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Re: Et ça continue...

par mikesss » mar. 24 sept. 2019, 9:51

Booz a écrit :
mar. 24 sept. 2019, 9:41
Bonjour Mikesss,

Je ne voudrais pas perdurer dans le hors sujet de ce fil (dont j'ai largement contribué par ailleurs). Comme je l'ai dit, je ne suis pas catholique, et je vois bien que vous l'êtes. Pas la même confession, mais nous lisons le même texte (quoique sans doute dans des traductions différentes).
Juste cette remarque : pour ce qui est du "règne social" du Christ, comme vous dites, la question n'est pas de savoir si c'est une idée en vogue ou pas, si c'est "archaïque" ou pas, ces considérations ne décidant pas de la vérité ou de la fausseté d'une idée. La question est de savoir, dans ce contexte, si la Bible annonce un Messie qui annonce un "roi" social ou non. Je crois que non. La foule, ainsi que la société dans son ensemble qui a condamné Jésus-Christ lors du procès, à déjà eu le choix entre deux personnalités : Jésus-Christ et Jésus-Barrabas, ce dernier étant un émeutier politique ayant causé des meurtres en provoquant une violence politique. Il y a fort à parier que ce Jésus-Barrabas, visiblement relativement connu du peuple, pouvait être assimilé à une sorte de résistant politique contre l'oppresseur, et il n'est pas impossible qu'il ait eu aux yeux de certaines fractions de la population une réputation de leader dans un combat pour la cause du peuple. Jésus-Barrabas est le double de Jésus-Christ, et cette alternative révèle les désirs réels des hommes : que désire-t-on, un sauveur terrestre/politique ou céleste/spirituel? Un Che Guevara ou un Messie qui soigne l'âme avant tout? La foule a choisi, bien que son choix soit grandement manipulé. Les disciples eux-mêmes, sur le chemin d'Emmaüs, par leur discussion, révèlent leur désir d'un sauveur politique et temporel qui les libérerait de l'oppression de l'occupant et supprimerait l'injustice politique (désir très humain et très louable par ailleurs). Mais Jésus leur dit explicitement : que vous êtes lent à comprendre et à croire... signifiant bien que le sens de sa venue n'est pas d'être un roi politique ou social (Jésus a d'ailleurs, dans sa vie, fuit la foule quand il a senti en elle un désir politique de salut terrestre, car il n'est pas un Che Guevara justement!).
Augustin, Père de l’Église et grand penseur de l'Occident chrétien, distinguait bien la Cité terrestre, fondé sur l'égoïsme et l'amour propre (la maladie du désir), de la Cité de Dieu ( le "Ciel" au sens évangélique du terme, fondé sur l'amour agapé), et à ma connaissance il dit bien qu'on ne peut, par des moyen politiques ou "théocratiques", faire descendre la Cité de Dieu sur terre pour conformer la Cité des hommes à l'agapé. Le réel est irréductible au Ciel, et il ne peut y avoir de "règne social" du Christ sur terre sans institutionnalisation de la violence politico-religieuse. Le Père de l’Église (un des plus "archaïque" qui soit, si on entend par là son ancienneté) lui même refuse ce projet politique, Père qui est, je suppose, reconnu par tous les papes quels qu'ils soient. Voilà pourquoi j'ai du mal croire que des papes aient souhaité un règne social et temporel du Christ. Mais je me trompe peut-être.


Par conséquent, il ne peut y avoir d’État chrétien, tant au niveau politique que moral, et cela n'apporterait à mes yeux aucun régne du Christ, mais un simulacre d'évangile qui sombrerait dans la violence et l'oppression des consciences. Le politique (Cité des hommes) prend l'homme tel qu'il est, et il est dans son essence de faire le deuil de l'amour, car il ne s'appuie pas sur les liens affectifs familiaux et il ne peut changer l'homme en profondeur. Le politique, c'est l'acte de décès de l'amour, et d'ailleurs Jésus est mort en partie pour des raisons politiques (cf. Caïphe, qui invoque la raison d’État : il vaut mieux qu'un seul homme meurt pour sauvegarder l'ordre et le peuple... raisons politico-religieuse classique). Je crois qu'un "État" où le Christ et l'agapé seraient "rois souverains" n'aurait d'ailleurs pas besoin de "politique" au sens où on entend ce mot. Tout ce que l'évangile peut apporter au politique, comme je le disais plus haut, c'est une lumière qui éclaire et une inspiration qui ravive un peu d'amour et essaie de l'insérer dans notre société, y compris dans certaines "lois sociales" par exemple, à condition que cette insertion, qui fait mémoire de l'amour oublié (crucifié, pour ainsi dire) par le politique, se fasse dans le respect de la raison laïque et sans imposer aucune foi aux concitoyens qui ont le droit de vivre comme ils entendent. C'est un modus vivendi bien imparfait, qui interdit une emprise politique de la religion, et ne permet qu'une très relative insertion du spirituel dans le temporel ayant pour but d'alléger un peu les lourdeurs du monde et de contribuer ainsi à l'utilité publique en définissant un bien commun acceptable la raison.

Vous êtes la lumière du monde et le sel de la terre... Éclairer n'est pas gouverner, et donner de la saveur n'est pas se mettre à la place du chef cuisinier. L'évangile n'a pas à rester un livre de chevet uniquement cantonné à la sphère privé, s'il nous permet de progresser vers le Bien Commun, mais il n'a pas non plus à prendre le trône à l'Elysée ou à Versailles, car là ce serait le bain de sang.

En ce qui me concerne, je m'arrête sur ce sujet, pour qu'il puisse retourner à sa discussion initiale dont j'en ai presque oublié le contenu!

Respectueusement,

Booz.

Si vous le permettez, je vais ouvrir un nouveau fil afin de prolonger de débat qui s'annonce fort interressant.

Re: Et ça continue...

par Voyageur » mar. 24 sept. 2019, 8:38

Hantouane a écrit :
dim. 22 sept. 2019, 5:04
Voyageur a écrit :
dim. 22 sept. 2019, 2:17
Vol d'Aslstom !
Vous voulez dire Alstom ? Car Aslstom j'ai tapé sur Google et y a juste un lien du Figaro mais c est bien Alstom ...
Alstom pardon.. Il était tard ^^
Voyez cette vidéo pour comprendre l'affaire :
https://www.youtube.com/watch?v=dejeVuL9-7c

Re: Et ça continue...

par mikesss » mar. 24 sept. 2019, 7:30

Suliko a écrit :
lun. 23 sept. 2019, 22:08
Bonjour,

Vous vous êtes fort éloignés du sujet de ce fil... Mais puisqu'on y est, je suggérerais à Booz de lire les encycliques Immortale Dei (Léon XIII, 1885), Pascendi (Saint Pie X, 1906) et Quas Primas (Pie XI, 1925). L'idée qui voudrait que pouvoirs temporel et spirituel soient non seulement distingués, mais séparés, n'est pas catholique.
Ah, enfin, je me demandais quand quelqu'un allait faire cette remarque. Je suis à 200% d'accord avec vous sur ce coup là Suliko. Le règne social du Christ n'est normalement pas une option. Et j'ai l'impression que beaucoup de chrétien refusent cette idée comme archaïque car elle n'est plus en vogue. Mais la doctrine catholique n'a pas à évoluer en fonction de ce que pense les gens. Si ce point était vrai il y a un siècle, elle reste vrai aujourd'hui.

Re: Et ça continue...

par Cinci » mar. 24 sept. 2019, 1:35

Salut Pax,
Paxetbonum :

Et pourtant il y a des conditions précises qui concernent le prêtre et le pénitent.
Pour l'un avoir l'autorisation de la juridiction diocésaine, pour l'autre d'avoir une sincère contrition.
C'est vrai.

Alors disons qu'en l'absence d'une sincère contrition (même imparfaite), le pardon aura été donné quand même. Je le penserais. Sauf que c'est le sujet qui ne sera pas en disposition de pouvoir bénéficier réellement de la grâce. Ce serait comme vouloir prendre une douche revigorante, tout en persistant à s'isoler hermétiquement de l'action de l'eau, s'étant couvert de la tête aux pieds d'une combinaison isolante particulièrement bonne à vous garder au sec.

Mais ...

Je ne veux pas dire non plus que l'intéressé n'y gagnerait absolument rien du tout, s'exposant à l'action du sacrement - savoir ce que Dieu pourrait faire à cette occasion et même avec un individu particulièrement fermé ? Qui le saurait ? (1)- , mais juste qu'a priori la personne serait loin de pouvoir profiter autant qu'elle le pourrait du sacrement. En général, ce serait plutôt le cas, l'on ne profite pas assez des moyens de grâce offerts, et par le seul fait de se tenir soi-même "en réserve", en ne voulant rien céder, rien perdre, pour tout avoir, et le beurre et l'argent du beurre.

Penser recevoir le pardon, en jouir, atteindre à la plus grande joie céleste si nous extrapolons, mais sans jamais rien sacrifier d'abord, se priver de rien, sans faire aucun effort pour le bénéfice d'autrui, pour réparer cf. pour Dieu, pour les membres de l'Église en général, les pécheurs encore pécheurs, les ex-divorcés désormais défunts et au Purgatoire, le cardinal Burke, les victimes, etc. Hum ...

_____
(1) J'aurai déjà conté sur ce forum, l'anecdote vraie du truand (tueur à gage, individu ayant du sang sur les mains) qui s'était arrêté à la boutique d'un monastère. Tout en devisant avec le petit père, avec le vieux moine qui se trouvait dans la boutique, mais il advint que de fil en aiguille le vieux sage lui offrit de pouvoir se confesser séance tenante. S'il voudrait bien se plier à l'exercice naturellement. Rien n'obligeait. Ayant un peu de temps devant lui, et puis juste pour s'amuser dans le fond, sans rien croire, sans aucune velléité de s'amender, etc., le truand acceptât pourtant de jouer le jeu, tout en racontant un tas de menteries comme de juste.

