Booz a écrit : ↑lun. 23 sept. 2019, 15:22
Bonjour à vous,
Tout d'abord, et de manière générale, je tenais à préciser que la foi et l'expérience de la conversion au Christ sont absolument apolitiques et sans couleur partisane. C'est un don reçu et un effort d'accueil de ce don, impliquant une vie qui tâche de croître dans l'amour au sens biblique du terme. Ceci produit une conversion du regard sur l'existence, transformant nos rapports aux autres et nos points de vue sur le monde. Personne n'est de droit étranger à cela, quel que soit ses opinions politiques ou son appartenance sociale par ailleurs.
De plus, la foi, qui s'enracine dans l'amour de Dieu (sans quoi elle n'est rien, disait Paul dans son hymne à la charité), est par delà la morale dans son essence. Par exemple, à ma connaissance et selon ma compréhension, l'évangile de Jean ne délivre aucune prescription morale, et il ne demande rien d'autre que de se tourner vers la Lumière et de croître en elle. Évidemment, de ce don reçu et reconnu comme tel, découlent des comportements et des devoirs, car la vie nous met au prise de situations concrètes où il faut bien agir selon une règle précise, et quand on est chrétien, cette règle doit se baser sur le don de la foi et l'enseignement du Christ. Ce n'est pas une table de la loi rigide inscrite dans un code juridique frigorifiant, et c'est parfois une affaire d'interprétation et de libre examen enraciné dans un texte auquel on croit, en vue d'une action animée (au sens d'âme) par l'amour. On peut se tromper, sans doute. Et de fait on se trompe... Mais un chrétien essaie de pratiquer la Bible en ce sens là. Si ce langage effraie ceux qui ont appris leur catéchisme, je suis désolé. L'effort pour comprendre son prochain doit sans doute faire partie du catéchisme, dont j'ignore quasiment tout par ailleurs! Libre à chacun de juger par ailleurs de tels propos... Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on a fait son catéchisme qu'on est hors de danger de fabriquer sa propre vérité. Le catéchisme n'est pas à mes yeux un blanc seing.
Dans le cadre de ce sujet, je parle exclusivement du rapport du chrétien au politique. Trouver aberrant, comme vous le faites (Carhaix), que je semble occulter les rapports individuels aux autres (famille, ami, collègue, etc...), et faire de mon propos un message consistant à réduire l'évangile à un activisme uniquement politique qui en oublie l'essentiel, ceci me semble être un faux procès incohérent. Ce sujet est politique, alors je ne vais pas parler de la contemplation des fleurs, ou de l'amitié et de l'intimité familiale... Ce sont des domaines différents, et il est évident que ces dimensions sont premières et fondamentales dans l'expérience chrétienne (j'en ai d'ailleurs parlé dans d'autres sujets). Seulement ce n'est pas là dessus que je me focalise dans
ce sujet précis, dont la question a pris une tournure explicitement politique. Ne réduisez pas la pensée d'un autre à ce qu'il écrit dans
un seul message, car il est évident que personne ne peut exprimer la totalité de ce qu'il pense et veut faire en un message de 100 lignes. Songez plutôt, en toute cordialité, à vous concentrer sur le sujet précis qu'il traite sans juger de ce qu'il est dans sa globalité. Cela évitera bien des malentendus! J'essaie de mon côté de faire de même, même si je n'y arrive pas toujours, sans doute.
