. Mais il y a là, je crois, une mauvaise compréhension de ce que dit l'Église, tant sur le plan de la charité que dans son application à la sexualité ; je reprendrais le parallèle avec la charité pour illustrer cela :
> Concernant la difficulté :
Étant pétris de défauts, de faiblesses, et limités, il nous semble de toute façon quasi impossible d'aimer notre prochain en tout temps et en tout lieu, en acte, en pensée et en paroles. Nous savons que cela nous sera difficile.
Doit-on pour autant se résigner à laisser tomber l'exigence de charité ? Doit-on pour autant réserver l'exercice de la charité aux quelques moments de la semaine où nous nous sentirions suffisamment reposés pour cela, et vivre le reste du temps en automates ?
Il me semble que non. J'espère que vous serez d'accord pour dire que l'exigence de charité, ce n'est pas du tout l'exigence d'être instantanément et perpétuellement parfaits en tous points,
mais l'exigence de faire à chaque instant de notre mieux dans le sens de la charité.
Si je ne me sens pas dans un état d'esprit favorable à la tenue de paroles charitables, que ferai-je alors ? Est-ce que je dois me dire "tant pis, je vais médire et être désagréable, je serais charitable une autre fois", ou bien est-ce que je dois me taire ? Il me semble qu'alors je peux me taire, éviter une parole blessante - je n'aurais alors pas sauté au cou de mon prochain ni fait montre d'un amour débordant à son égard, mais cela aura tout de même été un petit acte de charité bien réel.
Le fait que nous soyons faibles, que nous aurons du mal à vivre pleinement la charité, n'implique pas du tout que nous devions y renoncer la plupart du temps et n'y repenser que de temps à autre.
> Concernant la déception :
Je reprends l'exemple de la charité et de l'amour du prochain : que penser de celui qui refuserait de s'efforcer à pratiquer la charité sous prétexte que, se sachant faible, il prévoit qu'il n'y arrivera pas toujours, qu'il sera donc déçu dans certaines de ses tentatives, que cette déception risque de le blesser, et qu'il vaut mieux alors ne même pas essayer ?
Sinon qu'il fait preuve ici d'orgueil.
Et voui : ne pas essayer pour ne pas se retrouver face à ses propres limites, c'est de l'orgueil.
...Avec cependant une possible composante purement psychologique sans connotation morale :
le perfectionnisme. Une personne peut effectivement éprouver des angoisses à la seule idée d'essayer tel ou tel projet ou acte ou défi, car la moindre légère imperfection par rapport au but visé la plonge dans une totale dépréciation d'elle-même ;
mais ça, c'est pathologique, et ça se soigne - ça n'a pas à être encouragé ! Sinon cela revient à enfermer la personne un peu plus dans son perfectionnisme handicapant, simplement parce qu'on a voulu lui éviter une expérience difficile ;
or, le traitement de telles angoisses... passe justement par une exposition (mesurée et progressive) à l'échec générateur des angoisses.
La déception n'est pas une raison pour ne pas essayer : sinon, là encore, on n'essayerait jamais d'aimer notre prochain, sachant très bien qu'il y aura plein de fois où nous échouerons à cause de tous nos petits défauts.
Mais c'est justement en faisant des efforts dans le sens de la charité, que nos défauts peuvent s'amenuiser peu à peu ; sinon, ils ne diminuent jamais, et c'est une situation sans issue :
je n'essaye pas parce que je vais rater, à cause de mes défauts... mais tant que je ne m'y efforce pas, mes défauts demeurent et s'aggravent.
C'est comme refuser de se jeter à l'eau au motif qu'on n'arrivera pas d'emblée et immédiatement à nager parfaitement.
> Concernant la vision "mystique" :
En fait je crois qu'il y a surtout une incompréhension sur la vision de la sexualité par l'Église, comme il y a une incompréhension sur ce qu'on entend par "sainteté" ou "charité" :
Quand on s'imagine la vie de charité et la sainteté, on pense qu'il s'agit de sauter au cou des lépreux pour les embrasser, de passer toute sa vie à panser des malades en Inde, de mourir en sauvant un train de réfugiés... On s'imagine cela, et alors, forcément, soit on se décourage et on se résigne à ne même pas essayer, découragé par l'ampleur de la tâche,
soit on espère en être capable le jour venu mais pour le moment, en l'absence d'occasions d'exploits équivalents, on se contente de vivre sa vie sans voir le rapport entre vie quotidienne et sainteté.
Or, la charité, la sainteté, c'est d'abord très précisément ce que vous écriviez, Lulita :
une joie simple de tous les jours.
