par etienne lorant » lun. 10 août 2015, 16:08
La Commission européenne a rejeté l'enregistrement de l'initiative citoyenne européenne demandant l'arrêt des négociations pour l'accord de libre-échange avec les États-Unis (TTIP).
La Commission européenne a annoncé mercredi aux promoteurs de l'initiative citoyenne "Stop TTIP" que celle-ci n'était pas recevable à ses yeux. Les opposants au traité commercial transatlantique envisagent de contester cette décision devant la Cour de Justice de l'Union.
Les initiatives citoyennes permettent à la société civile, en mobilisant un million de signatures, de forcer la Commission à se pencher sur une problématique donnée. Elles doivent toutefois obtenir un feu vert technique avant que la collecte des signatures puisse débuter.
L'organisation "Stop TTIP", basée en Allemagne, où l'opposition au projet de traité commercial est forte, a soumis en juillet une demande d'enregistrement. La Commission vient de lui répondre par la négative. Elle met en avant un certain nombre d'arguments juridique, en soulignant notamment qu'une initiative la pressant de ne pas soumettre un acte légal n'est pas admissible.
Pour les promoteurs de "Stop TTIP", cette appréciation est "clairement biaisée". Ils envisagent de la contester devant la Cour de Justice.
http://www.lecho.be/economie_politique/ ... -3323.art
----------------- L'EUROPE EST DE MOINS EN MOINS UNE INSTITUTION DÉMOCRATIQUE MAIS UNE DICTATURE FONDÉE SUR ÉCONOMIE --------------
Note personnelle : dans le "Monde Diplomatique" (l'exemplaire de ce mois - que j'ai acquis), j'ai trouvé cet article intitulé "L'Europe dont nous ne voulons plus" :
Un mouvement jeune et plein d’énergie entendait transformer une nation et réveiller le Vieux Continent. L’Eurogroupe et le Fonds monétaire international (FMI) ont écrasé cette espérance.
Au-delà du choc que les événements grecs représentent pour certains des partisans du projet européen, trois enseignements s’en dégagent. D’abord, la nature de plus en plus autoritaire de l’Union à mesure que l’Allemagne y impose sans contrepoids ses volontés et ses obsessions. Ensuite, l’incapacité d’une communauté fondée sur une promesse de paix à tirer la moindre leçon de l’histoire, même récente, même violente, dès lors qu’il lui importe avant tout de sanctionner les mauvais payeurs, les fortes têtes. Et enfin, le défi que pose ce césarisme amnésique à ceux qui voyaient dans l’Europe le laboratoire d’un dépassement du cadre national et d’un renouveau démocratique.
Au départ, l’intégration européenne a prodigué à ses citoyens les avantages matériels collatéraux de l’affrontement Est-Ouest. Dès le lendemain de la guerre, le projet fut impulsé par les Etats-Unis, qui recherchaient un débouché pour leurs marchandises et un glacis contre l’expansion soviétique. Mais Washington avait alors compris que, si le monde qui se disait « libre » voulait concurrencer efficacement les républiques « démocratiques » membres du pacte de Varsovie, il devait conquérir les cœurs et les esprits en démontrant sa bonne volonté sociale. Depuis que cette corde de rappel stratégique n’existe plus, l’Europe se dirige comme le conseil d’administration d’une banque.
Certains acteurs de la guerre froide, comme l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), ont survécu à la chute du Mur en s’inventant d’autres monstres à détruire sur d’autres continents. Les institutions européennes ont elles aussi redéfini leur adversaire. La paix et la stabilité dont elles se gargarisent réclament dorénavant à leurs yeux la neutralisation politique des populations et la destruction des outils de souveraineté nationale dont celles-ci disposent encore. C’est l’intégration à marche forcée, la mise en bière des questions démocratiques dans les traités, le projet fédéral. L'entreprise ne date pas d'hier; le cas grec illustre avec quelle brutalité elle est conduite aujourd'hui.