A la fin, il trouva le vieux moine quasiment en pleurs, ébranlé et qui lui demande : "Pourquoi ? Mais pourquoi se moquer autant de Dieu ? Pourquoi mentir autant à tous ?" Ce fut au tour du truand d'être ébranlé intérieurement. Il s'en sera converti peu après. Son armure défensive aura cédée. Parce qu'il se sera trouvé devant quelqu'un qui y croyait pour vrai, et ce, à sa plus grande surprise ! Ébranlé lui-même de trouver un pur inconnu comme ça et qui pouvait souffrir réellement de l'état de fausseté dans laquelle lui-même pouvait se rouler, comme le fils prodigue de la parabole dans la mare boueuse devant disputer ses cosses avec les porcs. Même en trichant, même en voulant rouler dans la farine l'homme de Dieu et Dieu lui-même : la grâce a tout de même passer objectivement chez le truand endurci par le truchement du bon père faisant son métier.

Si Dieu ne l'attendait pas dans la boîte pendant qu"il débitait ses âneries, notre truand, il l'attendait quand même à la sortie et comme juste au moment ou notre homme ne s'y attendait pas ! Ça, c'est bien la signature de Dieu. C'est comme dans ses façons de faire. Une anecdote qui m'aura été dite à moi par le prêtre qui sera subséquemment devenu l'ami de cet ex-assassin, converti, et de qui il tenait de première main l'anecdote personnelle en question. C'est pour dire comment Dieu peut aller chercher même un rebelle apparemment impénitent et qui pensait certainement l'être pour de bon. Le larron repenti sera devenu conférencier depuis.

Re: Et ça continue...

par Cinci » mar. 24 sept. 2019, 0:31

Suliko :
Vous vous êtes fort éloignés du sujet de ce fil.
Je n'osais pas le dire bien que m'étant aperçu du cours dérivé de la discussion.

;)

Re: Et ça continue...

par Carhaix » lun. 23 sept. 2019, 22:30

Suliko a écrit :
lun. 23 sept. 2019, 22:08
Bonjour,

Vous vous êtes fort éloignés du sujet de ce fil... Mais puisqu'on y est, je suggérerais à Booz de lire les encycliques Immortale Dei (Léon XIII, 1885), Pascendi (Saint Pie X, 1906) et Quas Primas (Pie XI, 1925). L'idée qui voudrait que pouvoirs temporel et spirituel soient non seulement distingués, mais séparés, n'est pas catholique.
À l'époque de Charlemagne, peut-être...

Au fait, Suliko, vous êtes en province ?

Re: Et ça continue...

par Suliko » lun. 23 sept. 2019, 22:08

Bonjour,

Vous vous êtes fort éloignés du sujet de ce fil... Mais puisqu'on y est, je suggérerais à Booz de lire les encycliques Immortale Dei (Léon XIII, 1885), Pascendi (Saint Pie X, 1906) et Quas Primas (Pie XI, 1925). L'idée qui voudrait que pouvoirs temporel et spirituel soient non seulement distingués, mais séparés, n'est pas catholique.

Re: Et ça continue...

par Carhaix » lun. 23 sept. 2019, 20:10

[quote=Booz post_id=407644 time=1569260244 user_id=17385]


Je n'ai jamais dit une telle chose. J'ai dit que je n'étais pas catholique, et vous semblez faire partie des gens qui pensent que hors l'église, point de chrétien. Comprenez que vos leçons de tolérance me laissent perplexe.
Le catholicisme est une voix à écouter et une expression sérieuse de la foi chrétienne. J'ai pas mal lu le Pape Benoit XVI, et un peu le pape François. Si je pensais que tout ça était de la guilmauve... Bref, ce sont des procès d'intention.

[/quote]

Au temps pour moi, je croyais parler à un catholique, d'où l'impression bizarre qui se dégageaient de vos propos. Dans ce cas, la discussion devient plus cohérente.

Je me limiterai à deux points.

Je suis d'accord avec l'idée que le christianisme a influencé, sur le long terme, plus ou moins consciemment, l'adoucissement de la vie sociale, et favorisé un plus grand respect de la personne humaine. On peut citer un phénomène historique connu : la disparition de l'esclavage dans l'Antiquité, puis du servage au Moyen-Âge. L'humanisme, puis les Lumières, les utopies sociales, même déviées de leur origine chrétienne, me paraissent s'inscrire dans cet héritage. Mais je sais que nombreux sont ceux, de part et d'autre, à rejeter violemment cette idée. C'est simplement ma conviction personnelle.

Mais je ne vais pas jusqu'à répartir les différents courants politiques d'après leurs inspirations évangéliques. Le but de la venue du Christ n'est pas d'améliorer la société. Je suis assez d'accord avec la vision catholique traditionnelle, telle qu'on la découvre par exemple dans l'Imitation de Jésus-Christ, qui voit dans le monde une vallée de larmes irrémédiable destinée à disparaître dans la mort. Si la société s'est améliorée sous l'influence du christianisme, il ne faut peut-être pas y voir autre chose qu'une conséquence accidentelle, pas spécialement recherchée comme une fin en soi.

D'autant plus que l'adoucissement social entraîne un lot de conséquences malheureuses. Je pense à la décadence des mœurs, porteuse d'autodestruction. Conséquence que je déplore, mais c'est un fait qu'elle est difficilement évitable.

Dans cette perspective, j'examine essentiellement les opinions politiques indépendamment de toute référence aux Évangiles, car ce n'est pas le sujet, mais plutôt dans le contexte de la Cité, et de la nécessité du bien commun.

Alors pour en revenir à Fillon, se présente-t-il d'ailleurs comme candidat chrétien ? Non, absolument pas. Nous sommes en République. S'il est catholique, c'est à titre privé. Il ne représente pas un parti chrétien, mais le principal parti de droite, héritier des deux grands partis de droite qui animent la vie politique depuis 1945. Il ne propose pas l'adhésion au capitalisme dans son programme, car le capitalisme, l'économie de marché, est le modèle de société auquel appartient la France depuis la Révolution, et à présent la plupart des pays du monde, y compris la Chine et la Russie. Ce n'est donc pas le sujet.
Il propose un durcissement des conditions sociales, certainement discutables, et auquel je n'adhère pas personnellement. Mais si je n'y adhère pas, ce n'est certainement pas au nom de l'Évangile, mais simplement en fonction de mes opinions de citoyen. Il ne faut pas oublier que ce programme est censé être motivé par une finalité vertueuse (redresser l'économie). On peut ne pas être d'accord, mais que vient faire l'Évangile dans tout cela ? Je ne vois pas. Je ne vois toujours pas.

Re: Et ça continue...

par Carhaix » lun. 23 sept. 2019, 19:12

Booz a écrit :
lun. 23 sept. 2019, 15:22
Bonjour à vous,

Tout d'abord, et de manière générale, je tenais à préciser que la foi et l'expérience de la conversion au Christ sont absolument apolitiques et sans couleur partisane. C'est un don reçu et un effort d'accueil de ce don, impliquant une vie qui tâche de croître dans l'amour au sens biblique du terme. Ceci produit une conversion du regard sur l'existence, transformant nos rapports aux autres et nos points de vue sur le monde. Personne n'est de droit étranger à cela, quel que soit ses opinions politiques ou son appartenance sociale par ailleurs.
De plus, la foi, qui s'enracine dans l'amour de Dieu (sans quoi elle n'est rien, disait Paul dans son hymne à la charité), est par delà la morale dans son essence. Par exemple, à ma connaissance et selon ma compréhension, l'évangile de Jean ne délivre aucune prescription morale, et il ne demande rien d'autre que de se tourner vers la Lumière et de croître en elle. Évidemment, de ce don reçu et reconnu comme tel, découlent des comportements et des devoirs, car la vie nous met au prise de situations concrètes où il faut bien agir selon une règle précise, et quand on est chrétien, cette règle doit se baser sur le don de la foi et l'enseignement du Christ. Ce n'est pas une table de la loi rigide inscrite dans un code juridique frigorifiant, et c'est parfois une affaire d'interprétation et de libre examen enraciné dans un texte auquel on croit, en vue d'une action animée (au sens d'âme) par l'amour. On peut se tromper, sans doute. Et de fait on se trompe... Mais un chrétien essaie de pratiquer la Bible en ce sens là. Si ce langage effraie ceux qui ont appris leur catéchisme, je suis désolé. L'effort pour comprendre son prochain doit sans doute faire partie du catéchisme, dont j'ignore quasiment tout par ailleurs! Libre à chacun de juger par ailleurs de tels propos... Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on a fait son catéchisme qu'on est hors de danger de fabriquer sa propre vérité. Le catéchisme n'est pas à mes yeux un blanc seing.
Dans le cadre de ce sujet, je parle exclusivement du rapport du chrétien au politique. Trouver aberrant, comme vous le faites (Carhaix), que je semble occulter les rapports individuels aux autres (famille, ami, collègue, etc...), et faire de mon propos un message consistant à réduire l'évangile à un activisme uniquement politique qui en oublie l'essentiel, ceci me semble être un faux procès incohérent. Ce sujet est politique, alors je ne vais pas parler de la contemplation des fleurs, ou de l'amitié et de l'intimité familiale... Ce sont des domaines différents, et il est évident que ces dimensions sont premières et fondamentales dans l'expérience chrétienne (j'en ai d'ailleurs parlé dans d'autres sujets). Seulement ce n'est pas là dessus que je me focalise dans ce sujet précis, dont la question a pris une tournure explicitement politique. Ne réduisez pas la pensée d'un autre à ce qu'il écrit dans un seul message, car il est évident que personne ne peut exprimer la totalité de ce qu'il pense et veut faire en un message de 100 lignes. Songez plutôt, en toute cordialité, à vous concentrer sur le sujet précis qu'il traite sans juger de ce qu'il est dans sa globalité. Cela évitera bien des malentendus! J'essaie de mon côté de faire de même, même si je n'y arrive pas toujours, sans doute.

