par ademimo » dim. 16 mai 2021, 0:26
Libremax a écrit : ↑sam. 15 mai 2021, 20:52
Bonjour ademimo,
ce que je conteste, c'est justement cette appellation de "johannique" pour qualifier les tendances judaïsantes de l'église asiate, ainsi que le rapprochement un peu rapide entre région asiate / tendance judaïsante millénariste / genre apocalyptique / gnosticisme , le tout marqué par l'influence de Jean.
Je vous comprends bien, vous ne dites pas du tout que Jean a tout orchestré, vous ne dites pas que les idées ont suivi ce fil uniformément et aussi simplement, mais c'est un peu les mots que vous utilisez pour donner une sorte de généalogie du gnosticisme en Asie.
Je trouve que ces schémas ne rendent pas compte de la complexité de la "judéité" de l'Eglise des premiers siècles, et spécialement de l'Eglise d'Orient (je veux dire celle qui s'est développée en même temps que l'Eglise d'Occident par delà les limites de l'Empire romain). Celle-ci, comme je l'écrivais auparavant, a gardé une culture et des usages juifs pendant longtemps, sans provoquer de heurts semblables à ceux que Paul a racontés. C'est dire que Jean était en harmonie avec l'évangélisation de son temps. Qu'il y ait pu y avoir des usages conservés dans les communautés marquées par sa prédication qui aient été contradictoires avec celle de Paul, c'est très probable : l'évangélisation était encore mouvante, et Paul s'est souvent fâché avec ses pairs . Mais il n'est pas continuellement monté au créneau.
Il y a eu des dissentions beaucoup plus radicales, en revanche, avec des mouvements "judaïsants" , comme celle, d'abord, que décrit l'épisode du concile de Jérusalem, qui portait sur le baptême et les prescriptions juives en général, et puis tous les mouvements qui ont refusé purement et simplement la divinité du Christ mais sont restés attachés à son enseignement et à l'espoir de son retour pour libérer Israël. Il y a probablement eu un grand mélange de toutes ces sensibilités en Asie, mais il me paraît caricatural, pour le coup, de toutes les regrouper sous le terme de "judaïsantes", et pire encore, de "johanniques".
Paul, à bien des égards, était bien sûr fidèle à la foi juive et de nombreux usages juifs.
Le gnosticisme est encore moins lié à la région Asiate : C'est une spiritualité qui existait déjà avant la prédication du Christ, qui a très probablement greffé des éléments de la prédication des apôtres dès le début et en plusieurs régions. Etablir un rapprochement (de quel ordre?) entre les communautés gnostiques et les églises de Jean à cause de leurs littérature qui, en effet, utilise le même genre de symboles ou de mise en scène que l'Apocalypse, je ne le comprend pas. Il est plus juste de dire que l'Ancien Testament, et notamment les livres de Daniel et Isaïe entre autres est le creuset de tous les textes religieux de la région à cette époque.
Bonjour Libremax,
On ne se comprend toujours pas. Mais c'est sans doute parce que je m'exprime mal.
J'essaie encore :
Le phénomène dépasse l'influence de Jean et s'inscrit dans un contexte d'abord régional. La communauté juive, et par la suite judéo-chrétienne, est importante en Asie. L'héritage de Jean vient s'y greffer. Par la suite, les influences se mêlent, et c'est ainsi que l'on arrive à déterminer une tradition johannique, puisque la région se réclame de la tradition de Jean pendant un certain temps, mêlée de ces éléments qui ne sont pas spécialement johanniques en soi (sans que l'on puisse déterminer avec précision ce qui relève de Jean et ce qui n'en relève pas).
J'ai cité Daniélou, mais les autres auteurs sont d'accord avec cette vision.
Un exemple :
Contra Christianos, 2012, de Xavier Levieils (docteur en histoire chrétienne, professeur d'université)
https://www.google.fr/books/edition/Con ... frontcover
Lisez p. 80-81, voire un peu avant, à partir de la p. 78.
Il consacre plusieurs pages à décrire dans le détail ce que j'ai évoqué plus haut dans les grandes lignes.
Quant aux rapport entre l'Apocalypse et le gnosticisme : d'abord, les Nicolaïtes ont toujours été vus comme des gnostiques, ou des anticipateurs du gnosticisme chrétien (Irénée les présente comme tels, et les historiens modernes aussi). On sait que le mouvement gnostique était particulièrement développé en Asie, même s'il est apparu en différents lieux. En tout cas, le sujet de ce fil, c'est les sept lettres aux anges des sept églises, et ce que je dis depuis le début est qu'elles concernent le courant gnostique
chrétien.
