Bonjour à tous,
Merci pour vos contributions ! Souffrez qu'un ancien protestant évangélique ayant rejoint les bras de Notre Sainte Mère, l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, reprenne du service et descende dans l'arène :-p
Frédo, Gerardh, salut !
Vous nous dites, par exemple, que la doctrine sur la Présence Réelle n'est pas nécessaire au salut. Martin Luther, tout aussi attaché au Sola Scriptura que vous, tenait la position inverse, et anathémisait Zwingli au colloque de Marbourg en 1527 pour cette même raison.
Du docteur du
Sola Fide et du
Sola Scriptura, ou de vous-même, qui a raison ? Sur quelle base, comment, décider ce qui relève de la "doctrine non-négociable" et ce qui relève de la légitime divergence d'opinions (en tout cas, pas au point de constituer une apostasie) ?
C'est une tendance assez récente, pour les protestants, de considérer que, sur des doctrines historiquement importantes, un désaccord est possible. Ainsi, chez les réformés évangéliques, le pédobaptisme et l'anabaptisme cohabitent en bonne intelligence - ce qui aurait été anathème pour Calvin. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'au XVIIIè siècle environ, les réformés ont abandonné toute espérance d'atteindre une unité doctrinale substantielle avec le secours de l'Ecriture seule, et se sont résignés à l'option inverse : une diversité doctrinale, aux limites définies plus ou moins expérimentalement. C'est là une idée nouvelle dans l'Histoire du Christianisme, et une conséquence du Sola Scriptura, qui accouche ainsi directement des discours revivalistes du type "ce qui importe c'est Jésus, par les Credos" qui ont fleuri sous cette forme au XIXè siècle et font tant de dégâts de nos jours.
gerardh a écrit : ↑ven. 21 juil. 2017, 14:13
Vous supposez que deux personnes supposées "se mettre à l'écoute de l'Esprit Saint" en viennent à des conclusions doctrinales différentes et même opposées. Or cela ne peut pas être, et cela veut dire qu'au moins l'une des deux n'est pas à l'écoute de l'Esprit Saint quelque soit la bonne volonté éventuelle de cette personne.
Gérard, c'est là tout votre dilemme.
Pour vous il n'est rien au monde qui puisse dire précisément qui, de ces deux personnes, est à l'écoute de l'Esprit-Saint (si les deux n'errent pas). Ne me dites pas que que l'Ecriture Sainte tient ce rôle ; le problème est précisément celui de l'interprétation de l'Ecriture (car oui, l'Ecriture, et tout ouvrage d'ailleurs, ne peut être lu sans être interprété).
Vous n'avez aucun moyen de savoir qui est à l'écoute de l'Esprit-Saint, car vous avez rabaissé toutes les autres sources d'autorité en-dessous de l'Ecriture. Vous avez empêché les gardiens de l'Ecriture (que sont la Tradition et le Magistère) d'accomplir leur travail, laissant l'Ecriture au-dessus d'eux, dans un isolement terrible, comme un juge muet, et donc manipulable à merci.
Comme une plante que vous retiriez de son terreau et de son écosystème, et dont vous vous étonneriez qu'elle décrépisse, vous pensez protéger l'autorité de l'Ecriture Sainte quand, en réalité, vous la détruisez, au nom de votre jugement personnel qui s'oppose à celui de l'Eglise.
A côté de cela la vision catholique de l'autorité fait parfaitement sens. L'Ecriture, seule Parole écrite inspirée par Dieu, est lue dans l'Eglise, gardée, défendue et interprétée en son sein. C'est à l'Eglise de préserver la foi des Apôtres, qu'elle a reçu à l'écrit et à l'oral. Cet ensemble dogmatique et multiforme, que l'Eglise protège contre toute corruption hérétique et développe avec le temps, est d'une grande importance, et Dieu n'étant pas fou, il donne à l'Eglise les moyens de sa mission. C'est parce que la Parole de Dieu ne peut faillir que l'Eglise est infaillible, parce qu'à dépôt infaillible de la foi, il faut un gardien infaillible.