Le sujet est donc politique, alors permettez que je parle de politique sans parler d'amitié, de sexualité ou de vie conjugale. La foi, qui est apolitique dans son essence, s'enracine dans la part céleste de notre être, ce qui transcende de très loin les vicissitudes historiques. Néanmoins tant que nous vivons en ce monde, nous avons aussi les pieds sur terre, englués dans l'histoire et sa violence latente indépassable, et la question politique se pose à nous, qu'on le veuille ou non. Un chrétien devra donc assumer cette question dans sa pensée et son action, et il est clair qu'il ne peut pas faire et dire n'importe quoi, puisqu'il se réfère à un texte qui ne dit pas et ne fait pas n'importe quoi. Or, la tradition chrétienne, et notamment celle des Pères de l'église et des théologiens qui ont fixés des canons essentiels en la matière ont médité cette question. Ce qu'il en ressort, c'est que l'inspiration chrétienne ouvre sur un discernement politique qui met au centre la notion de Bien Commun (Thomas d'Aquin par exemple), et que même s'il ne s'agit pas de mettre son espérance dans un Grand Soir, la question du bonheur visé dans la politique (tous les hommes désirent d'être heureux) n'est pas étrangère aux préoccupations du chrétien et de la notion de Bien Commun. Plutôt que de se déchirer et de s'imposer des étiquettes partisanes, le chrétien, quel que soit sa confession par ailleurs, ferait mieux de méditer sur ce Bien Commun, non pour imposer une politique chrétienne programmatique (que je rejette complètement pour les raisons dites plus haut), mais pour discerner le juste de l'injuste et orienter son action de telle manière qu'il se rende le plus utile possible à la société civile laïque en tâchant de pacifier les rapports sociaux et en contribuant à la vie collective (sans lui imposer aucune croyance!). Dans ce cadre et en demeurant dans un esprit évangélique de non-violence qui rejette tout "activisme" et tout "militantisme", les chrétiens peuvent constituer, partout où ils se trouvent et autant que possible, une inspiration acceptable pour la raison politique, en tâchant d'insérer autant que possible dans nos codes civils et nos lois la surabondance de l'amour qu'il a reçu, sans pour autant appeler à un État chrétien (c'est en ce sens que je parle d'inspiration, et non d’institutionnalisation d'un État chrétien... Il y a une grande différence entre gouverner et éclairer!). J'ai insisté sur la sécurité sociale car son principe ("à chacun en fonction de ses besoins") porte en lui un souffle de fraternité d'inspiration chrétienne plus ou moins conscient. Ce souffle n'impose pas pour autant les mystères de la foi à la société laïque (encore heureux, sinon c'est le bain de sang...), mais éclaire les questions politiques et sociales de cette inspiration en prenant soin de l'universaliser et de la justifier par la raison politique laïque. Défendre la sécurité sociale est donc une manière de contribuer au Bien Commun et de se rendre utile pour les autres, quels qu'ils soient. Voter pour un candidat qui cherche à la démonter pour nous aligner progressivement sur un modèle à l'américaine ne me semble pas très conforme à un discernement chrétien en matière politique.
Le chrétien doit rentrer en dialogue avec tout le monde, sans imposer de foi, car il est le premier à savoir que celle-ci lui vient d'en haut et qu'il ne peut pas par conséquent l'imposer à son prochain, notamment dans le cadre d'une action politique. De toute façon, personne n'est neutre dans cette histoire, l'athée comme le croyant. L’État doit rester le plus neutre possible car la société qu'il essaie de gouverner ne l'est pas du tout! Chacun doit donc faire effort pour dialoguer sans violence, et on a rien trouvé de mieux que la raison pour cela. Ça tombe bien, car la raison n'est pas contraire à la foi, loin de là, et le pape Benoit XVI l'a rappelé avec insistance. Par ailleurs, par mes propres réflexions et mes lectures, je me suis rendu compte que j'étais complètement en accord avec Benoit XVI sur cette question pour l'essentiel, notamment en lisant Libérer la liberté, foi et politique. Je ne connais rien du catéchisme, mais je me retrouve d'accord avec le pape sur ce point important. Serais-je plus royaliste que le roi?