"Le Vatican, combien de divisions ? ", aurait répliqué Joseph Staline au moment d'éconduire un dirigeant français qui le pressait de ménager les subtilités du souverain pontife. Huit décennies plus tard, les états de l'Eurogroupe semblent avoir raisonné de la même manière à propos de la Grèce. Estimant que le gouvernement qui les gênait serait incapable de se défendre, ils l'ont asphyxié en l'obligeant à fermer ses banques et à interrompre ses achats à l'étranger.
Plaider son dossier devant un peloton d'exécution ?
Trois cartes imbattables, mais à la condition de les jouer entre gens de bonne compagnie. Dans les conseils européens, ces atouts se sont retournés contre leurs détenteurs, assimilés à des marxistes méridionaux, décalés de la réalité au point d'oser mettre en cause des postulats économiques issues de l'idéologie allemande. Les armes de la raison et de la conviction sont impuissantes dans des cas pareils. A quoi bon plaider son dossier devant un peloton d'exécution ? Lors des trois mois de "négociations" auxquels il a participé, le ministre des finance grec, Yanis Varoufakis, a observé que ses homologues européens le regardaient fixement et semblaient lui répliquer: "
Vous avez raison dans ce que vous dîtes, mais nous vous écraserons quand même"
Du moins, le succès provisoire du projet allemand de relégation de la Grèce au rang de protectorat de l'Eurogroupe s'explique aussi par l'échec des paris, trop optimistes, engagés dès le départ à Athènes par la majorité de gauche qui espérait changer l'Europe. Pari que les dirigeants français et italiens l'aideraient à surmonter les tabous monétaristes de la droite allemande. Pari que les peuples européens, accablés par les politiques d'austérité qu'ils subissaient eux-mêmes, feraient pression sur leurs gouvernements, pour qu'ils relaient la réorientation keynésienne dont la Grèce s'imaginait être l'éclaireur sur le Vieux Continent. Pari que ce tournant serait envisageable à l'intérieur de la zone euro, au point même qu'aucune solution de repli ne fut envisagée, ni préparée. Pari, enfin, que la suggestion intermittente d'une "option russe" contiendrait, pour des raison géo-politiques, les tentations punitives de l'Allemagne et amènerait les États-Unis à retenir le bras vengeur de Berlin. A aucun moment aucun de ces paris n'a semblé en voie d'être remporté. Hélas, on ne combat pas un char d'assaut avec des violettes et une sarbacane....
Coupables de leur innocence, les dirigeants grecs ont pensé que les créanciers du pays seraient sensibles au choix démocratique du peuple grec, de sa jeunesse en particulier. Les élections législatives du 25 janvier dernier d'abord, le referendum du 5 juillet ensuite provoquèrent au contraire la stupéfaction outragée de Berlin et de ses alliés. Ils n'eurent plus qu'un but : châtier les rebelles et ceux que leur vaillance aurait pu inspirer. La capitulation ne suffisant plus, elle devrait s'accompagner d'excuses (Athènes a reconnu que ses choix économiques avaient provoqué une rupture de confiance avec ses partenaires), doublées de réparations :
des actifs publics privatisables d'une valeur égale au quart du produit national grec seront gagés pour le compte des créanciers.
Grâce au soutien décidément inestimable de Mr. François Hollande, la Grèce a simplement obtenu que ces gages ne soient pas transférés au
Luxembourg. Chacun est soulagé : la Grèce paiera.
"L'Allemagne paiera." La formule, soufflée à Georges Clemenceau par son ministre des finances Louis Klotz à la fin de la Grande Guerre, était devenue le talisman des épargnants français qui avaient prêté au Trésor pendant la mêlée sanglante. Confiants, parce qu'ils se souvenaient qu'en 1870 la France avait réglé l'intégralité du tribut exigé par Bismarck, pourtant supérieur à ce que la guerre avait coûté aux Allemands. Ce précédent incita le président du conseil Raymond Poincaré, lorsque las de ne pas recevoir le versement des réparations prévues par le Traité de Versailles, il décidé en janvier 1923 de se servir en occupant la Ruhr.
... Le Monde diplomatique --- Serge Halimi --- Août 2015
[b][i]La Commission européenne a rejeté l'enregistrement de l'initiative citoyenne européenne demandant l'arrêt des négociations pour l'accord de libre-échange avec les États-Unis (TTIP)[/i][/b].
