par Cinci » mar. 08 juin 2021, 17:35
Je poursuis la lecture de Madiran.
Son ouvrage est absolument assassin pour l'épiscopat français en particulier; étant assuré que ce qu'il raconte chez ceux-là se retrouve également chez bien d'autres (Italie, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, etc.). L'ouvrage reste capital pour saisir l'enjeu de ce qui se passe dans l'Église catholique. En observant son analyse de 1968, il est proprement stupéfiant de constater à quel point aucune ligne de ce qu'il a pu écrire à l'époque ne se trouve à avoir vieillie au vu et au su de ce que nous pourrions tous voir, ressortant de déclarations ou de gestes du Vatican, de quantité d'évêques et même jusqu'au pape.
Celui qu'il appelle Mgr de Metz, c'est Paul-Joseph Schmitt (1911-1987) et qui fut évêque de Metz de 1958 à 1987. Cet évêque fut porté à la tête de la Conférence des évêques de France dès le lendemain du concile en 1966-1967.
C'est pourquoi Madiran le prend à témoin dans son ouvrage. Lui-même avait publiquement interpellé la totalité des évêques de France à l'époque et y compris l'évêque de Metz. Mais aucun ne se sera jamais donné la peine d'entrer en dialogue avec lui, ni n'auront accédé à l'une ou l'autre de ses requêtes. Des déclarations publiques de Mgr Scnmitt à Metz en 1967, Madiran dit qu'elles constituent à ce jour la meilleur profession de foi de ce qu'il appelle "la religion nouvelle de Saint-Avold"; un schisme en fait. Ici l'auteur n'emploie pas le mot «schisme» dans son livre. Mais en lisant on comprend bien qu'il ne saurait être question d'autre chose.
Mais je désir mettre quelques lignes pour que vous puissiez voir au moins de quoi il s'agit. Après, je devrais mettre des passages de son avant-propos qui constitue un survol historique, depuis le XIXe siècle, de ce que Madiran croit bien avoir été le fil rouge de toute l'affaire.
Extrait :
«... c'est à Saint-Avold que, pour la première fois à ma connaissance, au mois de septembre 1967, un évêque français parlant en qualité d'évêque et donnant officiellement à ses prêtres un enseignement magistral, a formulé comme évidentes et nécessaires les propositions dogmatiques de la nouvelle religion. C'est à Saint-Avold que, pour la première fois, en énonçant les principes de la religion nouvelle, un évêque français imposait à ses prêtres le devoir de s'y convertir. Le message de Saint-Avold est simultanément une révélation et un acte d'autorité. Il ordonne et définit. C'est l'évêque qui parle en évêque et il parle en toute clarté. Il édicte la formulation indépassable, et à cet égard définitive, de la religion séculière qui à l'intérieur de l'Église combat la religion chrétienne.
Ses deux propositions principales ont entièrement dévoilé le visage jusqu'alors plus ou moins masqué de la nouvelle religion :
1) La transformation du monde (mutation de civilisation) enseigne et impose un changement dans la conception même du salut apporté par Jésus-Christ;
2) cette transformation nous révèle que la pensée de l'Église sur le dessein de Dieu était avant la présente mutation, insuffisamment évangélique.
Par ces deux affirmations. Mgr de Metz a énoncé les deux propositions nécessaires et suffisantes de la religion nouvelle. Luther avait affiché le 31 octobre 1517, sur la porte de la chapelle de Wittenberg, 95 propositions en trois cents lignes de texte latin. L'hérésie de Moselle, en septembre 1967, a résumé en dix lignes et deux propositions de langue française ce qui est l'hérésie même du XXe siècle.
[...]
Il fallait sans doute les charismes d'un évêque catholique, détournés de leur fonction mais toujours subsistants, pour arriver à énoncer l'anti-christianisme actuel dans sa formule la plus nette, la plus fondamentale, la plus universelle.
Saint-Avold (chef-lieu du canton du département de la Moselle, à 18 km de Forbach) est une corruption de saint Nabor : celui dont on fait mémoire le 12 juin et le 12 juillet. Soldat romain, compagnon de saint Nazaire, de saint Basilide et de saint Cyrin, il fut martyrisé sous Dioclétien, et saint Ambroise fit son panégyrique. Saint Nabor est à l'origine, mais phonétiquement seulement, de «saint Avold» qui n'eut sous ce nom aucune existence et aucune religion. «Saint Avold» étant le nom et le résultat d'une erreur, il convient donc très bien pour donner son patronage à la religion nouvelle de Mgr de Metz, qui est l'hérésie du XXe siècle.