Carhaix :
La "pratique de la Bible" dont vous vous réclamez procède du "libre-examen". Vous la définissez comme un moyen de "comprendre" le "sens" de l'Évangile, pour ensuite en tirer les conséquences dans votre vie, et votre rapport au monde (à supposer que les deux aspects soient distincts). Mais je regrette : le sens de l'Évangile vous est fourni par l'Église, et consigné dans le catéchisme. Si vous mettez de côté l'enseignement de l'Église pour redéfinir par vous-même un sens des Écritures qui ne serait pas proposé par l'Église, vous inventez une autre religion, vous vous fabriquez votre propre vérité.
Donc pas de vérité en dehors du catéchisme, et, au fond, pas de"vrai" chrétien en dehors du catholicisme. Donc je suis un faux chrétien... Mon cas est réglé dans ces conditions! Sans rancunes.
Et à partir de cette vérité, vous établissez un certain nombre d'opinions politiques - alors que vous vous défendez de faire de la politique, quelle contradiction formidable ! - et d'actions - mais vous vous défendez de tout activisme !
Si faire de la politique consiste à discerner ce qui est juste ou injuste en fonction du Bien Commun auquel on croit, et tâcher d'agir en conséquence, je ne me défends pas d'en faire. Si faire de la politique c'est s'encarter dans un parti ou resté le nez collé sur l'actualité et soutenir une couleur politique donnée en vue de conquérir le pouvoir et de faire pression sur la société par des méthodes "pas très catholique", alors oui je ne fais pas de politique. Car c'est cela l'activisme et le militantisme à mes yeux.
Et ces opinions sont pour le moins assez franches et précises. Pour commencer, vous condamnez le vote de droite en général, et tout spécialement le vote Fillon. Mais à part ça, vous ne faites pas de politique. Selon vous, l'Évangile condamne Fillon et ses électeurs. Ça va quand même assez loin. Et de quoi sont-ils coupables ? D'égoïsme. Si j'énumère : aggraver la misère sociale à leur seul profit, sauvegarder leur fortune, guidés par de sordides intérêts financiers, épuiser les ressources de la planète : voilà le vote Fillon, selon vous. Et naturellement, vous n'avez pas de programme politique, alors que se dessine dans vos propos ce que j'appellerais, personnellement, l'ébauche d'un programme politique situé plutôt vers la gauche et l'écologie.
Il est clair à mes yeux que le vote Fillon n'est pas un vote complètement désintéressé d'intérêts matériels très personnels, comme la plupart des votes par ailleurs. "Condamné" par l'évangile, le mot est fort, mais disons que j'y vois une certain incohérence dans la recherche du Bien Commun.
De manière générale, voter (si cette action à un sens politique essentiel, ce dont je suis perplexe) pour un candidat qui perçoit le politique comme une gestion entrepreneuriale qui ravale tout ce qui est (y compris les êtres humains) à des choses manipulables dont l'objectif est d'en extraire le maximum d’énergie et de rentabilité, occultant par là même toute fraternité fondatrice d'une société pacifiée me paraît en effet hors de propos et aux antipodes d'une politique qui recherche le Bien Commun. Telle est mon opinion, si elle vous intéresse vraiment (mais puisque vous discutez avec moi, je suppose qu'elle doit vous concerner un minimum...).
Non, je n'ai pas de programme politique précis. Non je ne suis pas de gauche, et je n'adhère pas, au fond, à Mélenchon qui dit que le principe et la fin de tout est la démocratie, et qui pense que tout est politique dans la vie, car j'y vois finalement une folie qui peut créer beaucoup de mal et assez peu de bien. Je ne comprends pas ce que fait Poutou sur un plateau politique, et le centre m'attriste beaucoup. Je suis un peu comme Fabrice Luchini, qui est peut-être la personne la plus raisonnable en matière de politique en dans l'espace public français : considéré en tant qu'entité politique partisane (sans parler des individus!), je hais la "droite" à peu près autant que je déteste la "gauche", alors convenez que ça me laisse peu de choix les dimanches de vote... Pour ce qui est de l'écologie, je suis assez en phase avec l'encyclique du Pape François (Laudato si). S'il s'agit de la juste manière d'habiter le monde (la maison commune) et d'essayer d'en tenir un discours rationnel, comme l'indique en partie l'étymologie du mot, alors je pense en effet que le chrétien peut se rendre utile à tous les citoyens sur cette question, car ses inspirations ont des réponses à apporter. Mais je suis loin des verts (que je ne comprends pas non plus), et je n'irai pas vivre avec les pieds dans la boue pour me rapprocher de "dame nature" et affirmer mon écologie. Le problème ne se situe pas là!
Mais vous parlez également d'action (action non activiste, ce que je demande à voir). En quoi consiste cette action ? Vous êtes assez vague. "Action locale, échange d'idées, associations, agissant dans l'esprit d'amour de l'Évangile, lorsque la situation politique l'exige, notamment en cas de répression, et sans recours à la violence." Que veut dire tout cela ? Vous parlez d'aide humanitaire via des organismes ? Des ONG ? Les ONG ne font aucun activisme ? Les ONG ne sont pas animées par des motifs politiques ? J'aimerais bien en savoir plus. Et j'aimerais surtout connaître le rapport à l'Évangile. Le Christ nous ordonne de nous aimer les uns les autres, il nous fait le récit du bon Samaritain, nous parle de l'aumône, d'aimer nos ennemis, et tout cela s'applique bien évidemment au niveau individuel, car c'est à ce niveau-là que s'opère la conversion. Je ne vois nulle part de référence à de quelconques actions collectives. Ou bien, j'aimerais savoir où il en est question (et que l'Église n'aurait pas vu jusqu'ici).
Je n'ai pas la solution aux problèmes que vous posez, comme l'immense majorité des hommes sur cette terre. Ca ne m'empêche pas pour autant d'essayer de viser le juste, malgré mon impuissance politique.
Vous devez connaître l'Abbé Pierre, les restos du cœur, certains syndicats (dont des chrétiens) qui luttent et essaient de traduire en politique des idées concrètes qui peuvent s'accorder avec l'évangile. Je ne connais pas bien les ONG, mais il existe des associations utiles au Bien Commun qui oeuvrent chaque jour. Permettez-moi de ne pas vous exposer ma vie et mes "bonnes" oeuvres, à supposer qu'elles soient vraiment bonnes. Ces structures, qui ne sont pas politiques à proprement parler, ont néanmoins une portée politique certaine et peuvent s'inclure dans une réflexion commune sur les lois. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que lorsque l'abbé Pierre prenait la parole en publique et s'adressait explicitement à des politiques, ils n'essayait pas de sensibiliser l'opinion et d'infléchir autant que possible certaines politiques publiques concernant le problème du logement (ainsi que toute la problématique sociale qui va avec cette thématique). C'est une forme d'action politique au sens où elle appelle à réfléchir et à agir dans le sens du juste. Est-ce vraiment efficace? Je ne sais pas. Mais la puissance du chrétien, c'est qu'il n'est pas contaminé par cette morale technique (technocratique) de l'efficacité qui juge les actions uniquement au regard de leur résultat objectif chiffré appelé "bilan". Le chrétien luttera pour le juste et le Bien Commun même si son combat échoue, et ne reniera pas son action pour autant, admettant simplement sa défaite et la force du monde qui s'abat sur les hommes. Il cessera immédiatement la lutte s'il voit que les moyens utilisés sombrent dans des méthodes contraires à l'amour du prochain (y compris de ses ennemis), car il pense qu'on n'apporte pas la justice et la liberté par des méthodes violentes, injustes et oppressives. C'était la grande bêtise des chefs communistes de l'URSS: utiliser un désir de justice louable et prétendre changer les hommes et les rendre libre en les envoyant au Goulag...
L'évangile fournit d'abord une méthode. Ce qui est un précepte individuel peut aussi s'insérer dans la logique d'une action politique et en tenir compte : le commandement d'aimer ses ennemis va dans ce sens; il est clair que nous avons des ennemis en matière de politique, mais tâcher de les aimer est un principe très fécond en morale comme en politique, puisqu'il nous rend conscient que dans tout "ennemi", il y a un futur ami potentiel, et ceci laisse toujours ouverte la possibilité d'une réconciliation fraternelle, vitale en politique, éliminant d'office toute forme de vengeance et de violence contre les personnes. Car on ne peut plus prétendre travailler pour une société commune et réconciliée si on tue ou maltraite son prochain, car alors on approfondit la discorde jusqu'à la rupture totale. Ce principe, Nelson Mandela en a fait un principe politique essentiel dans son action, et lui et ses amis sont parvenus à faire tomber l'apartheid sans avoir à tuer des blancs. L'Afrique du Sud va mieux aujourd'hui que sous l'apartheid, et je crois que ce principe fut une inspiration chrétienne décisive (voir, malgré tout, dans l'autre dont la couleur de peau est différente la possibilité d'une réconciliation possible, et ainsi ne rien faire qui puisse empêcher cette réconciliation). Sans lui, le cycle infernal de la vengeance aurait pris le dessus, inévitablement, et l'apartheid aurait eu encore de beaux jours devant lui...
Dans l'action, de nos jours, il n'est pas interdit de prendre part à certaines manifestation, par exemple, ou d'intégrer des associations qui vont dans le sens du Bien Commun. La discussion est également vitale en politique, et ce n'est pas parce que ça ne passe pas dans les médias que ça n'existe pas. Et puis, partout où un chrétien se trouve, notamment dans sa profession ou sa commune, il se doit d'absorber le plus possible la violence du monde pour en amortir les conséquences et se rendre utile à son prochain, quelle que soit son activité. Ce n'est peut être pas politique à proprement parler, mais ça peut avoir une portée politique dans le sens où ces actions décident de la signification que nous donnons à notre inscription dans la Cité. Entre l'arène politique à proprement parler et la vie intime du foyer, il y a tout un entre deux où nos actions peuvent avoir un sens politique si on entend par là la recherche du juste et du bien commun.
Par ailleurs, à mon sens, le chrétien ne doit jamais chercher le pouvoir au sens mondain du terme, et s'il se trouve à une position de pouvoir dans la société, il doit user de ce pouvoir selon le modèle que Jésus nous a donné dans la scène du lavement des pieds au chapitre 13 de l'évangile de Jean : servir et non dominer, ce qui court-circuite beaucoup d'inégalité hiérarchique et oppressive dans la société. Paul, dans l'épitre aux éphésiens (dont je propose une lecture dans un sujet sur "l'anarchisme chrétien"), en propose une application concrète qui n'est pas dénuée de toute signification politique.
Sous quelle forme en général parle-t-on d'établir la paix dans le monde ? Que signifie "pacifier" ? Généralement, ce que l'on entend par là, c'est de faire la guerre, aussi bien à l'époque de Charlemagne (qui certes a pacifié ses voisins en les battant sur le champ de bataille) que de celle de Kouchner (grand "pacificateur" des temps modernes, d'ailleurs très impliqué dans les ONG humanitaires aux motifs charitables empreints de l'esprit d'amour de l'Évangile). Quel autre moyen voyez-vous, dans la sphère "agissante" (mais non activiste) par le biais associatif, et qui ne serait pas au niveau individuel ? Je suis curieux de le savoir, très concrètement.
Ces propos sont trop réducteurs et généralisant. Je n'ai pas à y répondre.
Vous établissez ainsi une opposition radicale entre l'Évangile vécu au niveau individuel, qui n'aurait aucune interaction avec le monde extérieur, et l'action collective sur le monde.
Je dis précisément l'inverse, en précisant des degrés et des inclusions progressives.
Mais tout ceci implique de réfléchir au bonheur humain sur la terre, ce qui n'est pas vraiment la préoccupation première de l'Évangile (lisez l'Apocalypse...) : grand point de désaccord entre nous. Je ne vois rien dans les Évangiles qui promeuve ou condamne tel ou tel modèle de société. À aucun endroit. Ou bien, dites-moi où. Les protestants, qui pratiquent le libre-examen, aboutissent d'ailleurs à des conclusions diamétralement opposées aux vôtres, puisqu'ils voient dans l'Évangile la justification du capitalisme (la fameuse éthique protestante) : d'où les limites du libre-examen...
Dans la Bible, on trouve des modèles de société condamné : Sodome et Gomorrhe, et les idéaux-type de société présentées dans l'Apocalypse sous le nom Babylone la grande esquissent des types de modèles auquel le chrétien ne peut pas se plier. Babylone, dans l'Apocalypse, ressemble beaucoup à une société de luxure où tout est devenu marchandise et commercialisable (y compris les âmes et les corps humains). Aucune ressemblance avec nos sociétés contemporaines?
Le bonheur humain sur la terre n'est pas la finalité ultime. Mais dans l'amour du prochain, il y a tout de même le souci de son épanouissement, y compris immédiat. Il n'est pas absurde que ce souci puisse trouver une traduction collective et politique, sans fantasmer pour autant un paradis sur terre, qui ne mène nulle part, si ce n'est à... l'enfer sur terre!
Pour ce qui est du rapport entre protestantisme et capitalisme, permettez-moi de vous dire que c'est un contresens sur la pensée de Weber. Celui-ci disait qu'il y a dans le protestantisme, dans son rapport au monde et au travail, dans sa conception de la jouissance (et donc de la consommation), une pensée qui favorisait l'activité laborieuse comprise comme une vocation à accomplir dans le monde (le Beruf). Ceci lié à l'épargne du salaire gagnés par ce travail (pour ne pas tombé dans une consommation à outrance qui favorise le plaisir égoïste et l'oubli de Dieu), Weber y voyait la constitution progressive d'un capital qui a rendu possible la naissance du capitalisme. Mais il précise explicitement qu'il n'impute en rien la mentalité capitaliste dans son développement à la pensée protestante. Il parle de condition historique qui ont rendu possible cette forme d'économie, mais il ne dit aucunement que le capitalisme est une application à la lettre du protestantisme. La simple constatation de nos sociétés de consommation indique assez que le capitalisme n'a plus rien à voir dans son essence avec le protestantisme!

J'essaierai de répondre à Altior plus tard.

Cordialement.
Pour essayer d'être bref, il existe de multiples façons d'interpréter la Bible. Donc "pratiquer la Bible" veut dire "pratiquer MA compréhension de la Bible", puisque visiblement vous rejetez vaguement l'enseignement de l'Église à ce sujet (avec une vision assez négative du catéchisme, qui vous apparaît comme une guimauve ou une bondieuserie dénuée de profondeur). La lecture de Weber vous en fournit un bel exemple. Même si l'on n'impute pas le développement du capitalisme au protestantisme, il n'en reste pas moins que dans une certaine compréhension de la Bible on peut considérer l'enrichissement comme découlant d'une vie vertueuse (travail, abstinence des plaisirs vils), et l'appauvrissement comme découlant d'une juste sanction (dilapidation de son salaire en beuveries, abrutissement qui s'ensuit d'une vie pécamineuse). Je suppose que cela ne coïncide pas avec votre propre compréhension de la Bible.

Et malgré que vous vous en défendiez, vous tirez de l'Évangile des opinions politiques bien précises, ce qui me paraît dangereux car menant potentiellement à l'intolérance, puisqu'une opinion politique contraire est présentée par vous de façon certaine et absolue comme anti évangélique. Aussitôt, vous accompagnez cette affirmation d'assurance de désavouer la violence : d'accord, mais l'affirmation qui présente une opinion politique comme évangélique, et une autre comme anti évangélique, est intrinsèquement violente. Imaginons que vous fassiez des émules, votre engagement à ne pas user de violence et ne pas même vous engager en politique ne vaut rien, ou ne vaut que pour vous dans l'instant d'aujourd'hui. On n'est pas obligé de vous croire sur parole sur ce chapitre.

Personnellement, un militant politique qui m'annonce que son opinion est d'origine divine, et donc indiscutable, me fait peur, et je recule de dix mètres.

