Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

« Dieu leur donnera peut-être de se convertir et de connaître la vérité. » (2Tm 2.25)
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Frédo MB38
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Frédo MB38 » dim. 23 juil. 2017, 14:26

[J'ignore pourquoi le pseudo des personnes que je cite n'apparaît pas... Je l'ajoute manuellement...]

De Xavi :
Xavi a écrit :
sam. 22 juil. 2017, 11:10
...comment parvenez-vous à nier que vous n’avez « que » votre propre conscience individuelle pour trancher toute controverse subsistant entre des chrétiens ?
Pour moi la question ne se pose pas en priorité en termes de controverses entre les chrétiens. Il nous faut servir Dieu, comprendre sa Révélation, entretenir notre relation avec lui, il me semble que c'est en ces choses que la foi consiste. Allez ferrailler avec tel ou tel, c'est secondaire, même si l'apologétique a son sens.

La foi est quoi qu'on en dise affaire de conscience, pour tout le monde, y compris pour les catholiques. Si vous croyez que la vérité est dans le catholicisme, dans l'Écriture mais aussi dans la tradition et le magistère de votre Église, ce n'est pas parce que vous avez été lobotomisés, parce que le Saint-Esprit vous possède de façon aliénante ni pour faire plaisir à Papa et Maman, mais bien parce que votre conscience vous y pousse.

Loin de vous comme de moi les arguments tautologiques du type « la tradition est vraie parce que c'est la tradition qui le dit ». De même, on ne mènera pas la discussion bien loin avec des arguments du type « les protestants ont tort parce qu'ils ne reçoivent pas la tradition et le magistère catholiques ». S'ils le faisaient ils seraient catholiques. L'argument a son sens en interne, si je puis dire ; mais une démarche apologétique doit s'élever au dessus du niveau de la tautologie.

Bien sûr, notre compréhension de l'Écriture bénéficie de siècles d'études. De nombreux aspects de la théologie sont abstraits et il est vrai qu'au sein du protestantisme, même en se limitant aux théologiens conservateurs, le champs de réflexion est très vaste. Ceci dit, la Bible nous révèle des choses fondamentales que l'on ne peut pas nier et qui n'ont pas forcément besoin d'être appuyées par des siècles de recherches (sauf bien sûr à développer théologiquement ces notions) : Il y a un seul Dieu, il est le Créateur, il est amour, nous sommes pécheurs et avons besoin d'être sauvés car nous serons jugés, Jésus est le Fils de Dieu et le Sauveur, il est mort sur la Croix pour nous etc... Je crois que nous serons tous bien d'accord pour dire à un témoin de Jéhovah que l'enseignement de son mouvement religieux comme quoi Jésus n'est pas ressuscité corporellement qu'il n'a qu'à lire tel quel le dernier chapitre de chacun des quatre Évangile pour que cette grossière erreur soit dénoncée. Donc pour les choses essentielles, nous recevons la vérité directement de la part de Dieu dans sa Parole. C'est pour la théologie plus détaillée que ça se complique et que nous avons besoin de recevoir ce que l'Église nous transmet, la Bible restant la pierre de touche de tout raisonnement.

De Suliko :
Suliko a écrit :
sam. 22 juil. 2017, 14:42
Ce que je n'ai jamais réussi à comprends, dans le protestantisme, c'est comment justifier la rupture avec des croyances autrefois partagées par toute la Chrétienté...
La chrétienté entière (ou presque) peut bien, des siècles durant, enseigner des doctrines et prôner des pratiques en contradiction flagrante avec la Parole de Dieu, c'est à cette dernière que nous devons être fidèles. Ainsi est conservé le principe Sola Scritptura, tout en excluant par, dans une certaine mesure, une certaine tradition et un certain magistère.
C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus (Apocalypse 14:12)

gerardh
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par gerardh » dim. 23 juil. 2017, 16:25

______

Bonjour,

Suliko a demandé à Frédo,
Ce que je n'ai jamais réussi à comprends, dans le protestantisme, c'est comment justifier la rupture avec des croyances autrefois partagées par toute la Chrétienté et se retrouvant peu ou proue chez tous les Pères de l'Eglise et tous les grands théologiens. Comment croire que Dieu aurait laissé errer les chrétiens sur un point aussi important de la foi pendant des siècles ?
Dans l'AT, au temps de Josias, roi pieux, les prêtres ont trouvé dans le temple ce qu'ils ont qualifié "d'un livre". Il s'agissait en fait de la Torah, Parole de Dieu qui avait été méconnu pendant un certain nombre de siècles. Ainsi des vérités fondamentales peuvent rester cachées pendant des siècles, et peuvent même leur être substituées des erreurs doctrinales.

Cela dit la question de la présence réelle n'est pas une question fondamentale de la foi car elle n'apporte rien à la question du salut éternel dans la foi de Jésus. Où alors expliquez-moi le contraire. Pour moi la Cène est un mémorial. elle se prend à la table du Seigneur, marque de communion entre chrétiens et entre les chrétiens et Dieu.


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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Suliko » dim. 23 juil. 2017, 21:17

La chrétienté entière (ou presque) peut bien, des siècles durant, enseigner des doctrines et prôner des pratiques en contradiction flagrante avec la Parole de Dieu, c'est à cette dernière que nous devons être fidèles. Ainsi est conservé le principe Sola Scritptura, tout en excluant par, dans une certaine mesure, une certaine tradition et un certain magistère.
Mais justement, qu'est-ce qui vous autorise à dire une telle chose ? Vous trouvez donc normal l'idée que Dieu aurait laissé les chrétiens s'égarer pendant des siècles sur un point aussi important que la Présence réelle ? Et si cela est possible, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement et en conclure qu'après tout, peut-être que les protestants se trompent également sur de nombreux points ?

Gerardh,
La foi en la Présence réelle est très importante pour le salut, ce que nous dit clairement l'évangile selon saint Jean :
Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui.

Les protestants ont beau interpréter cela de manière symbolique, le fait est que les chrétiens ne l'ont pas compris ainsi avant la Réforme et je ne vois pas pourquoi je ferais plus confiance en des interprétations réformées qui ne s'entendent par ailleurs pas entre elles qu'à l'interprétation traditionnelle exprimée depuis des siècles dans les textes des Pères et les traditions liturgiques des diverses églises.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Frédo MB38
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Frédo MB38 » dim. 23 juil. 2017, 22:05

Suliko a écrit :
dim. 23 juil. 2017, 21:17
Mais justement, qu'est-ce qui vous autorise à dire une telle chose ? Vous trouvez donc normal l'idée que Dieu aurait laissé les chrétiens s'égarer pendant des siècles sur un point aussi important que la Présence réelle ? Et si cela est possible, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement et en conclure qu'après tout, peut-être que les protestants se trompent également sur de nombreux points ?...
Est-ce que je trouve « normale » l'idée que, vu les conséquences du péché, Dieu laisse errer la chrétienté, des milliards de gens pratiquer des religions non-chrétiennes et nous tous, être pécheurs, c'est là un vaste sujet...

Je rejoins Gérard pour dire que la « présence réelle » n'est pas fondamentale « à salut ». Il y a d'autres pratiques qui me semblent incompatibles avec la révélation divine. La tradition et le magistère doivent expliquer l'Écriture et en prescrire la mise en pratique, mais en aucun cas la compléter et encore moins la contredire car en ce cas l'être humain prend la place de Dieu.

