par Cinci » lun. 15 févr. 2021, 4:49
Je donne un extrait pour la suite du texte de Michel Onfray - et, là, vous allez voir que c'est plus discutable, ce qui me permettrait de qualifier Onfray d'auteur un peu vénéneux au passage, et ce pourquoi l'abbé Bethléem devrait sévir.
Voyez ça :
"... Hitler croit en Dieu, cela ne fait aucun doute. Il est déiste. Mais il croit également dans la religion catholique. Il est fidéiste. Il ne cesse de renvoyer à la Providence qui veille sur lui et décide de ce qu'il doit devenir. [...] Ce qu'il reproche au christianisme, ce n'est pas le christianisme en tant que tel, mais sa version pacifique. Quand il pense le national-socialisme comme une civilisation, il ne le pense pas comme un athéisme ou un agnosticisme, encore mois comme un paganisme, mais comme un christianisme de choc.
Il faut ignorer le doute affirme-t-il. Puis il ajoute :
"Il nous faut prendre des leçons de l'Église catholique"
...
qui ne transige jamais sur le dogme et qui rend seul possible la foi. Ainsi, quand il envisage la création de son Reich, Hitler prend encore exemple sur le christianisme qui ...
"... lui non plus n'a pas pu se contenter d'élever ses propres autels, il lui a fallu procéder à la destruction des autels païens. Seule cette intolérance fanatique devait créer la foi apodictique; elle en était une condition première absolue."
Hitler défend l'Église et refuse qu'au nom de tel ou tel forfait commis par l'un ou l'autre de ses membres on jette l'opprobre entier sur la totalité de l'institution.
"En comparant la grandeur des organisations religieuses qu'on a devant les yeux avec l'imperfection de l'homme en général, on doit reconnaître que la proportion entre les bons et les mauvais est à l'avantage des milieux religieux. On trouve naturellement aussi dans le clergé des gens qui se servent de leur mission dans l'intérêt de leurs ambitions politiques, oublient d'une façon regrettable qu'ils devraient être les dépositaires d'une vérité supérieure et non les protagonistes du mensonge et de la calomnie; mais pour un seul de ces indignes, on trouve mille et plus honnêtes ecclésiastiques, entièrement fidèles à leur mission, qui émergent comme des îlots au-dessus du marécage de notre époque mensongère et corrompue."
Il poursuit :
"Aussi peu que je condamne et que j'aie le droit de condamner l'Église elle-même, quand un individu corrompu, revêtu de la robe de prêtre, commet un crime crapuleux contre les moeurs, aussi peu j'en ai le droit quand un autre, dans le nombre, souille et trahit sa nationalité [...] Et de nos jours surtout, il ne faut pas oublier que, pour un seul de ces Éphialtès, on trouvera des milliers de prêtres dont le coeur saigne des malheurs de leur nation, et qui souhaitent aussi ardemment que les meilleurs de leurs compatriotes l'arrivée du jour ou le ciel nous sourira enfin de nouveau."
Une fois de plus, y a-t-il là propos antichrétien ? Déclaration athée ? Critique anticléricale ? Diatribe païenne ?
Hitler veut que le catholicisme et le protestantisme soient allemands et, pour ce faire, prennent le parti du peuple allemand, comme ce fut le cas dans les tranchées lors de la Première Guerre mondiale. La religion chrétienne est donc compatible avec le national-socialisme au contraire du judaïsme dont Hitler estime qu'il est d'abord une religion identitaire séparatiste dans la nation.
[...]
Ce que nous enseigne l'histoire, ce que montrent les faits, corrobore la théorie d'Hitler: le "véritable christianisme", en tant qu'il est antisémite et reprend de Jésus le fouet qui sert à punir les marchands du Temple, s'avère clairement un allié du national-socialisme. Le Vatican qui souscrit au même antisémitisme contre le peuple déicide estimera finalement que, tout compte fait, ce régime est un allié. Voilà pourquoi l'ouvrage d'Adolph Hitler ne se trouve pas dans l'index des livres interdits de lecture et de consultation par l'Église catholique, apostolique et romaine.