Les deux première propositions de l'hérésie de Moselle n'ont pourtant aucun contenu positif. Elles sont en quelque sorte purement méthodologiques, et purement négatrices : elles ne disent pas en quoi consiste la religion nouvelle, elles disent seulement qu'il en faut une, imposée par le monde contemporain et par sa mutation. Elles annoncent un changement, sans dire lequel. Elles rejettent la religion catholique pré-existante comme inactuelle, puisque le monde change, et comme insuffisamment évangélique, puisque le monde l'a déclare telle.
Le monde reçoit la fonction magistérielle d'interpréter l'Évangile : en effet, l'insuffisance évangélique de la religion catholique pré-existante n'est pas aperçue en se tenant à l'écoute de l'Évangile reçu dans et par la tradition apostolique, mais en se tenant à l'écoute de la mutation du monde : «La foi écoute le monde» (Enseignement de Mgr de Metz, Bulletin officiel de l'évêché de Metz, numéro 134 du 1er septembre 1967, page 2).
Or, qu'enseignent de positif la mutation du monde et le magistère mondain ? Strictement rien dans l'ordre du péché, de la grâce et du salut : rien, sinon qu'il n'y en a point.
On gardera plus ou moins les mots eux-mêmes, pendant quelque temps sans doute, pour assurer la transition sous anesthésie : on en aura changé la conception même, c'est à dire qu'on les aura vidés de toute signification. On nommera encore la grâce, mais la grâce des temps nouveaux, tenez-vous bien, dans la doctrine de Metz, c'est la «socialisation», comme nous allons le voir tout à l'heure.
[...]
L'esprit et la situation de cette mutation religieuse sont analogues, voir identiques, à la situation et à l'esprit de la doctrine sociale de François Bloch-Lainé, dont la formule fameuse, relevée en son temps par Louis Salleron, proclamait le dessein de favoriser une évolution, sans prétendre en déterminer la fin. Si vous ne déterminez pas vous-même la fin de l'évolution que vous favorisez cependant, ne craignez rien, d'autres sauront la déterminer. Le gouvernail abandonné ne restera pas à l'abandon, il changera de main. Au vrai, c'est déjà fait.
La proposition 1) du message de Saint-Avold déclare :
La transformation du monde impose et enseigne un changement dans la conception même du salut apporté par Jésus-Christ.
Cette transformation, mater et magistra, c'est la socialisation, «fait inéluctable», que l'hérésie enseigne à tenir pour une grâce.
La proposition 2) déclare :
La pensée de l'Église, avant la présente mutation du monde, était insuffisamment évangélique.
Le supplément d'évangélisation qui manquait au christianisme, c'est la grâce de la socialisation qui nous en apporte la nouvelle Pentecôte.
«La foi écoute le monde», enseigne Mgr de Metz. Elle écoute la mutation du monde. Elle s'y soumet. Le monde lui enseigne [...] Le monde enseigne à la foi nouvelle les faits inéluctables du monde, et les faits inéluctables du monde sont la grâce nouvelle.
C'est plus fort que du Piasecki. Naturellement : nous sommes passés du niveau policier de Pax au niveau épiscopal de Metz. Mais sans solution de continuité.
