par Cinci » lun. 02 sept. 2019, 19:37
Trouvé dans un texte de Jacques Grand'Maison et à l'époque où il envisageait de se présenter en politique, en 1979, c'est à dire avant la tenue d'un premier référendum portant sur la souveraineté du Québec. Il est intéressant de relire ce qu'il disait.
Ici :
... mais comment ne pas rappeler en même temps l'importance de ne pas repousser indéfiniment certains choix historiques face à notre avenir ? Qu'on le reconnaisse ou pas, dans la foulée actuelle, il est possible que nous devenions les Cajuns du Canada au prochain siècle. Quelles conséquences aura ce processus d'assimilation et de folklorisation que plusieurs réfutent de voir comme une possibilité ? Considérer comme refus des autres et repli de ghetto cette aspiration d'un peuple qui cherche une société qui lui permette d'être lui-même selon son histoire et sa culture propre, c'est un peu faire de la vertu un vice. En tout cas, il y a là une attitude très malsaine de mépris ou de déconsidération de soi. On se prive ainsi d'une dynamique fondamentale qui retentit jusque dans sa façon de vivre, de penser et d'agir.
Récemment, les évêques du Québec livraient un message sur "le peuple québécois et son avenir". Ils rappelaient aux chrétiens qu'on ne saurait tirer de l'Évangile soit une politique fédéraliste, soit une politique souverainiste. D'autre part, ils affirmaient, sous forme de principe abstrait, le droit à l'autodétermination, tout en reconnaissant la spécificité culturelle et historique d'un peuple original qui a besoin d'institutions en accord avec sa personnalité. Mais, au bilan, la pensée des évêques se tenait dans une position de surplomb semblable à la fameuse doctrine sociale de l'Église qui a pu servir tout autant au libéralisme capitaliste qu'aux dictatures de "civilisation chrétienne".
Mes perceptions du moment m'amenaient à penser que les évêques n'avaient pas oser dire clairement que l'Église d'ici, après avoir été le lieu principal de façonnement de ce peuple original, ne pouvait pas s'installer dans une neutralité olympienne au moment où ce peuple fait de plus en plus face à un avenir très problématique quant à son identité particulière dans un continent anglophone.
Il est trop facile de se limiter à dire que ce peuple devenu adulte fera ses choix et que l'Église s'en accommodera. Eh quoi, cette Église, qui était hier partie prenante de ce peuple au point d'en être le moule et le définisseur, peut se situer carrément à côté ou au-dessus des graves décisions qui engagent l'avenir ? Un avenir, répétons-le, extrêmement fragile et incertain, comme nous l'avons vu plus haut. Je le redis : c'est mon évaluation du moment.
J'ai lu ce texte des évêques au moment où l'on me pressait d'accepter une candidature souverainiste. Ce texte, au premier regard, m'a choqué, scandalisé. Est-ce que mon refus n'allait pas ajouter à ce manque de courage des autorités ecclésiales en milieu québécois francophone ? Ne devais-je pas signifier par mon acceptation qu'il existe ici des croyants et aussi des prêtres qui veulent précisément assumer cette responsabilité historique fuie par les évêques ? Ces derniers répètent peut-être, dans les circonstances, la reddition aux pouvoir les plus forts pour protéger leur propre pouvoir clérical, comme au temps des patriotes de 1837, où ils ont joué leurs cartes avec la reine et le pape, face à une nouvelle élite qui les menaçaient sur leur propre terrain, tout cela surtout au grand dam d'un peuple qui cherchait son autonomie. Aujourd'hui leur insistance sur la paix a une étrange rémanence de statu quo politique au profit des pouvoirs les plus forts. [ = le grand Capital $$$]
Dans leur message, les évêques ignorent, sinon taisent les situations injustes qu'ont connues les francophones du Québec et du reste du Canada. Peut-on s'abstraire à ce point de la réalité historique sous prétexte d'éviter certaines attitudes répréhensibles de revanche ? C'est la plus pure veine du moralisme clérical. Précisément celui qui apporte dans l'histoire sa contribution à la condamnation du prétendu fanatisme des révoltes de pauvres, de classes ou d'ethnies violées, révoltes qui n'étaient qu'une réponse désespérée devant la violence institutionnelle des plus forts.