Pour éviter d'avoir à penser la collusion du nazisme et du christianisme, sauf rares exceptions, l'Occident a construit un paravent idéologique utile : Hitler aurait été athée, païen, antichrétien. Ainsi, il tombait de facto dans le camp du mal. Il devenait une figure de l'antéchrist. La morale moralisatrice dispensait alors tout un chacun de réfléchir, elle interdisait qu'on lise et fasse de l'histoire, l'affaire était réglée, il suffisait de déplorée sans avoir besoin de comprendre. Hitler devenait le parangon du mal et le mal se traite par l'incantation cathartique contre-satanique.
Hitler arrive légalement au pouvoir le 30 janvier 1933. A cette époque, 90% des protestants allemands lui sont favorables, pasteurs et théologiens compris. D'aucuns, parmi les intellectuels ou les penseurs, les philosophes ou les historiens, accusent le peuple et doutent de la démocratie en voyant l'avènement du dictateur par les urnes la preuve que le peuple ne pense pas. C'est faire peu de cas du fait qu'il pense souvent ce que les faiseurs d'opinion l'obligent à penser à force de propagande, de journalisme, d'idéologie, et ce, à longueur de conférences, de publications, de sermons, de cours, de livres, de messages radiodiffusés. Le monde intellectuel dans son ensemble rend possible la formation du national-socialisme, son accès et son maintien au pouvoir.
[...]
L'Église accorde son aide à ce funeste projet. Elle commence par souscrire au projet de réarmement de l'Allemagne; elle signe un Concordat avec Hitler le 20 juillet 1933; elle se tait quand les nazis boycottent les magasins juifs; elle reste également silencieuse lors de la proclamation des lois raciales de Nuremberg en 1935; elle ne condamne pas la nuit de cristal en 1938; en 1939, elle ne condamne pas l'invasion de la Pologne par les troupes du IIIe Reich, alors qu'elle condamne celle de la Finlande par les soviétiques; elle fournit alors ses fichiers d'archives généalogiques au pouvoir nazi qui peut alors savoir qui est juif et qui ne l'est pas - elle couvre toutefois les juifs convertis ou mariés à des chrétiens au nom du "secret pastoral" qui ne protège que les fidèles du Christ; elle prend parti pour le régime oustachi pronazi d'Ante Pavlovic en Croatie; elle n'excommunie ni n'excommuniera jamais aucun nazi, alors qu'en 1940 elle exclut de l'Église tout communiste quel qu'il soit en arguant de la collusion du bolchévisme et ... du judaïsme.
Revenons à 1934, Hitler, catholique, doit composer avec des nazis qui, eux, sont franchement athées ou païens - ainsi Heinrich Himmler et la SS, Alfred Rosenberg et son
Mythe du XXe siècle, Richard Walther Darré auteur de
La Race, sous-titré
Nouvelle noblesse du sang et du sol. Tous souscrivent au mysticisme, à l'occultisme, à l'ésotérisme, à l'orientalisme, à la théurgie. C'est, hélas, trois hélas, parmi cette frange d'illuminés que la référence à Nietzsche fait des ravages : la figure ontologique du surhomme transformé en figure politique du SS tuant par-delà le bien et le mal [...] Hitler n'était en aucune façon nietzschéen. A Leni Riefenstahl qui l'interroge sur ses lectures et lui demande s'il lit Nietzsche, il répond :
"Non, je ne peux pas tirer grand chose de Nietzsche. C'est un artiste plus qu'un philosophe, il n'a pas la compréhension limpide de Schopenhauer. Naturellement, j'apprécie le génie de Nietzsche. Il écrit sans doute le plus beau langage que la littérature allemande puisse offrir aujourd'hui, mais ce n'est pas mon guide."
Sa visite aux archives Nietzsche à Weimar, sa rencontre avec la soeur du philosophe qui, elle, était une antisémite forcénée et une nazie convaincue ayant offert une canne à pommeau de son frère au Führer n'y font rien :"Ce n'est pas mon guide", dit Hitler qui revendique en revanche Schopenhauer dont le buste trône dans son bureau alors que []Le monde comme volonté et comme représentation[/i] était dans sa musette au front en 1914-1918.