Le sujet est donc politique, alors permettez que je parle de politique sans parler d'amitié, de sexualité ou de vie conjugale. La foi, qui est apolitique dans son essence, s'enracine dans la part céleste de notre être, ce qui transcende de très loin les vicissitudes historiques. Néanmoins tant que nous vivons en ce monde, nous avons aussi les pieds sur terre, englués dans l'histoire et sa violence latente indépassable, et la question politique se pose à nous, qu'on le veuille ou non. Un chrétien devra donc assumer cette question dans sa pensée et son action, et il est clair qu'il ne peut pas faire et dire n'importe quoi, puisqu'il se réfère à un texte qui ne dit pas et ne fait pas n'importe quoi. Or, la tradition chrétienne, et notamment celle des Pères de l'église et des théologiens qui ont fixés des canons essentiels en la matière ont médité cette question. Ce qu'il en ressort, c'est que l'inspiration chrétienne ouvre sur un discernement politique qui met au centre la notion de
Bien Commun (Thomas d'Aquin par exemple), et que même s'il ne s'agit pas de mettre son espérance dans un Grand Soir, la question du bonheur visé dans la politique (tous les hommes désirent d'être heureux) n'est pas étrangère aux préoccupations du chrétien et de la notion de Bien Commun. Plutôt que de se déchirer et de s'imposer des étiquettes partisanes, le chrétien, quel que soit sa confession par ailleurs, ferait mieux de méditer sur ce Bien Commun, non pour imposer une politique chrétienne programmatique (que je rejette complètement pour les raisons dites plus haut), mais pour
discerner le juste de l'injuste et orienter son action de telle manière qu'il se rende le plus utile possible à la société civile laïque en tâchant de pacifier les rapports sociaux et en contribuant à la vie collective (sans lui imposer aucune croyance!). Dans ce cadre et en demeurant dans un esprit évangélique de non-violence qui rejette tout "activisme" et tout "militantisme", les chrétiens peuvent constituer, partout où ils se trouvent et autant que possible, une inspiration acceptable pour la raison politique, en tâchant d'insérer autant que possible dans nos codes civils et nos lois la surabondance de l'amour qu'il a reçu, sans pour autant appeler à un État chrétien (c'est en ce sens que je parle d'inspiration, et non d’institutionnalisation d'un État chrétien... Il y a une grande différence entre
gouverner et
éclairer!). J'ai insisté sur la sécurité sociale car son principe ("à chacun en fonction de ses besoins") porte en lui un souffle de fraternité d'inspiration chrétienne plus ou moins conscient. Ce souffle n'impose pas pour autant les mystères de la foi à la société laïque (encore heureux, sinon c'est le bain de sang...), mais éclaire les questions politiques et sociales de cette inspiration en prenant soin de l'universaliser et de la justifier par la raison politique laïque. Défendre la sécurité sociale est donc une manière de contribuer au Bien Commun et de se rendre utile pour les autres, quels qu'ils soient. Voter pour un candidat qui cherche à la démonter pour nous aligner progressivement sur un modèle à l'américaine ne me semble pas très conforme à un discernement chrétien en matière politique.
Le chrétien doit rentrer en dialogue avec tout le monde, sans imposer de foi,
car il est le premier à savoir que celle-ci lui vient d'en haut et qu'il ne peut pas par conséquent l'imposer à son prochain, notamment dans le cadre d'une action politique. De toute façon, personne n'est neutre dans cette histoire, l'athée comme le croyant. L’État doit rester le plus neutre possible car la société qu'il essaie de gouverner ne l'est pas du tout! Chacun doit donc faire effort pour dialoguer sans violence, et on a rien trouvé de mieux que la raison pour cela. Ça tombe bien, car la raison n'est pas contraire à la foi, loin de là, et le pape Benoit XVI l'a rappelé avec insistance. Par ailleurs, par mes propres réflexions et mes lectures, je me suis rendu compte que j'étais complètement en accord avec Benoit XVI sur cette question pour l'essentiel, notamment en lisant
Libérer la liberté, foi et politique. Je ne connais rien du catéchisme, mais je me retrouve d'accord avec le pape sur ce point important. Serais-je plus royaliste que le roi?
Carhaix :
La "pratique de la Bible" dont vous vous réclamez procède du "libre-examen". Vous la définissez comme un moyen de "comprendre" le "sens" de l'Évangile, pour ensuite en tirer les conséquences dans votre vie, et votre rapport au monde (à supposer que les deux aspects soient distincts). Mais je regrette : le sens de l'Évangile vous est fourni par l'Église, et consigné dans le catéchisme. Si vous mettez de côté l'enseignement de l'Église pour redéfinir par vous-même un sens des Écritures qui ne serait pas proposé par l'Église, vous inventez une autre religion, vous vous fabriquez votre propre vérité.
Donc pas de vérité en dehors du catéchisme, et, au fond, pas de"vrai" chrétien en dehors du catholicisme. Donc je suis un faux chrétien... Mon cas est réglé dans ces conditions! Sans rancunes.
Et à partir de cette vérité, vous établissez un certain nombre d'opinions politiques - alors que vous vous défendez de faire de la politique, quelle contradiction formidable ! - et d'actions - mais vous vous défendez de tout activisme !
