pierrot2 a écrit : ↑dim. 16 août 2020, 7:15
Quant à savoir aimer sans sentiments d affection, ça reste plus facile quand le lien avec la personne n est que de pure fraternité.
Le sentiment conjugal n exclut pas le sentiment amoureux ou l affectif, quoique vous en disiez.
Mais bien sûr, Pierrot. Il n'est nulle part dans notre Sainte Doctrine dit qu'il faut que nous n'ayons pas de sentiments. Il est dit qu'il y a un primat de la volonté sur les affectes. C'est essentiel. D'ailleurs, dans toute la littérature classique on rencontre ça, tendis que dans la littérature romantique c'est l'inverse.
Je n'ai pas le moindre sentiment d'affection pour vous. Comment voulez-vous que le l'aie, tant que je ne vous connais pas. Et puis, malheureusement pour mon époque, je ne suis pas homosexuel... Et pourtant, je vous aime. Cela ne vient pas d'une affection, cela vient du fait que Dieu vous aime et qu'il s'est rabaissé et il a souffert pour vous. Alors, si Dieu vous aime, je vous aime moi aussi, car je veux que je lui ressemble.
Une bonne partie de votre difficulté est sémantique. Cela vient du langage, car le sens du mot «amour» est ambigu en langue vernaculaire, surtout de nos jours, quand on est arrivé à lui donner aussi une connotation sexuelle, comme «faire l'amour». Adoptez le tradilangage. À la place de «amour» en sens chrétien, dites «charité». Gardez le mot «amour» pour ce que vous sentez envers votre femme, éventuellement envers vos potes et déjà les choses deviendront plus claires.
Si les choses sont devenues claires jusqu'ici, alors creusons un peu plus profondément. Le primat de la volonté c'est quoi ? Cela veut dire que la volonté commande aux affectes d'avoir un autre sentiment ? Pas du tout. Cela n'est pas toujours possible et Dieu ne nous demande pas des choses impossibles. Jésus nous dit d'aimer nos ennemis. Pour aimer nos ennemis, il faut d'abord que nous ayons des ennemis. Quel est mon mouvement du coeur envers mes ennemis? Eh bien, je les déteste. Alors, par ce commandement, notre Seigneur veut-il dire que je commande à mon coeur de les détester moins, de façon que ça deviendra ravissant si demain il me téléphonent en me jetant de nouveau leurs gros mots, selon leur maudite habitude? Non, notre Seigneur veut dire que mon sentiment laisse place en premier chef à une volonté de charité envers eux. Et jusqu'où doit aller cette charité ? Il le dit clairement. Il faut que je les aime tant que je m'aime moi-même. Cela veut dire que moi je suis ravi de moi-même ? Non, car ça serait de l'orgueil et du pharisianisme. Cela veut dire que je veux le bien pour moi-même. Donc, il faut que je veuille le bien aussi pour mes ennemis. Quel est le plus grand bien? C'est le salut.
Alors, récapitulons!
-Dieu me demande que le mépris que je ressens laisse place et primauté à une volonté de charité.
-Cette volonté de charité doit aller jusqu'à vouloir le bien pour mes ennemis.
-Je dois leur désirer tout les biens, allant jusqu'au bien suprême: être, pour toujours, dans la compagne de Dieu.
Et à l'inverse, qu'est-ce que Dieu ne me demande pas ?
-Dieu ne me demande pas de ne pas avoir des mouvements du coeur
-Dieu ne me demande pas d'être ravi de mes ennemis.
En ce qui concerne la ferme résolution comme disposition nécessaire pour recevoir l'absolution: la faiblesse de la volonté n'est pas un empêchement. «Avoir la ferme résolution» signifie qu'au moment de la confession il faut que je veuille ardemment d'en finir avec le péché (pas forcément en général: avec ce péché-là que je viens de confesser). Le fait que je ne suis pas sûr d'en parvenir, en me basant sur mes pauvres antécédents, le fait que je sais bien que ma volonté est fragile, cela n'est pas un empêchement. C'est justement la grâce sacramentelle qui aguerrit ma volonté. La grâce sacramentelle est une grâce actuelle obtenue justement par le biais des sacrements: la Confession et la Communion. Je ne sais pas si je suis un bon soldat et je m'en doute bien. J'ai peur qu'au premier combat je vais m'enfuir. Pourtant, je ne déserte pas, j'y vais. Je veux y aller. Même si mes pires craintes se confirment et je vais m'enfuir, car l'ennemi est trop fort, je retourne pour me remettre en ordre de bataille. Comme ça, combat après combat, je serai un meilleur soldat en recevant chaque fois un petit plus de force et d'expérience et je vais finir par gagner la guerre. Ou, comme disaient les classiques:
fabricando fit faber. Comment voulez-vous devenir forgeron si vous ne forgez pas ?