Schopenhauer, c'est le philosophe du Vouloir aveugle conduisant le monde, le penseur de l'art et de la musique, le théoricien de l'architecture comme "musique congelée", le misogyne célibataire, le pourfendeur de la démocratie, l'antisémite avéré qui parle de la "puanteur juive", l'ennemi des professeurs d'université, le bouddhiste végétarien qui invite à renoncer à la sexualité et à la procréation, et qui, dans le même ordre d'idée, défend la compassion envers les animaux [...]
Le livre qui permet de savoir quelle relation entretenait Hitler avec le christianisme est celui de l'évêque Alois Hudal :
Fondements du national-socialisme, un texte de 1936. Le prélat autrichien, antisémite, souhaite une collaboration entre catholicisme et national-socialisme pour constituer une armée chrétienne susceptible de mener la guerre contre la Russie soviétique afin de débarrasser l'Europe de la menace dite judéo-bolchévique.
Hitler ne souscrit pas aux thèses exposées par Rosenberg dans
Le mythe du XXe siècle. bien que ce dernier soit le chef idéologique du parti nazi. Alois Hudal pousse Hitler à la clarté : oui ou non soutient-il les thèses païennes de Rosenberg ? En cas de séparation d'avec le camp païen, Hudal envisage une collaboration avec un national-socialisme chrétien sur la base de quelques communautés de vue : la doctrine paulinienne selon laquelle tout pouvoir vient de Dieu; la théocratie contre la démocratie, l'antisémitisme rabique, la haine du bolchévisme, la crainte manifestée par les dirigeants soviétiques de voir émerger un front commun unissant fascisme et catholicisme romain comme le redoutait Molotov. Hitler qui estime que
Le mythe du XXe siècle de l'occultiste païen Rosenberg est confus et sans pertinence souscrit au
Fondements du national-socialisme de l'évêque catholique Alois Hudal. De la même manière que Mussolini veut fasciser l'Église, Hitler veut nazifier le christianisme. Pas question pou eux de christianiser leurs dictatures. L'Église officielle aurait pu refuser et entrer en résistance, elle ne le fera pas.
Précisons toutefois que Pie XI, qui était pape depuis 1922, publie en mars 1937 une encyclique rédigée en allemand et non comme habituellement en latin, intitulée
Mit Brennender Sorge. Il y fustige clairement les thèses nazies : le néopaganisme et ses valeurs du sang et de la race, la critique du judaïsme de l'Ancien Testament, le racialisme antisémite, la fusion du nationalisme et du catholicisme, la religion de l'État et le culte de son chef, les multiples violations du droit, la répression contre l'Église qui refuse de se mettre au pas, le non respect des engagements du Concordat signé par ses soins. En représailles, Hitler déclenche des répressions contre des chrétiens.
Le 3 mai 1938, alors que le Führer rend visite à Mussolini à Rome, Pie XI ferme le musée du Vatican pour lui en interdire l'accès. Ostensiblement, avec sa gendarmerie, son personnel et sa garde suisse, le pape sort de Rome pour se rendre à sa résidence de Castel Gandolfo. Toujours de façon explicite, Pie XI revient au Vatican une fois le dictateur rentré en Allemagne. Quelques mois plus tard, le 6 septembre, il affirme :"L'antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites."
Cinq jours après avoir publié son encyclique contre le totalitarisme national-socialisme, le 19 mars 1937, Pie XI publie une autre encyclique, cette fois-ci contre le bolchévisme :
Divinis Redemptoris. Il y fustige sans ambage le communisme bolchévique et athée, qui prétend renverser l'ordre social et saper jusque dans ses fondements la civilisation chrétienne. Le souverain pontife convient que l'ordre du monde est injuste, qu'il génère de la misère qui nourrit ce mouvement des foules communistes, mais il estime le bolchévisme fallacieux d'un point de vue spirituel.
Incontestablement, Pie XI fut un grand pape quand il renvoie dos à dos deux dictatures sanguinaires, deux totalitarismes ravageurs, deux vision du monde qui fonctionnent à la haine et au ressentiment. Pour autant, il ne le fait pas au nom de la démocratie. Il crut même un temps que le fascisme permettrait de restaurer l'ordre chrétien abimé par la philosophie des Lumières et la Révolution française. Ce qui ne l'a pas empêché de mettre Maurras à l'Index en 1926 [...] le lendemain du jour de sa mort, il devait prononcer en présence de Mussolini un discours contre le système d'écoutes du régime totalitaire du Duce et sa politique belliciste. Pie XI avait également sollicité les universités catholiques pour qu'elles mettent sur pied un enseignement contre le racisme et l'antisémitisme.