Évoquer dans le cadre du débat actuel, avec un tel relief, l'affirmation de Paul : "Il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre", est une entourloupette cléricale qui cache mal son refus de prendre en considération des situations injustes. Celles-ci commandent autre chose qu'une invitation à l'unité spirituelle au-dessus et malgré des injustices à combattre. Eh oui, cette sorte d'abstention stratosphérique permet au pouvoir religieux de conserver son image de pureté, sa crédibilité devant les uns et les autres.
L'abstentionnisme des évêques québécois, à mes yeux, avait un sens politique qu'Ils ne voulaient pas avouer. J'en avais discuté avec quelques uns. Ils fuyaient le problème que je soulevais, en utilisant la manoeuvre bien connue : "Ce sera pour le prochain message." Bien sûr, je ne m'attendais pas à ce que l'Église institutionnelle, et particulièrement son clergé, s'aligne sur un parti. Mais de là à ne rien dire sur l'avenir très problématique de la communauté francophone; de là à refuser de voir les conséquences politiques d'une telle abstention; de là à se taire devant le cardinal irlandais Carter de Toronto qui, à la télévision anglaise, accusait les catholiques francophones de pécher contre l'unité, c'est vraiment faire preuve de veulerie.
Je connais assez le pouvoir clérical d'hier et d'aujourd'hui¸pour savoir comment dans tout cela, il ne défend que lui-même, et comment il se range du côté du plus fort.
Remarque :
Ce texte du chanoine Grand'Maison* est assez fantastique, et il synthétisait déjà parfaitement bien (en rétrospective, je peux le dire) le pourquoi du comment et la raison pour laquelle la récente sortie du pape François au sujet du souverainisme n'aura recueilli chez moi que du mépris en retour. Le chanoine faisait fort avec sa critique et administrait un oeil au beurre noir à l'échelon supérieur de l'épiscopat catholique romain.
En tout cas, il explique le pourquoi du fait que je ne voudrai jamais m'abaisser à idolâtrer le comportement politique (même nié, non assumé, occulté par plusieurs dans ce forum) qui sera celui retenu par nos dirigeants au Vatican.
____
*
Jacques Grand'Maison,
Une foi ensouchée dans ce pays, Leméac, 1979, p. 29
Trouvé dans un texte de Jacques Grand'Maison et à l'époque où il envisageait de se présenter en politique, en 1979, c'est à dire avant la tenue d'un premier référendum portant sur la souveraineté du Québec. Il est intéressant de relire ce qu'il disait.
Ici :
[quote]... mais comment ne pas rappeler en même temps l'importance de ne pas repousser indéfiniment certains choix historiques face à notre avenir ? Qu'on le reconnaisse ou pas, dans la foulée actuelle, il est possible que nous devenions les Cajuns du Canada au prochain siècle. Quelles conséquences aura ce processus d'assimilation et de folklorisation que plusieurs réfutent de voir comme une possibilité ? Considérer comme refus des autres et repli de ghetto cette aspiration d'un peuple qui cherche une société qui lui permette d'être lui-même selon son histoire et sa culture propre, c'est un peu faire de la vertu un vice. En tout cas, il y a là une attitude très malsaine de mépris ou de déconsidération de soi. On se prive ainsi d'une dynamique fondamentale qui retentit jusque dans sa façon de vivre, de penser et d'agir.
Récemment, les évêques du Québec livraient un message sur "le peuple québécois et son avenir". Ils rappelaient aux chrétiens qu'on ne saurait tirer de l'Évangile soit une politique fédéraliste, soit une politique souverainiste. D'autre part, ils affirmaient, sous forme de principe abstrait, le droit à l'autodétermination, tout en reconnaissant la spécificité culturelle et historique d'un peuple original qui a besoin d'institutions en accord avec sa personnalité. Mais, au bilan, la pensée des évêques se tenait dans une position de surplomb semblable à la fameuse doctrine sociale de l'Église qui a pu servir tout autant au libéralisme capitaliste qu'aux dictatures de "civilisation chrétienne".
Mes perceptions du moment m'amenaient à penser que les évêques n'avaient pas oser dire clairement que l'Église d'ici, après avoir été le lieu principal de façonnement de ce peuple original, ne pouvait pas s'installer dans une neutralité olympienne au moment où ce peuple fait de plus en plus face à un avenir très problématique quant à son identité particulière dans un continent anglophone.