Suliko a écrit :
dim. 23 juil. 2017, 21:17
je ne vois pas pourquoi je ferais plus confiance en des interprétations réformées qui ne s'entendent par ailleurs pas entre elles qu'à l'interprétation traditionnelle exprimée depuis des siècles dans les textes des Pères et les traditions liturgiques des diverses églises.
Mais faites donc confiance à la tradition de la chrétienté majoritaire et de votre Église, si c'est ainsi que vous guide... votre conscience !
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Théodore » lun. 24 juil. 2017, 11:48

Bonjour à tous,
Merci pour vos contributions ! Souffrez qu'un ancien protestant évangélique ayant rejoint les bras de Notre Sainte Mère, l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, reprenne du service et descende dans l'arène :-p

Frédo, Gerardh, salut ! :)
Vous nous dites, par exemple, que la doctrine sur la Présence Réelle n'est pas nécessaire au salut. Martin Luther, tout aussi attaché au Sola Scriptura que vous, tenait la position inverse, et anathémisait Zwingli au colloque de Marbourg en 1527 pour cette même raison.
Du docteur du Sola Fide et du Sola Scriptura, ou de vous-même, qui a raison ? Sur quelle base, comment, décider ce qui relève de la "doctrine non-négociable" et ce qui relève de la légitime divergence d'opinions (en tout cas, pas au point de constituer une apostasie) ?

C'est une tendance assez récente, pour les protestants, de considérer que, sur des doctrines historiquement importantes, un désaccord est possible. Ainsi, chez les réformés évangéliques, le pédobaptisme et l'anabaptisme cohabitent en bonne intelligence - ce qui aurait été anathème pour Calvin. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'au XVIIIè siècle environ, les réformés ont abandonné toute espérance d'atteindre une unité doctrinale substantielle avec le secours de l'Ecriture seule, et se sont résignés à l'option inverse : une diversité doctrinale, aux limites définies plus ou moins expérimentalement. C'est là une idée nouvelle dans l'Histoire du Christianisme, et une conséquence du Sola Scriptura, qui accouche ainsi directement des discours revivalistes du type "ce qui importe c'est Jésus, par les Credos" qui ont fleuri sous cette forme au XIXè siècle et font tant de dégâts de nos jours.
gerardh a écrit :
ven. 21 juil. 2017, 14:13
Vous supposez que deux personnes supposées "se mettre à l'écoute de l'Esprit Saint" en viennent à des conclusions doctrinales différentes et même opposées. Or cela ne peut pas être, et cela veut dire qu'au moins l'une des deux n'est pas à l'écoute de l'Esprit Saint quelque soit la bonne volonté éventuelle de cette personne.
Gérard, c'est là tout votre dilemme. Pour vous il n'est rien au monde qui puisse dire précisément qui, de ces deux personnes, est à l'écoute de l'Esprit-Saint (si les deux n'errent pas). Ne me dites pas que que l'Ecriture Sainte tient ce rôle ; le problème est précisément celui de l'interprétation de l'Ecriture (car oui, l'Ecriture, et tout ouvrage d'ailleurs, ne peut être lu sans être interprété).
Vous n'avez aucun moyen de savoir qui est à l'écoute de l'Esprit-Saint, car vous avez rabaissé toutes les autres sources d'autorité en-dessous de l'Ecriture. Vous avez empêché les gardiens de l'Ecriture (que sont la Tradition et le Magistère) d'accomplir leur travail, laissant l'Ecriture au-dessus d'eux, dans un isolement terrible, comme un juge muet, et donc manipulable à merci.
Comme une plante que vous retiriez de son terreau et de son écosystème, et dont vous vous étonneriez qu'elle décrépisse, vous pensez protéger l'autorité de l'Ecriture Sainte quand, en réalité, vous la détruisez, au nom de votre jugement personnel qui s'oppose à celui de l'Eglise.

A côté de cela la vision catholique de l'autorité fait parfaitement sens. L'Ecriture, seule Parole écrite inspirée par Dieu, est lue dans l'Eglise, gardée, défendue et interprétée en son sein. C'est à l'Eglise de préserver la foi des Apôtres, qu'elle a reçu à l'écrit et à l'oral. Cet ensemble dogmatique et multiforme, que l'Eglise protège contre toute corruption hérétique et développe avec le temps, est d'une grande importance, et Dieu n'étant pas fou, il donne à l'Eglise les moyens de sa mission. C'est parce que la Parole de Dieu ne peut faillir que l'Eglise est infaillible, parce qu'à dépôt infaillible de la foi, il faut un gardien infaillible.

Fredo, vous nous avez usé d'un argument qu'on connaît chez les apologètes cathos comme le "Tu Quoque", et qui se formule concisément comme ceci : les catholiques ne sont pas catholiques par hasard, ils le sont aussi par l'adhésion de leur conscience individuelle. Si un catholique est catholique, c'est bien parce qu'IL est convaincu que l'Eglise catholique est la vérité. Ils n'est donc, à cet égard, pas différent d'un protestant adhérant à une dénomination.

La réponse que je formulerais à cette objection est la suivante :
- Chacun reconnaît qu'in fine, l'adhésion individuelle de la conscience est constitutive de la foi, qu'on soit protestant ou catholique. Le nier serait détruire toute forme de croyance et toute herméneutique. En effet, si nous reconnaissons, au vu des témoignages des Evangiles, ou de tout autre témoignage sensible, que le Christ est Dieu, c'est par une adhésion de la conscience personnelle exactement semblable !
- Remarquons à cet égard : le fait que cette adhésion soit personnelle ne qualifie en rien l'autorité objective qu'a le Christ sur nous en matière de foi et de doctrine (quel que soit le moyen par lequel Il a décidé de nous les communiquer).
- L'argument, parce qu'il est trop fondamental, trop radical pour ainsi dire, appelle à remonter un peu plus haut dans la hiérarchie de l'adhésion de foi.
- Un protestant adhérant à une dénomination le fait parce qu'il reconnaît en cette dénomination la doctrine biblique. Il le fait passivement (tant qu'il n'a rien remarqué de contraire dans l'Ecriture à l'enseignement de la dénomination, il y adhère) ou activement (il interprète l'Ecriture et cherche une dénomination correspondant à ce dont il est certain que l'Ecriture enseigne). L'Ecriture étant la seule autorité infaillible à laquelle le protestant se réfère, c'est à sa mesure qu'il juge toute autre autorité inférieure : credos, Eglise, tradition. S'il ne le fait pas en acte, il le pourrait en tout cas potentiellement.

Les protestant soucieux de tradition et de continuité historique, comme Fredo (que je salue encore chaleureusement :) ) introduisent ici une distinction subtile : ils distinguent Sola Scriptura et Solo Scriptura.
- Le Solo Scriptura, c'est l'attitude de beaucoup d'évangéliques aujourd'hui : "moi et ma Bible". C'est le "tout protestant fut pape une Bible à la main" de Boileau. C'est la Church of Christ qui a voulu, pour faire l'unité des chrétiens, rejeter toute tradition et revenir à l'Ecriture seule (et a d'ailleurs accouché d'une théologie de la régénération baptismale ^^). C'est je-ne-sais-plus quel prédicateur évangélique du XIXè siècle qui disait "j'ai résolu de lire la Bible comme si personne ne 'lavait lu avant moi". C'est une interprétation a-historique de la Bible, et que les réformés classiques dénoncent justement comme orgueilleuse.
- Le Sola Scriptura, c'est l'attitude réformée classique. On prend en compte la tradition, les formules de foi, on les laisse guider notre interprétation de la Bible, on les laisse nous enseigner, mais ils ne sont pas infaillibles, et on les soumet toujours à l'autorité de l'Ecriture.

Le problème est qu'il n'y a pas de différence, fondamentalement, entre les deux. En effet, si nous laissons la Bible - c'est-à-dire notre interprétation de la Bible - guider ce que nous conservons ou rejettons de la Tradition, au final, nous soumettons notre réception de la tradition à notre propre interprétation de la Bible, et nous retirons effectivement toute autorité sur nous à la tradition. Ainsi, un arminien rejettera Calvin partiellement, un protestant rejettera partiellement les Pères quand ils parlent des sacrements, du sacrifice eucharistique ou de la prière pour les morts.