Pie XII quant à lui couvre les exactions du régime national-socialiste. Lors de la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, Hitler décrète la solution finale : la destruction physique de la totalité des Juifs d'Europe. Cette dévastation avait déjà commencée, mais elle devient priorité absolue. Gerardt Reigner, représentant du Congrès juif mondial à Genèves, intervient auprès des autorités américaines et signale la destruction des Juifs à grande échelle :"On parle d'acide prussique", écrit-il le 8 août 1942. Les États-Unis informent le Vatican - qui ne réagit pas.
A Belzec, le colonel SS Kurt Gerstein assiste à des exécutions en août 1942. Il les détaille dans un rapport : l'arrivée en train, les morts pendant le voyage, les fenêtres grillagées, le visage hagard des enfants, le triage des victimes, les femmes, les vieillards, les enfants, les coups de cravache, les haut-parleurs, la nudité, les tas de vêtements, la pyramide de 25 mètres de chaussures, les dentiers ôtés, la confiscation des objets de valeur, la tonte des cheveux, la douche présentée comme hygiénique, l'entrée dans la pièce de mort, l'expression même de
chambre à gaz, la saturation des corps dans la pièce, la fermeture, les pleurs, les sanglots, la demi-heure de gazage - et la mort. L'inévitable mort, la mort massive, la mort industrielle [...] six millions de Juifs meurent ainsi dans les chambres à gaz. Quand Gerstein veut informer le nonce apostolique à Berlin, on ne le reçoit pas. Il informe alors l'archevêque de Berlin en lui demandant de transmettre au Saint-Siège. Il envoie ce rapport au Vatican qui ne peut pas ne pas en avoir pris connaissance en même temps que ces mêmes informations lui arrivaient par d'autres canaux. Que fit Pie XII ? Rien. Que dit Pie XII ? Rien.
Les troupe soviétiques libèrent Berlin. Hitler se suicide dans son bunker le 30 avril 1945. Que fait le Vatican ? Il continue de soutenir le régime effondré. L'Église n'a aucun mot de condamnation des exactions du régime national-socialiste après la mort du Führer. Mieux : alors qu'elle fut incapable d'aider un seul juif à échapper à la mort programmée par les nazis, elle organise une filière via les monastères et les passeports du Vatican, un État à part entier depuis Mussolini, permet aux dignitaires nazis de quitter l'Europe pour échapper aux tribunaux. Un homme joue un rôle majeur dans l'exfiltration des criminels de guerre, un certain Alois Hudal, auteur des
Fondements du national-socialisme ...
Cette guerre a occasionné la mort de 61 millions de personnes chez les alliés et 12 millions chez les puissances de l'Axe, soit 73 millions d'humains. Sur les neuf millions de Juifs d'avant-guerre, il en est mort deux tiers.
A la mort d'Hitler, le cardinal Bertram ordonne aux prêtres de son diocèse que soit donnée une messe de requiem. Ce fut un requiem pour l'Occident. Qui pouvait encore croire, sinon à un Dieu compatible avec une pareille hécatombe, du moins à une Église qui n'a rien trouvé à y redire ? Dans son
Discours au VIe congrès international de droit pénal, en 1953, Pie XII dit :
"Celui qui n'est pas impliqué dans le différent ressent un malaise, lorsque, après la fin des hostilités, il voit le vainqueur juger le vaincu pour des crimes de guerre, alors que ce vainqueur s'est rendu coupable envers le vaincu de faits analogues"
J'ignorais qu'aux États-Unis, au Canada, en Angleterre et dans les autres pays alliés il y eut aussi des chambres à gaz. Le judéo-christianisme est mort d'avoir voulu se sauver en suivant la voie fasciste.
Michel Onfray,
Décadence, p. 483
Je donne un extrait pour la suite du texte de Michel Onfray - et, là, vous allez voir que c'est plus discutable, ce qui me permettrait de qualifier Onfray d'auteur un peu vénéneux au passage, et ce pourquoi l'abbé Bethléem devrait sévir.
