce temps de Carême final dans la semaine sainte, faisons notre examen de conscience, chacun en prière.
Oremus

Re: L'ignorance du catholicisme

par Hégésippe » mar. 26 mars 2013, 3:51

ledisciple a écrit :Pour les internautes, Philippe Pétain a plus écrit sur le christianisme qu'aucun autre homme politique au XX siecle. Lisez sur Jeanne d'Arc, mais l'autre ne doit pas non plus connaître cet autre personnage historique que par des racontards.
Oremus.
Quels sont donc ces livres ecris par le Marechal Petain? Je ne savais pas qu'il avait ecrit sur Ste Jeanne d'Arc.
Aldoüs a écrit :(il devrait pas avoir droit à être cité sur un forum chrétien celui-là)
Ce qui est "amusant" si vous me passez l'expression, c'est qu'on trouve des rues et places "Marechal-Petain" un peu partout dans le monde (et surtout aux Etats-Unis) mais pas en France. On trouve meme une montagne nommee en la memoire du Marechal.

Philippe Pétain

par Cinci » lun. 25 mars 2013, 23:09

ledisciple,

C'est que vous aviez produit deux phrases contradictoires en apparence. Il ne s'agit pas d'ignorance comme il s'agit d'être surpris un peu par le résultat à l'écran, ne pas être tellement sûr de ce que vous auriez voulu dire. Il suffit de clarifier. Sur un forum, Aldous a quand même le droit de vérifier ce que vous auriez voulu dire au juste. Vous êtes chanceux. La plupart du temps c'est l'indifférence qui prime. Compris ou mal compris le propos ou l'idée : les gens ne demandent rien et ne veulent pas savoir non plus si vous allez bien (sourire).

:p

Philippe Pétain

par ledisciple » lun. 25 mars 2013, 22:25

Cher Aldoüs,
Nous devons assumer notre Histoire, c'est la base. Les chinois ne l'ont pas encore fait et Mao est toujours un héros pour les jeunes générations. Les allemands ont fait leur deuil, et ils ne sont pas nazis parce qu'ils essayent de comprendre leur histoire. Vous condamnez surtout De Gaulle qui a gracié Pétain, et je ne suis pas d'accord avec votre attitude.

Vous mélangez tout, c'est votre probleme, et vos réponses sont simplistes. D'abord, c'est René Bousquet qui fut responsable de la rafle du Vel' d'hiv, derriere Laval. Et en amitié imperturbable pour René Bousquet, l'artisan de la rafle des Juifs au Vél' D'Hiv pour le compte des nazis, voyez Mitterrand d'abord...

Je propose en lecture pour les internautes, de Jean-Claude Milner, Les penchants criminels de l'Europe démocratique, Verdier, 2003.

Et je propose en lecture en ligne Le Vichy de Pétain, le Vichy de Laval pour ne pas rester simpliste, réducteur et dangereusement superficiel. Lisez aussi Raul Hilberg,
Et puis, surtout, lisez Lénine, des historiens sérieux car c'est bien lui l'inventeur et le premier concepteur des camps de concentrations, bien avant Staline et Mao, et la soeur de Nietzsche...
Voici que point le danger terrifiant : l'ignorance et le parti pris des idées réductrices toutes faites. Manque de chance, c'est beaucoup plus compliqué. Il faut beaucoup lire, étudier toute sa petite vie, rencontrer sur les sites, écouter.

Philippe Pétain

par Aldous » lun. 25 mars 2013, 21:26

Je sais tout ça. ça n'efface pas à ce que je sache aux yeux de l'histoire sa responsabilité à la déportation (assumez ça, vous plaisantez?). Il a été condamné à mort et frappé d'indignité nationale pour cela si je ne me trompe... A mes yeux ça suffit largement pour qu'il n'est aucunement sa place à être évoqué sur un forum chrétien.