Mais par ailleurs, il y a un lien entre la littérature apocalyptique (à laquelle se rattache notre texte) et la littérature gnostique elle-même. Vous pouvez lire, pour vous en convaincre, cet article de Jacques-Etienne Ménard, prêtre et professeur d'histoire à l'université de Strasbourg :
Littérature apocalyptique et littérature gnostique dans
Revue des sciences religieuses :
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-22 ... _47_2_2681
Il y a aussi le
Que sais-je :
Les gnostiques, chapitre "L'apocalyptique gnostique".
Le
Que sais-je sur
La Kabbale évoque également des liens possibles entre l'apocalyptique juive et la littérature gnostique.
Toutes ces influences sont entremêlées. Le terreau est judéo-chrétien, auquel on peut ajouter l'influence des mystères païens. A partir de ce terreau, dérivent différentes tendances. La tendance judaïsante n'a rien d'hétérodoxe encore à cette époque (Paul a dû circoncire Barnabé, pour rappel), et elle connaît une dynamique dans les années 50-60, au moment justement où Paul est à Ephèse, dynamique qui se développe en Anatolie, puis continue de se diffuser. Par contre, le courant gnostique était à combattre, car anticipe une rupture radicale avec la doctrine chrétienne, et même avec les racines hébraïques.
Dernière observation : je ne suis pas d'accord avec votre vision qui présente l'Orient en général en un seul bloc. Il y a plusieurs Orients. L'Asie (de Jean) n'est pas l'Anatolie (des Galates), qui n'est pas Antioche, qui n'est pas Jérusalem, qui n'est pas Alexandrie. Toutes ces régions ont chacune leur particularité. Et pour les contemporains, l'Orient englobait aussi la Grèce et les Balkans. Plus tard, le monde slave formera encore un autre Orient. On ne peut pas mélanger tout cela pour en faire une seule aire géographique homogène culturellement. N'oubliez pas que plusieurs siècles plus tard, l'Apocalypse de Jean finira par être rejetée en Orient, alors qu'elle sera désormais acceptée en Occident (et c'est ainsi qu'elle fera son entrée dans le canon de la Bible). Donc, on ne peut pas dire que la figure de Jean représente, tel un étendard, l'ensemble de l'Orient dans toute son étendue.
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Bonjour ademimo,
ce que je conteste, c'est justement cette appellation de "johannique" pour qualifier les tendances judaïsantes de l'église asiate, ainsi que le rapprochement un peu rapide entre région asiate / tendance judaïsante millénariste / genre apocalyptique / gnosticisme , le tout marqué par l'influence de Jean.
Je vous comprends bien, vous ne dites pas du tout que Jean a tout orchestré, vous ne dites pas que les idées ont suivi ce fil uniformément et aussi simplement, mais c'est un peu les mots que vous utilisez pour donner une sorte de généalogie du gnosticisme en Asie.
Je trouve que ces schémas ne rendent pas compte de la complexité de la "judéité" de l'Eglise des premiers siècles, et spécialement de l'Eglise d'Orient (je veux dire celle qui s'est développée en même temps que l'Eglise d'Occident par delà les limites de l'Empire romain). Celle-ci, comme je l'écrivais auparavant, a gardé une culture et des usages juifs pendant longtemps, sans provoquer de heurts semblables à ceux que Paul a racontés. C'est dire que Jean était en harmonie avec l'évangélisation de son temps. Qu'il y ait pu y avoir des usages conservés dans les communautés marquées par sa prédication qui aient été contradictoires avec celle de Paul, c'est très probable : l'évangélisation était encore mouvante, et Paul s'est souvent fâché avec ses pairs . Mais il n'est pas continuellement monté au créneau.
Il y a eu des dissentions beaucoup plus radicales, en revanche, avec des mouvements "judaïsants" , comme celle, d'abord, que décrit l'épisode du concile de Jérusalem, qui portait sur le baptême et les prescriptions juives en général, et puis tous les mouvements qui ont refusé purement et simplement la divinité du Christ mais sont restés attachés à son enseignement et à l'espoir de son retour pour libérer Israël. Il y a probablement eu un grand mélange de toutes ces sensibilités en Asie, mais il me paraît caricatural, pour le coup, de toutes les regrouper sous le terme de "judaïsantes", et pire encore, de "johanniques".
Paul, à bien des égards, était bien sûr fidèle à la foi juive et de nombreux usages juifs.