Voyez ça :
"... Hitler croit en Dieu, cela ne fait aucun doute. Il est déiste. Mais il croit également dans la religion catholique. Il est fidéiste. Il ne cesse de renvoyer à la Providence qui veille sur lui et décide de ce qu'il doit devenir. [...] Ce qu'il reproche au christianisme, ce n'est pas le christianisme en tant que tel, mais sa version pacifique. Quand il pense le national-socialisme comme une civilisation, il ne le pense pas comme un athéisme ou un agnosticisme, encore mois comme un paganisme, mais comme un christianisme de choc.
Il faut ignorer le doute affirme-t-il. Puis il ajoute :
[quote]"Il nous faut prendre des leçons de l'Église catholique"
[/quote]
... [i]qui ne transige jamais sur le dogme et qui rend seul possible la foi[/i]. Ainsi, quand il envisage la création de son Reich, Hitler prend encore exemple sur le christianisme qui ...
[quote]"... lui non plus n'a pas pu se contenter d'élever ses propres autels, il lui a fallu procéder à la destruction des autels païens. Seule cette intolérance fanatique devait créer la foi apodictique; elle en était une condition première absolue."
[/quote]
Hitler défend l'Église et refuse qu'au nom de tel ou tel forfait commis par l'un ou l'autre de ses membres on jette l'opprobre entier sur la totalité de l'institution.
[quote]"En comparant la grandeur des organisations religieuses qu'on a devant les yeux avec l'imperfection de l'homme en général, on doit reconnaître que la proportion entre les bons et les mauvais est à l'avantage des milieux religieux. On trouve naturellement aussi dans le clergé des gens qui se servent de leur mission dans l'intérêt de leurs ambitions politiques, oublient d'une façon regrettable qu'ils devraient être les dépositaires d'une vérité supérieure et non les protagonistes du mensonge et de la calomnie; mais pour un seul de ces indignes, on trouve mille et plus honnêtes ecclésiastiques, entièrement fidèles à leur mission, qui émergent comme des îlots au-dessus du marécage de notre époque mensongère et corrompue."
[/quote]
Il poursuit :
[quote]"Aussi peu que je condamne et que j'aie le droit de condamner l'Église elle-même, quand un individu corrompu, revêtu de la robe de prêtre, commet un crime crapuleux contre les moeurs, aussi peu j'en ai le droit quand un autre, dans le nombre, souille et trahit sa nationalité [...] Et de nos jours surtout, il ne faut pas oublier que, pour un seul de ces Éphialtès, on trouvera des milliers de prêtres dont le coeur saigne des malheurs de leur nation, et qui souhaitent aussi ardemment que les meilleurs de leurs compatriotes l'arrivée du jour ou le ciel nous sourira enfin de nouveau."
[/quote]
Une fois de plus, y a-t-il là propos antichrétien ? Déclaration athée ? Critique anticléricale ? Diatribe païenne ?
Hitler veut que le catholicisme et le protestantisme soient allemands et, pour ce faire, prennent le parti du peuple allemand, comme ce fut le cas dans les tranchées lors de la Première Guerre mondiale. La religion chrétienne est donc compatible avec le national-socialisme au contraire du judaïsme dont Hitler estime qu'il est d'abord une religion identitaire séparatiste dans la nation.
[...]
Ce que nous enseigne l'histoire, ce que montrent les faits, corrobore la théorie d'Hitler: le "véritable christianisme", en tant qu'il est antisémite et reprend de Jésus le fouet qui sert à punir les marchands du Temple, s'avère clairement un allié du national-socialisme. Le Vatican qui souscrit au même antisémitisme contre le peuple déicide estimera finalement que, tout compte fait, ce régime est un allié. Voilà pourquoi l'ouvrage d'Adolph Hitler ne se trouve pas dans l'index des livres interdits de lecture et de consultation par l'Église catholique, apostolique et romaine.