Laissez-moi développer une image :
le Solo Scriptura c'est quelqu'un qui, devant acheter une maison, étudie lui-même le marché et décide où investir.
Le Sola Scriptura, c'est le même homme qui prend conseil auprès d'experts, qu'il estime, mais sur l'avis desquels il se laisse la possibilité d'exercer un jugement critique indépendant. Il se permet même, s'il lui vient d'examiner leurs rapports en détails, d'en rejeter ou de corriger certains aspects. Bref, il fait, au final, les choses à sa sauce.
Le cheminement intellectuel est différent, mais notre acquéreur reste, au final, seul maître à bord.

J'en reviens au Tu Quoque de Fredo.
J'accorde sans problème que la personne faisant des recherches et devenant convaincue que l'Eglise catholique est la plus fidèle à la doctrine apostolique n'agit pas différemment, fondamentalement, de la personne qui en vient à la même conclusion pour le protestantisme. Les deux font usage de leurs facultés, données par Dieu, pour trouver la Vérité.
C'est ce qui se passe après qui nous intéresse.
Quelqu'un qui devient catholique se soumet à l'autorité de l'Eglise. Il se déclare prêt à confesser toute doctrine qu'elle confesse, par le simple fait qu'elle le confesse. Il accepte de mortifier son propre jugement pour le soumettre à un jugement supérieur, celui de l'Eglise catholique, qui lui parle très concrètement par la bouche de ses pasteurs et de son Magistère. C'est un acte de soumission dans la foi, assez analogue à celui que fait normalement tout chrétien vis-à-vis du Christ. Le fait que cet acte soit personnel et librement consenti ne lui retire pas de sa réalité et de sa force.
On ne voit rien de tel chez le protestant, qui reste toujours dans l'attitude décrite plus haut, celle qui consiste à toujours évaluer toute chose à la lumière (c'est inévitable) de son interprétation de l'Ecriture.
Donc en un sens l'objection de Frédo est vraie, mais il est faux d'affirmer que l'attitude herméneutique catholique se réduit à l'attitude herméneutique protestante, pour cette raison précise.

Enfin, j'aimerais poser une dernière question : le Sola Scriptura est-il au moins historique ? Que nous disent les Pères à ce sujet ?
Il suffira que je cite, entre autres, Irénée, Vincent de Lérins, Tertullien et Basile, tous des témoins importants en la matière.

Saint Irénée de Lyon , Adversus Haereses, III, 4 :

Ainsi donc, la Tradition des apôtres, qui a été manifestée dans le monde entier, c'est en toute Église
qu'elle peut être perçue par tous ceux qui veulent voir la vérité. Et nous pourrions énumérer les évêques
qui furent établis par les apôtres dans les Églises, et leurs successeurs jusqu'à nous. Or ils n'ont rien
enseigné ni connu qui ressemble aux imaginations délirantes de ces gens-là. Si pourtant les apôtres
avaient connu des mystères secrets qu'ils auraient enseignés aux « parfaits », à part et à l'insu des autres,
c'est bien avant tout à ceux à qui ils confiaient les Églises elles-mêmes qu'ils auraient transmis ces
mystères. Car ils voulaient que fussent absolument parfaits et en tout point irréprochables ceux qu'ils
laissaient pour successeurs et à qui ils transmettaient leur propre mission d'enseignement : si ces hommes
s'acquittaient correctement de leur charge, ce serait un grand profit, tandis que, s'ils venaient à faillir, ce
serait le pire malheur.
Mais comme il serait trop long, dans un ouvrage tel que celui-ci, d'énumérer les successions de toutes les
Églises, nous prendrons seulement l'une d'entre elles, l'Église très grande, très ancienne et connue de
tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul fondèrent et établirent à Rome; en montrant que la
Tradition qu'elle tient des apôtres et la foi qu'elle annonce aux hommes sont parvenues jusqu'à nous par
des successions d'évêques, nous confondrons tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, ou par
infatuation, ou par vaine gloire, ou par aveuglement et erreur doctrinale, constituent des groupements
illégitimes : car avec cette Église, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s'accorder
toute Église, c'est-à-dire les fidèles de partout, — elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de
partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres.

[ici il énumère la succession des évêques de Rome jusqu'à ses jours, puis mentionne Polycarpe et l'apôtre Jean]

Telle étant la force de ces preuves, il ne faut donc plus chercher auprès d'autres la vérité qu'il est facile
de recevoir de l'Eglise, car les apôtres, comme en un riche cellier, ont amassé en elle, de la façon la plus
plénière, tout ce qui a trait à la vérité, afin que quiconque le désire y puise le breuvage de la vie. C'est
elle, en effet, qui est la voie d'accès à la vie ; « tous » les autres « sont des voleurs et des brigands». C'est
pourquoi il faut les rejeter, mais aimer par contre avec un zèle extrême ce qui est de l'Eglise et saisir la
Tradition de la vérité. Eh quoi ! S'il s'élevait une controverse sur quelque question de minime
importance, ne faudrait-il pas recourir aux Eglises les plus anciennes, celles où les apôtres ont vécu, pour
recevoir d'elles sur la question en cause la doctrine exacte ? Et à supposer même que les apôtres ne nous
eussent pas laissé d'Ecritures, ne faudrait-il pas alors suivre l'ordre de la Tradition qu'ils ont transmise à
ceux à qui ils confiaient ces Eglises ?
C'est à cet ordre que donnent leur assentiment beaucoup de peuples barbares qui croient au Christ : ils
possèdent le salut, écrit sans papier ni encre par l'Esprit dans leurs cœurs, et ils gardent scrupuleusement
l'antique Tradition, croyant en un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu'ils renferment,
et au Christ Jésus, le Fils de Dieu, qui, à cause de son surabondant amour pour l'ouvrage par lui modelé,
a consenti à être engendré de la Vierge pour unir lui-même par lui-même l'homme à Dieu, qui a souffert
sous Ponce Pilate, est ressuscité et a été enlevé dans la gloire, qui viendra dans la gloire comme Sauveur
de ceux qui seront sauvés et Juge de ceux qui seront jugés et enverra au feu éternel ceux qui défigurent
la vérité et qui méprisent son Père et sa propre venue. Ceux qui sans lettres ont embrassé cette foi sont,
pour ce qui est du langage, des barbares ; mais, pour ce qui est des pensées, des usages, de la manière de
vivre, ils sont, grâce à leur foi, suprêmement sages et ils plaisent à Dieu, vivant en toute justice, pureté et
sagesse. Et s'il arrivait que quelqu'un leur annonçât les inventions des hérétiques en s'adressant à eux
dans leur propre langue, aussitôt ils se boucheraient les oreilles et s'enfuiraient au plus loin, sans même
consentir à entendre ces discours blasphématoires. Ainsi, grâce à l'antique Tradition des apôtres,
rejettent-ils jusqu'à la pensée de l'une quelconque des inventions mensongères des hérétiques.

Saint Basile de Césarée, Traité du St-Esprit, 27 :

Of the beliefs and practices whether generally accepted or publicly enjoined which are preserved in the Church some we possess derived from written teaching; others we have received delivered to us "in a mystery" by the tradition of the apostles; and both of these in relation to true religion have the same force. And these no one will gainsay—no one, at all events, who is even moderately versed in the institutions of the Church. For were we to attempt to reject such customs as have no written authority, on the ground that the importance they possess is small, we should unintentionally injure the Gospel in its very vitals; or, rather, should make our public definition a mere phrase and nothing more. For instance, to take the first and most general example, who is thence who has taught us in writing to sign with the sign of the cross those who have trusted in the name of our Lord Jesus Christ? What writing has taught us to turn to the East at the prayer? Which of the saints has left us in writing the words of the invocation at the displaying of the bread of the Eucharist and the cup of blessing? For we are not, as is well known, content with what the apostle or the Gospel has recorded, but both in preface and conclusion we add other words as being of great importance to the validity of the ministry, and these we derive from unwritten teaching. Moreover we bless the water of baptism and the oil of the chrism, and besides this the catechumen who is being baptized. On what written authority do we do this? Is not our authority silent and mystical tradition? Nay, by what written word is the anointing of oil itself taught? And whence comes the custom of baptizing thrice? And as to the other customs of baptism from what Scripture do we derive the renunciation of Satan and his angels? Does not this come from that unpublished and secret teaching which our fathers guarded in a silence out of the reach of curious meddling and inquisitive investigation?

Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, chapitre 2 :

II. 1. Souvent donc, quand j'enquêtais, avec beaucoup
d'application et la plus grande attention, auprès de
nombreux personnages éminents par leur sainteté et leur
savoir, pour savoir comment je pourrais, par une méthode
sûre, générale pour ainsi dire, et constante, discerner la
vérité de la foi catholique d'avec les mensonges de la
perversité hérétique, de tous j'ai reçu à peu près cette
réponse d'après laquelle, si moi ou tout autre, voulait
prendre sur le fait les sophismes des hérétiques, éviter de
tomber dans leurs pièges, et demeurer dans une foi saine,
en restant sain et sans atteinte, il fallait, avec l'aide de
Dieu, abriter cette foi derrière un double rempart : d'abord
l'autorité de la loi divine, ensuite la tradition de l'Église
catholique.
2. Quelqu'un demandera peut-être ici : "Puisque le
Canon des Écritures est parfait et qu'il se suffit amplement
et surabondamment pour tous les cas, quel besoin y a-t-il
d'y joindre l'autorité de l'interprétation de l'Église ?" 3.
C'est évidemment que l'Écriture sacrée, en raison
simplement de sa profondeur, tous ne l'entendent pas
dans un seul et même sens : les mêmes énoncés sont
interprétés par l'un d'une façon, par l'autre d'une autre, si
bien qu'on a un peu l'impression qu'autant il y a de
commentateurs, autant il est possible de découvrir
d'opinions. Novatien l'explique d'une façon, Sabellius
d'une autre façon ; Donat d'une autre encore ; Arius,
Eunomius, Macédonius ont leur opinion ; Photin,
Apollinaire, Priscillien ont la leur ; la leur encore Jovinien,
Pélage, Célestius ; la sienne enfin Nestorius. 4. Et c'est
pourquoi il est bien nécessaire, en présence du si grand
nombre de replis d'une erreur aux formes si diverses, que
la ligne de l'interprétation des livres prophétiques et
apostoliques soit dirigée conformément à la règle du sens
ecclésiastique et catholique.
5. Et, dans l'Église catholique elle-même, il faut veiller
soigneusement à s'en tenir à ce qui a été cru partout, et
toujours, et par tous ; car c'est cela qui est véritablement et
proprement catholique, comme le montrent la force et
l'étymologie du mot lui-même, qui enveloppe l'universalité
des choses. 6. Et il en sera finalement ainsi, si nous
suivons l'universalité, l'antiquité, le consentement général.
Nous suivrons l'universalité, si nous confessons comme
uniquement vraie la foi que confesse l'Église entière
répandue par tout l'univers ; l'antiquité, si nous ne nous
écartons en aucun point des sentiments manifestement
partagés par nos saints aïeux et par nos pères ; le
consentement enfin si, dans cette antiquité même, nous
adoptons les définitions et les doctrines de tous, ou du
moins de presque tous les évêques et les docteurs.
(je vous en conseille la lecture ici : http://www.patristique.org/sites/patris ... incent.pdf )

Tertullien, Traité de la prescription contre les Hérétiques, 18-21 :

XVIII. Celui pour qui vous vous étiez engagé dans cette discussion des Ecritures, et dont vous prétendiez dissiper les doutes, se tournera-t-il du côté de l'erreur ou de la vérité? Surpris que vous n'ayez eu aucun avantage marqué, que de part et d'autre on ait nié et affirmé également, et qu'on soit resté au même point où on en était, il vous quittera peut-être encore plus indécis qu'auparavant, sans pouvoir juger où est l'hérésie. Rien de plus aisé que de rétorquer tout ce que nous avons dit. L'hérétique ne se fera pas scrupule d'assurer que c'est nous qui corrompons l'Ecriture et l'interprétons mal, et que lui seul défend la cause de la vérité.
XIX. Il ne faut donc pas en appeler aux Ecritures, ni hasarder un combat où la victoire sera toujours incertaines du moins le paraîtra. Mais quand même ce ne serait point là l'issue de toutes les disputes sur l'Ecriture, l'ordre des choses demanderait encore qu'on commençât par examiner, ce qui va nous occuper, à qui appartiennent les Ecritures, à qui appartient la foi, de qui elle est émanée, par qui, quand et à qui a été donnée la doctrine qui fait les Chrétiens? Car, où nous verrons la vraie foi, la vraie doctrine du Christianisme, là indubitablement se trouvent aussi les vraies Ecritures, les vraies interprétations, les vraies traditions chrétiennes.
XX. Quel que puisse être notre Seigneur Jésus-Christ (qu'il me permette de parler ainsi en ce moment), quel que soit le Dieu dont il est le Fils, quelle que soit la nature du Dieu homme, la foi dont il est l'auteur, la récompense qu'il promet; lui-même, tandis qu'il était sur la terre, soit dans ses discours au peuple, soit dans ses instructions particulières à ses disciples, il a enseigné ce qu'il était, ce qu'il avait été, la volonté de son Père dont il était chargé, et ce qu'il exigeait des hommes. Parmi ses disciples, il en choisit douze pour l'accompagner, et pour devenir dans la suite les docteurs des nations. L'un d'entre eux ayant été retranché de ce nombre, il commanda aux onze autres, lorsqu'il retourna à son Père après sa résurrection, d'aller enseigner toutes les nations, et de les baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Aussitôt après, les Apôtres (ce nom signifie Envoyés) avant choisi Matthias, sur qui tomba le sort, pour remplacer le traître Judas, selon la prophétie de David, et ayant reçu avec le Saint-Esprit qui leur avait été promis, le don des langues et des miracles, ils prêchèrent la foi en Jésus-Christ, et ils établirent des Eglises d'abord dans la Judée; ensuite s'étant partagé l'univers, ils annoncèrent la même foi et la même doctrine aux nations, et fondèrent des Eglises dans les villes. C'est de ces Eglises que les autres ont emprunté la semence de la doctrine, et qu'elles l'empruntent encore tous les jours à mesure qu'elles se forment. Par cette raison, on les compte aussi parmi les Eglises apostoliques, dont elles sont les filles. Tout se rapporte nécessairement à son origine: c'est pourquoi tant et de si nombreuses Eglises sont censées la même Eglise, la première de toutes, fondée par les Apôtres, et la mère de toutes les autres: toutes sont apostoliques, toutes ensemble ne font qu'une seule Eglise par la communication de la paix, la dénomination de frères et les liens de l'hospitalité qui unissent tous les fidèles. Et rien autre chose ne protège ces liens, que la même tradition d'une même foi.
XXI. Voici comme nous tirons de là un argument de prescription. Si notre Seigneur Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres pour prêcher, il ne faut donc pas recevoir d'autres prédicateurs que ceux qu'il a établis, parce que personne ne connaît le Père que le Fils et ceux à qui le Fils l'a révélé, et parce que le Fils ne l'a révélé qu'aux Apôtres, envoyés pour prêcher ce qu'il leur a révélé. Mais qu'ont prêché lés Apôtres, c'est-à-dire, que leur a révélé Jésus-Christ? Je prétends, fondé sur la même prescription, qu'on ne peut le savoir que par les Eglises que les Apôtres ont fondées, et qu'ils ont instruites de vive voix, et ensuite par leurs lettres. Si cela est, il est incontestable que toute doctrine qui s'accorde avec la doctrine de ces Églises apostoliques et mères, aussi anciennes que la foi, est la véritable, puisque c'est celle que les Eglises ont reçue des Apôtres, les Apôtres de Jésus-Christ, Jésus-Christ de Dieu: et que toute autre doctrine, par conséquent, ne peut être que fausse, puisqu'elle est opposée à la vérité des Eglises, des Apôtres, de Jésus-Christ et de Dieu. Il ne nous reste qu'à démontrer que notre doctrine dont nous avons présenté plus haut le symbole, vient des Apôtres, et que, par une conséquence nécessaire, toutes les autres sont fausses. Nous communiquons avec les Eglises apostoliques, parce que notre doctrine ne diffère en rien de la leur: voilà notre démonstration.
Dernière modification par Théodore le lun. 24 juil. 2017, 14:22, modifié 4 fois.
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Suliko » lun. 24 juil. 2017, 12:29