Le nom du polonais Boleslaw Piasecki et celui de son officine Pax semblent aujourd'hui passablement oubliés. C'était, sous pavillon catholique, une agence policière soviétique de noyautage des mouvements chrétiens, notamment en France et notamment par la manipulation des organes de presse. Contre quoi nous avons mené une rude bataille, qui s'ouvrit le 1er janvier 1964 par la parution dans le numéro 79 d'Itinéraires d'une ample étude intitulée : «Le mouvement Pax en Pologne, en France et autour du concile». Le noyau dirigeant de l'épiscopat français voulu couvrir et défendre les complices français de Pax, parce que non sans raison, il se sentait lui-même compromis. La lourde et décisive culpabilité de José de Broucker fut publiquement démontrée sans qu'il soit aucunement disqualifié dans la presse catholique d'appellation contrôlée. Sur l'ensemble de l'affaire on consultera : L'affaire Pax en France, supplément de la revue Itinéraires, seconde édition, 200 pages, publié en décembre 1964 ( note de 1987)
Mgr de Metz enseigne :
«Dût notre bonne conscience en être troublée, il nous faut prendre en considération le reproche que nous font les marxistes. Les chrétiens, disent-ils, en dix-neuf siècles, n'ont pas réussi à mettre l'économie au service de l'homme et à répartir équitablement les biens de ce monde. L'exploitation de l'homme par l'homme est encore une tragique réalité en de nombreux secteurs du monde économique ... Il serait vain de répondre que les chr.étiens n'en sont pas les seuls responsables ou de rappeler la lutte séculaire de l'Église contre le prêt à intérêt.» (Bulletin officiel de l'évêché de Metz, numéro 125 du 1er mars 1967)
Comme si Jésus-Christ s'était incarné et comme si l'Église avait été fondée pour répartir équitablement les biens de ce monde. Comme si cela était la promesse de l'Évangile. Comme si le christianisme était ainsi pris en flagrant délit de n'avoir pas réalisé son but.
Après avoir présenté le reproche marxiste dans toute sa force, Mgr de Metz écarte la vaine réponse de l'Église, en ignorant sans doute que la réponse de l'Église n'est pas du tout celle-là. S'il l'ignore, bien sûr, il est incapable de l'enseigner (Mais ou donc est-on allé chercher de tels évêques ?) Il vit dans un univers mental ou les objections des marxistes sont formidables et ou les réponses (qu'il imagine) de l'Église sont faibles et vides. Avant de ravager les âmes de son clergé et de son peuple, il est lui-même ravagé, victime du collapsus doctrinal avant d'en devenir à son tour relais et fauteur.
Si l'on adoptait le même processus de pensée, on dirait semblablement qu'en dix-neuf siècles l'Église n'a pas encore "réussi" à rendre nos évêques infaillibles et indéfectibles. Et l'argument aurait exactement la même valeur, c'est à dire nulle : sauf sans doute dans l'univers mental conditionné, colonisé, démembré, finalement désertique et nu comme le dos de la main ou ces choses peuvent être proférés avec un semblant d'apparence de fantomatique existence.
Le châtiment de notre temps, c'est d'avoir à subir que le désert mental s'affirme forêt, champ et jardin, aux applaudissements unanimes de tout le barnum mondain. Ce désert, avec son vide ouvert à un emplissement marxiste, nous enseigne magistralement :
«Aucune époque que la nôtre n'a été en mesure de comprendre l'idéal évangélique de vie fraternelle» (Bulletin officiel de l'évêché de Metz, numéro 125 du 1er mars 1967)
En mesure de comprendre l'idéal évangélique : de comprendre. Il ne s'agit même pas de mesurer et d'estimer des réalisations pratiques. L'époque de saint François d'Assise n'était certainement pas en mesure de comprendre l'idéal évangélique de vie fraternelle autant que l'èpoque de Mgr de Metz. Ni l'époque de saint Benoît. Ni celle des premiers chrétiens. La mutation (proposition numéro 1 de Saint-Avold) n'était pas encore survenue. La révélation n'était pas achevée, puisque l'on n'était pas en mesure de comprendre autant qu'aujourd'hui, ou nous avons enfin la ressource de nous instruire dans le Bulletin diocésain de Metz. Il fallait que l'intelligence humaine ait eu le temps de progresser jusqu'à l'état ou l'établit sous nos yeux le prophète de Saint-Avold.
Nous n'en avons pas à la déficience personnelle d'un homme parmi d'autres, d'un évêque parmi d'autres. L'évêque de Metz s'appelle légion. Le service exceptionnel qu'il rend à l'Église est d'avoir énoncé les propositions nécessaires et suffisantes auxquelles s'articulent logiquement les divagations éparses de la religion nouvelle.