(mon commentaire n'est pas agité. Indigné oui!) (L'autre c'est vous)

Philippe Pétain

par ledisciple » lun. 25 mars 2013, 21:16

Aldoüs a écrit :
ledisciple a écrit :Oui, vraiment, comme disait le Maréchal Pétain : "Français, vous avez la mémoire courte."
Ah oui je vois vos références... Quelle tristesse... (il devrait pas avoir droit à être cité sur un forum chrétien celui-là)
Cette phrase est historique, universitaire, et souvent reprise sans tomber dans la paranoïa et votre haine (voir votre commentaire très agité). De plus, vous avez une inculture de base qui ne me surprend plus, effectivement. En effet, le général de Gaulle était si admiratif de Pétain qu'il donna à son fils son prénom : Philippe. C'est encore De Gaulle qui le gracia.
Vous lisant, j'ajoute donc, mémoire courte et sélective, ce qui fait le fond du révisionnisme par excellence. Le passé s'assume, avec le bon , le moins bon et le mauvais. C'est en conservant le mauvais qu'on ne retombe pas dans ses pièges. C'est la base élémentaire de tout historien.
Aldoüs a écrit :(il devrait pas avoir droit à être cité sur un forum chrétien celui-là)
Pour les internautes, Philippe Pétain a plus écrit sur le christianisme qu'aucun autre homme politique au XX siecle. Lisez sur Jeanne d'Arc, mais l'autre ne doit pas non plus connaître cet autre personnage historique que par des racontards.
Oremus.

Re: La thèse de Guillemin à propos du maréchal

par Cinci » jeu. 07 juin 2012, 20:00

  • Colombey, lundi le 5 août 1946

    Mme de Gaulle est à Paris. Je suis seul ce soir, avec lui. Après le dîner, nous gagnons la bibliothèque : il s'essaie à une réussite, distraitement, cependant que son cigar se consume. Nous sommes assis de part et d'autre de la table de bridge, dans deux fauteuils de couleurs claires. Dans mon dos, divers objets sur les rayons : la pipe de Bourbaki creusée dans une énorme racine, cette médaille du Pape qui fait pendant à une médaille de Charles de Gaulle par A. Rivaud. Autour de la maison, la nuit sur la campagne... Pas un bruit.

    Comme après sa réussite, la conversation vient à languir, je cherche une question à lui poser. Palewski m'a justement suggéré, avant-hier, de lui poser celle-ci :

    «Paul Reynaud, qui écrit ses Mémoires, a compulsé le procès-verbal britannique de la séance du Conseil suprême du 13 juin 1940, celui de Tours. Ce procès-verbal affirme que vous auriez assisté à une partie de l'entretien Churchill-Reynaud. Comme ce dernier n'a conservé aucun souvenir de votre présence et que Roland de Margerie - consulté sur ce point - n'a pu le fixer, il a demandé à Palewski si vous pourriez, par son entremise, l'éclairer...»

    Le général interrompt sa réussite et s'anime soudain prodigieusement : «Reynaud plaisante !... Il n'a pu oublier le fait, car son intention était que je n'assiste pas à cette séance du Conseil suprême! A tel titre qu'il se garda bien de me convoquer... C'est par un coup de téléphone de Margerie, qui était alors son chef de cabinet diplomatique, que j'eus connaissance de la rencontre projetée. Je m'y précipitai. Margerie, plus encore que Reynaud, ne peut avoir un pareil trou de mémoire.

    -Êtes-vous arrivé à temps à ces entretiens ?
    -Suffisamment à leurs débuts pour prendre part au débat. [...]

    Du premier coup d'oeil, j'ai compris pourquoi Reynaud ne m'avait pas convoqué : il était en train d'expliquer à Churchill qu'il avait câblé à Roosevelt et que, si sa réponse n'était pas favorable, alors lui, Reynaud, eh bien serait peut-être obligé de se tourner vers les Anglais pour leur demander de délier la France de l'accord du 6 mars...
    -Que répondit Churchill ?
    - Churchill était très fatigué ce jour-là, il balançait la tête et marmonait sa réponse, que le Général mime : «Je comprends votre position... Ces événements sont terribles pour la France... il y a la flotte... «Car c'est tout ce qui préoccupait Churchill : s'assurer que la flotte ne serait pas barbottée».

    Le général de Gaulle lève les bras au ciel devant cette attitude de Churchill.