S'abstenir d'une parole désobligeante et inutile, fermer les yeux sur un défaut sans importance mais exaspérant, rater son émission télé ou radio favorite pour passer un peu plus de temps à aider un enfant à comprendre une leçon, laisser de côté un moment de repos ou de loisir pour écouter une amie ou une épouse,
c'est cela, la charité. La charité quotidienne.
Et les saints exemplaires ne sont parvenus aux exploits que l'on nous décrit qu'en commençant ainsi, simplement (et par la grâce de Dieu, aussi, de toute façon).
Mieux, même : ils ne sont parvenus à ces actes d'amour éclatants et exemplaires que parce qu'ils n'ont d'abord recherché que la charité simple et toute bête de tous les jours. Ils n'avaient pas en tête de grands exploits éclatants, mais ils se sont efforcé de pratiquer la charité simple, quotidienne, là où Dieu les avait mis, là où il leur était donné de la pratiquer.
De la même façon, ici, s'agissant de sexualité :
Je ne sais pas ce que vous vous imaginez lorsque vous parlez d'union sexuelle mystique, mais il ne s'agit pas d'atteindre une extase tantrique, un sentiment de plénitude ultime, un déferlement de sensations mystiques époustouflantes.
L'union réelle, vraie, réussie, des époux, ça peut être en toutes circonstances et sans sensations vraiment différentes de celles de la vie de tous les jours.
Il ne s'agit pas d'un but à atteindre, d'un état physique à obtenir,
il s'agit d'un état d'esprit à entretenir en soi et entre soi, d'un certain regard à cultiver, d'une amitié, en fait.
Nul besoin d'aller imaginer des extases compliquées ; c'est en fait tout simple ; mais pas toujours évident.
Par contre, si on se rend compte ne pas être dans cet état d'esprit, alors il vaut mieux momentanément s'abstenir d'union physique - attendre d'être mieux disposé, prendre le temps intérieurement de se tourner hors de soi, vers l'autre, se dépouiller de toute attente ou visée physique ou personnelle, et que l'autre ait fait de même.
C'est tout con, hein. ça n'a en fait rien d'un idéal mystique lointain réservé à quelques esthètes après des années de méditation zen.
Sur ce sujet, on ne pourra que vivement conseiller la lecture de :
"Aimer en actes et en vérité", d'Alphonse d'Heilly
. Mais il y a là, je crois, une mauvaise compréhension de ce que dit l'Église, tant sur le plan de la charité que dans son application à la sexualité ; je reprendrais le parallèle avec la charité pour illustrer cela :
[u]> Concernant la difficulté :[/u]
Étant pétris de défauts, de faiblesses, et limités, il nous semble de toute façon quasi impossible d'aimer notre prochain en tout temps et en tout lieu, en acte, en pensée et en paroles. Nous savons que cela nous sera difficile.
Doit-on pour autant se résigner à laisser tomber l'exigence de charité ? Doit-on pour autant réserver l'exercice de la charité aux quelques moments de la semaine où nous nous sentirions suffisamment reposés pour cela, et vivre le reste du temps en automates ?
Il me semble que non. J'espère que vous serez d'accord pour dire que l'exigence de charité, ce n'est pas du tout l'exigence d'être instantanément et perpétuellement parfaits en tous points,
mais l'exigence de faire à chaque instant de notre mieux dans le sens de la charité.
Si je ne me sens pas dans un état d'esprit favorable à la tenue de paroles charitables, que ferai-je alors ? Est-ce que je dois me dire "tant pis, je vais médire et être désagréable, je serais charitable une autre fois", ou bien est-ce que je dois me taire ? Il me semble qu'alors je peux me taire, éviter une parole blessante - je n'aurais alors pas sauté au cou de mon prochain ni fait montre d'un amour débordant à son égard, mais cela aura tout de même été un petit acte de charité bien réel.
[b]Le fait que nous soyons faibles, que nous aurons du mal à vivre pleinement la charité, n'implique pas du tout que nous devions y renoncer la plupart du temps et n'y repenser que de temps à autre.[/b]
[u]> Concernant la déception :[/u]
Je reprends l'exemple de la charité et de l'amour du prochain : que penser de celui qui refuserait de s'efforcer à pratiquer la charité sous prétexte que, se sachant faible, il prévoit qu'il n'y arrivera pas toujours, qu'il sera donc déçu dans certaines de ses tentatives, que cette déception risque de le blesser, et qu'il vaut mieux alors ne même pas essayer ?
Sinon qu'il fait preuve ici d'orgueil.
Et voui : ne pas essayer pour ne pas se retrouver face à ses propres limites, c'est de l'orgueil.