La conjonction de la religion nouvelle avec le communisme par le moyen de la grâce nouvelle (qui est le fait inéluctable de la socialisation) est sous-jacente à un grand nombre d'attitudes épiscopales et d'enseignements épiscopaux, d'une manière quasiment insaisissable. On peut néanmoins la saisir parfois au passage quand ils saluent dans le communisme l'apparition d'un système social moins éloigné de la morale de l'Évangile. C'est l'affirmation de seize évêques groupés pour l'occasion autour de Don Helder Camara, archevêque de Recife : leur message du 15 août 1967 nous est asséné et ressassé, pour notre édification, dans toute la presse dite catholique [...] Le communisme n'y est point nommé, et pourtant désigné sans erreur possible [...] il est revêtu du faux nom de "socialisme" dont il aime à se couvrir.
Je cite :
«L'Église depuis un siècle a toléré le capitalisme avec le prêt à intérêt légal et ses autres usages peu conformes à la morale des prophètes et de l'Évangile. Mais elle ne peut que se réjouir de voir apparaître dans l'humanité un autre système social moins éloigné de cette morale. Il appartiendra aux évêques de demain, selon l'invitation de Paul VI, «de reconduire à leurs vraies sources qui sont chrétiennes, ces courants de valeurs morales que sont la solidarité, la fraternité, la socialisation» (cf. Ecclesiam suam). Les chrétiens ont le devoir de montrer que le vrai socialisme, c'est le christianisme intégralement vécu dans le juste partage des bien et l'égalité fondamentale de tous ...»
(«Message de quelques évêques», dix-sept, dont le premier signataire est Helder Camara. Documentation catholiquedu 5 novembre 1967, col. 1902 - ce message a été à nouveau abondamment cité et recommandé, notamment dans les bulletins diocésains, à l'occasion de mai 1968)
Le vrai sens et le vrai but de l'incarnation de Jésus-Christ, c'est donc de réaliser au temporel le juste partage des biens et l'égalité fondamentale de tous.
«... le vrai socialisme, c'est le christianisme intégralement vécu, dans le juste partage des biens et l'égalité fondamentale de tous. Bien loin de le bouder, sachons y adhérer avec joie, comme à une forme de vie sociale mieux adaptée à notre temps et plus conforme à l'esprit de l'Évangile.»
Nous le disons : un tel tissus de confusions est indigne d'évêques catholiques. Mais surtout, c'est une trahison.
Je poursuis la lecture de Madiran.
Son ouvrage est absolument assassin pour l'épiscopat français en particulier; étant assuré que ce qu'il raconte chez ceux-là se retrouve également chez bien d'autres (Italie, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, etc.). L'ouvrage reste capital pour saisir l'enjeu de ce qui se passe dans l'Église catholique. En observant son analyse de 1968, il est proprement stupéfiant de constater à quel point aucune ligne de ce qu'il a pu écrire à l'époque ne se trouve à avoir vieillie au vu et au su de ce que nous pourrions tous voir, ressortant de déclarations ou de gestes du Vatican, de quantité d'évêques et même jusqu'au pape.
Celui qu'il appelle Mgr de Metz, c'est Paul-Joseph Schmitt (1911-1987) et qui fut évêque de Metz de 1958 à 1987. Cet évêque fut porté à la tête de la Conférence des évêques de France dès le lendemain du concile en 1966-1967.
C'est pourquoi Madiran le prend à témoin dans son ouvrage. Lui-même avait publiquement interpellé la totalité des évêques de France à l'époque et y compris l'évêque de Metz. Mais aucun ne se sera jamais donné la peine d'entrer en dialogue avec lui, ni n'auront accédé à l'une ou l'autre de ses requêtes. Des déclarations publiques de Mgr Scnmitt à Metz en 1967, Madiran dit qu'elles constituent à ce jour la meilleur profession de foi de ce qu'il appelle "la religion nouvelle de Saint-Avold"; un schisme en fait. Ici l'auteur n'emploie pas le mot «schisme» dans son livre. Mais en lisant on comprend bien qu'il ne saurait être question d'autre chose.
Mais je désir mettre quelques lignes pour que vous puissiez voir au moins de quoi il s'agit. Après, je devrais mettre des passages de son avant-propos qui constitue un survol historique, depuis le XIXe siècle, de ce que Madiran croit bien avoir été le fil rouge de toute l'affaire.