    Deux jours plus tard, à Londres, je lui ai dit qu'il aurait dû barrer la route aussitôt à Reynaud en refusant de le délier de l'accord de mars, et qu'en liant la question de cet accord à celle de la flotte, il avait fait avancer d'un pas les partisans de l'armistice.

    [...]



    Et d'observer :

    Il est vrai que je n'ai conservé nulle preuve de ce que j'affirme, sinon cette preuve morale : la lettre de démission que j'écrivis à Reynaud après le Conseil suprême du 13 juin. Cette lettre, je la possède encore. (il fait mine de se lever pour aller la chercher, puis y renonce d'un geste impatient.)

    -Votre lettre de démission, Reynaud l'a refusée ?
    -Non, il ne l'a jamais reçue... Car avant de la lui faire tenir, ja la fis lire à Mandel, qui me déconseilla de démissionner.
    -Quels arguments Mandel employa-t-il ?
    - Il insista sur la nécéssité de ne pas dégarnir les rangs du petit nombre d'hommes qui - dans l'entourage de Reynaud - constituaient le camp de la continuation de la lutte.

    Il sa tait un instant, puis revient à Reynaud :

    «Ce jour-là, Reynaud, auquel je l'ai d'ailleurs dit à l'époque, facilita la voie de l'armistice. La vérité, je la dis clairement : Reynaud, qui ne voulait pas faire l'armistice, cherchait déjà un moyen de déposer le fardeau. Quand j'y repense, cet homme, qui était honnête, profondément patriote et qui avait de la valeur, a été incapable de se dresser à la hauteur des événements, resseré qu'il était par un entourage qui n'y croyait pas : Devaux, Leca, Hélène de Portes, et tant d'autres... Au moment de la formation de son ministère, je me trouvais à Paris : eh bien, le Palais-Bourbon suintait le défaitisme, on y souhaitait ouvertement l'armistice.»

    - Un armistice sans combat, ou la capitulation après combat ?
    -Non, l'armistice... Or quelle était la situation véritable ? Il était clair que si Reynaud n'obtenait pas un ordre du jour de confiance, le gouvernement serait confié à Pétain et Laval. On savait déjà et on disait clairement - je n'invente rien ! - que Pétain ce serait l'armistice.

    p.90

    «... comme le Général me parlait de Pétain depuis quelques minutes, j'observe :

    «Pris en main par Laval, qui voulait le conduire à Montoire, alors que ses autres ministres le tiraient en sens opposé, il donne l'impression d'être un vélléitaire...»

    Le Général me regarde, étonné :

    -Que voulez-vous dire ?
    -... une girouette...
    -Détrompez-vous; Pétain voulait aller à Montoire.
    - Vous ne pensez pas, mon Général, qu'il y a été traîné ?
    -On ne traînait pas Pétain; on n'avait pas d'influence sur lui. En dernier ressort, c'est toujours lui qui décidait.

    -Pourtant, mon Général, quelques jours plus tard, à propos du retour des cendres du duc de Reichstadt, Labarthète raconte qu'au début de l'offensive verbale conduite par Laval pour le décider au voyage, Pétain rétorqua : «Alors quoi ? Toujours la carte forcée, comme à Montoire ?» Mais deux minutes plus tard, Laval tenant bon, Pétain capitulait par ces mots : «Eh bien, soit !... Quand partons-nous ?» Mais une heure plus tard encore, après une contre-offensive de Baudouin et Peyrouton, Pétain revenait sur sa décision d'aller à Paris, déclarant que Laval le trahissait et qu'il allait lui dire... Voilà ce que j'appelle une girouette.

    Le Général sourit, comme on sourit à beaucoup de candeur, et me dit : «Pétain était un acteur remarquable. Il ne livrait jamais le fond de sa pensée.»

    p.98


    «... Weygand a décrit la visite qu'il fit à Pétain dès l'annonce du débarquement en Afrique du Nord. Il engagea le Maréchal à prendre l'avion pour Alger et à y reprendre, aux côté des Alliés, la place qui revenait à la France dans la poursuite de la lutte. Malgré les objurgations de Weygand, l'homme de l'armistice refusa...

    Il me regarde et juge, comme à contrecoeur : «Ainsi jusqu'au bout devait-il manquer à l'honneur ! Pétain n'a jamais imaginé qu'il pût faire autre chose que de rester en France.»