Pour éviter d'avoir à penser la collusion du nazisme et du christianisme, sauf rares exceptions, l'Occident a construit un paravent idéologique utile : Hitler aurait été athée, païen, antichrétien. Ainsi, il tombait de facto dans le camp du mal. Il devenait une figure de l'antéchrist. La morale moralisatrice dispensait alors tout un chacun de réfléchir, elle interdisait qu'on lise et fasse de l'histoire, l'affaire était réglée, il suffisait de déplorée sans avoir besoin de comprendre. Hitler devenait le parangon du mal et le mal se traite par l'incantation cathartique contre-satanique.
Hitler arrive légalement au pouvoir le 30 janvier 1933. A cette époque, 90% des protestants allemands lui sont favorables, pasteurs et théologiens compris. D'aucuns, parmi les intellectuels ou les penseurs, les philosophes ou les historiens, accusent le peuple et doutent de la démocratie en voyant l'avènement du dictateur par les urnes la preuve que le peuple ne pense pas. C'est faire peu de cas du fait qu'il pense souvent ce que les faiseurs d'opinion l'obligent à penser à force de propagande, de journalisme, d'idéologie, et ce, à longueur de conférences, de publications, de sermons, de cours, de livres, de messages radiodiffusés. Le monde intellectuel dans son ensemble rend possible la formation du national-socialisme, son accès et son maintien au pouvoir.
[...]
L'Église accorde son aide à ce funeste projet. Elle commence par souscrire au projet de réarmement de l'Allemagne; elle signe un Concordat avec Hitler le 20 juillet 1933; elle se tait quand les nazis boycottent les magasins juifs; elle reste également silencieuse lors de la proclamation des lois raciales de Nuremberg en 1935; elle ne condamne pas la nuit de cristal en 1938; en 1939, elle ne condamne pas l'invasion de la Pologne par les troupes du IIIe Reich, alors qu'elle condamne celle de la Finlande par les soviétiques; elle fournit alors ses fichiers d'archives généalogiques au pouvoir nazi qui peut alors savoir qui est juif et qui ne l'est pas - elle couvre toutefois les juifs convertis ou mariés à des chrétiens au nom du "secret pastoral" qui ne protège que les fidèles du Christ; elle prend parti pour le régime oustachi pronazi d'Ante Pavlovic en Croatie; elle n'excommunie ni n'excommuniera jamais aucun nazi, alors qu'en 1940 elle exclut de l'Église tout communiste quel qu'il soit en arguant de la collusion du bolchévisme et ... du judaïsme.
Revenons à 1934, Hitler, catholique, doit composer avec des nazis qui, eux, sont franchement athées ou païens - ainsi Heinrich Himmler et la SS, Alfred Rosenberg et son [i]Mythe du XXe siècle[/i], Richard Walther Darré auteur de [i]La Race[/i], sous-titré [i]Nouvelle noblesse du sang et du sol[/i]. Tous souscrivent au mysticisme, à l'occultisme, à l'ésotérisme, à l'orientalisme, à la théurgie. C'est, hélas, trois hélas, parmi cette frange d'illuminés que la référence à Nietzsche fait des ravages : la figure ontologique du surhomme transformé en figure politique du SS tuant par-delà le bien et le mal [...] Hitler n'était en aucune façon nietzschéen. A Leni Riefenstahl qui l'interroge sur ses lectures et lui demande s'il lit Nietzsche, il répond :
"Non, je ne peux pas tirer grand chose de Nietzsche. C'est un artiste plus qu'un philosophe, il n'a pas la compréhension limpide de Schopenhauer. Naturellement, j'apprécie le génie de Nietzsche. Il écrit sans doute le plus beau langage que la littérature allemande puisse offrir aujourd'hui, mais ce n'est pas mon guide."
Sa visite aux archives Nietzsche à Weimar, sa rencontre avec la soeur du philosophe qui, elle, était une antisémite forcénée et une nazie convaincue ayant offert une canne à pommeau de son frère au Führer n'y font rien :"Ce n'est pas mon guide", dit Hitler qui revendique en revanche Schopenhauer dont le buste trône dans son bureau alors que []Le monde comme volonté et comme représentation[/i] était dans sa musette au front en 1914-1918.