Voilà, il y aurait d'autres choses à dire, mais voilà déjà un point qui me semble important.

Re: Et ça continue...

par PaxetBonum » lun. 23 sept. 2019, 15:40

Cinci a écrit :
lun. 23 sept. 2019, 1:43
Ça, c'est le rôle de l'Église : transmettre le pardon de Dieu. Oui, sans délai, sans attente, sans condition.
Bonjour Cinci,

Et pourtant il y a des conditions précises qui concernent le prêtre et le pénitent.
Pour l'un avoir l'autorisation de la juridiction diocésaine, pour l'autre d'avoir une sincère contrition.

Et la sincère contrition doit amener à suivre les enseignements de Notre Seigneur :
"Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande. Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu'il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l'officier de justice, et que tu ne sois mis en prison.…"

S'accorder avec son adversaire nécessite une recherche de réparation.
Rapporter la pomme est possible (ou une équivalente), ramener à la vie celui que l'on a assassiné est plus complexe…
La réparation passe par une peine terrestre et/ou céleste.
J'ai tendance à penser que ce que nous n'aurons pas réparé sur terre, nous risquons de le réparer au Ciel… au centuple…

Cinci a écrit :
lun. 23 sept. 2019, 1:43
Le fait que le mauvais sujet repenti puisse accepter lui-même la peine consécutive au forfait (on retrouve ici le cas du larron en croix), qu'il accepte cette peine (le châtiment exigé par les pécheurs, la foule) qui n'est pas une exigence du Père, facilite le rétablissement et du sujet et des autres (des victimes du mal).
Là je suis bien d'accord.
Comme vous l'exprimez payer sa dette terrestre facilite l'acceptation du pardon du pénitent et soulage la peine des victimes.
En cela ce ne peut qu'être une œuvre sainte.

Re: Et ça continue...

par Druss » lun. 23 sept. 2019, 14:36

Je me permet de m'immiscer dans cette polémique entre vous: Booz, Carthaix et Altior, pour apporter un point en faveur du capitalisme trop souvent uniformément décrié par des critiques qui, certes, peuvent avoir une bonne connaissance de Marx, mais en même temps méconnaissent toute une lignée de penseurs de tradition libérale, par exemple: Ludwig Von Mises, ou Hayek, ou Friedman.
On dit: le capitalisme est consubstantiel au fascisme, preuve en est le régime nazi. Sauf que le Nazisme, comme son l'indique, est national-socialiste. Au temps ou Hitler était au pouvoir, L'Allemagne n'était plus, stricto sensu, capitaliste; car une économie capitaliste, c'est-à-dire de libre-marché, suppose que les moyens de productions soient la propriété de l'individu, indépendamment de l’État. Or qui peut croire que les patrons d'entreprise, à cette époque, étaient libre de gérer leur production comme ils voulaient, de fixer les prix, d'embaucher qui ils voulaient, etc. A ce sujet je recommande un très bon film: les Damnés, de Visconti, qui relate la vie d'une famille de riches industriels au temps de la montée nazi: leurs compromissions, leurs tentatives de résister, etc. Très bon film!
Donc, à cette époque, toutes les grandes entreprises étaient dans la main de L’État, donc du parti Nazi, abolissant la liberté de marché, c'est-à-dire toute liberté individuelle sur le plan économique, mettant, donc, toute la vie matérielle des individus dans la main de l’État également. Je vous pris à cet effet d'imaginer ce qu'il devait en coûter à un grand patron de ne pas se plier aux directives des Nazi (encore une fois les Damnés...).
Pourquoi dire tout ça. Booz... Je crois que l'on peut être chrétien et voter Fillon, être libéral voire défendre le capitalisme, et être chrétien. Je crois à la sécurité sociale, aussi, mais je n'en fais pas un "alpha oméga". En effet La sécurité sociale n'est pas d'inspiration évangélique, ce me semble, car, si elle l'était, elle rendrait nécessairement les gens meilleurs, plus aptes à aimer leurs prochains, ce qui n'est pas le cas. Seul l'évangile est... évangélique... car lui seul a puissance de rendre le cœur humain meilleur. On peut donc vouloir mettre fin à la sécurité sociale et être chrétien, si on pense, par là, qu'il n'y aura pas un accroissement de la misère sur les épaules des plus faibles. Le marché peut-il répondre à ce défi? En tout cas il n'est pas d'essence fasciste, puisqu'il a été en contradiction interne avec le nazisme. Le défi du libéralisme, du capitalisme, du marché, c'est celui-ci: produire la richesse sans créer la misère.
Ps: la dernière ligne est inspirée d'un vers de Hugo, dans les Contemplations.

Re: Et ça continue...

par Carhaix » lun. 23 sept. 2019, 9:48

Booz a écrit :
lun. 23 sept. 2019, 3:11
Bonsoir Carhaix,

Il est possible qu'on ne se soit pas compris.
Il me semble que votre propos contient une contradiction : comment conciliez-vous l'idée qu'il ne peut exister de politique chrétienne avec l'activisme évangélique que vous soutenez, dont le but serait d'exercer une pression sur le pouvoir politique et sur l'opinion ? L'activisme mène forcément à un parti politique et donc à une politique pure et simple. L'activisme politique contient forcément un programme et une doctrine politiques.
"L'activisme évangélique" que vous me prêtez est très obscur. Je parle d'agir conformément à l'esprit de l'évangile lorsqu'une situation politique l'exige, ce qui n'a rien à voir. Cela ne peut donc pas se traduire par l'exercice d'une pression sur un pouvoir politique ou sur l'opinion, car l'esprit d'amour qui anime l'évangile n'emploie aucune méthode qui revienne toujours au final à l'emploi de la force, quelle que soit la forme que peut prendre ce pouvoir (armes, propagande, lobbys, chantage de toute sorte, menace, etc.). Je suis le premier à défendre, conformément au penseur catholique Jean-Luc Marion, la notion d'impouvoir contenue dans l'amour évangélique au sens de l'agapé. Me qualifier "d'activiste" est donc hors de propos. S'il y a des "activistes" parmi les chrétiens (mais je ne goûte guère à ce jeu des étiquettes), ce sont bien ceux qui défendent l'ordre en place au point de renier l'évangile pour voter ou appuyer d'une quelconque manière des individus mouillés jusqu'au cou, comme vous dites, et qui n'ont d'autre objectif que d'approfondir la misère sociale afin d'en bénéficier.
C'est pourquoi je dis en toute lettre qu'il ne doit pas y avoir de politique chrétienne, et encore moins de parti chrétien. Peut-être que le lieu de notre désaccord se situerait à ce niveau : la seule manière d'agir dans le monde serait-elle la fondation d'un parti utilisant la ruse et la force et abreuvant ses futurs clients d'un programme tout fait qui a réponse à tout? Mais que faites -vous des actions locales, des échanges d'idées, des associations chrétiennes ou laïques qui contournent ceci et agissent réellement sous l'inspiration de l'évangile?
La seconde chose qui me gêne, c'est l'interprétation univoque que vous semblez vouloir extirper de la Bible. Vous parlez même de "pratique de la Bible". Là, vous me faites peur. Dans le catholicisme, on ne "pratique" pas la Bible, mais on essaie de conformer sa vie à l'enseignement du catéchisme.
N'ayons pas peur des mots, car il ne sont peut-être pas si opposés, bien que nous n'avons peut-être pas les mêmes. Conformer sa vie au catéchisme n'aurait donc rien à voir avec une pratique de la Bible? Pratique de la Bible signifie : écoute de la Parole, tentative pour la recevoir et comprendre son sens, volonté de se laisser habiter par elle, tâcher d'y conformer son existence (car elle ne dit pas tout et n'importe quoi!), tant au niveau individuel que dans notre perception du monde social et politique. Il est évident que quelqu'un qui met cela en œuvre ne défendra pas les délires transhumanistes, pour ne prendre que cet exemple!
Vous semblez ne pas faire de distinction entre les préceptes évangéliques qui nous sont adressés individuellement, et ce qui vaut pour la société. La Bible serait un programme politique ? Est-ce que ça ne mènerait pas droit au totalitarisme et à l'intolérance ? Il me semble que vous prenez la Bible pour ce qu'elle n'est pas. Son but n'est pas d'établir ce qui est juste ou injuste dans les rapports entre les hommes. Le Christ le dit formellement : mon royaume n'est pas de ce monde, je ne suis pas là pour départager vos conflits, mes pensées sont au-dessus de vos pensées, rendez à César ce qui est à César, etc.
Je ne me sens pas du tout concerné par ce message, car je dis explicitement l'inverse des idées que vous me prêtez. Je dis clairement que mener une politique chrétienne mène tout droit au bain de sang et aux guerres civiles. Reprenez mon message précédent que vous citez dans le vôtre.
Par ailleurs, à aucun moment je dis que la Bible doit permettre d'établir ce qui est juste ou injuste (comme si elle était un programme à mettre en œuvre), mais qu'elle permet d'inspirer un discernement sur le juste et l'injuste en politique, ce qui n'a rien à voir.
Le rendez à César ce qui est à César n'est pas un verset appelant les chrétiens à une passivité devant le monde social et politique. C'est une délimitation du pouvoir de César (ce qui, pour l'époque, où César tend à se diviniser, est une véritable insolence aux yeux de certains romains!). Si César décide demain de maltraiter les vies humaines qui m'entourent en passant ses lois oppressives, je ne crois pas qu'il faille rester dans son canapé en attendant la fin des temps et son salut personnel. Ce quiétisme est contestable d'un point de vue chrétien.
D'autre part, certains préceptes sont effectivement individuels, mais l'individu est impliqué et enveloppé dans une collectivité, et on ne peut pas aisément séparé les deux, abstraitement. Quand Jésus dit : "Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu", je ne crois pas qu'il parle seulement de notre petite paix intérieure, mais bien plutôt d'agir partout où nous nous trouvons et dans les limites de nos moyens pour réparer ce qui se détruit, maintenir la dignité humaine là où elle est menacée, etc. Et ceci peut passer par une action et une lutte non-violente et aimante si la situation l’exige. Est-ce de "l'activisme"?
Pour ma part, j'estime que l'on peut être catholique et adhérer à n'importe quel idéal politique. Il n'y a aucun rapport entre la conviction personnelle et sa propre conversion au Christ. Mais vraiment, aucun rapport. Et si généralement les catholiques sont plutôt à droite et libéraux, c'est peut-être simplement par esprit de conservatisme et de sauvegarde de l'ordre social. Quelque part, je ne leur donne pas vraiment tort. La société, pour aller bien, a besoin de stabilité.