    Il a prononcé cela objectivement, sans dureté, comme un homme qui se penche sur un phénomène singulier.

    Court silence, le regard perdu dans le carrelage noir et blanc de la bibliothèque. Puis il relève la tête et pose dans mes yeux un regard extraordinnairement ému mais nuancé d'humour.

    -Imaginez, non mais, imaginez ce qui serait arrivé par la suite, si Pétain s'étant alors rendu aux arguments de Weygand, avait atteri en Afrique du Nord pour s'emparer du glaive ! Imaginez notre situation : nous n'aurions pu que l'approuver et nous placer sous son commandement. Quel spectacle ! Dorénavant son nom eût été célébré comme celui d'un homme qui avait préparé la reprise du combat depuis la première minute... Sans compter qu'il mouillait la flotte française en rade d'Alger !»


    Source : Claude Guy, En écoutant de Gaulle. Journal 1946-1949, Paris, Grasset, 1996, 520 p.




Note : Claude Guy fut l'aide de camp de de Gaulle pour toute la durée de la guerre, et ce, à partir des journée à Londres en 1940 et jusqu'à la Libération. Il est mort en 1992. Son journal ne fut publié qu'en 1996. Ainsi, Henri Guillemin n'avait pas accès à ce journal en 1980. Dans le journal de l'aide de camp, il y est rapporté des propos et confidences très libres de la part du Général, n'étant pas en démonstration à ce moment-là mais simplement occupé à faire causette avec un familier, sans non plus s'attendre à une quelconque publication de ses propos. C'est intéressant de découvrir là-dedans que les dires du Général viennent donner raison à Guillemin comme a posteriori.

Re: La thèse de Guillemin à propos du maréchal

par Cinci » jeu. 07 juin 2012, 2:54

Note : J'ai voulu mettre le petit vidéo à propos de ''ceux de Bernières et Saint Aubin qui se rappellent'', parce qu'il fait un bien fou d'avoir le portrait de gens honnêtes à l'occasion, tout en contraste d'avec des trucs politiques moins reluisants.

Re: La thèse de Guillemin à propos du maréchal

par Cinci » jeu. 07 juin 2012, 2:35

Une continuité à partir de Vichy d'après Paxton


«... Vichy a laissé des traces là où les traditionnalistes ont eu les coudées franches : la famille, la morale publique. La loi de 1941 sur les vieux travailleurs sera incorporée en bloc dans la législation sur la Sécurité sociale; ce fut, pour reprendre les mots de Pétain, une de ces promesses que les autres n'avaient pas tenues. Les allocations familiales restent à l'ordre du jour après la guerre [...] si l'expérience exceptionnelle et involontaire de désintoxication alcoolique disparaît avec la pénurie, on peut toujours voir dans les débits de boissons une pancarte interdisant de servir les adolescents n'ayant pas l'âge prescrit en 1940.
  • Cela dit, ce sont dans les rapports entre l'Église et l'État que l'influence des traditionnalistes de Vichy reste la plus vivace, par ricochet il est vrai. Le haut clergé s'est à ce point discrédité en soutenant le régime Pétain qu'on interdit au Cardinal Suhard, archevêque de Paris, d'assister au Te Deum célébré à Notre-Dame pour la Libération. Néanmoins, l'Église in corpore est moins malmenée par la IVe Républiquequ'elle ne l'avait été par la IIIe. L'anticléricalisme de règle avec un Gambetta, un Clémenceau, un Combes allait de pair avec la «République des camarades» chère aux francs-maçons. La gauche catholique marginale dans les années 30, devenue pétainiste en 40 parce que le régime s'opposait au grand capital et répudiait la démocratie athée, se trouve pour les mêmes raisons en harmonie avec le gouvernement de la France libérée. Bon nombre de prêtres et de fidèles ont évidemment fait de la résistance, à telle enseigne que l'union des communistes et des curés devint l'un des clichés de l'histoire des maquis. Le mouvement des prêtres ouvriers est sorti de ce creuset, mais aussi de l'anticapitalisme de ceux qui, tel le père Godin, se rallièrent au Pétain de la première heure, et de l'abnégation des abbés qui, sous les auspices du gouvernement, apportèrent volontairement le secours de leur ministère aux ouvriers français travaillant dans les usines allemandes.