Si faire de la politique consiste à discerner ce qui est juste ou injuste en fonction du Bien Commun auquel on croit, et tâcher d'agir en conséquence, je ne me défends pas d'en faire. Si faire de la politique c'est s'encarter dans un parti ou resté le nez collé sur l'actualité et soutenir une couleur politique donnée en vue de conquérir le pouvoir et de faire pression sur la société par des méthodes "pas très catholique", alors oui je ne fais pas de politique. Car c'est cela l'activisme et le militantisme à mes yeux.
Et ces opinions sont pour le moins assez franches et précises. Pour commencer, vous condamnez le vote de droite en général, et tout spécialement le vote Fillon. Mais à part ça, vous ne faites pas de politique. Selon vous, l'Évangile condamne Fillon et ses électeurs. Ça va quand même assez loin. Et de quoi sont-ils coupables ? D'égoïsme. Si j'énumère : aggraver la misère sociale à leur seul profit, sauvegarder leur fortune, guidés par de sordides intérêts financiers, épuiser les ressources de la planète : voilà le vote Fillon, selon vous. Et naturellement, vous n'avez pas de programme politique, alors que se dessine dans vos propos ce que j'appellerais, personnellement, l'ébauche d'un programme politique situé plutôt vers la gauche et l'écologie.
Il est clair à mes yeux que le vote Fillon n'est pas un vote complètement désintéressé d'intérêts matériels très personnels, comme la plupart des votes par ailleurs. "Condamné" par l'évangile, le mot est fort, mais disons que j'y vois une certain incohérence dans la recherche du Bien Commun.
De manière générale, voter (si cette action à un sens politique essentiel, ce dont je suis perplexe) pour un candidat qui perçoit le politique comme une gestion entrepreneuriale qui ravale tout ce qui est (y compris les êtres humains) à des choses manipulables dont l'objectif est d'en extraire le maximum d’énergie et de rentabilité, occultant par là même toute fraternité fondatrice d'une société pacifiée me paraît en effet hors de propos et aux antipodes d'une politique qui recherche le Bien Commun. Telle est mon opinion, si elle vous intéresse vraiment (mais puisque vous discutez avec moi, je suppose qu'elle doit vous concerner un minimum...).
Non, je n'ai pas de programme politique précis. Non je ne suis pas de gauche, et je n'adhère pas, au fond, à Mélenchon qui dit que le principe et la fin de tout est la démocratie, et qui pense que tout est politique dans la vie, car j'y vois finalement une folie qui peut créer beaucoup de mal et assez peu de bien. Je ne comprends pas ce que fait Poutou sur un plateau politique, et le centre m'attriste beaucoup. Je suis un peu comme Fabrice Luchini, qui est peut-être la personne la plus raisonnable en matière de politique en dans l'espace public français : considéré en tant qu'entité politique partisane (sans parler des individus!), je hais la "droite" à peu près autant que je déteste la "gauche", alors convenez que ça me laisse peu de choix les dimanches de vote... Pour ce qui est de l'écologie, je suis assez en phase avec l'encyclique du Pape François (
Laudato si). S'il s'agit de la juste manière d'habiter le monde (la maison commune) et d'essayer d'en tenir un discours rationnel, comme l'indique en partie l'étymologie du mot, alors je pense en effet que le chrétien peut se rendre utile à tous les citoyens sur cette question, car ses inspirations ont des réponses à apporter. Mais je suis loin des verts (que je ne comprends pas non plus), et je n'irai pas vivre avec les pieds dans la boue pour me rapprocher de "dame nature" et affirmer mon écologie. Le problème ne se situe pas là!
Mais vous parlez également d'action (action non activiste, ce que je demande à voir). En quoi consiste cette action ? Vous êtes assez vague. "Action locale, échange d'idées, associations, agissant dans l'esprit d'amour de l'Évangile, lorsque la situation politique l'exige, notamment en cas de répression, et sans recours à la violence." Que veut dire tout cela ? Vous parlez d'aide humanitaire via des organismes ? Des ONG ? Les ONG ne font aucun activisme ? Les ONG ne sont pas animées par des motifs politiques ? J'aimerais bien en savoir plus. Et j'aimerais surtout connaître le rapport à l'Évangile. Le Christ nous ordonne de nous aimer les uns les autres, il nous fait le récit du bon Samaritain, nous parle de l'aumône, d'aimer nos ennemis, et tout cela s'applique bien évidemment au niveau individuel, car c'est à ce niveau-là que s'opère la conversion. Je ne vois nulle part de référence à de quelconques actions collectives. Ou bien, j'aimerais savoir où il en est question (et que l'Église n'aurait pas vu jusqu'ici).
