Bonjour Gerardh,
Votre message semble vouloir être un simple résumé de l’objet de la réflexion, mais, en réalité, il introduit d’emblée de nouvelles considérations qui mettent du brouillard plutôt que de la clarté sur ce qui est en cause.
gerardh a écrit : ↑dim. 21 mars 2021, 8:01
En résumé, la sphère protestante pense que les réserves catholiques à la lecture directe de la Parole de Dieu est expliquée par les écarts qui seraient ainsi mis en évidence entre la "doctrine du Christ" (2 Jean 9) et certains aspects de la doctrine romaine.
Il n’y a pas, aujourd’hui, de «
réserves catholiques à la lecture directe de la Bible ». Plus aucune.
Ces réserves n’ont existé jadis que dans un contexte historique où cette lecture directe était un vecteur de contestation de l’Église. Difficile au Moyen-Âge de trouver d’autres livres et documents permettant d’éviter les enseignements contraires à la Tradition de l’Église que permettent des lectures superficielles de versets sortis de leur contexte.
Vouloir opposer la «
doctrine du Christ » à «
certains aspects de la doctrine romaine » repose sur un double malentendu.
En qualifiant de «
romaine » la doctrine de l’Église Catholique, il me semble que vous essayez ici de la réduire à l’expression d’une assemblée particulière localisée à un petit endroit (Rome), mais vous rejetez par cette seule qualification l’existence d’un corps visible et structuré malgré la promesse du Christ. Un corps «
est » une réalité visible et vous n’acceptez pas que le Christ ait réellement veillé à former un corps visible, concret et universel (c’est le sens du mot «
catholique »). Le corps du Christ est une réalité indivisible. Sans le Pape et les évêques en communion avec lui, il n’y a pas d’Église visible et donc pas de corps.
Vous n’acceptez pas la présence du corps ressuscité du Christ qu’est l’Église, ni, de même, son partage sacramentel dans l’eucharistie où ce corps indivisible du Christ est réellement offert jusqu’à la fin des temps à chacun malgré son infinie division physique.
Une assemblée invisible de tous les «
vrais » chrétiens, dans de multiples églises dispersées dans la réalité visible concrète, comme les protestants imaginent l’Église, ce n’est pas un corps, c’est une réalité immatérielle. De même, un pain consacré qui n’est qu’un symbole n’est pas et ne peut être le corps du Christ. À cet égard, l'Église et l'Eucharistie sont inséparables.
Et, si le Christ n’avait pas constitué un corps concret et visible fondé sur Pierre et ses successeurs jusqu’au Pape François aujourd’hui, nous n’aurions aucun accès à une connaissance certaine de la Parole de Dieu qui ne serait plus que dispersée dans d’innombrables opinions contradictoires et toutes incertaines laissant chacun devant sa seule conscience personnelle pour seul repère qu’un minimum de lucidité oblige à considérer comme radicalement insuffisant.
En évoquant une «
doctrine du Christ » sans Église universelle concrète, vous mettez tout croyant devant sa seule conscience et d’innombrables variantes.
La «
doctrine du Christ » c’est celle de l’Église qui est le corps du Christ et en laquelle se trouve assuré un enseignement fidèle à celui des apôtres que le Christ a promis de soutenir avec l’assistance de l’Esprit Saint en priant pour que la foi de l’Église, qui est son corps, ne défaille pas.
L’interprétation authentique de l’Écriture est inséparable de la Tradition de l’Église.
Aucune connaissance authentique ne peut s’opposer à la foi de l’Église qui est le corps du Christ.
Mais, cette foi est celle d’un peuple de pécheurs en chemin qui a sans cesse besoin de conversion.
Aussi, le vrai problème du point de vue protestant que vous résumez me semble caché derrière une opposition qui concernerait seulement des «
écarts » (ce mot semble indiquer que le rattachement à l’essentiel de la vérité demeure) concernant seulement «
certains aspects de la doctrine ».
Personne ne pense que le Pape François soit infaillible en toutes ses paroles ou interventions officielles, ni même que tous les détails de l’enseignement catholique soient incontestables.
Il y aura toujours des «
écarts » dans les opinions des chrétiens concernant «
certains aspects de la doctrine ».
Mais, ce qui est en cause ici, c’est le cœur même de la foi, la réalité du corps vivant du Christ présent aujourd’hui dans l’histoire concrète. Dans l’Église et dans l’Eucharistie.
gerardh a écrit : ↑dim. 21 mars 2021, 8:01
La sphère catholique pense que les protestants seraient confrontés à de multiples interprétations personnelles, donc charnelles et/ou, le cas échéant, fantaisistes.
Attention, une interprétation personnelle n’est pas nécessairement charnelle. Elle peut l’être parfois. Elle peut être parfois «
fantaisiste », mais elle peut, parfois aussi, être vraie.