    Le vide laissé par la hiérarchie conservatrice déconsidérée donne à un clergé de gauche énergique l'occasion de jouer un rôle prédominant après la guerre. En outre, l'évolution politique permet à l'Église de s'assurer une place moins contestée qu'on aurait pu le penser . La main tendue aux catholiques, par Maurice Thorez en avril 1936, à la veille de la victoire du Front populaire, reste offerte pendant que les communistes font partie du gouvernement, c'est à dire jusqu'en 1947. Le MRP, axé à gauche, se partage les suffrages des électeurs avec les socialistes et les communistes, les deux autres grands partis de la Résistance. Cela étant, un glissement du pouvoir au sein de l'Église tient lieu d'épuration. Il est de toute façon impossible de faire totalement litière des avantages concédés par Vichy. Sept évêques sont destitués discrètement. En 1951, le Parlement accordera à nouveau des subventions aux écoles libres.


C'est dans l'administration publique, dans la modernisation et la planification économique que les mesures - et le personnel - de Vichy se perpétuent avec le plus d'évidence. [...] l'évolution que nous avons constatée de 1940 à 1944 - abandon des conceptions traditionnalistes au profit d'une gestion de spécialistes et d'une modernisation planifiée - correspond aux tendances à long terme de la politique et de l'économie.

La liaison est particulièrement étroite, comme il se doit, dans les domaines techniques : rationnement et contrôle des prix. Le facteur fondamental, la pénurie, impose sa logique propre aux administrateurs de Vichy, puis de la IVe République, jusqu'en 1951-52 [...] même lorsque disparaissent les exigences d'une économie de pénurie, il est manifeste que les techniciens ne perdront jamais le terrain qu'ils ont arraché, sous Pétain, aux représentants élus. [...]

Autre survivance de Vichy : la réorganisation régionale. [...] C'est en 1941 que, pour la première fois, la circonscription administrative n'est plus le département de l'an VIII. Les super-préfets dont les pouvoirs spéciaux en matière de police et de ravitaillement s'étendaient à tout une région répondaient à une nécéssité pratique. Le Conseil de la Libération dans son ordonnance du 10 janvier 1944 nommant les commissaires de la République appelés à devenir chacun responsable d'une région dès qu'elle sera libérée, suit le découpage des super-préfectures [...]

La rationalisation et la concentration industrielle ont sans doute progressé entre 1940 et 1944, bien qu'il soit difficile de trouver des chiffres sur ce plan.

Il est néanmoins manifeste que les Allemands avaient pour principe de donner des contrats de guerre aux entreprises ayant le plus haut rendement et de fermer les moins efficaces, dont les ouvriers pouvaient êtres recrutés pour le Service du Travail Obligatoire (STO). On peut penser que les S-Betriebe, ces usines qu'Albert Speer protégeait du STO, ont été choisies pour leur forte productivité. Les efforts déployés par Pierre Laval pour étendre ce système à toute la France s'inspiraient de la même préoccupation. Alors que les dirigeants des petites entreprises pestaient contre le favoritisme dont le régime faisait preuve à l'égard des trusts, le grand patronat et les technocrates de Vichy poussaient à la rationalisation et à la concentration. «L'Europe doit s'organiser contre le défi que nous lance la puissance économique grandissante des États-Unis», disait en février 1941 François Lehideux, ministre de l'Équipement national, aux brillants sujets de l'École libre des Sciences politiques. C'est lui qui fit adopter un plan décennal pour le développement de la productivité.

C'est sous Vichy que les chantres de la croissance, d'isolés qu'ils étaient, sont devenus la voix du peuple. Le ministre de la Production industrielle à Vichy s'apparentait plus aux expansionnistes de 1960 qu'aux protectionnistes des années 30. La productivité est un nouvel article de foi, écrivait en 1946 le directeur de l'INSEE, «des pélerinages s'organisent vers les rives inspirées des États-Unis où la productivité a été révélée aux hommes».

[...]