Je n'ai pas la solution aux problèmes que vous posez, comme l'immense majorité des hommes sur cette terre. Ca ne m'empêche pas pour autant d'essayer de viser le juste, malgré mon impuissance politique.
Vous devez connaître l'Abbé Pierre, les restos du cœur, certains syndicats (dont des chrétiens) qui luttent et essaient de traduire en politique des idées concrètes qui peuvent s'accorder avec l'évangile. Je ne connais pas bien les ONG, mais il existe des associations utiles au Bien Commun qui oeuvrent chaque jour. Permettez-moi de ne pas vous exposer ma vie et mes "bonnes" oeuvres, à supposer qu'elles soient vraiment bonnes. Ces structures, qui ne sont pas politiques à proprement parler, ont néanmoins une portée politique certaine et peuvent s'inclure dans une réflexion commune sur les lois. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que lorsque l'abbé Pierre prenait la parole en publique et s'adressait explicitement à des politiques, ils n'essayait pas de sensibiliser l'opinion et d'infléchir autant que possible certaines politiques publiques concernant le problème du logement (ainsi que toute la problématique sociale qui va avec cette thématique). C'est une forme d'action politique au sens où elle appelle à réfléchir et à agir dans le sens du juste. Est-ce vraiment efficace? Je ne sais pas. Mais la puissance du chrétien, c'est qu'il n'est pas contaminé par cette morale technique (technocratique) de l'efficacité qui juge les actions uniquement au regard de leur résultat objectif chiffré appelé "bilan". Le chrétien luttera pour le juste et le Bien Commun même si son combat échoue, et ne reniera pas son action pour autant, admettant simplement sa défaite et la force du monde qui s'abat sur les hommes. Il cessera immédiatement la lutte s'il voit que les moyens utilisés sombrent dans des méthodes contraires à l'amour du prochain (y compris de ses ennemis), car il pense qu'on n'apporte pas la justice et la liberté par des méthodes violentes, injustes et oppressives. C'était la grande bêtise des chefs communistes de l'URSS: utiliser un désir de justice louable et prétendre changer les hommes et les rendre libre en les envoyant au Goulag...
L'évangile fournit d'abord une méthode. Ce qui est un précepte individuel peut aussi s'insérer dans la logique d'une action politique et en tenir compte : le commandement d'aimer ses ennemis va dans ce sens; il est clair que nous avons des ennemis en matière de politique, mais tâcher de les aimer est un principe très fécond en morale comme en politique, puisqu'il nous rend conscient que dans tout "ennemi", il y a un futur ami potentiel, et ceci laisse toujours ouverte la possibilité d'une réconciliation fraternelle, vitale en politique, éliminant d'office toute forme de vengeance et de violence contre les personnes. Car on ne peut plus prétendre travailler pour une société commune et réconciliée si on tue ou maltraite son prochain, car alors on approfondit la discorde jusqu'à la rupture totale. Ce principe, Nelson Mandela en a fait un principe politique essentiel dans son action, et lui et ses amis sont parvenus à faire tomber l'apartheid sans avoir à tuer des blancs. L'Afrique du Sud va mieux aujourd'hui que sous l'apartheid, et je crois que ce principe fut une inspiration chrétienne décisive (voir, malgré tout, dans l'autre dont la couleur de peau est différente la possibilité d'une réconciliation possible, et ainsi ne rien faire qui puisse empêcher cette réconciliation). Sans lui, le cycle infernal de la vengeance aurait pris le dessus, inévitablement, et l'apartheid aurait eu encore de beaux jours devant lui...
Dans l'action, de nos jours, il n'est pas interdit de prendre part à certaines manifestation, par exemple, ou d'intégrer des associations qui vont dans le sens du Bien Commun. La discussion est également vitale en politique, et ce n'est pas parce que ça ne passe pas dans les médias que ça n'existe pas. Et puis, partout où un chrétien se trouve, notamment dans sa profession ou sa commune, il se doit d'absorber le plus possible la violence du monde pour en amortir les conséquences et se rendre utile à son prochain, quelle que soit son activité. Ce n'est peut être pas politique à proprement parler, mais ça peut avoir une portée politique dans le sens où ces actions décident de la signification que nous donnons à notre inscription dans la Cité. Entre l'arène politique à proprement parler et la vie intime du foyer, il y a tout un entre deux où nos actions peuvent avoir un sens politique si on entend par là la recherche du juste et du bien commun.