Ce qu'il faut dénoncer, c'est le capitalisme débridé, tel qu'il triomphe aujourd'hui (avec la bénédiction de ceux qui n'ont de "démocrates chrétiens" que le nom).
Vous êtes catholique et vous adhéreriez à un idéal politique matérialiste et consumériste, jusqu'à la consommation déchaînée de toute les ressources vitales pour un grand nombre de peuples humains sur cette Terre? Cela m'étonnerait. Votre conversion au Christ, que je ne peux pas juger, ne peut pas néanmoins concerner uniquement votre individualité : elle change fondamentalement votre rapport au monde, aux autres, et ceci ne peut pas ne pas avoir d'impact sur la manière de percevoir l'évolution historique et le monde social qui vous entoure. Dire qu'il n'y a aucun rapport, ça me laisse perplexe.
Que sauvegardent les catholiques "plutôt à droite"? L'ordre social ou leur ordre social qui les sert quotidiennement? Leur stabilité ou la stabilité de l’État? Allons parler de stabilité et d'ordre social à ceux qui sont tout en bas, brisé par des conditions de travail difficiles, précarisés par des contrats courts votés par ceux d'en haut, dont certains catholiques de droite. Ceux qui veulent conserver la stabilité de l'ordre social sont, de fait, ceux qui se procurent une stabilité non négligeable en son sein. Je ne nie pas l'importance de l'ordre, et je pense que l’État est de toute façon un mal nécessaire qu'il serait fou de vouloir renverser. Mais de là à conserver et approfondir son ordre au détriment des plus faibles, c'est bien autre chose.
Pour prendre un exemple concret, je ne crois que les catholiques qui ont voté Fillon ignoraient ses projets de destruction méthodique et progressive de la sécurité sociale. Je ne pense pas qu'ils ont voté pour lui par simple prudence conservatrice et par souci de stabilité pour tout le monde. Il semblerait bien plutôt qu'ils étaient très conscients de tout cela, et qu'ils n'avaient aucune envie de partager leur fortune ou de remettre en question le moindre millimètre de leur situation sociale pour le bien de la communauté. Ont-ils agi par esprit de conservatisme? Non! Ils ont cherché l'approfondissement de l'ordre économique en place, doublé d'un rêve de retour à une "France chrétienne" que je ne soutiens pas pour les mêmes raisons que vous, car cela aboutirait à une "politique chrétienne" très dangereuse pour tout le monde.
Or, il s'avère que la sécurité sociale est une structure qui, sur la base du discernement que donne l'évangile à un chrétien, doit être protégée, car ses inspirations puisent dans la fraternité entre les hommes et dans un souci de secours aux plus faibles. Cela n'a peut-être aucun rapport avec votre conversion au Christ à vos yeux, mais je peux vous dire que beaucoup de chrétien y voient un rapport essentiel et très net, y compris des catholiques. Ce sont ceux qui conservent la sécu qui défendent l'ordre social et sa stabilité, pas ceux qui votent pour des candidats cherchant à la détruire. Et je ne pense pas que le pape François serait très choqué par ce genre de propos s'il devait les lire par hasard (imaginons...).
Je m'étonne par conséquent que les catholiques conservateurs pensent plus à conserver (voire approfondir) l'ordre économique capitaliste actuel et oublient malencontreusement de conserver des structures comme la sécurité sociale qui, même si ce n'est pas parfait et que ce n'est pas le paradis sur terre, permet néanmoins d'être un filet de sauvetage et de solidarité non négligeable pour les gens en difficulté. Vivre conformément à l'évangile, dans ces conditions, peut nous amener à discerner la saine inspiration qui gouverne une structure comme la sécu, et à la défendre autant que possible. Tout le monde sait que ce n'est pas en votant Fillon que cela va se faire. Le porte monnaie...
Pour ce qui est du capitalisme débridé... Ça me fait penser à l'expression de Bayrou sur "l'hyper-capitalisme", manière habile pour dire qu'on veut du capitalisme, mais pas trop... Seulement, avez-vous vu un capitalisme qui ne soit pas débridé par essence, dans sa dynamique et ses intentions? N'y a-t-il pas une hybris consubstantielle au capitalisme? Pourquoi, selon vous, le capitalisme en est-il arrivé là aujourd'hui? Ne portait-il pas cela en lui depuis le début, comme une maladie qui couvait depuis longtemps?

L'évangile n'est pas un programme, mais une Source et un élan d'amour. A partir de là, ça implique des devoirs. Les premiers Pères de l'église catholique défendaient les chrétiens en disant que ce sont des citoyens utiles qui cherchent à travailler pacifiquement pour la justice, et ils disaient cela pour signifier que les persécutions à leur encontre étaient injustifiées politiquement. Ils avaient bien raison. Le pape François, dans l'encyclique sur l'écologie, appelle les chrétiens à agir et à bien discerner ce dont le monde à besoin en s'inspirant de l'évangile, et ceci y compris en matière de politique. Cela ne se réduit pas au vote, encore heureux.
Il y a mille manières d'agir, et il y a à mes yeux un rapport très clair entre la conversion au Christ et notre rapport au monde social. Mais peut-être que certains catholiques ne portent pas le pape François dans leur cœur.

Les échanges vifs ne me gênent pas, si nous essayons de nous comprendre.

Cordialement.
La "pratique de la Bible" dont vous vous réclamez procède du "libre-examen". Vous la définissez comme un moyen de "comprendre" le "sens" de l'Évangile, pour ensuite en tirer les conséquences dans votre vie, et votre rapport au monde (à supposer que les deux aspects soient distincts). Mais je regrette : le sens de l'Évangile vous est fourni par l'Église, et consigné dans le catéchisme. Si vous mettez de côté l'enseignement de l'Église pour redéfinir par vous-même un sens des Écritures qui ne serait pas proposé par l'Église, vous inventez une autre religion, vous vous fabriquez votre propre vérité.

Et à partir de cette vérité, vous établissez un certain nombre d'opinions politiques - alors que vous vous défendez de faire de la politique, quelle contradiction formidable ! - et d'actions - mais vous vous défendez de tout activisme !

Et ces opinions sont pour le moins assez franches et précises. Pour commencer, vous condamnez le vote de droite en général, et tout spécialement le vote Fillon. Mais à part ça, vous ne faites pas de politique. Selon vous, l'Évangile condamne Fillon et ses électeurs. Ça va quand même assez loin. Et de quoi sont-ils coupables ? D'égoïsme. Si j'énumère : aggraver la misère sociale à leur seul profit, sauvegarder leur fortune, guidés par de sordides intérêts financiers, épuiser les ressources de la planète : voilà le vote Fillon, selon vous. Et naturellement, vous n'avez pas de programme politique, alors que se dessine dans vos propos ce que j'appellerais, personnellement, l'ébauche d'un programme politique situé plutôt vers la gauche et l'écologie.

Mais vous parlez également d'action (action non activiste, ce que je demande à voir). En quoi consiste cette action ? Vous êtes assez vague. "Action locale, échange d'idées, associations, agissant dans l'esprit d'amour de l'Évangile, lorsque la situation politique l'exige, notamment en cas de répression, et sans recours à la violence." Que veut dire tout cela ? Vous parlez d'aide humanitaire via des organismes ? Des ONG ? Les ONG ne font aucun activisme ? Les ONG ne sont pas animées par des motifs politiques ? J'aimerais bien en savoir plus. Et j'aimerais surtout connaître le rapport à l'Évangile. Le Christ nous ordonne de nous aimer les uns les autres, il nous fait le récit du bon Samaritain, nous parle de l'aumône, d'aimer nos ennemis, et tout cela s'applique bien évidemment au niveau individuel, car c'est à ce niveau-là que s'opère la conversion. Je ne vois nulle part de référence à de quelconques actions collectives. Ou bien, j'aimerais savoir où il en est question (et que l'Église n'aurait pas vu jusqu'ici).

Un cas typique : vous citez un passage des Béatitudes : Heureux les artisans de paix, où vous voyez l'appel à agir pour la paix par une action collective (mais pas activiste, je me demande comment, mais passons), et que vous opposez à une forme de quiétisme qui consisterait à faire la paix intérieure sans se frotter au monde. Mais ces deux possibilités extrêmes sont-elles les seules possibilités d'être des artisans de paix ? Sous quelle forme en général parle-t-on d'établir la paix dans le monde ? Que signifie "pacifier" ? Généralement, ce que l'on entend par là, c'est de faire la guerre, aussi bien à l'époque de Charlemagne (qui certes a pacifié ses voisins en les battant sur le champ de bataille) que de celle de Kouchner (grand "pacificateur" des temps modernes, d'ailleurs très impliqué dans les ONG humanitaires aux motifs charitables empreints de l'esprit d'amour de l'Évangile). Quel autre moyen voyez-vous, dans la sphère "agissante" (mais non activiste) par le biais associatif, et qui ne serait pas au niveau individuel ? Je suis curieux de le savoir, très concrètement.

Sinon, outre la nécessité de gagner en paix intérieure, chacun a la possibilité d'être un artisan de paix dans ses rapports avec ses proches (familles, voisins, collègues) et tout type de personne rencontrée sur son chemin, cas le plus évident qui ne paraît pas avoir retenu votre attention, d'après ce que je lis dans vos propos.

