Bonjour,
Je voudrais mettre ici quelques bonnes réflexions d'Anselme Grün sur le sujet. J'en avais aperçu quelques unes dans un de ses ouvrages. Ce serait bien que tout le monde en profite.
Sur le Père
Notre Père : cela signifie que Dieu n'est pas seulement mon Dieu. Il est le Dieu de tous les hommes - même de ceux qui ne me sont pas sympathiques. Rien qu'en priant "Notre Père", je suis déjà renvoyé à ceux qui m'entourent : à la communauté dont je fais partie, mais aussi à tous les gens du monde entier. Les Pères de l'Église ont déjà souligné le fait que nous prions communautairement notre Père. Je cite la magnifique texte de saint Augustin : Nous disons ensemble Notre Père. Quelle dignité! C'est ainsi que s'exprime l'empereur, c'est ainsi que s'exprime le mendiant et l'esclave et son maître. Ils disent ensemble : Notre Père, qui est aux cieux. Ils reconnaissent donc être frères. Il ne faut donc pas qu'un maître soit irrité d'avoir comme frère son esclave, puisque le Seigneur Jésus l'a voulu comme frère.
Jean Chrysostome le confirme : "A tous, Dieu a conféré une même noblesse de naissance, puisqu'il veut être appelé Père commun de tous les hommes."
En priant Dieu le Père de tous les hommes, nous ne faisons plus qu'un avec tous les hommes, et avant tout avec ceux qui manquent de père et de mère, qui se sentent abandonnés et exclut de la communauté humaine.
Qui est aux cieux
En allemand, le mot ciel :
Himmel vient de
Hemd, qui exprime ce qui abrite, qui couvre, qui protège. Le Dieu du ciel est le Dieu qui nous protège partout sur les routes de nos vies et qui nous enveloppe de sa présence aimante. Le mot ciel nous dit qu'il ne faut pas ramener Dieu au niveau de notre propre pensée.
Dieu est à la fois le créateur du ciel et de la terre et l'ami qui demeure en nous au fond de notre coeur. Il est en même temps en dehors de nous et en nous. Cependant, même en demeurant en nous, il n'est pas à notre disposition, il ne nous appartient pas. Mais lorsqu'il demeure en nous, le ciel est en nous. Et alors nous sommes protégés. L'étroitesse de notre vie éclate et notre coeur s'élargit.
Sur le règne de Dieu
Pourquoi devons-nous dire "Que ton règne vienne"? En fait, nous prions pour que son règne ne cesse de venir chez nous et pour qu'il imprègne tous les recoins de notre âme, qu'il soit efficace aussi dans notre "être ensemble", oui, pour qu'il devienne visible dans le monde entier.
Voici comment saint Augustin comprend cela : il n'est pas nécessaire de prier Dieu pour son règne vienne, car ce règne viendra que nous le voulions ou non . Mais par cette demande nous éveillons en nous le désir de son règne : qu'il vienne chez nous et que nous méritions de participer à ce règne. Pour Augustin, cette prière exprime notre désir de faire l'expérience mystique du règne de Dieu qui est en nous.
Le désir de la venue du règne de Dieu a en même temps un contenu politique. Car nous demandons que Dieu règne dans ce monde et que cesse la domination des hommes injustes : c'est Dieu qui doit régner et non les adorateurs de l'argent et du pouvoir.
L'exégète suisse H.-J. Venetz parle à ce propos de prière "subversive". Car lorsque nous prions que vienne le règne de Dieu, nous exprimons le souhait que tous les autres pouvoirs soient dépossédés. Nous souhaitons que tous les autres pouvoirs cessent de jouer un rôle. La venue du règne de Dieu signifie effectivement que tous les seigneurs qui se croient importants sont privés de leur pouvoir; cela signifie aussi que tous les faux-dieux perdent leur pouvoir, qu'ils aient le visage d'Hitler ou d'un ordinateur, ou encore la forme de la croissance économique illimitée quel qu'en soit le prix, ou celle de l'apartheid ou de l'égoïsme national. La prière s'adresse à Dieu : que lui-même vienne régner. Mais nous ne sommes pas des spectateurs passifs : c'est par notre agir que le règne de Dieu doit s'étendre dans ce monde.
Les paroles du Notre Père, reliées au Sermon sur la montagne, nous révèlent le fondement d'un nouveau comportement. Parce que nous sommes fils et filles de Dieu, parce que Dieu nous a adoptés de manière inconditionnelle, nous n'avons plus à nous justifier ou à nous défendre devant les hommes. Nous n'avons plus à lutter pour notre dignité, car, comme fils et filles de Dieu, nous possédons une dignité inviolable.
L'expérience d'être enfants de Dieu nous donne la liberté d'adopter une façon d'être nouvelle, qui n'est pas marquée par la peur ou l'insécurité, mais par la confiance et la liberté. Notre prière doit elle aussi procéder de ce nouveau comportement, sinon elle n'est pas authentique. Et c'est notre comportement qui en indique l'authenticité.