par salésienne05 » dim. 09 déc. 2012, 23:32
Le milieu que décrit MB est sans doute le pire, en fait, pour un enseignant.
C'est "l'entre-deux" : on est assez riche pour avoir accès à une certaine "modernité" et pour céder volontiers aux modes (véhiculées par la télé, internet, etc), tout en restant dans une vacuité intellectuelle sidérante.
Ce n'est pas tant l'école et les enseignants qui sont à mettre en cause : généralement, ils font ce qu'ils peuvent, même si comme dans toute profession, il y a quelques brebis galeuses.
Je suis dans une petite station de ski de montagne, où le niveau scolaire des parents dépasse rarement la troisième. Petits commerçants et restaurateurs constituent le gros du panel. Pas mal d'argent (nous sommes dans une station qui marche bien, avec clientèle monégasque et niçoise), mais une aversion réelle pour tout ce qui relève des études, de la culture et de la lecture. Nous avons la chance d'avoir sur place une très belle bibliothèque départementale : la pauvre bibliothécaire ne voit presque jamais les enfants du village, ni leurs parents d'ailleurs. Une maman commerçante à qui je faisais remarquer que mon fils Cyprien, en CE1, était réellement très doué en mathématiques mais qu'il fallait que je le force pour la lecture et l'écriture m'a répondu très naturellement : "Oh, les maths, c'est ce qui est important. Du moment qu'il sait calculer, le reste, ça ne sert à rien". Les parents ont quasiment tous les derniers Ipod/Ipad/smartphones sortis mais pour eux, la littérature, la vraie, cela se borne à Twilight
(et encore, pour les parents qui lisent !).
Les parents critiquent ouvertement les maîtresses car elles mettent la barre assez haut. Quand elles osent proposer de la musique classique, des visites de musées, ou des activités de protection de la nature, elles sont taxées de réac (et pourtant, je peux vous assurer qu'elles ne le sont pas : mais elles ont toutes un bon niveau d'éducation, et leuirs enfants à elles sont fort bien élevés). Les enfants de l'école ont presque tous la télé dans leur chambre dès la maternelle. Et les WE chômés sont utilisés pour écumer les centres commerciaux en famille
.
La différence entre les bons et les mauvais élèves ? La culture personnelle des parents essentiellement. Mon fils a appris à marcher à la médiathèque du village. Il y a presque autant de livres disponibles à la maison. Le vocabulaire utilisé au sein de notre foyer est plutôt riche. Nous n'avons pas de télé et si notre aîné est déjà "connecté", il utilise Internet pour des recherches "scientifiques", et uniquement en notre présence. Je ne fais pourtant pas "faire" les devoirs de mon fils. Nous avons passé un contrat moral depuis son entrée au CP : il est intelligent, il a de bonnes capacités, il est donc capables de savoir ce qu'il a à faire. Si les résultats ne sont pas au RDV, il est privé de sortie ou de jeux vidéo. Evidemment, nous sommes là pour toute aide nécessaire... Mon fils aime bien se savoir libre donc ça marche assez bien. Les autres parents ont tendance à accuser les maîtreses de donner des choses trop difficiles à leurs enfants. Personnellement, je trouve plutôt sain qu'elles élèvent le niveau, mais elles n'ont de soutien que de la part de parents qui ne sont pas fâchés avec l'école et pour qui être cultivé n'est pas un défaut.
Après, des amis profs dans des milieux plus protégés font le même constat : les élèves n'ont plus de "valeurs", et ce quel que soit le milieu ; leur intérêt se limite à l'apparence et au bon usage de leurs "relations"... Les profs sont considérés comme des "ringards", même les plus jeunes. Il y a une dizaine d'années, un de mes élèves m'avait questionnée sur mon salaire et mon niveau d'étude. Ayant eu sa réponse, il me gratifia d'un : "Autant d'études pour si peu ?". L'idée même que l'on puisse faire un métier parce qu'on y croit, parce que cela est porteur de sens pour nous, échappait complètement à ma classe (sans compter que pour moi, ce salaire me semblait tout à fait "suffisant").
Autres temps, autres moeurs...