Il est trop facile de se limiter à dire que ce peuple devenu adulte fera ses choix et que l'Église s'en accommodera. Eh quoi, cette Église, qui était hier partie prenante de ce peuple au point d'en être le moule et le définisseur, peut se situer carrément à côté ou au-dessus des graves décisions qui engagent l'avenir ? Un avenir, répétons-le, extrêmement fragile et incertain, comme nous l'avons vu plus haut. Je le redis : c'est mon évaluation du moment.
J'ai lu ce texte des évêques au moment où l'on me pressait d'accepter une candidature souverainiste. Ce texte, au premier regard, m'a choqué, scandalisé. Est-ce que mon refus n'allait pas ajouter à ce manque de courage des autorités ecclésiales en milieu québécois francophone ? Ne devais-je pas signifier par mon acceptation qu'il existe ici des croyants et aussi des prêtres qui veulent précisément assumer cette responsabilité historique fuie par les évêques ? Ces derniers répètent peut-être, dans les circonstances, la reddition aux pouvoir les plus forts pour protéger leur propre pouvoir clérical, comme au temps des patriotes de 1837, où ils ont joué leurs cartes avec la reine et le pape, face à une nouvelle élite qui les menaçaient sur leur propre terrain, tout cela surtout au grand dam d'un peuple qui cherchait son autonomie. Aujourd'hui leur insistance sur la paix a une étrange rémanence de statu quo politique au profit des pouvoirs les plus forts.[color=#FF0000] [ = le grand Capital $$$] [/color]
Dans leur message, les évêques ignorent, sinon taisent les situations injustes qu'ont connues les francophones du Québec et du reste du Canada. Peut-on s'abstraire à ce point de la réalité historique sous prétexte d'éviter certaines attitudes répréhensibles de revanche ? C'est la plus pure veine du moralisme clérical. Précisément celui qui apporte dans l'histoire sa contribution à la condamnation du prétendu fanatisme des révoltes de pauvres, de classes ou d'ethnies violées, révoltes qui n'étaient qu'une réponse désespérée devant la violence institutionnelle des plus forts.
Évoquer dans le cadre du débat actuel, avec un tel relief, l'affirmation de Paul : "Il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre", est une entourloupette cléricale qui cache mal son refus de prendre en considération des situations injustes. Celles-ci commandent autre chose qu'une invitation à l'unité spirituelle au-dessus et malgré des injustices à combattre. Eh oui, cette sorte d'abstention stratosphérique permet au pouvoir religieux de conserver son image de pureté, sa crédibilité devant les uns et les autres.
L'abstentionnisme des évêques québécois, à mes yeux, avait un sens politique qu'Ils ne voulaient pas avouer. J'en avais discuté avec quelques uns. Ils fuyaient le problème que je soulevais, en utilisant la manoeuvre bien connue : "Ce sera pour le prochain message." Bien sûr, je ne m'attendais pas à ce que l'Église institutionnelle, et particulièrement son clergé, s'aligne sur un parti. Mais de là à ne rien dire sur l'avenir très problématique de la communauté francophone; de là à refuser de voir les conséquences politiques d'une telle abstention; de là à se taire devant le cardinal irlandais Carter de Toronto qui, à la télévision anglaise, accusait les catholiques francophones de pécher contre l'unité, c'est vraiment faire preuve de veulerie.
Je connais assez le pouvoir clérical d'hier et d'aujourd'hui¸pour savoir comment dans tout cela, il ne défend que lui-même, et comment il se range du côté du plus fort. [/quote]
Remarque :
Ce texte du chanoine Grand'Maison* est assez fantastique, et il synthétisait déjà parfaitement bien (en rétrospective, je peux le dire) le pourquoi du comment et la raison pour laquelle la récente sortie du pape François au sujet du souverainisme n'aura recueilli chez moi que du mépris en retour. Le chanoine faisait fort avec sa critique et administrait un oeil au beurre noir à l'échelon supérieur de l'épiscopat catholique romain.
En tout cas, il explique le pourquoi du fait que je ne voudrai jamais m'abaisser à idolâtrer le comportement politique (même nié, non assumé, occulté par plusieurs dans ce forum) qui sera celui retenu par nos dirigeants au Vatican.
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* [b]Jacques Grand'Maison[/b], [i]Une foi ensouchée dans ce pays[/i], Leméac, 1979, p. 29