Le catholique ne se préoccupe pas principalement des
« multiples interprétations personnelles » qui peuvent parfois contribuer à faire grandir la foi de l’Église.
L’essentiel pour le catholique c’est la présence vivante et continue du Christ dans son corps concret qu’est l’Église et par son corps offert sans cesse en partage. La variété des opinions intellectuelles personnelles est une question très secondaire.
Mais, sans le roc que forment l’Église et sa Tradition pour assurer de manière infaillible l’essentiel de l’Évangile et l’unité du corps du Christ, le protestant se retrouve, en effet et hélas, sans certitude devant de «
multiples interprétations personnelles » et seul avec sa conscience pour en apprécier la valeur même lorsqu’il le fait avec quelques autres qui, souvent, partagent une opinion particulière qu’ils croient être «
la » doctrine du Christ mais avec d’autres qui pensent autrement.
gerardh a écrit : ↑dim. 21 mars 2021, 8:01
Plusieurs thèmes émergent alors : 1°) la constitution du canon des écritures 2°) l'effet de la Bible sur les âmes 3°) qu'est-ce que l'Eglise : organisation ou organisme ? 4°) qu'est-ce qui, dans la Parole est essentiel ou accessoire ? 5°) comment discerner ce qu'il faut retenir : par la conscience pourtant imparfaite ? par le Saint Esprit, qui habite dans chaque chrétien ainsi que dans leur communauté ? par une institution réputée infaillible issue de la succession apostolique ? 6°) crédit à accorder aux "Pères de l'Eglise" et plus généralement à tout ministère doctoral écrit.
Voilà en effet quelques thèmes centraux en effet.
1. Oui, il n’y a pas de canon sans une Église corps concret du Christ pour le proclamer et reconnaître, infailliblement, que tels textes sont Parole de Dieu et pas tels autres. Sans reconnaître le corps du Christ, la référence même à la Bible perd son fondement.
2. «
L’effet de la Bible sur les âmes » est excellent et personne n’en doute. Mais, la réalité c’est qu’il y a toujours une différence entre ce qui est écrit et ce que chacun en comprend. Il y a toujours, parce que le langage imparfait des hommes est fait de symboles aux sens imprécis, une interprétation du lecteur qui peut s’écarter de la Parole (je vous renvoie, une fois de plus, au récit fondamental du péché originel). Il n’y a de connaissance authentique certaine que dans l’amour de Dieu et dans l’harmonie avec le Christ, avec son corps qu’est l’Église.
3. «
Qu’est ce que l’Église : organisation ou organisme ? » Ce n’est que l’aspect visible du corps du Christ qui est organisation et organisme. L’un et l’autre dans la réalité humaine visible. Mais, l’essentiel c’est de discerner que c’est le corps du Christ ressuscité.
4. «
Qu'est-ce qui, dans la Parole est essentiel ou accessoire ? » C’est une question humaine uniquement intellectuelle. La Parole, le Verbe, est indivisible. Les deux petites pièces déposées par une pauvre veuve dans un tronc pour les offrandes peuvent êtres plus importantes que des sommes plus importantes offertes par d’autres. L’essentiel, c’est le Christ et Lui seul sait ce qui est essentiel ou accessoire. Pour le baptisé, c’est la communion au corps du Christ qui est essentielle et tout le reste s’y rattache. Il est vain de prétendre pouvoir distinguer l’essentiel de l’accessoire par sa seule conscience, «
sola scriptura ».
Ève a cru aussi que l’essentiel, la vie, lui était, somme toute, suffisamment assuré. Dieu avait dit : si tu manges tu mourras, et elle a cru avoir bien distingué l’essentiel de l’accessoire puisqu’elle n’est pas tombée morte physiquement directement après avoir mangé le fruit interdit. Elle a cru que la vie «
physique » c’était l’essentiel.
5. Comment discerner par «
la conscience », par «
le Saint Esprit » ? Tant notre conscience que la voix que la conscience attribue au Saint Esprit en elle sont absolument incapables de bien discerner «
seuls », sans le Christ, sans le corps du Christ. Parfois, l’individu discerne bien, mais parfois, l’individu discerne mal. Aucune authenticité, aucune connaissance séparée n’est assurée de manière certaine. «
Hors de l’Église, pas de salut », disait un ancien adage souvent mal compris.
Depuis le jardin d’Eden, nous devrions tous savoir qu’il n’y a pas de connaissance séparée authentique et on ne connaît bien que dans l’amour.
6. Pour autant que l’on demeure en communion dans le corps du Christ qu’est l’Église, nous sommes tous enrichis par les réflexions des Pères de l'Église et de tous ceux qui ont contribué à la Tradition de la foi tout au long des siècles.