La Commission européenne a annoncé mercredi aux promoteurs de l'initiative citoyenne "Stop TTIP" que celle-ci n'était pas recevable à ses yeux. Les opposants au traité commercial transatlantique envisagent de contester cette décision devant la Cour de Justice de l'Union.
Les initiatives citoyennes permettent à la société civile, en mobilisant un million de signatures, de forcer la Commission à se pencher sur une problématique donnée. Elles doivent toutefois obtenir un feu vert technique avant que la collecte des signatures puisse débuter.
L'organisation "Stop TTIP", basée en Allemagne, où l'opposition au projet de traité commercial est forte, a soumis en juillet une demande d'enregistrement. La Commission vient de lui répondre par la négative. Elle met en avant un certain nombre d'arguments juridique, en soulignant notamment qu'une initiative la pressant de ne pas soumettre un acte légal n'est pas admissible.
Pour les promoteurs de "Stop TTIP", cette appréciation est "clairement biaisée". Ils envisagent de la contester devant la Cour de Justice.
[url]http://www.lecho.be/economie_politique/europe_general/La_Commission_rejette_l_initiative_citoyenne_contre_le_Traite_transatlantique.9543781-3323.art
[/url]
----------------- L'EUROPE EST DE MOINS EN MOINS UNE INSTITUTION DÉMOCRATIQUE MAIS UNE DICTATURE FONDÉE SUR ÉCONOMIE --------------
Note personnelle : dans le "Monde Diplomatique" (l'exemplaire de ce mois - que j'ai acquis), j'ai trouvé cet article intitulé "L'Europe dont nous ne voulons plus" :
Un mouvement jeune et plein d’énergie entendait transformer une nation et réveiller le Vieux Continent. L’Eurogroupe et le Fonds monétaire international (FMI) ont écrasé cette espérance.
Au-delà du choc que les événements grecs représentent pour certains des partisans du projet européen, trois enseignements s’en dégagent. D’abord, la nature de plus en plus autoritaire de l’Union à mesure que l’Allemagne y impose sans contrepoids ses volontés et ses obsessions. Ensuite, l’incapacité d’une communauté fondée sur une promesse de paix à tirer la moindre leçon de l’histoire, même récente, même violente, dès lors qu’il lui importe avant tout de sanctionner les mauvais payeurs, les fortes têtes. Et enfin, le défi que pose ce césarisme amnésique à ceux qui voyaient dans l’Europe le laboratoire d’un dépassement du cadre national et d’un renouveau démocratique.
Au départ, l’intégration européenne a prodigué à ses citoyens les avantages matériels collatéraux de l’affrontement Est-Ouest. Dès le lendemain de la guerre, le projet fut impulsé par les Etats-Unis, qui recherchaient un débouché pour leurs marchandises et un glacis contre l’expansion soviétique. Mais Washington avait alors compris que, si le monde qui se disait « libre » voulait concurrencer efficacement les républiques « démocratiques » membres du pacte de Varsovie, il devait conquérir les cœurs et les esprits en démontrant sa bonne volonté sociale. Depuis que cette corde de rappel stratégique n’existe plus, l’Europe se dirige comme le conseil d’administration d’une banque.
Certains acteurs de la guerre froide, comme l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), ont survécu à la chute du Mur en s’inventant d’autres monstres à détruire sur d’autres continents. Les institutions européennes ont elles aussi redéfini leur adversaire. La paix et la stabilité dont elles se gargarisent réclament dorénavant à leurs yeux la neutralisation politique des populations et la destruction des outils de souveraineté nationale dont celles-ci disposent encore. C’est l’intégration à marche forcée, la mise en bière des questions démocratiques dans les traités, le projet fédéral. L'entreprise ne date pas d'hier; le cas grec illustre avec quelle brutalité elle est conduite aujourd'hui.