Merci Théodore pour votre très riche contribution. Vous avez très bien expliqué un aspect central du débat, à savoir l'absence de différence, dans le fond, entre sola scriptura et solo scriptura.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par gerardh » lun. 24 juil. 2017, 14:29

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Bonjour Théodore,

Ni Luther, ni Calvin, ni Irénée ou autres Pères ne sont pour moi une référence absolue. Je retiens chez eux ce qui est bon et je rejette ce qui est erroné. Par exemple Irénée a très vite jeté les bases du cléricalisme en faisant des évêques (charges locales) des successeurs de apôtres (charismes ou dons de grâce). Luther non plus, qui d'ailleurs a évolué depuis sa conversion jusqu'à la mort, n'a pas reçu des lumières sur tous points de doctrine. Ce qui est bon chez les réformateurs, ainsi d'ailleurs que chez les chrétiens du début comme même Irénée, c'est l'attachement à la doctrine du salut par la foi sans les oeuvres. Cela dit j'aime tous les vrais chrétiens, seraient-ils catholiques, mais je ne me sens nullement en communion avec les luthériens ou les calvinistes, lesquels n'ont pas compris quelle devrait être le terrain du chrétien en nos temps de ruine de l'Eglise universelle.

En ce qui me concerne j'affiche foi dans les opérations et les conseils du Saint Esprit, qualifié pour nous enseigner toutes choses, comme le dit l'évangile de Jean. Je pense même que le Saint Esprit est apte à enseigner directement tout chrétien alors que pour les catholiques, il faut le filtre de leurs ecclésiastiques. J'avais même demandé, dans un mail précédent, si pour les catholiques, l'Esprit ne pouvait pas au moins dans certains cas, éclairer directement les laïcs. Je n'ai pas eu de réponse.

Donc pour moi, je crois au magistère du Saint Esprit, et pour l'Eglise catholique c'est le magistère d'une organisation appelée l'Eglise, ce qui est beaucoup plus commode, mais pourtant éminemment charnel. En effet ce qu'ils appellent l'Eglise, c'est un tout petit peu les simples fidèles, et énormément la hiérarchie ecclésiastique, composée d'hommes faillibles car "ayant, comme Elie, les mêmes passions que nous" et en premier lieu les papes. Parmi les papes certains étaient débauchés et incrédules, mais c'est égal : ils étaient la référence. Même le plus illustre d'entre eux (selon la manière catholique), à savoir l'apôtre Pierre lui-même, outre son reniement, s'était ensuite fourvoyé dans une grave erreur doctrinale, et a dû être énergiquement recadré par l'apôtre Paul.

Alors comment savoir si c'est le Saint Esprit qui s'exprime ou non dans tel ou tel aspect de la sainte doctrine ? Pour l'homme c'est difficile à distinguer, mais le chrétien spirituel, lui, sent les choses, car il est précisément habité par le Saint Esprit.

Donc d'un côté la loi cléricale et de l'autre la loi de l'Esprit de Christ. A tout un chacun le combat semblerait inégal. Mais sans pousser trop loin la comparaison, c'est bien David qui a terrassé Goliath.


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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par gerardh » lun. 24 juil. 2017, 21:36

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Bonjour Cinci,

C'était une réponse partielle aux remarques de Suliko :
Suliko : Ce que je n'ai jamais réussi à comprendre, dans le protestantisme, c'est comment justifier la rupture avec des croyances autrefois partagées par toute la Chrétienté et se retrouvant peu ou proue chez tous les Pères de l'Eglise et tous les grands théologiens. Par exemple, non seulement l'Eglise catholique, mais encore les églises orientales (orthodoxes, monophysites, nestoriennes) croient en la Présence réelle dans l'eucharistie. Je pourrais multiplier les exemples... Qu'est-ce qui justifiait de rejeter tout cela ? Comment croire que Dieu aurait laissé errer les chrétiens sur un point aussi important de la foi pendant des siècles ?
Puis : Vous trouvez donc normal l'idée que Dieu aurait laissé les chrétiens s'égarer pendant des siècles sur un point aussi important que la Présence réelle ?
Sur le sujet particulier de ladite "présence réelle", laquelle au reste n'est pas pour moi l'erreur la plus catastrophique, je ne suis pas sur qu'il y ait dans la chrétienté l'unanimité que l'on décrit pour la soutenir. Même au sein du catholicisme, si je me souviens bien, cette doctrine a fait pendant longtemps l'objet d'un vif débat interne, lequel a été soldé par des arguments d'autorité.


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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Théodore » mar. 25 juil. 2017, 10:00