Fredo, vous nous avez usé d'un argument qu'on connaît chez les apologètes cathos comme le "
Tu Quoque", et qui se formule concisément comme ceci : les catholiques ne sont pas catholiques par hasard, ils le sont aussi par l'adhésion de leur conscience individuelle. Si un catholique est catholique, c'est bien parce qu'IL est convaincu que l'Eglise catholique est la vérité. Ils n'est donc, à cet égard, pas différent d'un protestant adhérant à une dénomination.
La réponse que je formulerais à cette objection est la suivante :
- Chacun reconnaît qu'
in fine, l'adhésion individuelle de la conscience est constitutive de la foi, qu'on soit protestant ou catholique. Le nier serait détruire toute forme de croyance et toute herméneutique. En effet, si nous reconnaissons, au vu des témoignages des Evangiles, ou de tout autre témoignage sensible, que le Christ est Dieu, c'est par une adhésion de la conscience personnelle exactement semblable !
- Remarquons à cet égard : le fait que cette adhésion soit personnelle ne qualifie en rien l'autorité objective qu'a le Christ sur nous en matière de foi et de doctrine (quel que soit le moyen par lequel Il a décidé de nous les communiquer).
- L'argument, parce qu'il est trop fondamental, trop radical pour ainsi dire, appelle à remonter un peu plus haut dans la hiérarchie de l'adhésion de foi.
- Un protestant adhérant à une dénomination le fait parce qu'il reconnaît en cette dénomination la doctrine biblique. Il le fait passivement (tant qu'il n'a rien remarqué de contraire dans l'Ecriture à l'enseignement de la dénomination, il y adhère) ou activement (il interprète l'Ecriture et cherche une dénomination correspondant à ce dont il est certain que l'Ecriture enseigne). L'Ecriture étant la seule autorité infaillible à laquelle le protestant se réfère, c'est à sa mesure qu'il juge toute autre autorité inférieure : credos, Eglise, tradition. S'il ne le fait pas en acte, il le pourrait en tout cas potentiellement.
Les protestant soucieux de tradition et de continuité historique, comme Fredo (que je salue encore chaleureusement
) introduisent ici une distinction subtile : ils distinguent Sola Scriptura et Solo Scriptura.
- Le Solo Scriptura, c'est l'attitude de beaucoup d'évangéliques aujourd'hui : "moi et ma Bible". C'est le "tout protestant fut pape une Bible à la main" de Boileau. C'est la Church of Christ qui a voulu, pour faire l'unité des chrétiens, rejeter toute tradition et revenir à l'Ecriture seule (et a d'ailleurs accouché d'une théologie de la régénération baptismale ^^). C'est je-ne-sais-plus quel prédicateur évangélique du XIXè siècle qui disait "j'ai résolu de lire la Bible comme si personne ne 'lavait lu avant moi". C'est une interprétation a-historique de la Bible, et que les réformés classiques dénoncent justement comme orgueilleuse.
- Le Sola Scriptura, c'est l'attitude réformée classique. On prend en compte la tradition, les formules de foi, on les laisse guider notre interprétation de la Bible, on les laisse nous enseigner, mais ils ne sont pas infaillibles, et on les soumet toujours à l'autorité de l'Ecriture.
Le problème est qu'il n'y a pas de différence, fondamentalement, entre les deux. En effet, si nous laissons la Bible - c'est-à-dire notre interprétation de la Bible - guider ce que nous conservons ou rejettons de la Tradition, au final, nous soumettons notre réception de la tradition à notre propre interprétation de la Bible, et nous retirons effectivement toute autorité sur nous à la tradition. Ainsi, un arminien rejettera Calvin partiellement, un protestant rejettera partiellement les Pères quand ils parlent des sacrements, du sacrifice eucharistique ou de la prière pour les morts.
Laissez-moi développer une image :
le Solo Scriptura c'est quelqu'un qui, devant acheter une maison, étudie lui-même le marché et décide où investir.