Schopenhauer, c'est le philosophe du Vouloir aveugle conduisant le monde, le penseur de l'art et de la musique, le théoricien de l'architecture comme "musique congelée", le misogyne célibataire, le pourfendeur de la démocratie, l'antisémite avéré qui parle de la "puanteur juive", l'ennemi des professeurs d'université, le bouddhiste végétarien qui invite à renoncer à la sexualité et à la procréation, et qui, dans le même ordre d'idée, défend la compassion envers les animaux [...]
Le livre qui permet de savoir quelle relation entretenait Hitler avec le christianisme est celui de l'évêque Alois Hudal : [i]Fondements du national-socialisme[/i], un texte de 1936. Le prélat autrichien, antisémite, souhaite une collaboration entre catholicisme et national-socialisme pour constituer une armée chrétienne susceptible de mener la guerre contre la Russie soviétique afin de débarrasser l'Europe de la menace dite judéo-bolchévique.
Hitler ne souscrit pas aux thèses exposées par Rosenberg dans [i]Le mythe du XXe siècle[/i]. bien que ce dernier soit le chef idéologique du parti nazi. Alois Hudal pousse Hitler à la clarté : oui ou non soutient-il les thèses païennes de Rosenberg ? En cas de séparation d'avec le camp païen, Hudal envisage une collaboration avec un national-socialisme chrétien sur la base de quelques communautés de vue : la doctrine paulinienne selon laquelle tout pouvoir vient de Dieu; la théocratie contre la démocratie, l'antisémitisme rabique, la haine du bolchévisme, la crainte manifestée par les dirigeants soviétiques de voir émerger un front commun unissant fascisme et catholicisme romain comme le redoutait Molotov. Hitler qui estime que [i]Le mythe du XXe siècle[/i] de l'occultiste païen Rosenberg est confus et sans pertinence souscrit au [i]Fondements du national-socialisme[/i] de l'évêque catholique Alois Hudal. De la même manière que Mussolini veut fasciser l'Église, Hitler veut nazifier le christianisme. Pas question pou eux de christianiser leurs dictatures. L'Église officielle aurait pu refuser et entrer en résistance, elle ne le fera pas.
Précisons toutefois que Pie XI, qui était pape depuis 1922, publie en mars 1937 une encyclique rédigée en allemand et non comme habituellement en latin, intitulée [i]Mit Brennender Sorge[/i]. Il y fustige clairement les thèses nazies : le néopaganisme et ses valeurs du sang et de la race, la critique du judaïsme de l'Ancien Testament, le racialisme antisémite, la fusion du nationalisme et du catholicisme, la religion de l'État et le culte de son chef, les multiples violations du droit, la répression contre l'Église qui refuse de se mettre au pas, le non respect des engagements du Concordat signé par ses soins. En représailles, Hitler déclenche des répressions contre des chrétiens.
Le 3 mai 1938, alors que le Führer rend visite à Mussolini à Rome, Pie XI ferme le musée du Vatican pour lui en interdire l'accès. Ostensiblement, avec sa gendarmerie, son personnel et sa garde suisse, le pape sort de Rome pour se rendre à sa résidence de Castel Gandolfo. Toujours de façon explicite, Pie XI revient au Vatican une fois le dictateur rentré en Allemagne. Quelques mois plus tard, le 6 septembre, il affirme :"L'antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites."
Cinq jours après avoir publié son encyclique contre le totalitarisme national-socialisme, le 19 mars 1937, Pie XI publie une autre encyclique, cette fois-ci contre le bolchévisme : [i]Divinis Redemptoris[/i]. Il y fustige sans ambage le communisme bolchévique et athée, qui prétend renverser l'ordre social et saper jusque dans ses fondements la civilisation chrétienne. Le souverain pontife convient que l'ordre du monde est injuste, qu'il génère de la misère qui nourrit ce mouvement des foules communistes, mais il estime le bolchévisme fallacieux d'un point de vue spirituel.
Incontestablement, Pie XI fut un grand pape quand il renvoie dos à dos deux dictatures sanguinaires, deux totalitarismes ravageurs, deux vision du monde qui fonctionnent à la haine et au ressentiment. Pour autant, il ne le fait pas au nom de la démocratie. Il crut même un temps que le fascisme permettrait de restaurer l'ordre chrétien abimé par la philosophie des Lumières et la Révolution française. Ce qui ne l'a pas empêché de mettre Maurras à l'Index en 1926 [...] le lendemain du jour de sa mort, il devait prononcer en présence de Mussolini un discours contre le système d'écoutes du régime totalitaire du Duce et sa politique belliciste. Pie XI avait également sollicité les universités catholiques pour qu'elles mettent sur pied un enseignement contre le racisme et l'antisémitisme.