Ni Luther, ni Calvin, ni Irénée ou autres Pères ne sont pour moi une référence absolue. Je retiens chez eux ce qui est bon et je rejette ce qui est erroné. Par exemple Irénée a très vite jeté les bases du cléricalisme en faisant des évêques (charges locales) des successeurs de apôtres (charismes ou dons de grâce). Luther non plus, qui d'ailleurs a évolué depuis sa conversion jusqu'à la mort, n'a pas reçu des lumières sur tous points de doctrine. Ce qui est bon chez les réformateurs, ainsi d'ailleurs que chez les chrétiens du début comme même Irénée, c'est l'attachement à la doctrine du salut par la foi sans les oeuvres. Cela dit j'aime tous les vrais chrétiens, seraient-ils catholiques, mais je ne me sens nullement en communion avec les luthériens ou les calvinistes, lesquels n'ont pas compris quelle devrait être le terrain du chrétien en nos temps de ruine de l'Eglise universelle.
Nous avons en vous un exemple parfait d'en quoi Solo et Sola Scriptura, in fine, se confondent ;-)
En ce qui me concerne j'affiche foi dans les opérations et les conseils du Saint Esprit, qualifié pour nous enseigner toutes choses, comme le dit l'évangile de Jean. Je pense même que le Saint Esprit est apte à enseigner directement tout chrétien alors que pour les catholiques, il faut le filtre de leurs ecclésiastiques. J'avais même demandé, dans un mail précédent, si pour les catholiques, l'Esprit ne pouvait pas au moins dans certains cas, éclairer directement les laïcs. Je n'ai pas eu de réponse.
C'est un raisonnement circulaire au premier ordre, et sans autre témoin que vous-même, car vous vous appuyez sur l'Evangile de Jean pour votre théologie du "conseil du St-Esprit"... qui n'a guère pu émerger que de cette même inspiration. Et dont vous êtes fatalement le seul témoin puisque cette inspiration est personnelle. Ah, et qui aboutit à un subjectivisme terrible.
L'Esprit n'éclaire pas différemment les laïcs et les clercs. Nous sommes tous enfants du Père, et l'Esprit ne fait pas acception de personne.
Il faut bien comprendre ceci : l'infaillibilité du Magistère, qui est effectivement attachée à des personnes (le collège épiscopal en union avec le Pape, ou le Pape lui-même) est un charisme *négatif*. L'Esprit-Saint n'inspire pas positivement et de façon permanente le Magistère ; il l'empêche juste de tomber dans l'erreur. Mais les pasteurs, et les laïcs, et tous les fidèles, doivent demander à l'Esprit ses lumières pour mieux pénétrer l'intelligence de la foi.
Et cela peut, bien sûr, arriver par des laïcs. Des laïcs ont été, au cours de l'Histoire de l'Eglise, partie prenante de grands mouvements de piété ou de mouvement proprement doctrinaux (ainsi les pétitions pour demander à Pie IX de proclamer l'Immaculée Conception).
Ce qui est certain c'est que l'Esprit ne peut rien inspirer (et chez quiconque, laïc ou clerc) qui soit contraire à la foi de l'Eglise :p
Donc pour moi, je crois au magistère du Saint Esprit, et pour l'Eglise catholique c'est le magistère d'une organisation appelée l'Eglise, ce qui est beaucoup plus commode, mais pourtant éminemment charnel.
Ce qui tombe bien pour une religion du Verbe fait chair. Crypto-gnostique va :p
En effet ce qu'ils appellent l'Eglise, c'est un tout petit peu les simples fidèles, et énormément la hiérarchie ecclésiastique, composée d'hommes faillibles car "ayant, comme Elie, les mêmes passions que nous" et en premier lieu les papes. Parmi les papes certains étaient débauchés et incrédules, mais c'est égal : ils étaient la référence. Même le plus illustre d'entre eux (selon la manière catholique), à savoir l'apôtre Pierre lui-même, outre son reniement, s'était ensuite fourvoyé dans une grave erreur doctrinale, et a dû être énergiquement recadré par l'apôtre Paul.
L'erreur de Pierre n'était pas doctrinale (c'est en effet lui qui a fait entrer les païens dans l'Eglise chez Corneille !), mais il a agi de façon inconséquente et a été recadré par Paul. Les Pères, d'ailleurs, sont assez hésitants à qualifier cela de "recadrage énergique". Chrysostome va jusqu'à imaginer que Paul a mis cela en scène avec Pierre pour édifier l'assemblée, après avoir recadré Pierre en privé (ce qui serait d'ailleurs cohérent avec Matthieu XVIII).
Alors comment savoir si c'est le Saint Esprit qui s'exprime ou non dans tel ou tel aspect de la sainte doctrine ? Pour l'homme c'est difficile à distinguer, mais le chrétien spirituel, lui, sent les choses, car il est précisément habité par le Saint Esprit.
Bienvenue dans le royaume du subjectivisme, des querelles à n'en plus finir, des prophètes auto-proclamés "habités par l'Esprit". Et après vous vous étonnez des dérives de l'évangélisme moderne ? Le ver est dans le fruit !
J'ai eu l'humilité (toute relative) de reconnaître que je ne pouvais pas prétendre être "habité par l'Esprit" plus que toutes les personnes avec qui j'étais en désaccord doctrinal.

J'attend la réponse de Fredo avec impatience :)
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par gerardh » mar. 25 juil. 2017, 10:48

_______

Bonjour Théodore,

En attendant comme vous Frédo, je réagis de mon côté :
Théodore : Nous avons en vous un exemple parfait d'en quoi Solo et Sola Scriptura, in fine, se confondent ;-)
C'est un raisonnement circulaire au premier ordre, et sans autre témoin que vous-même, car vous vous appuyez sur l'Evangile de Jean pour votre théologie du "conseil du St-Esprit"... qui n'a guère pu émerger que de cette même inspiration. Et dont vous êtes fatalement le seul témoin puisque cette inspiration est personnelle. Ah, et qui aboutit à un subjectivisme terrible.
Vous oubliez l’aspect collectif du témoignage chrétien. Oui, le saint Esprit habite dans chaque chrétien et lui communique toutes choses. Il est certes son propre témoin et une personne extérieure pourra le taxer de subjectivité (ce qui n’est pas en soi une tare). Mais le Saint Esprit habite aussi dans l’Eglise toute entière. Pour rester limité à mon groupe chrétien, lorsqu’une personne déraille, ou plus simplement a des attitudes charnelles dans ses actions, alors tôt ou tard l’assemblée le ressent, Elle doit donc dans ce cas lui demander de rectifier ses positions, voire même de garder le silence. Dans les cas les plus graves, la discipline d’assemblée doit s’exercer ce qui peut aller jusqu’à l’exclusion du fautif, que tout le monde espère temporaire. En face, qu’avons-nous sinon « circulez il n’y a rien à voir » : la police vaticane est souveraine.
L'Esprit n'éclaire pas différemment les laïcs et les clercs.
Alors pourquoi le filtre du Magistère ? Y aurait-il des choses à cacher aux laïcs ? Vous êtes devenu catholique. Combien de catholiques ont compris de leur côté que cela ne pouvait pas être leur voie dans la vérité ?
L'erreur de Pierre n'était pas doctrinale
C’était une terrible erreur doctrinale consistant à encourager et même valider le légalisme. Voir Galates 2, 11-18. Paul n’y est pas allé par 4 chemins, et ce ne fut en aucun cas un scénario entre les deux apôtres. Encore une construction artificielle pour justifier l’injustifiable à savoir la prééminence de Pierre. A noter que ce légalisme subsiste encore dans la chrétienté, notamment la chrétienté catholique.
J'ai eu l'humilité (toute relative) de reconnaître que je ne pouvais pas prétendre être "habité par l'Esprit" plus que toutes les personnes avec qui j'étais en désaccord doctrinal.
L’Esprit souffle où il veut. Mais la vérité est une. Personnellement j’ai l’humilité de savoir être habité par l’Esprit. Ce n’est en aucune façon un mérite de ma part mais l’opération de la pure grâce et de la pure miséricorde de Dieu. L’Esprit peut aussi habiter des personnes ayant avec moi des désaccords doctrinaux. Mais il ne peut pas intervenir dans les cas d’erreurs doctrinales des uns ou des autres.


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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Théodore » mar. 25 juil. 2017, 12:04