Vous établissez ainsi une opposition radicale entre l'Évangile vécu au niveau individuel, qui n'aurait aucune interaction avec le monde extérieur, et l'action collective sur le monde. C'est peut-être le cœur du problème, car vous semblez exclure tout rapport avec autrui dans la vie chrétienne individuelle, ce qui me paraît vraiment aberrant. Tout l'Évangile s'adresse à l'individu dans son rapport avec autrui et avec Dieu. Comment faites-vous pour exclure la seule voie qui transparaît, et que l'enseignement de l'Église a retenue ? D'où sortez-vous l'idée que l'action individuelle se limiterait à rester enfermé dans sa chambre ? Lorsque vous rendez service à quelqu'un, est-ce par action collective que vous agissez ? Le bon Samaritain représente une ONG ?

Et pour revenir au capitalisme, je n'ai personnellement aucun avis définitif. Aucun système n'a jamais été juste. Même au sein d'une communauté monastique, on voit surgir des inégalités, des injustices (entre le moine intelligent et érudit qui entend mériter la prêtrise, et échapper aux travaux manuels, et méprise un petit peu le simple moine convers, réputé moins intelligent et que l'on cantonne à l'entretien des pommiers). Je crois que l'on peut rendre le système capitaliste supportable pour le plus grand nombre si des politiques de garde-fou sont mises en place, même si cela ne sera jamais parfait. Il y a sans doute d'autres systèmes, encore inconnus, qui seraient meilleurs, j'en suis convaincu. Mais tout ceci implique de réfléchir au bonheur humain sur la terre, ce qui n'est pas vraiment la préoccupation première de l'Évangile (lisez l'Apocalypse...) : grand point de désaccord entre nous. Je ne vois rien dans les Évangiles qui promeuve ou condamne tel ou tel modèle de société. À aucun endroit. Ou bien, dites-moi où. Les protestants, qui pratiquent le libre-examen, aboutissent d'ailleurs à des conclusions diamétralement opposées aux vôtres, puisqu'ils voient dans l'Évangile la justification du capitalisme (la fameuse éthique protestante) : d'où les limites du libre-examen...

Re: Et ça continue...

par Altior » lun. 23 sept. 2019, 7:41

Booz a écrit :
dim. 22 sept. 2019, 23:12
Puisque je vois qu'Altior se définit lui-même comme un "catholique traditionaliste", j'aurai aimé avoir son point de vue sur la question. Mais je ne suis pas certain qu'il réponde. En tout cas jusqu'à maintenant il ne l'a pas fait. Je respecte ce choix néanmoins.
Plus important que le point de vue d'Altior serait le point de vue du Pape sur la question qui vous préoccupe. Le voilà.


Plus spécifiquement, concernant les questions que vous avez soulevées:

1) La question du militantisme

Oui, le chrétien doit être ce qu'on appelle, avec un terme à la mode, un acteur social. La mission exclusive des laïques catholiques, outre celle d'assurer du point de vue matériel l'oeuvre de l'Église, est la mission politique. Là où nos visions se séparent est le sens de cette mission. Autrement dit, quel est le théâtre du combat ? Pour vous, cette mission devrait avoir principalement en vue l'économie, éventuellement le social. Pour moi, cette mission doit viser la concordance entre les lois de la cité et les lois de Dieu. La quasi-disparition des États chrétiens (par ailleurs, notons que la sécurité sociale que vous chérissez tant n'est pas une invention de la gauche républicaine: elle est née dans l'Empire Autrichien) est regrettable, mais, parce que le mal est déjà fait, il nous reste à reconstuire un État chrétien brique par brique. Loi par loi. Nous avons beaucoup de sympathie pour les gilets jaunes, pourtant leur lutte n'est pas la nôtre. Non, la mission politique du laïcat catholique n'est pas un smic plus consistant, ni faire payer les riches. La lutte des classes ne nous concerne pas plus que la lutte des sexes ou la lutte des races. Par contre, nous sommes les premiers à sortir dans la rue dès qu'une nouvelle loi inique, comme la GPA, se profile à l'horizon. Pourquoi ? Justement parce que la cause de toutes les misères, y compris la descente du pouvoir d'achat des travailleurs, vient de l'écart de plus en plus grand entre notre société et Jérusalem. Dans tout ce qu'on appelle «les livres historiques» de la Bible c'est facile de voir un fil rouge qui les transperce: périodiquement, le Peuple Elu se rapproche et s'éloigne de Dieu. Cela concorde avec l'alternance entre son bonheur et son malheur. La cause de nos malheurs sociales est spirituelle. Combien le peuple serait heureux s'il adoptait les lois de Dieu en les faisant les lois de la cité! Mieux que moi et beaucoup plus en détail parle à ce sujet un laïc traditionnaliste remarquable, que je vous conjure de e lire: Jean Ousset (d'ailleurs, entre le titre de ce forum et son oeuvre il y a un rapport).


2) La question sociale.

Vous êtes loin d'être le seul à tomber dans la piège de la pensée selon laquelle «cathos», éventuellement «cathos conservateurs» cela veut dire «classe plus aisée». Loin de là. Dans le cercle catholique que je côtoie, la majorité des gens est, de loin, très encombrée, pour ne pas dire pauvre. Les hommes travaillent pour un salaire pitoyable, tendis que les femmes sont des mères à temps plein pour élever leur 4-5-6 enfants. Sortez de Versailles et venez en Vendée. Vous verrez les héritiers de ceux qui ont sauvé, à lourd prix de sang, l'honneur du catholicisme français pendant la République en marche. Non, le bourgeois ne sont pas la classe la plus conservatrice. Ce sont les paysans. Vous ne le savez pas, mais la République en marche l'a toujours su et c'est pourquoi elle fait un travaille de sape surtout contre la paysannerie.


3) Catholiques et catholiques.
Vous ne faites pas la distinction entre catholiques conservateurs et catholiques traditionalistes. Pour parler court, je ne ferai pas mention de leurs différences de vision philosophique, mais des différences politiques facilement visibles. Les catholiques conservateurs sont ceux qui ont voté, pour la plupart, François Fillon. Les catholiques traditionnalistes sont ceux qui ont voté, pour la plupart, Marine Le Pen. Et les catholiques modernistes ? Eh bien, ils sont ceux qui ont voté, pour la plupart, monsieur Macron. Si simple que ça.

4) Et le commandement de la charité ?
Votre démarche met un signe égal entre la charité chrétienne et l'état social, éventuéllement un état ayant des classes nivelées. Non, la charité, devenue «solidarité» dans le langage à gauche, n'a rien à voir avec l'état. Notre Seigneur ne s'adresse pas à l'État lorsqu'il nous appelle à donner un verre d'eau aux assoifés. Il s'adresse à vous et à moi en tant que personnes. La solidarité, équivalent social de la charité, relève des sociétés intermédiaires, desquelles la plus importante et la famille. Pas de l'État. Je ne veux pas que l'État soit charitable envers moi. Je veux qu'il soit juste. Je veux qu'il me défende face aux malfaiteurs. Je ne veux pas qu'il s'occupe de ma retraite: c'est ma société intermédiaire, en occurrence la Caisse des Médecins qui est pleinement capable de le faire.

Re: Et ça continue...

par Cinci » lun. 23 sept. 2019, 1:43

Suliko :

Pourrait-on me citer un passage très clair de l'enseignement de l'Eglise à ce sujet (si possible pré-conciliaire, mais je ne ferai pas la fine bouche...) ?
Vous n'auriez pas besoin de faire la fine bouche en effet. Car les passages de l'enseignement de l'Église que vous demandez se trouvent dans le Nouveau Testament, chère Suliko.

Pour le coup, c'est Carhaix qui a raison.

Le rôle de l'Église n'est pas de jouer la police, ni d'exiger des peines d'incarcération au pain sec et à l'eau pour vingt ans et suite à "quelque" faute lourdement déconsidérée.


Pour dire de quelle manière je vois la chose

Parce que la question de la peine, comme celle des réparations ou des séquelles à évacuer qui empêchent potentiellement d'entrer pleinement dans la joie, est une questions qui relèvent des humains (de la justice humaine; du fait que le sujet lui-même ne peut pas trouver la paix avec lui-même, ni ses frères lui pardonner, etc.) et non pas du Père Éternel.

En réalité, la vrai peine intrinsèque du sujet, après qu'il aura pu commettre des péchés, n'est pas le fait d'aller tâter du cachot. La peine c'est de vivre mal avec sa conscience, d'être dans la crainte, de ne pas pouvoir parvenir à s'accepter soi-même, d'être forcé de se cacher d'autrui.

Le pardon de Dieu (l'absolution donné par le prêtre) et la peine sont deux choses. Le pardon de Dieu assure que du côté de Dieu il ne sera pas de réclamation ou d'exigence. Le Père de la parabole ne va pas lui-même exiger une réparation. Non, mais il se peut en revanche que le sujet ait de la difficulté à vraiment recevoir pleinement le pardon et pour en vivre, et parce que lui-même aurait encore quelques difficultés à se voir dans la glace. On imagine ici un Caïn qui va trouver bien difficile de devoir se supporter lui-même et la condition qui lui est faite. C'est d'ou l'importance et parfois même la nécessité de se trimballer une peine après que le pardon de Dieu aura pu être donné. La peine est comme une nécessité afin que l'individu puisse regagner sa propre dignité. C'est la fonction de la peine. Et ça c'est une réalité humaine, non pas divine. Et Dieu accepte l'être humain avec ses propres mécanismes de fonctionnement interne, de lenteur et tout.

Ce n'est pas le Père éternel qui demande vingt coups de fouet, qui demande le supplice de la roue, la pendaison publique ou l'enfermement à "l'île du Diable" pour vingt-cinq ans. Ce n'est pas le Père qui pose une condition préalable avant de pouvoir pardonner et tel d'être soumis au pal, au carcan ou à la crucifixion. Sans être une exigence du Père, il arrivera pourtant que l'être humain devra traverser "quand même" une épreuve peinante mais parce que les hommes sont les hommes.

Donc ...