Le gnosticisme est encore moins lié à la région Asiate : C'est une spiritualité qui existait déjà avant la prédication du Christ, qui a très probablement greffé des éléments de la prédication des apôtres dès le début et en plusieurs régions. Etablir un rapprochement (de quel ordre?) entre les communautés gnostiques et les églises de Jean à cause de leurs littérature qui, en effet, utilise le même genre de symboles ou de mise en scène que l'Apocalypse, je ne le comprend pas. Il est plus juste de dire que l'Ancien Testament, et notamment les livres de Daniel et Isaïe entre autres est le creuset de tous les textes religieux de la région à cette époque.
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Bonjour Libremax,
On ne se comprend toujours pas. Mais c'est sans doute parce que je m'exprime mal.
J'essaie encore :
Le phénomène dépasse l'influence de Jean et s'inscrit dans un contexte d'abord régional. La communauté juive, et par la suite judéo-chrétienne, est importante en Asie. L'héritage de Jean vient s'y greffer. Par la suite, les influences se mêlent, et c'est ainsi que l'on arrive à déterminer une tradition johannique, puisque la région se réclame de la tradition de Jean pendant un certain temps, mêlée de ces éléments qui ne sont pas spécialement johanniques en soi (sans que l'on puisse déterminer avec précision ce qui relève de Jean et ce qui n'en relève pas).
J'ai cité Daniélou, mais les autres auteurs sont d'accord avec cette vision.
Un exemple : [i]Contra Christianos[/i], 2012, de Xavier Levieils (docteur en histoire chrétienne, professeur d'université)
https://www.google.fr/books/edition/Contra_Christianos/pRetqjBEXnoC?hl=fr&gbpv=1&dq=La+critique+sociale+et+religieuse+du+christianisme+des+origines+au+concile+de+Nic%C3%A9e+(45-325)&printsec=frontcover
Lisez p. 80-81, voire un peu avant, à partir de la p. 78.
Il consacre plusieurs pages à décrire dans le détail ce que j'ai évoqué plus haut dans les grandes lignes.
Quant aux rapport entre l'Apocalypse et le gnosticisme : d'abord, les Nicolaïtes ont toujours été vus comme des gnostiques, ou des anticipateurs du gnosticisme chrétien (Irénée les présente comme tels, et les historiens modernes aussi). On sait que le mouvement gnostique était particulièrement développé en Asie, même s'il est apparu en différents lieux. En tout cas, le sujet de ce fil, c'est les sept lettres aux anges des sept églises, et ce que je dis depuis le début est qu'elles concernent le courant gnostique [u]chrétien[/u].
Mais par ailleurs, il y a un lien entre la littérature apocalyptique (à laquelle se rattache notre texte) et la littérature gnostique elle-même. Vous pouvez lire, pour vous en convaincre, cet article de Jacques-Etienne Ménard, prêtre et professeur d'histoire à l'université de Strasbourg : [i]Littérature apocalyptique et littérature gnostique[/i] dans [i]Revue des sciences religieuses[/i] :
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1973_num_47_2_2681
Il y a aussi le [i]Que sais-je[/i] : [i]Les gnostiques[/i], chapitre "L'apocalyptique gnostique".
Le [i]Que sais-je[/i] sur [i]La Kabbale[/i] évoque également des liens possibles entre l'apocalyptique juive et la littérature gnostique.
Toutes ces influences sont entremêlées. Le terreau est judéo-chrétien, auquel on peut ajouter l'influence des mystères païens. A partir de ce terreau, dérivent différentes tendances. La tendance judaïsante n'a rien d'hétérodoxe encore à cette époque (Paul a dû circoncire Barnabé, pour rappel), et elle connaît une dynamique dans les années 50-60, au moment justement où Paul est à Ephèse, dynamique qui se développe en Anatolie, puis continue de se diffuser. Par contre, le courant gnostique était à combattre, car anticipe une rupture radicale avec la doctrine chrétienne, et même avec les racines hébraïques.
Dernière observation : je ne suis pas d'accord avec votre vision qui présente l'Orient en général en un seul bloc. Il y a plusieurs Orients. L'Asie (de Jean) n'est pas l'Anatolie (des Galates), qui n'est pas Antioche, qui n'est pas Jérusalem, qui n'est pas Alexandrie. Toutes ces régions ont chacune leur particularité. Et pour les contemporains, l'Orient englobait aussi la Grèce et les Balkans. Plus tard, le monde slave formera encore un autre Orient. On ne peut pas mélanger tout cela pour en faire une seule aire géographique homogène culturellement. N'oubliez pas que plusieurs siècles plus tard, l'Apocalypse de Jean finira par être rejetée en Orient, alors qu'elle sera désormais acceptée en Occident (et c'est ainsi qu'elle fera son entrée dans le canon de la Bible). Donc, on ne peut pas dire que la figure de Jean représente, tel un étendard, l'ensemble de l'Orient dans toute son étendue.