Le Sola Scriptura, c'est le même homme qui prend conseil auprès d'experts, qu'il estime, mais sur l'avis desquels il se laisse la possibilité d'exercer un jugement critique indépendant. Il se permet même, s'il lui vient d'examiner leurs rapports en détails, d'en rejeter ou de corriger certains aspects. Bref, il fait, au final, les choses à sa sauce.
Le cheminement intellectuel est différent, mais notre acquéreur reste, au final, seul maître à bord.
J'en reviens au
Tu Quoque de Fredo.
J'accorde sans problème que la personne faisant des recherches et devenant convaincue que l'Eglise catholique est la plus fidèle à la doctrine apostolique n'agit pas différemment, fondamentalement, de la personne qui en vient à la même conclusion pour le protestantisme. Les deux font usage de leurs facultés, données par Dieu, pour trouver la Vérité.
C'est ce qui se passe après qui nous intéresse.
Quelqu'un qui devient catholique
se soumet à l'autorité de l'Eglise. Il se déclare prêt à confesser toute doctrine qu'elle confesse, par le simple fait qu'elle le confesse. Il accepte de mortifier son propre jugement pour le soumettre à un jugement supérieur, celui de l'Eglise catholique, qui lui parle très concrètement par la bouche de ses pasteurs et de son Magistère. C'est un acte de soumission dans la foi, assez analogue à celui que fait normalement tout chrétien vis-à-vis du Christ. Le fait que cet acte soit personnel et librement consenti ne lui retire pas de sa réalité et de sa force.
On ne voit rien de tel chez le protestant, qui reste toujours dans l'attitude décrite plus haut, celle qui consiste à toujours évaluer toute chose à la lumière (c'est inévitable) de son interprétation de l'Ecriture.
Donc en un sens l'objection de Frédo est vraie, mais il est faux d'affirmer que l'attitude herméneutique catholique se réduit à l'attitude herméneutique protestante, pour cette raison précise.
Enfin, j'aimerais poser une dernière question : le Sola Scriptura est-il au moins historique ? Que nous disent les Pères à ce sujet ?
Il suffira que je cite, entre autres, Irénée, Vincent de Lérins, Tertullien et Basile, tous des témoins importants en la matière.
Saint Irénée de Lyon , Adversus Haereses, III, 4 :
Ainsi donc, la Tradition des apôtres, qui a été manifestée dans le monde entier, c'est en toute Église
qu'elle peut être perçue par tous ceux qui veulent voir la vérité. Et nous pourrions énumérer les évêques
qui furent établis par les apôtres dans les Églises, et leurs successeurs jusqu'à nous. Or ils n'ont rien
enseigné ni connu qui ressemble aux imaginations délirantes de ces gens-là. Si pourtant les apôtres
avaient connu des mystères secrets qu'ils auraient enseignés aux « parfaits », à part et à l'insu des autres,
c'est bien avant tout à ceux à qui ils confiaient les Églises elles-mêmes qu'ils auraient transmis ces
mystères. Car ils voulaient que fussent absolument parfaits et en tout point irréprochables ceux qu'ils
laissaient pour successeurs et à qui ils transmettaient leur propre mission d'enseignement : si ces hommes
s'acquittaient correctement de leur charge, ce serait un grand profit, tandis que, s'ils venaient à faillir, ce
serait le pire malheur.
Mais comme il serait trop long, dans un ouvrage tel que celui-ci, d'énumérer les successions de toutes les
Églises, nous prendrons seulement l'une d'entre elles, l'Église très grande, très ancienne et connue de
tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul fondèrent et établirent à Rome; en montrant que la
Tradition qu'elle tient des apôtres et la foi qu'elle annonce aux hommes sont parvenues jusqu'à nous par
des successions d'évêques, nous confondrons tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, ou par
infatuation, ou par vaine gloire, ou par aveuglement et erreur doctrinale, constituent des groupements
illégitimes : car avec cette Église, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s'accorder
toute Église, c'est-à-dire les fidèles de partout, — elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de
partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres.