"Le Vatican, combien de divisions ? ", aurait répliqué Joseph Staline au moment d'éconduire un dirigeant français qui le pressait de ménager les subtilités du souverain pontife. Huit décennies plus tard, les états de l'Eurogroupe semblent avoir raisonné de la même manière à propos de la Grèce. Estimant que le gouvernement qui les gênait serait incapable de se défendre, ils l'ont asphyxié en l'obligeant à fermer ses banques et à interrompre ses achats à l'étranger.
[b][i]Plaider son dossier devant un peloton d'exécution ?
[/i][/b]
Trois cartes imbattables, mais à la condition de les jouer entre gens de bonne compagnie. Dans les conseils européens, ces atouts se sont retournés contre leurs détenteurs, assimilés à des marxistes méridionaux, décalés de la réalité au point d'oser mettre en cause des postulats économiques issues de l'idéologie allemande. Les armes de la raison et de la conviction sont impuissantes dans des cas pareils. A quoi bon plaider son dossier devant un peloton d'exécution ? Lors des trois mois de "négociations" auxquels il a participé, le ministre des finance grec, Yanis Varoufakis, a observé que ses homologues européens le regardaient fixement et semblaient lui répliquer: "[i]Vous avez raison dans ce que vous dîtes, mais nous vous écraserons quand même[/i]"
Du moins, le succès provisoire du projet allemand de relégation de la Grèce au rang de protectorat de l'Eurogroupe s'explique aussi par l'échec des paris, trop optimistes, engagés dès le départ à Athènes par la majorité de gauche qui espérait changer l'Europe. Pari que les dirigeants français et italiens l'aideraient à surmonter les tabous monétaristes de la droite allemande. Pari que les peuples européens, accablés par les politiques d'austérité qu'ils subissaient eux-mêmes, feraient pression sur leurs gouvernements, pour qu'ils relaient la réorientation keynésienne dont la Grèce s'imaginait être l'éclaireur sur le Vieux Continent. Pari que ce tournant serait envisageable à l'intérieur de la zone euro, au point même qu'aucune solution de repli ne fut envisagée, ni préparée. Pari, enfin, que la suggestion intermittente d'une "option russe" contiendrait, pour des raison géo-politiques, les tentations punitives de l'Allemagne et amènerait les États-Unis à retenir le bras vengeur de Berlin. A aucun moment aucun de ces paris n'a semblé en voie d'être remporté. Hélas, on ne combat pas un char d'assaut avec des violettes et une sarbacane....
Coupables de leur innocence, les dirigeants grecs ont pensé que les créanciers du pays seraient sensibles au choix démocratique du peuple grec, de sa jeunesse en particulier. Les élections législatives du 25 janvier dernier d'abord, le referendum du 5 juillet ensuite provoquèrent au contraire la stupéfaction outragée de Berlin et de ses alliés. Ils n'eurent plus qu'un but : châtier les rebelles et ceux que leur vaillance aurait pu inspirer. La capitulation ne suffisant plus, elle devrait s'accompagner d'excuses (Athènes a reconnu que ses choix économiques avaient provoqué une rupture de confiance avec ses partenaires), doublées de réparations : [u]des actifs publics privatisables d'une valeur égale au quart du produit national grec seront gagés pour le compte des créanciers. [/u]
Grâce au soutien décidément inestimable de Mr. François Hollande, la Grèce a simplement obtenu que ces gages ne soient pas transférés au :exclamation: Luxembourg. Chacun est soulagé : la Grèce paiera.
"L'Allemagne paiera." La formule, soufflée à Georges Clemenceau par son ministre des finances Louis Klotz à la fin de la Grande Guerre, était devenue le talisman des épargnants français qui avaient prêté au Trésor pendant la mêlée sanglante. Confiants, parce qu'ils se souvenaient qu'en 1870 la France avait réglé l'intégralité du tribut exigé par Bismarck, pourtant supérieur à ce que la guerre avait coûté aux Allemands. Ce précédent incita le président du conseil Raymond Poincaré, lorsque las de ne pas recevoir le versement des réparations prévues par le Traité de Versailles, il décidé en janvier 1923 de se servir en occupant la Ruhr.
... Le Monde diplomatique --- Serge Halimi --- Août 2015