Extrait :
[quote] «... c'est à Saint-Avold que, pour la première fois à ma connaissance, au mois de septembre 1967, un évêque français parlant en qualité d'évêque et donnant officiellement à ses prêtres un enseignement magistral, a formulé comme évidentes et nécessaires les propositions dogmatiques de la nouvelle religion. C'est à Saint-Avold que, pour la première fois, en énonçant les principes de la religion nouvelle, un évêque français imposait à ses prêtres le devoir de s'y convertir. Le message de Saint-Avold est simultanément une révélation et un acte d'autorité. Il ordonne et définit. C'est l'évêque qui parle en évêque et il parle en toute clarté. Il édicte la formulation indépassable, et à cet égard définitive, de la religion séculière qui à l'intérieur de l'Église combat la religion chrétienne.
Ses deux propositions principales ont entièrement dévoilé le visage jusqu'alors plus ou moins masqué de la nouvelle religion :
1) La transformation du monde (mutation de civilisation) enseigne et impose un changement dans la conception même du salut apporté par Jésus-Christ;
2) cette transformation nous révèle que la pensée de l'Église sur le dessein de Dieu était avant la présente mutation, insuffisamment évangélique.
Par ces deux affirmations. Mgr de Metz a énoncé les deux propositions nécessaires et suffisantes de la religion nouvelle. Luther avait affiché le 31 octobre 1517, sur la porte de la chapelle de Wittenberg, 95 propositions en trois cents lignes de texte latin. L'hérésie de Moselle, en septembre 1967, a résumé en dix lignes et deux propositions de langue française ce qui est l'hérésie même du XXe siècle.
[...]
Il fallait sans doute les charismes d'un évêque catholique, détournés de leur fonction mais toujours subsistants, pour arriver à énoncer l'anti-christianisme actuel dans sa formule la plus nette, la plus fondamentale, la plus universelle.
Saint-Avold (chef-lieu du canton du département de la Moselle, à 18 km de Forbach) est une corruption de saint Nabor : celui dont on fait mémoire le 12 juin et le 12 juillet. Soldat romain, compagnon de saint Nazaire, de saint Basilide et de saint Cyrin, il fut martyrisé sous Dioclétien, et saint Ambroise fit son panégyrique. Saint Nabor est à l'origine, mais phonétiquement seulement, de «saint Avold» qui n'eut sous ce nom aucune existence et aucune religion. «Saint Avold» étant le nom et le résultat d'une erreur, il convient donc très bien pour donner son patronage à la religion nouvelle de Mgr de Metz, qui est l'hérésie du XXe siècle.
Les deux première propositions de l'hérésie de Moselle n'ont pourtant aucun contenu positif. Elles sont en quelque sorte purement méthodologiques, et purement négatrices : elles ne disent pas en quoi consiste la religion nouvelle, elles disent seulement qu'il en faut une, imposée par le monde contemporain et par sa mutation. Elles annoncent un changement, sans dire lequel. Elles rejettent la religion catholique pré-existante comme inactuelle, puisque le monde change, et comme insuffisamment évangélique, puisque le monde l'a déclare telle.
Le monde reçoit la fonction magistérielle d'interpréter l'Évangile : en effet, l'insuffisance évangélique de la religion catholique pré-existante n'est pas aperçue en se tenant à l'écoute de l'Évangile reçu dans et par la tradition apostolique, mais [i]en se tenant à l'écoute de la mutation du monde[/i] : «La foi écoute le monde» (Enseignement de Mgr de Metz, [i]Bulletin officiel de l'évêché de Metz[/i], numéro 134 du 1er septembre 1967, page 2).
Or, qu'enseignent de positif la mutation du monde et le magistère mondain ? Strictement rien dans l'ordre du péché, de la grâce et du salut : rien, sinon qu'il n'y en a point.
On gardera plus ou moins les mots eux-mêmes, pendant quelque temps sans doute, pour assurer la transition sous anesthésie : on en aura changé la conception même, c'est à dire qu'on les aura vidés de toute signification. On nommera encore la [i]grâce[/i], mais la [i]grâce[/i] des temps nouveaux, tenez-vous bien, dans la doctrine de Metz, c'est la «socialisation», comme nous allons le voir tout à l'heure.
[...]
L'esprit et la situation de cette mutation religieuse sont analogues, voir identiques, à la situation et à l'esprit de la doctrine sociale de François Bloch-Lainé, dont la formule fameuse, relevée en son temps par Louis Salleron, proclamait le dessein de [i]favoriser une évolution, sans prétendre en déterminer la fin[/i]. Si vous ne déterminez pas vous-même la fin de l'évolution que vous favorisez cependant, ne craignez rien, d'autres sauront la déterminer. Le gouvernail abandonné ne restera pas à l'abandon, il changera de main. Au vrai, c'est déjà fait.
