par MB » mar. 28 avr. 2009, 1:38
Charles a écrit :Christian a écrit :
Il n’y a d’héritage que celui que nous acceptons, chacun pour soi. Sinon ce n’est plus un héritage, mais un boulet.
Eh oui, ces boulets que sont le catholicisme, Versailles, Notre-Dame, Proust, Racine, Corneille, Bach, Platon, Aristote... l'ennui que d'avoir à hériter de choses qui nous dépassent. Chacun pour soi, on est vraiment mieux. Chacun pour soi, bien au chaud-chaud dans son égoïsme et sa médiocrité. Par exemple, moi, je n'accepte pas d'hériter de la Phèdre de Racine, écrite dans une langue morte, traitant des problèmes de gens qu'on n'a vu nulle part... quel effort, quel poids à porter ! Chacun pour soi, c'est bien mieux. S'il y en a deux ou trois qu'intéressent les siècles de civilisation de nos ancêtres, qu'ils s'en occupent, mais qu'on ne me demande pas d'accepter avec eux cet héritage trop pesant. Ma mesure à moi, c'est une mesure humble, c'est chacun pour soi ; peut-être est-elle mesquine, peut-être est-elle celle d'une loge de concierge, oui mais c'est la mienne, et cette mesure n'admet pas, n'accepte pas la grandeur du catholicisme ou de Versailles. Je ne vais quand même pas me prendre la tête avec des valeurs aristocratiques du passé, un habit trop grand pour moi ! La seule chose je demande, c'est qu'on ne me moleste pas, qu'on m'évite tout ce qui fait mal, et en dehors de ça, chacun fait ce qui lui plaît, chacun pour soi. J'ai le droit d'être mesquin, étriqué, d'avoir accepté l'héritage des mes ancêtres épiciers, personne ne peut me nier ce droit. Donc, je n'accepte pas l'héritage qui me demande le moindre effort, je n'accepte rien qui dépasse les dimensions si humaines du "chacun pour soi" (autrement, ça devient un boulet). Nous sommes merveilleusement d'accord.
Avé Charles
Dis donc, ça ne te dirait pas d'arrêter les attaques personnelles ? Là, ça me fatigue, d'autant que Christian a assez montré ses finesses culturelles, et l'acceptation par lui-même de ce "boulet", pour qu'on puisse soupçonner chez lui la médiocrité que tu dénonces. Je peux y aller, moi aussi, de ces raccourcis : est-ce être "épicier" que de préférer la prospérité à la misère, la liberté à la tyrannie, la possibilité de dire le vrai à l'obligation de dire le faux, la paix à la guerre ? Oui, remarque, dire tout cela devant un trotskiste, c'est être un "petit-bourgeois".
Plus sérieusement : même si je ne suis pas d'accord avec la notion de "boulet" (et que, dans le fond ici, c'est plutôt toi que je suivrais) je reconnais qu'on ne peut se contenter d'en appeler à nos valeur culturelles pour défendre le dimanche. Le "boulet", c'est quand on
impose la culture : or si nous, nous le faisons, finalement, un souverain wahabite pourra très bien - il le fait magnifiquement, du reste - imposer des attitudes "culturelles" spécifiques à ses sujets. Si le culturalisme était en lui seul une attitude légitime, alors les Hindous seraient habilités à rejeter en bloc les chrétiens qui peuplent le sous-continent. Ou bien, telle jeune musulmane néerlandaise d'origine pakistanaise peut se faire balancer de l'acide au visage si elle cause avec un chrétien : c'est dans sa culture, n'est-ce pas ? Je n'invente rien, il y a des gens qui disent ça. Dire "le dimanche c'est sacré par ce que c'est notre culture", c'est un argument du même acabit, certes en plus soft.
Je vois bien les impasses qu'il y a dans ce raisonnement ; je répète simplement le fond de ma pensée : l'argument culturaliste a des limites ; il ne faut pas en abuser.
On pourrait au contraire - et, cher Christian, je ne crois pas être illibéral en disant cela - mettre la réforme du dimanche de côté, pour des raisons de bon sens. Il se trouve que la législation économique française prise au sens le plus large, du fait de sa haine du libéralisme, est défavorable à la création de nouvelles entreprises : or ce sont elles qui créent les emplois, renouvellent le marché du travail, et permettent à l'employé de faire un bras d'honneur à son employeur en leur donnant la possibilité de les rejoindre. Bref, dans la situation actuelle, l'édifice social, législatif, fiscal français est abusivement favorable aux employeurs déjà en place ; il crée, pour eux, des rentes légales aux dépens de leurs employés. Ceux-ci savent qu'ils auront du mal à retrouver un emploi, puisqu'on décourage le travail de ceux qui pourraient leur en fournir. C'est donc effectivement le patron en place qui dispose des moyens de pression (en tout cas plus que chez vous, à Londres), et non l'employé qui est en situation de refuser.
Dans cette situation, permettre le travail du dimanche, c'est effectivement affaiblir la position de nombre d'employés qui ne peuvent refuser les demandes de leur employeur allant dans ce sens. Ce serait augmenter des privilèges patronaux indus. Il me paraîtrait donc bien plus judicieux de fluidifier d'abord la création et l'action des entreprises en modifiant les cadres législatifs, que de s'occuper de ce sujet-là.