Vous oubliez l’aspect collectif du témoignage chrétien. Oui, le saint Esprit habite dans chaque chrétien et lui communique toutes choses. Il est certes son propre témoin et une personne extérieure pourra le taxer de subjectivité (ce qui n’est pas en soi une tare). Mais le Saint Esprit habite aussi dans l’Eglise toute entière. Pour rester limité à mon groupe chrétien, lorsqu’une personne déraille, ou plus simplement a des attitudes charnelles dans ses actions, alors tôt ou tard l’assemblée le ressent, Elle doit donc dans ce cas lui demander de rectifier ses positions, voire même de garder le silence. Dans les cas les plus graves, la discipline d’assemblée doit s’exercer ce qui peut aller jusqu’à l’exclusion du fautif, que tout le monde espère temporaire.
Oui, et ce fautif pourra théoriquement être sans problème accueilli dans une autre assemblée locale, qui pourrait être également accusée de subjectivité collective. Quelle efficacité !
Ce que vous dites est vrai, pour peu qu'on l'applique à l'Eglise visible instituée par le Christ, qui a seule le pouvoir de :
- former un témoignage collectif réellement inspiré par l'Esprit-Saint (c'est ce qu'on appelle "la foi de l'Eglise")
- efficacement exclure les récalcitrants
Alors pourquoi le filtre du Magistère ? Y aurait-il des choses à cacher aux laïcs ? Vous êtes devenu catholique. Combien de catholiques ont compris de leur côté que cela ne pouvait pas être leur voie dans la vérité ?
Combien de catholiques ont été égarés par l'appel à une fausse liberté, qui est en fait l'esclavage de leur propre subjectivité ?
Il faut que vous cessiez de concevoir le Magistère comme une police de la pensée. Le Magistère n'est pas un filtre ; c'est un gardien, qui veille sur le dépôt de la Vérité laissé par les Apôtres, et empêche qu'il soit corrompu par les hérésies. Quand les Ariens se sont élevés contre la pleine divinité de Notre-Seigneur, le Magistère a réagi, les excluant, les anathématisant et proclamant avec davantage de force la doctrine catholique.
Il n'y a donc rien à cacher aux laïcs ; le Magistère permet au contraire, non seulement aux laïcs, mais à tous les fidèles, de davantage profiter de la plénitude de la Vérité, qui se trouve dans l'Eglise, comme Irénée le dit dans le passage que j'ai cité.
Vous présupposez que le seul moyen par lequel les gens ont accès à la Vérité, c'est l'examen en propre de l'Ecriture. Ce n'est pas le cas ! Mais c'est en se laissant enseigner par l'Eglise, menée par ses pasteurs légitimes, l'Eglise qui a reçu la garde de la Vérité et de l'Ecriture, que Dieu veut que son peuple s'abreuve à la source de Vérité et d'Immortalité. Dans cet enseignement, il y a évidemment, dans l'idéal, l'exposition et l'approfondissement de l'Ecriture Sainte.
Si vous me permettez une petite image, reprise de Chesterton : le dogme, c'est comme les murs d'une cour de récréation. Sans eux, les enfants ne pourraient pas jouer en tout sécurité ; ils pourraient se faire agresser par des étrangers, écraser par des voitures. Ces murs permettent qu'on s'amuse de façon insouciante dans la cour de la Vérité. Eh bien, dites-vous que le Magistère est le surveillant. Il surveille que rien ne se passe de mal entre les enfants ; qu'ils ne risquent pas de se faire mal ; il exclut les fauteurs de trouble ; tout cela pour qu'on puisse s'amuser en toute sécurité.
C’était une terrible erreur doctrinale consistant à encourager et même valider le légalisme. Voir Galates 2, 11-18. Paul n’y est pas allé par 4 chemins, et ce ne fut en aucun cas un scénario entre les deux apôtres. Encore une construction artificielle pour justifier l’injustifiable à savoir la prééminence de Pierre.
Ce n'est pas une "erreur doctrinale", ou alors c'est un comportement inconséquent vis-à-vis de sa propre doctrine (un péché, quoi). Encore une fois : c'est Pierre lui-même qui a ouvert l'Eglise aux païens et a justifié cette décision auprès des frères de Jérusalem.
L’Esprit souffle où il veut. Mais la vérité est une.
L'esprit souffle dans l'Eglise et sur les apôtres ; en elle nous avons la certitude que l'Esprit souffle, parce qu'Il l'a promis. Une est la Vérité, une aussi l'Eglise. Une seule foi, un seul baptême, un seul Christ, un seul Père. Il souffle où il veut, il peut donc souffler en-dehors, mais nous savons qu'il a voulu souffler à l'intérieur de l'Eglise.
Par ailleurs votre "mais" est aussi révélateur qu'étrange. Comme si votre pensée laissait envisager qu'au moins extérieurement, l'action de l'Esprit paraisse s'opposer à l'unicité de la Vérité.
Personnellement j’ai l’humilité de savoir être habité par l’Esprit. Ce n’est en aucune façon un mérite de ma part mais l’opération de la pure grâce et de la pure miséricorde de Dieu. L’Esprit peut aussi habiter des personnes ayant avec moi des désaccords doctrinaux. Mais il ne peut pas intervenir dans les cas d’erreurs doctrinales des uns ou des autres.
Donc il ne peut pas intervenir... tout court. Votre humilité le rend inopérant.
Il y a une certitude légitime de marcher avec l'Esprit-Saint : c'est d'être dans la communion de l'Eglise, marchant avec elle, communiant aux sacrements du salut. Mais il y a aussi des indices objectifs qui nous montrent qu'on s'oppose à l'Esprit. Se séparer de l'Eglise en laquelle Il habite, par exemple, et diviser le Corps du Christ.
Votre certitude est toute subjective, fondée sur votre expérience de foi, mais qui peut toujours être remise en question. Il n'y a rien d'objectif là-dedans ; tandis que la communion de l'Eglise est un signe sûr.
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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Xavi » mar. 25 juil. 2017, 12:34

Merci à Théodore pour ses réflexions successives aussi excellentes que solides. Ce fil devient une référence d'une grande qualité que j'espère utile pour de nombreux lecteurs présents ou futurs

Les précisions protestantes de Fredo et Gerardh me semblent montrer d’elles-mêmes l’impasse observée dans ce dialogue lorsque le Magistère catholique de l'Eglise est écarté.

Inutile de discuter du caractère doctrinal ou non de l’erreur de Pierre. Oui, le Pape peut, comme tout autre homme pécheur, commettre des erreurs, y compris doctrinales. Chacun sait que l’infaillibilité du Pape est très strictement considérée par le Magistère et ne couvre pas n’importe quelle parole du Pape, à n’importe quel moment.

Le Pape est le garant et le moyen concret de l’infaillibilité du Magistère de l’Eglise fondée par le Christ. Le Christ lui-même préserve son église concrète (incarnée, charnelle) de l’erreur.

Il ne s’agit pas ici de nier tous les possibles errements intellectuels des êtres humains qui forment l’Eglise, en ce compris le Pape et les évêques. Mais, l’essentiel ou tout ce qui importe pour notre vie est préservé dans cette institution humaine et divine qu’est l’Eglise. Cette église fondée sur Pierre et les apôtres, continuée par leurs successeurs.

Comment Gerardh peut-il parler d’une « construction artificielle pour justifier l’injustifiable à savoir la prééminence de Pierre » ? Comment cette prééminence voulue par le Christ peut-elle être dite « injustifiable » ?

Fredo et Gerardh me semblent dévier le dialogue dans une répétition de ce qui n’est pas contesté. Oui, tout chrétien a reçu le Saint Esprit. Oui, la conscience individuelle garde toute sa valeur fondamentale, y compris pour croire que l’Esprit Saint préserve le Magistère de l’Eglise de l’erreur. Oui, tout chrétien cherche la vérité avec les autres chrétiens.

Théodore a relevé avec beaucoup de précision et de pertinence le nœud où les points de vue divergent :
Théodore a écrit :
lun. 24 juil. 2017, 11:48
J'en reviens au Tu Quoque de Fredo.
J'accorde sans problème que la personne faisant des recherches et devenant convaincue que l'Eglise catholique est la plus fidèle à la doctrine apostolique n'agit pas différemment, fondamentalement, de la personne qui en vient à la même conclusion pour le protestantisme. Les deux font usage de leurs facultés, données par Dieu, pour trouver la Vérité.
C'est ce qui se passe après qui nous intéresse.
Quelqu'un qui devient catholique se soumet à l'autorité de l'Eglise. Il se déclare prêt à confesser toute doctrine qu'elle confesse, par le simple fait qu'elle le confesse. Il accepte de mortifier son propre jugement pour le soumettre à un jugement supérieur, celui de l'Eglise catholique, qui lui parle très concrètement par la bouche de ses pasteurs et de son Magistère. C'est un acte de soumission dans la foi, assez analogue à celui que fait normalement tout chrétien vis-à-vis du Christ. Le fait que cet acte soit personnel et librement consenti ne lui retire pas de sa réalité et de sa force.
On ne voit rien de tel chez le protestant, qui reste toujours dans l'attitude décrite plus haut, celle qui consiste à toujours évaluer toute chose à la lumière (c'est inévitable) de son interprétation de l'Ecriture.
S’il est exact que dans l’adhésion individuelle, c’est par et avec sa conscience individuelle que chacun reçoit la grâce de la foi et de la conversion qui le tourne vers Dieu, cette conversion le tourne aussi vers l’Eglise fondée par le Christ sur Pierre et ses successeurs.

Le catholique convertit sa conscience individuelle et reconnaît désormais que la lumière vient d’un autre que lui-même, le Christ, vivant dans son Eglise.