[ici il énumère la succession des évêques de Rome jusqu'à ses jours, puis mentionne Polycarpe et l'apôtre Jean]
Telle étant la force de ces preuves, il ne faut donc plus chercher auprès d'autres la vérité qu'il est facile
de recevoir de l'Eglise, car les apôtres, comme en un riche cellier, ont amassé en elle, de la façon la plus
plénière, tout ce qui a trait à la vérité, afin que quiconque le désire y puise le breuvage de la vie. C'est
elle, en effet, qui est la voie d'accès à la vie ; « tous » les autres « sont des voleurs et des brigands». C'est
pourquoi il faut les rejeter, mais aimer par contre avec un zèle extrême ce qui est de l'Eglise et saisir la
Tradition de la vérité. Eh quoi ! S'il s'élevait une controverse sur quelque question de minime
importance, ne faudrait-il pas recourir aux Eglises les plus anciennes, celles où les apôtres ont vécu, pour
recevoir d'elles sur la question en cause la doctrine exacte ? Et à supposer même que les apôtres ne nous
eussent pas laissé d'Ecritures, ne faudrait-il pas alors suivre l'ordre de la Tradition qu'ils ont transmise à
ceux à qui ils confiaient ces Eglises ?
C'est à cet ordre que donnent leur assentiment beaucoup de peuples barbares qui croient au Christ : ils
possèdent le salut, écrit sans papier ni encre par l'Esprit dans leurs cœurs, et ils gardent scrupuleusement
l'antique Tradition, croyant en un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu'ils renferment,
et au Christ Jésus, le Fils de Dieu, qui, à cause de son surabondant amour pour l'ouvrage par lui modelé,
a consenti à être engendré de la Vierge pour unir lui-même par lui-même l'homme à Dieu, qui a souffert
sous Ponce Pilate, est ressuscité et a été enlevé dans la gloire, qui viendra dans la gloire comme Sauveur
de ceux qui seront sauvés et Juge de ceux qui seront jugés et enverra au feu éternel ceux qui défigurent
la vérité et qui méprisent son Père et sa propre venue. Ceux qui sans lettres ont embrassé cette foi sont,
pour ce qui est du langage, des barbares ; mais, pour ce qui est des pensées, des usages, de la manière de
vivre, ils sont, grâce à leur foi, suprêmement sages et ils plaisent à Dieu, vivant en toute justice, pureté et
sagesse. Et s'il arrivait que quelqu'un leur annonçât les inventions des hérétiques en s'adressant à eux
dans leur propre langue, aussitôt ils se boucheraient les oreilles et s'enfuiraient au plus loin, sans même
consentir à entendre ces discours blasphématoires. Ainsi, grâce à l'antique Tradition des apôtres,
rejettent-ils jusqu'à la pensée de l'une quelconque des inventions mensongères des hérétiques.
Saint Basile de Césarée, Traité du St-Esprit, 27 :
Of the beliefs and practices whether generally accepted or publicly enjoined which are preserved in the Church some we possess derived from written teaching; others we have received delivered to us "in a mystery" by the tradition of the apostles; and both of these in relation to true religion have the same force. And these no one will gainsay—no one, at all events, who is even moderately versed in the institutions of the Church. For were we to attempt to reject such customs as have no written authority, on the ground that the importance they possess is small, we should unintentionally injure the Gospel in its very vitals; or, rather, should make our public definition a mere phrase and nothing more. For instance, to take the first and most general example, who is thence who has taught us in writing to sign with the sign of the cross those who have trusted in the name of our Lord Jesus Christ? What writing has taught us to turn to the East at the prayer? Which of the saints has left us in writing the words of the invocation at the displaying of the bread of the Eucharist and the cup of blessing? For we are not, as is well known, content with what the apostle or the Gospel has recorded, but both in preface and conclusion we add other words as being of great importance to the validity of the ministry, and these we derive from unwritten teaching. Moreover we bless the water of baptism and the oil of the chrism, and besides this the catechumen who is being baptized. On what written authority do we do this? Is not our authority silent and mystical tradition? Nay, by what written word is the anointing of oil itself taught? And whence comes the custom of baptizing thrice? And as to the other customs of baptism from what Scripture do we derive the renunciation of Satan and his angels? Does not this come from that unpublished and secret teaching which our fathers guarded in a silence out of the reach of curious meddling and inquisitive investigation?
Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, chapitre 2 :
II. 1. Souvent donc, quand j'enquêtais, avec beaucoup
d'application et la plus grande attention, auprès de
nombreux personnages éminents par leur sainteté et leur
savoir, pour savoir comment je pourrais, par une méthode
sûre, générale pour ainsi dire, et constante, discerner la
vérité de la foi catholique d'avec les mensonges de la
perversité hérétique, de tous j'ai reçu à peu près cette
réponse d'après laquelle, si moi ou tout autre, voulait
prendre sur le fait les sophismes des hérétiques, éviter de
tomber dans leurs pièges, et demeurer dans une foi saine,
en restant sain et sans atteinte, il fallait, avec l'aide de
Dieu, abriter cette foi derrière un double rempart : d'abord
l'autorité de la loi divine, ensuite la tradition de l'Église
catholique.
2. Quelqu'un demandera peut-être ici : "Puisque le
Canon des Écritures est parfait et qu'il se suffit amplement
et surabondamment pour tous les cas, quel besoin y a-t-il
d'y joindre l'autorité de l'interprétation de l'Église ?" 3.
C'est évidemment que l'Écriture sacrée, en raison
simplement de sa profondeur, tous ne l'entendent pas
dans un seul et même sens : les mêmes énoncés sont
interprétés par l'un d'une façon, par l'autre d'une autre, si
bien qu'on a un peu l'impression qu'autant il y a de
commentateurs, autant il est possible de découvrir
d'opinions. Novatien l'explique d'une façon, Sabellius
d'une autre façon ; Donat d'une autre encore ; Arius,
Eunomius, Macédonius ont leur opinion ; Photin,
Apollinaire, Priscillien ont la leur ; la leur encore Jovinien,
Pélage, Célestius ; la sienne enfin Nestorius. 4. Et c'est
pourquoi il est bien nécessaire, en présence du si grand
nombre de replis d'une erreur aux formes si diverses, que
la ligne de l'interprétation des livres prophétiques et
apostoliques soit dirigée conformément à la règle du sens
ecclésiastique et catholique.
5. Et, dans l'Église catholique elle-même, il faut veiller
soigneusement à s'en tenir à ce qui a été cru partout, et
toujours, et par tous ; car c'est cela qui est véritablement et
proprement catholique, comme le montrent la force et
l'étymologie du mot lui-même, qui enveloppe l'universalité
des choses. 6. Et il en sera finalement ainsi, si nous
suivons l'universalité, l'antiquité, le consentement général.
Nous suivrons l'universalité, si nous confessons comme
uniquement vraie la foi que confesse l'Église entière
répandue par tout l'univers ; l'antiquité, si nous ne nous
écartons en aucun point des sentiments manifestement
partagés par nos saints aïeux et par nos pères ; le
consentement enfin si, dans cette antiquité même, nous
adoptons les définitions et les doctrines de tous, ou du
moins de presque tous les évêques et les docteurs.
(je vous en conseille la lecture ici :
http://www.patristique.org/sites/patris ... incent.pdf )
Tertullien, Traité de la prescription contre les Hérétiques, 18-21 :
XVIII. Celui pour qui vous vous étiez engagé dans cette discussion des Ecritures, et dont vous prétendiez dissiper les doutes, se tournera-t-il du côté de l'erreur ou de la vérité? Surpris que vous n'ayez eu aucun avantage marqué, que de part et d'autre on ait nié et affirmé également, et qu'on soit resté au même point où on en était, il vous quittera peut-être encore plus indécis qu'auparavant, sans pouvoir juger où est l'hérésie. Rien de plus aisé que de rétorquer tout ce que nous avons dit. L'hérétique ne se fera pas scrupule d'assurer que c'est nous qui corrompons l'Ecriture et l'interprétons mal, et que lui seul défend la cause de la vérité.