C'est vers 1955 en effet que les chiffres de la consommation, de la production, de la population attestent le changement. Il s'explique en partie par le choc de 1940 et les quatre années de Vichy. [...] C'est alors qu'une génération de techniciens et de patrons ont acquis une expérience nouvelle et un pouvoir nouveau. C'est alors qu'on se mit à avoir plus d'enfants. [...] le courant profond s'y est amorcé et allait se mêler à un autre courant issu de la Résistance, pour former la France nouvelle. François Lehideux aurait pu écrire lui-même le premier chapitre du bestseller de J.-J. Servan Schreiber, le Défi américain.

p. 332




«... au reste, les hommes de Vichy, et non des moindres, ne se tiennent pas pour battus. On voit revenir à la surface des figures connues. Des défenseurs et collaborateurs de Pétain, dont Jacques Isorni, son avocat, et Roger de Saivre, chef adloint de son cabinet civil, sont élus à la Chambre en 1951. [...] Quatorze dignitaires de Vichy siègent au Parlement en 1958. René Coty, élu président de la République en 1953 a voté «oui» en juillet 1940. La même année 1958, deux personnalités du régime de Pétain entrent au gouvernement : André Boutemy, ancien préfet, a le protefeuille de la Santé et Camille Laurent, responsable de la Corporation paysanne sous Pétain, celui de l'Agriculture. Pour n'être pas en reste, l'Académie française [...] qui a exclu Abel Bonnard en 1945 et laissé vacant les sièges de Pétain et de Maurras jusqu'à leur mort, élit Thierry Maulnier (1955) et Henri Massis (1960). Jean Louis Tixier-Vignancour, directeur de la Radio en 1940, est élu député en 1966 et recueille plus d'un million de voix lors de l'élection présidentielle de décembre 1965.

Sur un plan purement humain, un grand nombre de fonctionnaires qui ont servi sous Pétain restent en place. [...] Les techniciens, les hommes d'affaires, les administrateurs se tirent pratiquement indemnes de la tourmente. Ce qu'on appelle pompeusement la révolution administrative n'a en fin de compte que peu de répercussions sur le personnel en place.

Les annuaires des grands corps de l'État font apparaître une continuité impressionnante entre 1939 et 1946, par-delà les tempêtes. Le plus stable est la Cour des comptes. Sur les membres en service en 1942, 98% figurent dans l'annuaire de 1946 et 99% dans celui de 1949; deux des présidents qui avaient servis sous l'Occupation y étaient mentionnés à nouveau comme présidents honoraires. Qui plus est, ceux qui y étaient entrés du temps de Vichy y demeurent après la guerre, sans avoir perdu, semble-t-il, aucun de leurs droits à l'ancienneté.

A l'Inspection des Finances, 97% des inspecteurs généraux en activité en 1948 l'étaient déjà en 1942.

Tous ces grands corps, et c'est là un fait frappant, résistent à l'entrée d'outsiders qui leur seraient imposés pour des raisons politiques. Les annuaires montrent que les postes rendus vacants du fait de Vichy ou de la Libération, sont pourvus par promotion interne.»

p.317

Et la magistrature

«... les hommes qui avaient pendant quatre ans mis en application les lois de Vichy, continuent sous la IVe République à rendre la justice du haut d'un fauteuil auguste qui semble avoir conservé sa pureté olympienne. Aussi, les procès de l'après-guerre seront-ils fertiles en épisodes cocasses. Le vieil André Mornet, par exemple, qui avait recquis la condamnation de Mata-Hari, sort de sa retraite pour instrumenter contre Laval et Pétain avec une ferveur angélique, criant «qu'il y avait trop d'Allemands dans cette salle», quand la foule proteste contre la parodie de jugement infligé à Pierre Laval. La noble colère de Mornet descend de deux tons lorsqu'on lui rappelle au procès de Pétain qu'il avait lui aussi prêté serment au maréchal, qu'il avait été désigné pour siéger à la cour de Riom qui condamna les dirigeants de la IIIe République. [...]

Le corps diplomatique, pour près des deux tiers, reste le même sous Vichy et pendant la IVe République.»

p.322

Jacques Isorni. cf video du programme-débat en présence de Guillemin.

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