Je vous propose ici un article très intéressant d’Alexis Masson, jeune diplômé en philosophie, d’abord athée, puis ayant vécu une conversion au christianisme.
J’ai trouvé cet article sur le désir de Dieu inscrit en chacun extrêmement pertinent. En fait, par leur désir d'être pleinement heureux, les hommes - même les athées - manifestent ce désir de quelque chose qui ne passe pas, quelque chose qui les comble parfaitement et sans qu'on puisse le leur enlever. C'est cela le désir de Dieu.
Et je pense que c'est un bon point d'accroche pour discuter avec les athées. Pourquoi un tel désir serait dans l'homme si rien ne pouvait le combler ? Ce serait absurde ! Peut-être que l'évangélisation des athées de bonne volonté passera par cette attention à leur plus profond désir.
Selon Pascal, le désir est insatiable tant qu'il n'a pas trouvé Dieu.
Lorsque j’étais athée, j’étais particulièrement gêné par cette idée que tout homme désirerait naturellement Dieu. Je n’avais pas l’impression de ressentir le moindre désir de Dieu. Certains chrétiens me répondaient que j’en n’avais peut-être pas conscience. Mais enfin ! Comment pourrions-nous désirer quelque chose sans le savoir ? Je sais quand même mieux que quiconque ce que je désire ! Ces personnes oseraient-elles prétendre mieux me connaître que moi-même ?
En fait, cette idée vient de la philosophie grecque. Du moins, c’est en faculté de philosophie que je l’ai découverte, alors que j’étais étudiant. On la trouve chez Platon, Aristote ou encore Plotin. Les philosophes chrétiens l’ont reprise par la suite, que ce soit Augustin, Thomas d’Aquin ou Pascal. Cette idée repose sur un argument dont le point de départ est la finitude humaine. Tout homme est un être fini. Tout homme est contingent, il est dépendant d’autres réalités que lui-même. Par conséquent, l’homme est un être qui a des besoins et des désirs. Or toutes les réalités immédiatement accessibles sont elles-mêmes finies. Je peux boire un verre d’eau, cela ne supprimera pas définitivement ma soif. Ces choses finies ne font donc qu’apaiser temporairement mes besoins et mes désirs sans jamais complètement les satisfaire. Le véritable objet de notre désir est donc quelque chose qui nous comblerait définitivement, quelque chose d’infini, à savoir Dieu. Celui-ci, à notre différence, n’a ni besoin ni désir, puisqu’en vertu de sa perfection il n’a aucun manque. Ce que l’homme recherche réellement, c’est donc Dieu, qui seul peut nous apporter sa plénitude.
La première objection, c’est que tout le monde n’a pas forcément l’idée de Dieu. Moi-même, j’étais athée. Comment pourrais-je désirer quelque chose que je pense ne pas exister ? C’est vrai, répondrait Augustin, on peut ignorer que l’on désire Dieu, parce que l’on s’en fait une idée fausse. Mais en réalité, derrière ce désir de plénitude (ou de béatitude) se cache Dieu. Nous désirons cette plénitude, mais nous ignorons qu’il s’agit de Dieu. Donc, en réalité, c’est bien que Dieu que nous désirons sans le savoir.
La seconde objection, c’est que tout le monde ne désire pas forcément cette plénitude. Personnellement, je pensais me satisfaire de ma propre vie. C’est vrai, répondrait Pascal, mais seulement en apparence. L’homme pense se satisfaire en multipliant les activités. Il « remplit » sa vie. Mais en réalité, notre vie est totalement vaine. L’homme n’est presque rien. Il est minuscule face à l’immensité de l’univers. Nous sommes là, semble-t-il, sans aucun but apparent. Et notre vie est finie, délimitée entre notre naissance et notre mort. En réalité, notre vie ne compte pas, elle n’a pas de sens en tant que tel. Si nous y réfléchissions un instant, nous sombrerions dans le désespoir. C’est pour éviter d’y penser que l’homme « remplit » sa vie en multipliant les activités. En réalité, nous ne cherchons pas ces activités pour elles-mêmes, mais pour fuir la conscience de la vanité de notre existence. « Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche des choses ». De plus, ces choses sont incapables de nous combler, et nous plongeons alors dans une fuite en avant. En réalité, la véritable alternative est celle-ci: le désespoir ou la conversion à Dieu.
La troisième objection, c’est que l’on peut tout à fait assumer la vanité de notre existence. Je me proclamais moi-même « nihiliste » (de nihilo en latin, « rien »). Évidemment que la vie n’a pas de sens. Sans Dieu, la vie est apparue dans l’univers sous l’effet de coïncidences, c’est en quelque sorte un accident. Et elle disparaitra de la même façon. Personne alors ne se souciera de sa disparition. En attendant, tout ce que nous faisons est vain, rien ne perdurera. On pourrait, bien entendu, s’inventer du sens, à l’image de Nietzsche ou de Sartre. Mais cela reviendrait à se mentir à soi-même. Plutôt, il vaut mieux se satisfaire du moment présent, même s’il est dépourvu de sens. Et pour cela, il faut assumer l’inexistence de Dieu. Désirer Dieu reviendrait à désirer un mensonge. Il vaut accepter cet « état de fait ». Pourquoi désirer quelque chose d’irréel? Quel enfantillage !
L’argument de la « maturité » semble assez fort contre l’universalité du désir de Dieu. Mais que vaut-il réellement ? Son problème, c’est que l’existence de Dieu est objectivement préférable à son inexistence. Est-il préférable que Dieu existe ou non? Est-il préférable qu’il y ait un être attentif à notre vie ou non? Est-il préférable que la vie ait un sens ou non? Évidemment, nous désirons ce qu’il y a de mieux. Mais alors comment peut-on dire que Dieu n’est pas désirable s’il est objectivement désirable?
En réalité, en disant que je ne désirais pas Dieu, j’invoquais un « principe de réalité ». Mais en l’invoquant, j’admettais implicitement ce désir. Admettons que l’on me propose une voiture haut de gamme, disons une Audi TT. Immédiatement, j’invoquerais un principe de réalité: « Le prix est au-dessus de mes moyens et de toute façon j’ai déjà une voiture ». Mais si l’on me répondait: « Non, c’est un cadeau! », alors je changerai immédiatement d’avis. Cette voiture m’est réellement désirable: si on me la donnait, je la prendrais, je ne la rejetterais pas (sans qu’elle soit suffisante, elle est incapable de remplacer son désir de recevoir le dernier iMac). Cela signifie que le désir est bien existant. L’invocation du principe de réalité le prouve, puisque sa fonction est de refroidir ou de rendre muet ce désir. Mais ce n’est pas parce qu’il est devenu muet que le désir n’est plus là.
Ainsi, comme tout homme, je désirais Dieu, même si je n’entendais pas ce désir ou que je n’en avais pas une idée exacte. D’ailleurs, ce désir c’est révélé lorsque j’ai fait l’expérience de Dieu. La joie qui est née de cette expérience prouve que celle-ci a répondu à un désir. Évidemment, ce n’est pas parce que tout homme désire Dieu qu’il existe. Pour prouver son existence, il faut se reporter aux preuves ontologique (il est nécessaire qu’un Être nécessaire existe), cosmologique (l’existence contingente de l’univers implique une cause) et téléologique (l’ordre contingent de l’univers implique une intelligence créatrice). Mais dans tous les cas, nous devons reconnaître que l’homme désire Dieu, qu’il se dise théiste, agnostique ou athée.