par Christian » jeu. 12 mai 2005, 8:14
[align=justify]Bonjour VexillumRegis,
Je reviens par-dessus les dernières interventions à vos trois citations importantes:
"Où la raison est égale, il faut que le sort décide. L'obligation de s'entr'aimer est égale dans tous les hommes et pour tous les hommes. Mais comme on ne peut également les servir tous, on doit s'attacher principalement à servir ceux que les lieux, les temps et les autres rencontres semblables nous unissent d'une façon particulière comme une espèce de sort" (S. Augustin, De Doct. Christ., I, 28).
« Ceux auxquels les lieux, les temps et les autres rencontres semblables nous unissent d’une façon particulière » ne sont pas nécessairement nos compatriotes. Dans un monde qu’unifient les communications et les séjours à l’étranger, nous nouons des liens bien au-delà des frontières. Je suis français, résident à l’étranger ; ma femme est colombienne, mais sa mère brésilienne ; ma fille et mon gendre ont pris la nationalité suisse ; mon beau-frère est égyptien, etc. Le grand progrès moral que nous avons accompli depuis 200 ans est de ne plus tenir compte de la naissance, mais des qualités d’une personne, pour s’engager dans un mariage, une relation d’affaire ou l’attribution d’un poste. Fini le temps où un noble n’épousait pas une roturière, même s’ils s’aimaient ; ou un duc commandait un régiment, même s’il ne savait pas calculer la trajectoire d’un obus. Fini le temps où il faut « acheter français ».
Cela dit, chacun est libre d’acheter français, même un produit plus cher et plus moche. Libre aussi d’acheter un produit du commerce équitable. Le marché — c’est sa fonction — fait reculer le domaine de la contrainte policière pour laisser la place à l’autorité librement consentie, chère à Charles, et à la morale.
"La propriété privée ou un certain pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun une zone indispensable d'autonomie personnelle et familiale; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine. De par sa nature même, la propriété privée a aussi un caractère social, fondé dans la loi de commune destination des biens" (GS, n. 71). (Centesimus Annus, § 30)
Effectivement, il est dans la nature de la propriété privée, surtout celle des moyens de production, d’avoir un caractère social. Une entreprise est un nœud de contrats entre actionnaires, banquiers, fournisseurs, employés, clients… Et la destination commune des biens est au programme. Je ne connais pas un entrepreneur qui ne rêve de destiner ses biens à l’humanité toute entière.
Et si l’humanité, justement, jouit de quelques biens, du pain sur la table et des chaussures aux pieds, un tracteur dans le champ plutôt qu’une houe, elle le doit aux entrepreneurs, certes pas aux politiciens, aux soldats, aux prêtres, et aux intellectuels.
(Preuve a contrario : les humiliantes queues de la faim devant les magasins dépourvus et les camions de vivres des ONG, dans les pays où l’on révère les politiciens et les militaires, les intellectuels, et même les prêtres, mais pas les entrepreneurs).
"L'homme, dans l'usage qu'il fait de ses biens, ne doit jamais tenir les choses qu'il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes, en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres"
Cette injonction est tellement vraie dans une économie de marché qu’elle en est tautologique. Personne ne peut profiter sur un marché libre sans que d’autres, ses fournisseurs, ses employés, ses clients, profitent aussi. C’est bien pourquoi il est tellement difficile de gagner de l’argent. Alors nos industriels, agriculteurs, fonctionnaires, préfèrent demander à l’Etat des subventions, des protections douanières, des quotas, pour être seuls à profiter aux dépens du contribuable ou d’une clientèle captive.
Vive
Sollicitudo Rei Socialis et
Centesimus Annus !
Cordialement
Christian[/align]
[align=justify]Bonjour VexillumRegis,
Je reviens par-dessus les dernières interventions à vos trois citations importantes:
[quote]"Où la raison est égale, il faut que le sort décide. L'obligation de s'entr'aimer est égale dans tous les hommes et pour tous les hommes. Mais comme on ne peut également les servir tous, on doit s'attacher principalement à servir ceux que les lieux, les temps et les autres rencontres semblables nous unissent d'une façon particulière comme une espèce de sort" (S. Augustin, De Doct. Christ., I, 28). [/quote]
« Ceux auxquels les lieux, les temps et les autres rencontres semblables nous unissent d’une façon particulière » ne sont pas nécessairement nos compatriotes. Dans un monde qu’unifient les communications et les séjours à l’étranger, nous nouons des liens bien au-delà des frontières. Je suis français, résident à l’étranger ; ma femme est colombienne, mais sa mère brésilienne ; ma fille et mon gendre ont pris la nationalité suisse ; mon beau-frère est égyptien, etc. Le grand progrès moral que nous avons accompli depuis 200 ans est de ne plus tenir compte de la naissance, mais des qualités d’une personne, pour s’engager dans un mariage, une relation d’affaire ou l’attribution d’un poste. Fini le temps où un noble n’épousait pas une roturière, même s’ils s’aimaient ; ou un duc commandait un régiment, même s’il ne savait pas calculer la trajectoire d’un obus. Fini le temps où il faut « acheter français ».
Cela dit, chacun est libre d’acheter français, même un produit plus cher et plus moche. Libre aussi d’acheter un produit du commerce équitable. Le marché — c’est sa fonction — fait reculer le domaine de la contrainte policière pour laisser la place à l’autorité librement consentie, chère à Charles, et à la morale.
[quote]"La propriété privée ou un certain pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun une zone indispensable d'autonomie personnelle et familiale; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine. De par sa nature même, la propriété privée a aussi un caractère social, fondé dans la loi de commune destination des biens" (GS, n. 71). (Centesimus Annus, § 30)[/quote]
Effectivement, il est dans la nature de la propriété privée, surtout celle des moyens de production, d’avoir un caractère social. Une entreprise est un nœud de contrats entre actionnaires, banquiers, fournisseurs, employés, clients… Et la destination commune des biens est au programme. Je ne connais pas un entrepreneur qui ne rêve de destiner ses biens à l’humanité toute entière.
Et si l’humanité, justement, jouit de quelques biens, du pain sur la table et des chaussures aux pieds, un tracteur dans le champ plutôt qu’une houe, elle le doit aux entrepreneurs, certes pas aux politiciens, aux soldats, aux prêtres, et aux intellectuels.
(Preuve a contrario : les humiliantes queues de la faim devant les magasins dépourvus et les camions de vivres des ONG, dans les pays où l’on révère les politiciens et les militaires, les intellectuels, et même les prêtres, mais pas les entrepreneurs).
[quote]"L'homme, dans l'usage qu'il fait de ses biens, ne doit jamais tenir les choses qu'il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes, en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres"[/quote]
Cette injonction est tellement vraie dans une économie de marché qu’elle en est tautologique. Personne ne peut profiter sur un marché libre sans que d’autres, ses fournisseurs, ses employés, ses clients, profitent aussi. C’est bien pourquoi il est tellement difficile de gagner de l’argent. Alors nos industriels, agriculteurs, fonctionnaires, préfèrent demander à l’Etat des subventions, des protections douanières, des quotas, pour être seuls à profiter aux dépens du contribuable ou d’une clientèle captive.
Vive [i]Sollicitudo Rei Socialis[/i] et [i]Centesimus Annus[/i] !
Cordialement
Christian[/align]