...Avec cependant une possible composante purement psychologique sans connotation morale : [b]le perfectionnisme[/b]. Une personne peut effectivement éprouver des angoisses à la seule idée d'essayer tel ou tel projet ou acte ou défi, car la moindre légère imperfection par rapport au but visé la plonge dans une totale dépréciation d'elle-même ;
mais ça, c'est pathologique, et ça se soigne - ça n'a pas à être encouragé ! Sinon cela revient à enfermer la personne un peu plus dans son perfectionnisme handicapant, simplement parce qu'on a voulu lui éviter une expérience difficile ;
or, le traitement de telles angoisses... passe justement par une exposition (mesurée et progressive) à l'échec générateur des angoisses.
La déception n'est pas une raison pour ne pas essayer : sinon, là encore, on n'essayerait jamais d'aimer notre prochain, sachant très bien qu'il y aura plein de fois où nous échouerons à cause de tous nos petits défauts.
Mais c'est justement en faisant des efforts dans le sens de la charité, que nos défauts peuvent s'amenuiser peu à peu ; sinon, ils ne diminuent jamais, et c'est une situation sans issue :
je n'essaye pas parce que je vais rater, à cause de mes défauts... mais tant que je ne m'y efforce pas, mes défauts demeurent et s'aggravent.
[b]C'est comme refuser de se jeter à l'eau au motif qu'on n'arrivera pas d'emblée et immédiatement à nager parfaitement.[/b]
[u]> Concernant la vision "mystique" :[/u]
En fait je crois qu'il y a surtout une incompréhension sur la vision de la sexualité par l'Église, comme il y a une incompréhension sur ce qu'on entend par "sainteté" ou "charité" :
Quand on s'imagine la vie de charité et la sainteté, on pense qu'il s'agit de sauter au cou des lépreux pour les embrasser, de passer toute sa vie à panser des malades en Inde, de mourir en sauvant un train de réfugiés... On s'imagine cela, et alors, forcément, soit on se décourage et on se résigne à ne même pas essayer, découragé par l'ampleur de la tâche,
soit on espère en être capable le jour venu mais pour le moment, en l'absence d'occasions d'exploits équivalents, on se contente de vivre sa vie sans voir le rapport entre vie quotidienne et sainteté.
Or, la charité, la sainteté, c'est d'abord très précisément ce que vous écriviez, Lulita : [i]une joie simple de tous les jours.[/i]
S'abstenir d'une parole désobligeante et inutile, fermer les yeux sur un défaut sans importance mais exaspérant, rater son émission télé ou radio favorite pour passer un peu plus de temps à aider un enfant à comprendre une leçon, laisser de côté un moment de repos ou de loisir pour écouter une amie ou une épouse,
[b]c'est cela, la charité.[/b] La charité quotidienne.
Et les saints exemplaires ne sont parvenus aux exploits que l'on nous décrit qu'en commençant ainsi, simplement (et par la grâce de Dieu, aussi, de toute façon).
Mieux, même : ils ne sont parvenus à ces actes d'amour éclatants et exemplaires que parce qu'ils n'ont d'abord recherché que la charité simple et toute bête de tous les jours. Ils n'avaient pas en tête de grands exploits éclatants, mais ils se sont efforcé de pratiquer la charité simple, quotidienne, là où Dieu les avait mis, là où il leur était donné de la pratiquer.
De la même façon, ici, s'agissant de sexualité :
Je ne sais pas ce que vous vous imaginez lorsque vous parlez d'union sexuelle mystique, mais il ne s'agit pas d'atteindre une extase tantrique, un sentiment de plénitude ultime, un déferlement de sensations mystiques époustouflantes.
L'union réelle, vraie, réussie, des époux, ça peut être en toutes circonstances et sans sensations vraiment différentes de celles de la vie de tous les jours.
[b]Il ne s'agit pas d'un but à atteindre, d'un état physique à obtenir,
il s'agit d'un état d'esprit à entretenir en soi et entre soi[/b], d'un certain regard à cultiver, d'une amitié, en fait.
Nul besoin d'aller imaginer des extases compliquées ; c'est en fait tout simple ; mais pas toujours évident.
Par contre, si on se rend compte ne pas être dans cet état d'esprit, alors il vaut mieux momentanément s'abstenir d'union physique - attendre d'être mieux disposé, prendre le temps intérieurement de se tourner hors de soi, vers l'autre, se dépouiller de toute attente ou visée physique ou personnelle, et que l'autre ait fait de même.
C'est tout con, hein. ça n'a en fait rien d'un idéal mystique lointain réservé à quelques esthètes après des années de méditation zen. :D
Sur ce sujet, on ne pourra que vivement conseiller la lecture de :
[b]"[i]Aimer en actes et en vérité[/i]", d'Alphonse d'Heilly[/b]