En clair, le Père pardonne déjà en totalité au déviant, au glouton, à l'homosexuel, au prêtre pédophile, à l'assassin. Jésus demande à Pierre de pardonner soixante-dix-sept fois sept fois. Ça, c'est le rôle de l'Église : transmettre le pardon de Dieu. Oui, sans délai, sans attente, sans condition.

Mais les broutilles, la grogne, les protestations, les exigences à ce que même le mauvais sujet repenti dusse souffrir un petit peu (en passant cinq ans en forteresse, par exemple) sont le fait des pécheurs qui arrivent difficilement à se détacher eux-mêmes de l'injustice en général. Dans ses blessures, nous sommes guéris ...

Le fait que le mauvais sujet repenti puisse accepter lui-même la peine consécutive au forfait (on retrouve ici le cas du larron en croix), qu'il accepte cette peine (le châtiment exigé par les pécheurs, la foule) qui n'est pas une exigence du Père, facilite le rétablissement et du sujet et des autres (des victimes du mal).

Parce que dans cette acceptation du sujet "à la peine" se trouve aussi une imitation de ce fils qu'est Jésus.

Le point de départ c'est que Dieu lui-même (par conséquent le prêtre à l'église) ne demande pas au pécheur d'aller faire dix années de travaux forcés comme condition à ce que le pardon puisse être donné, et comme si le pécheur devait "mériter" son pardon. Personne ne mérite le pardon; et d'ou le fait que le pédophile, le polygame, le voleur, le dictateur avec du sang sur les mains, le divorcé-remarié ... ; que le divorcé-remarié peut confesser son état, recevoir vraiment et totalement le pardon du Père sans condition ... même si le pape ensuite, même si les évêques (le cardinal Burke), les paroissiens (ces brutes naturelles) vont exiger une petite souffrance en retour pour le délinquant; une souffrance pour le bénéfice des intéressés, et soit le déviant pardonné et les autres pécheurs ( le sonneur de cloche de Notre-Dame, le marguiller, le bedaud, les tricheurs de divers ordres) qui pourraient toujours glapir.

Pour un vol de pomme, le marchand serait en droit de réclamer une réparation de la part du fauteur. Le pécheur repentant peut accepter ensuite (ce serait son propre intérêt) d'endurer une petite humiliation, une peine et telle que devoir venir faire le ménage gratuit chez le marchand lésé pendant cinq week ends consécutifs; ce n'est qu'un exemple fictif ici. Ce n'est pas une condition d'obtention du pardon. Non , le pardon est gratuit. Il est donné d'emblée. - Ego te absolvo !

Toutefois, si le pécheur repenti accepte avec bon coeur de venir purger sa peine au profit des victimes : il facilite d'autant plus le rétablissement de lui-même ainsi que la guérison des autres, des autres et y compris de tous ceux qui seraient encore bien plus loin que lui de la délivrance du péché. Ex : les justes au coeur froid qui réclament une justice. Le pardon est divin, mais la peine et la question du rétablissement complet ou parfait intègre une certaine réalité humaine, faiblesse, limite.


--------
Église du ciel, souffrante (purgatoire, peine), militante sur terre. Les souffrants du Purgatoire sont tous pardonnés depuis longtemps pourtant ...

Re: Et ça continue...

par Carhaix » lun. 23 sept. 2019, 0:21

Booz a écrit :
dim. 22 sept. 2019, 23:12
Bonsoir,
Carhaix a écrit :

Si vous permettez, Booz, il me semble que le commandement de vie communautaire que l'on voit aux Actes des Apôtres s'applique, dans l'Église, aux communautés monastiques et religieuses. Dans les premiers temps chrétiens, il s'opère assez rapidement une distinction entre le tout venant, incapable de subir la discipline chrétienne dans sa plénitude - ce sont les laïcs - et les parfaits capables de vivre cette discipline - ce sont les religieux, qui en ont la vocation. C'est assez clair sur la question du célibat et du mariage.

Par ailleurs, tout le monde n'est pas chrétien dans la société. On ne peut donc pas imposer ces règles à tout le monde.
En effet, et l'intention de mon message ne visait nullement une extension de ce passage des Actes à la totalité de la société. Je crois même qu'il ne peut pas y a voir de politique chrétienne et qu'il ne doit pas y en avoir, sinon ça risquerait de finir dans la guerre civile, qui en arrive au bain de sang. La France, à sa manière, a connu cela. En ce sens je suis laïc jusqu'au bout des ongles.
Je voulais dire par là que dans l'évangile et le mode de vie communautaire des premières associations chrétiennes, il existe un certain nombre de principes pouvant fournir une inspiration et une source de réflexion pour discerner le juste et l'injuste en matière de politique laïque, dictant par la même occasion ce à quoi il est permis d'adhérer intérieurement et ce qui, par principe, ne peut faire l'objet d'aucune adhésion de quelque manière que ce soit.
Cette inspiration peut mener à une action et à une résistance à l'égard d'un certain nombre de structures sociales et politiques contemporaines, en conformité avec l'esprit de l'évangile. Il ne faut pas confondre l'application d'une politique chrétienne institutionnalisée et une action inspirée par la lumière de l'évangile et qui chercherait à favoriser la paix et la justice civile (conformément aux béatitudes en Matthieu chapitre 5).

Dans ce cadre, il apparaît impossible pour un chrétien de soutenir le capitalisme ou même de s'en accommoder sous prétexte que tout le reste est utopique et dangereux (en quoi le capitalisme serait-il moins dangereux que le communisme?). Il ne s'agit pas de vouloir réformer intégralement le monde naïvement, en en extirpant le mal (cela mène aussi au bain de sang, la servitude humaine étant ce qu'elle est, et nous en participons tous!), mais je crois pour autant que les arguments un peu gnostiques qui rejettent tout ce qui est du monde dans le registre de la décadence unilatérale et sans retour est une manière de justifier une passivité politique et morale qui est contraire à l'appel évangélique qui fait de chaque chrétien un artisan de paix. Il s'avère que cette passivité, souvent, y trouve un certain confort. Tout un pan du traditionalisme est très réactif sur les sujets de la GPA par exemple, mais je remarque que lorsque ça touche aux problématiques économiques, il est hors de question d'agir et on retrouve exactement les mêmes arguments que les tenants de l'ordre politique en place. A tel point qu'il semblerait que la Bible et l'anthropologie qu'elle véhicule et qui pourrait inspirer en profondeur notre civilisation si les chrétiens se décidaient à la vivre jusqu'au bout semble disparaître complètement des radars de ceux qui se réclament du vrai catholicisme. Pourquoi?

L’application individuelle qu'un chrétien fait de la Bible ne peut s'arrêter au seul champ de sa communauté de croyants. C'est une praxis qui doit féconder le monde d'une manière ou d'une autre, en conformité avec l'esprit évangélique. Et il est possible de participer à des luttes économiques si les conditions de cette lutte n'aliènent pas intérieurement le chrétien et ne viennent pas contredire le principe de non-violence propre au Royaume des cieux. C'est une affaire de discernement parfois compliqué à effectuer, mais impératif.

Puisque je vois qu'Altior se définit lui-même comme un "catholique traditionaliste", j'aurai aimé avoir son point de vue sur la question. Mais je ne suis pas certain qu'il réponde. En tout cas jusqu'à maintenant il ne l'a pas fait. Je respecte ce choix néanmoins.

Cordialement.
Il me semble que votre propos contient une contradiction : comment conciliez-vous l'idée qu'il ne peut exister de politique chrétienne avec l'activisme évangélique que vous soutenez, dont le but serait d'exercer une pression sur le pouvoir politique et sur l'opinion ? L'activisme mène forcément à un parti politique et donc à une politique pure et simple. L'activisme politique contient forcément un programme et une doctrine politiques.

La seconde chose qui me gêne, c'est l'interprétation univoque que vous semblez vouloir extirper de la Bible. Vous parlez même de "pratique de la Bible". Là, vous me faites peur. Dans le catholicisme, on ne "pratique" pas la Bible, mais on essaie de conformer sa vie à l'enseignement du catéchisme.

Vous semblez ne pas faire de distinction entre les préceptes évangéliques qui nous sont adressés individuellement, et ce qui vaut pour la société. La Bible serait un programme politique ? Est-ce que ça ne mènerait pas droit au totalitarisme et à l'intolérance ? Il me semble que vous prenez la Bible pour ce qu'elle n'est pas. Son but n'est pas d'établir ce qui est juste ou injuste dans les rapports entre les hommes. Le Christ le dit formellement : mon royaume n'est pas de ce monde, je ne suis pas là pour départager vos conflits, mes pensées sont au-dessus de vos pensées, rendez à César ce qui est à César, etc.

En fait, nous sommes totalement opposés sur cette question. Dans le cadre de la confession, je disais justement que Dieu ne se mêle pas de nos histoires de justice humaine.

Quant à vouloir dégager une politique qui serait typiquement chrétienne, ou catholique, l'expérience a déjà été tentée : cela s'appelle la démocratie-chrétienne, dont les résultats ne sont pas très glorieux. Ils sont même pitoyables, quand on voit que les soi-disant démocrates-chrétiens sont les pères de la construction européenne, que leur représentant français, Bayrou, est avec Macron, et qu'ils sont impliqués jusqu'au cou dans le libertaire-libéralisme. Joli résultat. Il aurait mieux valu s'abstenir.

Pour ma part, j'estime que l'on peut être catholique et adhérer à n'importe quel idéal politique. Il n'y a aucun rapport entre la conviction personnelle et sa propre conversion au Christ. Mais vraiment, aucun rapport. Et si généralement les catholiques sont plutôt à droite et libéraux, c'est peut-être simplement par esprit de conservatisme et de sauvegarde de l'ordre social. Quelque part, je ne leur donne pas vraiment tort. La société, pour aller bien, a besoin de stabilité.

Ce qu'il faut dénoncer, c'est le capitalisme débridé, tel qu'il triomphe aujourd'hui (avec la bénédiction de ceux qui n'ont de "démocrates chrétiens" que le nom).

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