Amicalement
MB
[quote="Charles"][quote="Christian"]
Il n’y a d’héritage que celui que nous acceptons, chacun pour soi. Sinon ce n’est plus un héritage, mais un boulet.[/quote]
Eh oui, ces boulets que sont le catholicisme, Versailles, Notre-Dame, Proust, Racine, Corneille, Bach, Platon, Aristote... l'ennui que d'avoir à hériter de choses qui nous dépassent. Chacun pour soi, on est vraiment mieux. Chacun pour soi, bien au chaud-chaud dans son égoïsme et sa médiocrité. Par exemple, moi, je n'accepte pas d'hériter de la Phèdre de Racine, écrite dans une langue morte, traitant des problèmes de gens qu'on n'a vu nulle part... quel effort, quel poids à porter ! Chacun pour soi, c'est bien mieux. S'il y en a deux ou trois qu'intéressent les siècles de civilisation de nos ancêtres, qu'ils s'en occupent, mais qu'on ne me demande pas d'accepter avec eux cet héritage trop pesant. Ma mesure à moi, c'est une mesure humble, c'est chacun pour soi ; peut-être est-elle mesquine, peut-être est-elle celle d'une loge de concierge, oui mais c'est la mienne, et cette mesure n'admet pas, n'accepte pas la grandeur du catholicisme ou de Versailles. Je ne vais quand même pas me prendre la tête avec des valeurs aristocratiques du passé, un habit trop grand pour moi ! La seule chose je demande, c'est qu'on ne me moleste pas, qu'on m'évite tout ce qui fait mal, et en dehors de ça, chacun fait ce qui lui plaît, chacun pour soi. J'ai le droit d'être mesquin, étriqué, d'avoir accepté l'héritage des mes ancêtres épiciers, personne ne peut me nier ce droit. Donc, je n'accepte pas l'héritage qui me demande le moindre effort, je n'accepte rien qui dépasse les dimensions si humaines du "chacun pour soi" (autrement, ça devient un boulet). Nous sommes merveilleusement d'accord.[/quote]
Avé Charles
Dis donc, ça ne te dirait pas d'arrêter les attaques personnelles ? Là, ça me fatigue, d'autant que Christian a assez montré ses finesses culturelles, et l'acceptation par lui-même de ce "boulet", pour qu'on puisse soupçonner chez lui la médiocrité que tu dénonces. Je peux y aller, moi aussi, de ces raccourcis : est-ce être "épicier" que de préférer la prospérité à la misère, la liberté à la tyrannie, la possibilité de dire le vrai à l'obligation de dire le faux, la paix à la guerre ? Oui, remarque, dire tout cela devant un trotskiste, c'est être un "petit-bourgeois".
Plus sérieusement : même si je ne suis pas d'accord avec la notion de "boulet" (et que, dans le fond ici, c'est plutôt toi que je suivrais) je reconnais qu'on ne peut se contenter d'en appeler à nos valeur culturelles pour défendre le dimanche. Le "boulet", c'est quand on [i]impose [/i]la culture : or si nous, nous le faisons, finalement, un souverain wahabite pourra très bien - il le fait magnifiquement, du reste - imposer des attitudes "culturelles" spécifiques à ses sujets. Si le culturalisme était en lui seul une attitude légitime, alors les Hindous seraient habilités à rejeter en bloc les chrétiens qui peuplent le sous-continent. Ou bien, telle jeune musulmane néerlandaise d'origine pakistanaise peut se faire balancer de l'acide au visage si elle cause avec un chrétien : c'est dans sa culture, n'est-ce pas ? Je n'invente rien, il y a des gens qui disent ça. Dire "le dimanche c'est sacré par ce que c'est notre culture", c'est un argument du même acabit, certes en plus soft.
Je vois bien les impasses qu'il y a dans ce raisonnement ; je répète simplement le fond de ma pensée : l'argument culturaliste a des limites ; il ne faut pas en abuser.
On pourrait au contraire - et, cher Christian, je ne crois pas être illibéral en disant cela - mettre la réforme du dimanche de côté, pour des raisons de bon sens. Il se trouve que la législation économique française prise au sens le plus large, du fait de sa haine du libéralisme, est défavorable à la création de nouvelles entreprises : or ce sont elles qui créent les emplois, renouvellent le marché du travail, et permettent à l'employé de faire un bras d'honneur à son employeur en leur donnant la possibilité de les rejoindre. Bref, dans la situation actuelle, l'édifice social, législatif, fiscal français est abusivement favorable aux employeurs déjà en place ; il crée, pour eux, des rentes légales aux dépens de leurs employés. Ceux-ci savent qu'ils auront du mal à retrouver un emploi, puisqu'on décourage le travail de ceux qui pourraient leur en fournir. C'est donc effectivement le patron en place qui dispose des moyens de pression (en tout cas plus que chez vous, à Londres), et non l'employé qui est en situation de refuser.
Dans cette situation, permettre le travail du dimanche, c'est effectivement affaiblir la position de nombre d'employés qui ne peuvent refuser les demandes de leur employeur allant dans ce sens. Ce serait augmenter des privilèges patronaux indus. Il me paraîtrait donc bien plus judicieux de fluidifier d'abord la création et l'action des entreprises en modifiant les cadres législatifs, que de s'occuper de ce sujet-là.
Amicalement
MB