La proposition 1) du message de Saint-Avold déclare :
[i]La transformation du monde impose et enseigne un changement dans la conception même du salut apporté par Jésus-Christ.
[/i]
Cette transformation, mater et magistra, c'est la socialisation, «fait inéluctable», que l'hérésie enseigne à tenir pour une grâce.
La proposition 2) déclare :
[i]La pensée de l'Église, avant la présente mutation du monde, était insuffisamment évangélique.
[/i]
Le supplément d'évangélisation qui manquait au christianisme, c'est la grâce de la socialisation qui nous en apporte la nouvelle Pentecôte.
«La foi écoute le monde», enseigne Mgr de Metz. Elle écoute la mutation du monde. Elle s'y soumet. Le monde lui enseigne [...] Le monde enseigne à la foi nouvelle les faits inéluctables du monde, et les faits inéluctables du monde sont la grâce nouvelle.
C'est plus fort que du Piasecki. Naturellement : nous sommes passés du niveau policier de Pax au niveau épiscopal de Metz. Mais sans solution de continuité.
Le nom du polonais Boleslaw Piasecki et celui de son officine [i]Pax[/i] semblent aujourd'hui passablement oubliés. C'était, sous pavillon catholique, une agence policière soviétique de noyautage des mouvements chrétiens, notamment en France et notamment par la manipulation des organes de presse. Contre quoi nous avons mené une rude bataille, qui s'ouvrit le 1er janvier 1964 par la parution dans le numéro 79 d'Itinéraires d'une ample étude intitulée : «Le mouvement Pax en Pologne, en France et autour du concile». Le noyau dirigeant de l'épiscopat français voulu couvrir et défendre les complices français de Pax, parce que non sans raison, il se sentait lui-même compromis. La lourde et décisive culpabilité de José de Broucker fut publiquement démontrée sans qu'il soit aucunement disqualifié dans la presse catholique d'appellation contrôlée. Sur l'ensemble de l'affaire on consultera : [i]L'affaire Pax en France[/i], supplément de la revue Itinéraires, seconde édition, 200 pages, publié en décembre 1964 ( note de 1987)
Mgr de Metz enseigne :
«Dût notre bonne conscience en être troublée, il nous faut prendre en considération le reproche que nous font les marxistes. Les chrétiens, disent-ils, en dix-neuf siècles, n'ont pas réussi à mettre l'économie au service de l'homme et à répartir équitablement les biens de ce monde. L'exploitation de l'homme par l'homme est encore une tragique réalité en de nombreux secteurs du monde économique ... Il serait vain de répondre que les chr.étiens n'en sont pas les seuls responsables ou de rappeler la lutte séculaire de l'Église contre le prêt à intérêt.» ([i]Bulletin officiel de l'évêché de Metz[/i], numéro 125 du 1er mars 1967)
Comme si Jésus-Christ s'était incarné et comme si l'Église avait été fondée pour répartir équitablement les biens de ce monde. Comme si cela était la promesse de l'Évangile. Comme si le christianisme était ainsi pris en flagrant délit de n'avoir pas réalisé son but.
Après avoir présenté le reproche marxiste dans toute sa force, Mgr de Metz écarte la [i]vaine[/i] réponse de l'Église, en ignorant sans doute que la réponse de l'Église n'est pas du tout celle-là. S'il l'ignore, bien sûr, il est incapable de l'enseigner (Mais ou donc est-on allé chercher de tels évêques ?) Il vit dans un univers mental ou les objections des marxistes sont formidables et ou les réponses (qu'il imagine) de l'Église sont faibles et vides. Avant de ravager les âmes de son clergé et de son peuple, il est lui-même ravagé, victime du collapsus doctrinal avant d'en devenir à son tour relais et fauteur.
Si l'on adoptait le même processus de pensée, on dirait semblablement qu'en dix-neuf siècles l'Église n'a pas encore "réussi" à rendre nos évêques infaillibles et indéfectibles. Et l'argument aurait exactement la même valeur, c'est à dire nulle : sauf sans doute dans l'univers mental conditionné, colonisé, démembré, finalement désertique et nu comme le dos de la main ou ces choses peuvent être proférés avec un semblant d'apparence de fantomatique existence.