Fraternellement.
Cécile
Le milieu que décrit MB est sans doute le pire, en fait, pour un enseignant.
C'est "l'entre-deux" : on est assez riche pour avoir accès à une certaine "modernité" et pour céder volontiers aux modes (véhiculées par la télé, internet, etc), tout en restant dans une vacuité intellectuelle sidérante.
Ce n'est pas tant l'école et les enseignants qui sont à mettre en cause : généralement, ils font ce qu'ils peuvent, même si comme dans toute profession, il y a quelques brebis galeuses.
Je suis dans une petite station de ski de montagne, où le niveau scolaire des parents dépasse rarement la troisième. Petits commerçants et restaurateurs constituent le gros du panel. Pas mal d'argent (nous sommes dans une station qui marche bien, avec clientèle monégasque et niçoise), mais une aversion réelle pour tout ce qui relève des études, de la culture et de la lecture. Nous avons la chance d'avoir sur place une très belle bibliothèque départementale : la pauvre bibliothécaire ne voit presque jamais les enfants du village, ni leurs parents d'ailleurs. Une maman commerçante à qui je faisais remarquer que mon fils Cyprien, en CE1, était réellement très doué en mathématiques mais qu'il fallait que je le force pour la lecture et l'écriture m'a répondu très naturellement : "Oh, les maths, c'est ce qui est important. Du moment qu'il sait calculer, le reste, ça ne sert à rien". Les parents ont quasiment tous les derniers Ipod/Ipad/smartphones sortis mais pour eux, la littérature, la vraie, cela se borne à Twilight :-@ (et encore, pour les parents qui lisent !).
Les parents critiquent ouvertement les maîtresses car elles mettent la barre assez haut. Quand elles osent proposer de la musique classique, des visites de musées, ou des activités de protection de la nature, elles sont taxées de réac (et pourtant, je peux vous assurer qu'elles ne le sont pas : mais elles ont toutes un bon niveau d'éducation, et leuirs enfants à elles sont fort bien élevés). Les enfants de l'école ont presque tous la télé dans leur chambre dès la maternelle. Et les WE chômés sont utilisés pour écumer les centres commerciaux en famille :( .
La différence entre les bons et les mauvais élèves ? La culture personnelle des parents essentiellement. Mon fils a appris à marcher à la médiathèque du village. Il y a presque autant de livres disponibles à la maison. Le vocabulaire utilisé au sein de notre foyer est plutôt riche. Nous n'avons pas de télé et si notre aîné est déjà "connecté", il utilise Internet pour des recherches "scientifiques", et uniquement en notre présence. Je ne fais pourtant pas "faire" les devoirs de mon fils. Nous avons passé un contrat moral depuis son entrée au CP : il est intelligent, il a de bonnes capacités, il est donc capables de savoir ce qu'il a à faire. Si les résultats ne sont pas au RDV, il est privé de sortie ou de jeux vidéo. Evidemment, nous sommes là pour toute aide nécessaire... Mon fils aime bien se savoir libre donc ça marche assez bien. Les autres parents ont tendance à accuser les maîtreses de donner des choses trop difficiles à leurs enfants. Personnellement, je trouve plutôt sain qu'elles élèvent le niveau, mais elles n'ont de soutien que de la part de parents qui ne sont pas fâchés avec l'école et pour qui être cultivé n'est pas un défaut.
Après, des amis profs dans des milieux plus protégés font le même constat : les élèves n'ont plus de "valeurs", et ce quel que soit le milieu ; leur intérêt se limite à l'apparence et au bon usage de leurs "relations"... Les profs sont considérés comme des "ringards", même les plus jeunes. Il y a une dizaine d'années, un de mes élèves m'avait questionnée sur mon salaire et mon niveau d'étude. Ayant eu sa réponse, il me gratifia d'un : "Autant d'études pour si peu ?". L'idée même que l'on puisse faire un métier parce qu'on y croit, parce que cela est porteur de sens pour nous, échappait complètement à ma classe (sans compter que pour moi, ce salaire me semblait tout à fait "suffisant").
Autres temps, autres moeurs...
Fraternellement.
Cécile