Pie XII quant à lui couvre les exactions du régime national-socialiste. Lors de la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, Hitler décrète la solution finale : la destruction physique de la totalité des Juifs d'Europe. Cette dévastation avait déjà commencée, mais elle devient priorité absolue. Gerardt Reigner, représentant du Congrès juif mondial à Genèves, intervient auprès des autorités américaines et signale la destruction des Juifs à grande échelle :"On parle d'acide prussique", écrit-il le 8 août 1942. Les États-Unis informent le Vatican - qui ne réagit pas.
A Belzec, le colonel SS Kurt Gerstein assiste à des exécutions en août 1942. Il les détaille dans un rapport : l'arrivée en train, les morts pendant le voyage, les fenêtres grillagées, le visage hagard des enfants, le triage des victimes, les femmes, les vieillards, les enfants, les coups de cravache, les haut-parleurs, la nudité, les tas de vêtements, la pyramide de 25 mètres de chaussures, les dentiers ôtés, la confiscation des objets de valeur, la tonte des cheveux, la douche présentée comme hygiénique, l'entrée dans la pièce de mort, l'expression même de [i]chambre à gaz[/i], la saturation des corps dans la pièce, la fermeture, les pleurs, les sanglots, la demi-heure de gazage - et la mort. L'inévitable mort, la mort massive, la mort industrielle [...] six millions de Juifs meurent ainsi dans les chambres à gaz. Quand Gerstein veut informer le nonce apostolique à Berlin, on ne le reçoit pas. Il informe alors l'archevêque de Berlin en lui demandant de transmettre au Saint-Siège. Il envoie ce rapport au Vatican qui ne peut pas ne pas en avoir pris connaissance en même temps que ces mêmes informations lui arrivaient par d'autres canaux. Que fit Pie XII ? Rien. Que dit Pie XII ? Rien.
Les troupe soviétiques libèrent Berlin. Hitler se suicide dans son bunker le 30 avril 1945. Que fait le Vatican ? Il continue de soutenir le régime effondré. L'Église n'a aucun mot de condamnation des exactions du régime national-socialiste après la mort du Führer. Mieux : alors qu'elle fut incapable d'aider un seul juif à échapper à la mort programmée par les nazis, elle organise une filière via les monastères et les passeports du Vatican, un État à part entier depuis Mussolini, permet aux dignitaires nazis de quitter l'Europe pour échapper aux tribunaux. Un homme joue un rôle majeur dans l'exfiltration des criminels de guerre, un certain Alois Hudal, auteur des [i]Fondements du national-socialisme[/i] ...
Cette guerre a occasionné la mort de 61 millions de personnes chez les alliés et 12 millions chez les puissances de l'Axe, soit 73 millions d'humains. Sur les neuf millions de Juifs d'avant-guerre, il en est mort deux tiers.
A la mort d'Hitler, le cardinal Bertram ordonne aux prêtres de son diocèse que soit donnée une messe de requiem. Ce fut un requiem pour l'Occident. Qui pouvait encore croire, sinon à un Dieu compatible avec une pareille hécatombe, du moins à une Église qui n'a rien trouvé à y redire ? Dans son [i]Discours au VIe congrès international de droit pénal[/i], en 1953, Pie XII dit :
[quote]"Celui qui n'est pas impliqué dans le différent ressent un malaise, lorsque, après la fin des hostilités, il voit le vainqueur juger le vaincu pour des crimes de guerre, alors que ce vainqueur s'est rendu coupable envers le vaincu de faits analogues"
[/quote]
J'ignorais qu'aux États-Unis, au Canada, en Angleterre et dans les autres pays alliés il y eut aussi des chambres à gaz. Le judéo-christianisme est mort d'avoir voulu se sauver en suivant la voie fasciste.
Michel Onfray, [i]Décadence[/i], p. 483