Le châtiment de notre temps, c'est d'avoir à subir que le désert mental s'affirme forêt, champ et jardin, aux applaudissements unanimes de tout le barnum mondain. Ce désert, avec son vide ouvert à un emplissement marxiste, nous enseigne magistralement :
«Aucune époque que la nôtre n'a été en mesure de comprendre l'idéal évangélique de vie fraternelle» ([i]Bulletin officiel de l'évêché de Metz[/i], numéro 125 du 1er mars 1967)
En mesure de comprendre l'idéal évangélique : [i]de comprendre[/i]. Il ne s'agit même pas de mesurer et d'estimer des réalisations pratiques. L'époque de saint François d'Assise n'était certainement pas en mesure de comprendre l'idéal évangélique de vie fraternelle autant que l'èpoque de Mgr de Metz. Ni l'époque de saint Benoît. Ni celle des premiers chrétiens. La mutation (proposition numéro 1 de Saint-Avold) n'était pas encore survenue. La révélation n'était pas achevée, puisque l'on n'était pas en mesure de comprendre autant qu'aujourd'hui, ou nous avons enfin la ressource de nous instruire dans le Bulletin diocésain de Metz. Il fallait que l'intelligence humaine ait eu le temps de progresser jusqu'à l'état ou l'établit sous nos yeux le prophète de Saint-Avold.
Nous n'en avons pas à la déficience personnelle d'un homme parmi d'autres, d'un évêque parmi d'autres. L'évêque de Metz s'appelle légion. Le service exceptionnel qu'il rend à l'Église est d'avoir énoncé les propositions nécessaires et suffisantes auxquelles s'articulent logiquement les divagations éparses de la religion nouvelle.
La conjonction de la religion nouvelle avec le communisme par le moyen de la grâce nouvelle (qui est le fait inéluctable de la socialisation) est sous-jacente à un grand nombre d'attitudes épiscopales et d'enseignements épiscopaux, d'une manière quasiment insaisissable. On peut néanmoins la saisir parfois au passage quand ils saluent dans le communisme l'apparition d'un système social moins éloigné de la morale de l'Évangile. C'est l'affirmation de seize évêques groupés pour l'occasion autour de Don Helder Camara, archevêque de Recife : leur message du 15 août 1967 nous est asséné et ressassé, pour notre édification, dans toute la presse dite catholique [...] Le communisme n'y est point nommé, et pourtant désigné sans erreur possible [...] il est revêtu du faux nom de "socialisme" dont il aime à se couvrir.
Je cite :
«L'Église depuis un siècle a toléré le capitalisme avec le prêt à intérêt légal et ses autres usages peu conformes à la morale des prophètes et de l'Évangile. Mais elle ne peut que se réjouir de voir apparaître dans l'humanité un autre système social moins éloigné de cette morale. Il appartiendra aux évêques de demain, selon l'invitation de Paul VI, «de reconduire à leurs vraies sources qui sont chrétiennes, ces courants de valeurs morales que sont la solidarité, la fraternité, la socialisation» (cf. Ecclesiam suam). Les chrétiens ont le devoir de montrer que le vrai socialisme, c'est le christianisme intégralement vécu dans le juste partage des bien et l'égalité fondamentale de tous ...»
(«Message de quelques évêques», dix-sept, dont le premier signataire est Helder Camara. [i]Documentation catholique[/i]du 5 novembre 1967, col. 1902 - ce message a été à nouveau abondamment cité et recommandé, notamment dans les bulletins diocésains, à l'occasion de mai 1968)
Le vrai sens et le vrai but de l'incarnation de Jésus-Christ, c'est donc de réaliser au [i]temporel[/i] le juste partage des biens et l'égalité fondamentale de tous.
«... le vrai socialisme, c'est le christianisme intégralement vécu, dans le juste partage des biens et l'égalité fondamentale de tous. Bien loin de le bouder, sachons y adhérer avec joie, comme à une forme de vie sociale mieux adaptée à notre temps et plus conforme à l'esprit de l'Évangile.»
Nous le disons : un tel tissus de confusions est indigne d'évêques catholiques. Mais surtout, c'est une trahison. [/quote]