Le protestant qui refuse la réalité concrète de l’Eglise incarnée dans le Pape et ses successeurs vit, inévitablement, cette réalité, contradictoire pour un « converti » (celui qui s’est « détourné » de lui-même pour se « tourner » vers Dieu), de ne pas pouvoir maintenir la conversion de sa conscience vers un autre que lui-même. Il redonne ou maintient en lui-même la référence suprême de sa foi sans se rendre compte que l’Esprit Saint et la Parole écrite de Dieu qu’il a reçues se retrouvent, contradictoirement et de manière permanente, sous le jugement souverain de sa propre conscience pour toute conviction. Bonjour le subjectivisme et le relativisme.

La conversion tourne vers Dieu mais les « Solas » (Sola scriptura, sola fide) renvoient le converti vers sa solitude, vers lui-même.

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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par gerardh » mar. 25 juil. 2017, 13:35

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Théodore, vous écrivez
Oui, et ce fautif pourra théoriquement être sans problème accueilli dans une autre assemblée locale
Certainement pas. Du moins pas chez les « frères », car les assemblées y sont interdépendantes, dans la communion de l’Esprit. Ce que vous dites est peut-être vrai dans les « systèmes » religieux chrétiens, notamment évangéliques, ou les églises locales sont indépendantes entre elles. Mais cela n’est pas scripturaire. C’est pourquoi tout en aimant tous les chrétiens, les « frères « ne peuvent pas être en communion pratique avec ces systèmes.

De manière plus générale, nous considérons que l’Eglise universelle est en ruines. La chrétienté, qu’elle se décline en catholiques, « protestants » ou autres dénominations, sans parler des mouvements non réellement chrétiens, est dans un état désastreux : ajouts au pur évangile, nombreuses erreurs doctrinales, mal moral à divers titres, orgueil, coexistence de vrais chrétiens et de chrétiens seulement de nom, nombreuses divisions ecclésiastiques parmi lesquelles certes les évangéliques mais aussi les catholicismes dans toutes leurs variantes, prétention de beaucoup d’entre elles. Les frères ne se sentent pas meilleurs que les autres et participent à la ruine globale. Leurs réflexion est que même dans cet état lamentable, un témoignage collectif à l’unité du corps de Christ, même dans la faiblesse est toujours possible. Ce témoignage ne peut pas être décrété par une institution particulière, prendrait-elle l’appellation d’Eglise, mais établi sous le magistère direct du saint Esprit, non de l’homme.
Il n'y a donc rien à cacher aux laïcs
Je n’aurai pas la cruauté de décliner les nombreuses exactions catholiques, les entraves à la lecture de la Parole de Dieu, et les nilhil obstat variées de la hiérarchie catholique. Beaucoup de vrais chrétiens les ont fui, et ce n’étaient pas tous des imbéciles ou des demeurés.
Vous présupposez que le seul moyen par lequel les gens ont accès à la Vérité, c'est l'examen en propre de l'Ecriture. Ce n'est pas le cas ! Mais c'est en se laissant enseigner par l'Eglise, menée par ses pasteurs légitimes.
Il y a plusieurs canaux d’accès à la vérité (outre la prière) : La Parole, le Saint Esprit (qui habite dans tous les chrétiens individuellement ainsi que dans leur communauté à savoir l’Eglise), ainsi, de manière dérivée que par l’intermédiaire des charismes de l’Esprit que sont notamment les docteurs (ou enseignants) et les prophètes, sans oublier les évangélistes qui annoncent au monde la Parole de Dieu. Les dons dont disposent ces hommes ne se décrètent pas par les hommes. Leur légitimité vient non des hommes mais de l’Esprit. Tous ces moyens de connaissance de la vérité sont des murailles spirituelles bien plus solides que les murailles instituées par l’homme lesquelles s’écroulent au septième son de la trompette (figure de la Parole)
Gérard : C’était une terrible erreur doctrinale consistant à encourager et même valider le légalisme. Voir Galates 2, 11-18. Paul n’y est pas allé par 4 chemins, et ce ne fut en aucun cas un scénario entre les deux apôtres. Encore une construction artificielle pour justifier l’injustifiable à savoir la prééminence de Pierre.
Théodore : Ce n'est pas une "erreur doctrinale", ou alors c'est un comportement inconséquent vis-à-vis de sa propre doctrine (un péché, quoi). Encore une fois : c'est Pierre lui-même qui a ouvert l'Eglise aux païens et a justifié cette décision auprès des frères de Jérusalem.
Nous ne parlons pas de la même chose. Pierre revenait aux principes du légalisme, lequel est frontalement contraire à la grâce. Cela aurait été une erreur doctrinale capitale. Cette erreur se trouve encore terriblement dans la chrétienté tant à titre individuel qu’à titre collectif.
G : L’Esprit souffle où il veut.
T : L'esprit souffle dans l'Eglise et sur les apôtres
L’Esprit habite dans les chrétiens et dans leur communauté (l’Eglise). Voir Jean chapitres 14 à 16.
Votre certitude est toute subjective, fondée sur votre expérience de foi, mais qui peut toujours être remise en question. Il n'y a rien d'objectif là-dedans ; tandis que la communion de l'Eglise est un signe sûr.
C’est vous qui le dites, puisque vous êtes objectif.

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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Suliko » mar. 25 juil. 2017, 15:39

Je n’aurai pas la cruauté de décliner les nombreuses exactions catholiques, les entraves à la lecture de la Parole de Dieu, et les nilhil obstat variées de la hiérarchie catholique. Beaucoup de vrais chrétiens les ont fui, et ce n’étaient pas tous des imbéciles ou des demeurés.
Cela n'aurait rien de cruel de votre part, puisqu'en l'occurrence, on ne se sauve pas en lisant la Bible dans son coin. Jésus n'a pas dit "Lisez les Saintes Ecritures et le Saint Esprit vous éclairera." Il a plutôt dit ceci aux apôtres : "Allez donc et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé." Il convient donc de ne pas tout inverser : ce n'est pas par la Bible que l'on découvre la vraie doctrine et l'Eglise, mais bien plutôt par l'Eglise que l'on peut les connaître. Et il est du rôle de l'Eglise enseignante, càd des successeurs des apôtres, de nous transmettre cette foi. Par ailleurs, pendant de longs siècles, rares étaient les gens sachant lire et certains pays connaissent encore aujourd'hui de forts taux d'analphabétisme. Si lire la Bible était nécessaire pour le salut, alors le Christ aurait commandé aux disciples d'alphabétiser toutes les nations. Ce n'est pas ce qu'il a demandé.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Dialogue sur le principe protestant Sola Scriptura

Message non lu par Théodore » mar. 25 juil. 2017, 15:44

Je n’aurai pas la cruauté de décliner les nombreuses exactions catholiques, les entraves à la lecture de la Parole de Dieu, et les nilhil obstat variées de la hiérarchie catholique. Beaucoup de vrais chrétiens les ont fui, et ce n’étaient pas tous des imbéciles ou des demeurés.
On peut être très intelligent et dans l'erreur. Les hérésiarques étaient tous très intelligents.
Encore une fois, cela n'est scandaleux que lorsqu'on part de votre présupposé, selon lequel c'est par le lecture de la Bible que le croyant individuel découvre la Vérité. Sauf que c'est faux. Et, dans une vision catholique, il peut être prudent de restreindre l'accès à l'Ecriture ou de contrôler son édition, si c'est pour éviter que des lectures pernicieuses et hérétiques se répandent parmi les fidèles (et vous êtes la preuve vivante que ce souci est sage). Idem pour l'approbation ou la mise à l'Index de livres dangereux pour les fidèles, qui répond à un souci justifié de préserver les gens simples d'opinions hérétiques.
Je ne dis pas qu'on a toujours bien fait de le faire, mais je peux comprendre que mes pères dans la Foi l'aient fait.
Unam peti a Domino, hanc requiram,
Ut inhabitem in domo Domini omnibus diebus vitae meae.
Ut videam voluptatem Domini, et visitem templum eius.


Psaume XXVI, verset 7-8.

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