Par ailleurs, à mon sens, le chrétien ne doit jamais chercher le pouvoir au sens mondain du terme, et s'il se trouve à une position de pouvoir dans la société, il doit user de ce pouvoir selon le modèle que Jésus nous a donné dans la scène du lavement des pieds au chapitre 13 de l'évangile de Jean : servir et non dominer, ce qui court-circuite beaucoup d'inégalité hiérarchique et oppressive dans la société. Paul, dans l'épitre aux éphésiens (dont je propose une lecture dans un sujet sur "l'anarchisme chrétien"), en propose une application concrète qui n'est pas dénuée de toute signification politique.
Sous quelle forme en général parle-t-on d'établir la paix dans le monde ? Que signifie "pacifier" ? Généralement, ce que l'on entend par là, c'est de faire la guerre, aussi bien à l'époque de Charlemagne (qui certes a pacifié ses voisins en les battant sur le champ de bataille) que de celle de Kouchner (grand "pacificateur" des temps modernes, d'ailleurs très impliqué dans les ONG humanitaires aux motifs charitables empreints de l'esprit d'amour de l'Évangile). Quel autre moyen voyez-vous, dans la sphère "agissante" (mais non activiste) par le biais associatif, et qui ne serait pas au niveau individuel ? Je suis curieux de le savoir, très concrètement.
Ces propos sont trop réducteurs et généralisant. Je n'ai pas à y répondre.
Vous établissez ainsi une opposition radicale entre l'Évangile vécu au niveau individuel, qui n'aurait aucune interaction avec le monde extérieur, et l'action collective sur le monde.
Je dis précisément l'inverse, en précisant des degrés et des inclusions progressives.
Mais tout ceci implique de réfléchir au bonheur humain sur la terre, ce qui n'est pas vraiment la préoccupation première de l'Évangile (lisez l'Apocalypse...) : grand point de désaccord entre nous. Je ne vois rien dans les Évangiles qui promeuve ou condamne tel ou tel modèle de société. À aucun endroit. Ou bien, dites-moi où. Les protestants, qui pratiquent le libre-examen, aboutissent d'ailleurs à des conclusions diamétralement opposées aux vôtres, puisqu'ils voient dans l'Évangile la justification du capitalisme (la fameuse éthique protestante) : d'où les limites du libre-examen...
Dans la Bible, on trouve des modèles de société condamné : Sodome et Gomorrhe, et les idéaux-type de société présentées dans l'Apocalypse sous le nom Babylone la grande esquissent des types de modèles auquel le chrétien ne peut pas se plier. Babylone, dans l'Apocalypse, ressemble beaucoup à une société de luxure où tout est devenu marchandise et commercialisable (y compris les âmes et les corps humains). Aucune ressemblance avec nos sociétés contemporaines?
Le bonheur humain sur la terre n'est pas la finalité ultime. Mais dans l'amour du prochain, il y a tout de même le souci de son épanouissement, y compris immédiat. Il n'est pas absurde que ce souci puisse trouver une traduction collective et politique, sans fantasmer pour autant un paradis sur terre, qui ne mène nulle part, si ce n'est à... l'enfer sur terre!
Pour ce qui est du rapport entre protestantisme et capitalisme, permettez-moi de vous dire que c'est un contresens sur la pensée de Weber. Celui-ci disait qu'il y a dans le protestantisme, dans son rapport au monde et au travail, dans sa conception de la jouissance (et donc de la consommation), une pensée qui favorisait l'activité laborieuse comprise comme une vocation à accomplir
dans le monde (le Beruf). Ceci lié à l'épargne du salaire gagnés par ce travail (pour ne pas tombé dans une consommation à outrance qui favorise le plaisir égoïste et l'oubli de Dieu), Weber y voyait la constitution progressive d'un capital qui a rendu possible la naissance du capitalisme. Mais il précise explicitement qu'il n'impute en rien la mentalité capitaliste dans son développement à la pensée protestante. Il parle de condition historique qui ont rendu possible cette forme d'économie, mais il ne dit aucunement que le capitalisme est une application à la lettre du protestantisme. La simple constatation de nos sociétés de consommation indique assez que le capitalisme n'a plus rien à voir dans son essence avec le protestantisme!
J'essaierai de répondre à Altior plus tard.
Cordialement.