XIX. Il ne faut donc pas en appeler aux Ecritures, ni hasarder un combat où la victoire sera toujours incertaines du moins le paraîtra. Mais quand même ce ne serait point là l'issue de toutes les disputes sur l'Ecriture, l'ordre des choses demanderait encore qu'on commençât par examiner, ce qui va nous occuper, à qui appartiennent les Ecritures, à qui appartient la foi, de qui elle est émanée, par qui, quand et à qui a été donnée la doctrine qui fait les Chrétiens? Car, où nous verrons la vraie foi, la vraie doctrine du Christianisme, là indubitablement se trouvent aussi les vraies Ecritures, les vraies interprétations, les vraies traditions chrétiennes.
XX. Quel que puisse être notre Seigneur Jésus-Christ (qu'il me permette de parler ainsi en ce moment), quel que soit le Dieu dont il est le Fils, quelle que soit la nature du Dieu homme, la foi dont il est l'auteur, la récompense qu'il promet; lui-même, tandis qu'il était sur la terre, soit dans ses discours au peuple, soit dans ses instructions particulières à ses disciples, il a enseigné ce qu'il était, ce qu'il avait été, la volonté de son Père dont il était chargé, et ce qu'il exigeait des hommes. Parmi ses disciples, il en choisit douze pour l'accompagner, et pour devenir dans la suite les docteurs des nations. L'un d'entre eux ayant été retranché de ce nombre, il commanda aux onze autres, lorsqu'il retourna à son Père après sa résurrection, d'aller enseigner toutes les nations, et de les baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Aussitôt après, les Apôtres (ce nom signifie Envoyés) avant choisi Matthias, sur qui tomba le sort, pour remplacer le traître Judas, selon la prophétie de David, et ayant reçu avec le Saint-Esprit qui leur avait été promis, le don des langues et des miracles, ils prêchèrent la foi en Jésus-Christ, et ils établirent des Eglises d'abord dans la Judée; ensuite s'étant partagé l'univers, ils annoncèrent la même foi et la même doctrine aux nations, et fondèrent des Eglises dans les villes. C'est de ces Eglises que les autres ont emprunté la semence de la doctrine, et qu'elles l'empruntent encore tous les jours à mesure qu'elles se forment. Par cette raison, on les compte aussi parmi les Eglises apostoliques, dont elles sont les filles. Tout se rapporte nécessairement à son origine: c'est pourquoi tant et de si nombreuses Eglises sont censées la même Eglise, la première de toutes, fondée par les Apôtres, et la mère de toutes les autres: toutes sont apostoliques, toutes ensemble ne font qu'une seule Eglise par la communication de la paix, la dénomination de frères et les liens de l'hospitalité qui unissent tous les fidèles. Et rien autre chose ne protège ces liens, que la même tradition d'une même foi.
XXI. Voici comme nous tirons de là un argument de prescription. Si notre Seigneur Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres pour prêcher, il ne faut donc pas recevoir d'autres prédicateurs que ceux qu'il a établis, parce que personne ne connaît le Père que le Fils et ceux à qui le Fils l'a révélé, et parce que le Fils ne l'a révélé qu'aux Apôtres, envoyés pour prêcher ce qu'il leur a révélé. Mais qu'ont prêché lés Apôtres, c'est-à-dire, que leur a révélé Jésus-Christ? Je prétends, fondé sur la même prescription, qu'on ne peut le savoir que par les Eglises que les Apôtres ont fondées, et qu'ils ont instruites de vive voix, et ensuite par leurs lettres. Si cela est, il est incontestable que toute doctrine qui s'accorde avec la doctrine de ces Églises apostoliques et mères, aussi anciennes que la foi, est la véritable, puisque c'est celle que les Eglises ont reçue des Apôtres, les Apôtres de Jésus-Christ, Jésus-Christ de Dieu: et que toute autre doctrine, par conséquent, ne peut être que fausse, puisqu'elle est opposée à la vérité des Eglises, des Apôtres, de Jésus-Christ et de Dieu. Il ne nous reste qu'à démontrer que notre doctrine dont nous avons présenté plus haut le symbole, vient des Apôtres, et que, par une conséquence nécessaire, toutes les autres sont fausses. Nous communiquons avec les Eglises apostoliques, parce que notre doctrine ne diffère en rien de la leur: voilà notre démonstration.