Le christianisme renié par ses enfants

« Dieu leur donnera peut-être de se convertir et de connaître la vérité. » (2Tm 2.25)
Règles du forum
Forum de débats dialectiques entre personnes de bonne volonté autour de la religion chrétienne (catholicisme) et des objections formulées à son encontre

NB : L'attention des intervenants est particulièrement attirée sur la courtoisie et le respect ; les blasphèmes et provocations visant à blesser le sentiment religieux des lecteurs seront modérés ; les discussions inutilement polémiques seront verrouillées et leur initiateurs sanctionnés.
Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Le christianisme renié par ses enfants

Message non lu par Cinci » dim. 19 sept. 2021, 10:42

Une belle réflexion ...



-----

La constance que certains ont mis à refuser des racines chrétiennes à l'Europe ne peut s'expliquer que par un ressentiment devant une réalité indubitable (ce qui n'est pas ne peut pas devenir l'objet de sentiments aussi négatifs).

«Si l'Union européenne est officiellement un club, et s'il ne saurait y avoir de club chrétien, que dit-on quand on dit que l'Europe n'est pas un club chrétien ? Que veut-on dire ? On veut dire, sans aucun doute, que l'Europe n'est pas chrétienne, mais on ne peut pas le dire. Quelque chose empêche de dire que l'Europe n'est pas chrétienne. La seule chose qui empêche de dire que l'Europe n'est pas chrétienne, c'est qu'elle l'est en effet.» (Pierre Manent, La Raison des nations, Paris, Gallimard, 2006, p. 95)

Pareil aveuglement, pareil refus obstiné de la vérité ne peuvent provenir que de la profondeur de vue à laquelle permet d'accéder la révélation chrétienne, profondeur qui dérange beaucoup de monde, à commencer par ceux qui se satisfont du monde tel qu'il va. Car cette vérité du christianisme, si on ne désir plus la regarder en face, c'est quelque part on en soupçonne l'actualité, la pertinence comme la force de contestation de l'ordre établi. Dès lors l'attitude agressive à son égard s'explique parfaitement. Une vérité du passé axiologiquement neutre de surcroît ne générerait pas pareille réaction.
Le fait que notre monde devienne massivement antichrétien, au moins dans ses élites, n'empêche donc pas le souci des victimes de se perpétuer et de se renforcer tout en prenant des formes aberrantes. L'inauguration majestueuse de l'ère «post-chrétienne» est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra christianisme caricatural qui essaie d'échapper à l'orbite judéo-chrétienne en radicalisant le souci des victimes dans un sens antichrétien. (René Girard,Je vois Satan tomber comme l'éclair, p. 231)
Le christianisme pour sa part ne se résigne pas aux ordres injustes existants. Pour lui, il n'existe pas de fatalité : l'homme doit prendre en main son destin. En revanche, il se différencie des idéologies victimaires en refusant le clivage chez les hommes entre les bons et les mauvais. «La violence est portée par le concept d'Histoire». Pourquoi ? Il faut revenir aux considérations théologico-politiques. L'homme promu au rang d'auteur, d'artisan de l'Histoire [seul artisan] doit rendre compte à son tour du mal persistant. Il ne dispose plus de l'argument théologique du péché originel. Dès lors, il découvre cette figure décisive de l'adversaire, de l'ennemi. Ce qu'on imputait autrefois à l'homme pécheur, on l'impute désormais à l'adversaire. La découverte de la bonté originelle suscite l'émotion et débouche sur la haine. Car, si l'homme est bon, le mal ne peut venir que du contre-homme, de l'ennemi de l'homme.

Pour le christianisme, aucun camp, aucun leader, aucun militant, aucun croyant, ne peut prétendre incarner le «bon principe». Or, qui se croit l'incarnation du «bon principe» , sinon celui qui tire ses mensonges «de son propre fonds» ? Et de qui parle la Révélation quand elle désigne ainsi celui qui parle de son propre fonds ? Du Diable ! Extraordinaire quatrième évangile ! Le Diable, c'est celui qui ne veut pas reconnaître le don de Dieu, celui qui veut s'autofonder, se créer lui-même, devenir autosuffisant. Celui qui parle «de son propre fonds». Inexorablement, l'ange des ténèbres entraîne ceux dont il est le père (Jn 8,44) dans une solitude sidérale. Il est le dia-bolos, celui qui se jette en travers, qui disjoint, qui sépare. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner son influence souterraine dans la société d'aujourd'hui, société atomisée, rongée de solitudes diverses et variées.

La marge de manoeuvre du Diable est d'autant plus aisée qu'il a persuadé nos brillants intellectuels qu'il était une créature mythique. La modernité est redevable à son influence de ce déni de filiation envers le christianisme.


D'un autre côté, est-ce la figure du Dieu-Père, et de l'autorité qu'elle incarne, qui ont conduit la modernité à se croire fondée sur le rejet de la foi chrétienne ? On veut bien du Fils, mais du Père ... Trop métaphysique aux yeux de certains, trop daté, trop «hiérarchique», trop compromis avec le patriarcat honni (et pour cause ...), pas assez moderne. Cette autorité du Père est-elle encore recevable de nos jours ?

Un terrible malentendu règne au sujet de la notion d'autorité. On l'a confondu avec la force, la contrainte, voire la violence. Or elle n'est pas cela. Elle ne désigne pas non plus la persuasion argumentée, qui implique un rapport entre égaux. Elle suppose plutôt une base commune de valeurs (véhiculée par la tradition) entre celui qui obéit et celui qui commande. Autrement dit, l'autorité n'émane ni du pouvoir ni d'un seul, ni de l'argumentation sans fin entre rivaux munis de droits abstraits que chacun peut opposer aux autres. La reconnaissance de la légitimité de la tradition est ce qui va fonder plutôt une dissymétrie (entre celui qui obéit et celui qui commande) que l'autorité reconnaît comme fondée en droit précisément parce qu'elle émane de cette tradition.

Lorsque la modernité démocratique dissous les repères de la certitude, elle ne rend pas seulement le pouvoir - c'est à dire son unité substantielle - infigurable : elle touche à la nature et au statut de l'autorité dans la mesure ou elle fait de l'expérience de la division et de l'exercice du conflit la source même de toute légitimité.

Privé d'autorité issue d'une tradition transcendant le pouvoir, le «vivre-ensemble» est rendu d'autant plus problématique que rien ne peut plus légitimer l'intangibilité des lois. Vivre dans un domaine politique sans l'autorité ni le savoir concomitant que la source de l'autorité transcende le pouvoir et ceux qui sont au pouvoir, veut dire se trouver à nouveau confronté, sans la confiance religieuse en un début sacré ni la protection des normes de conduite traditionnelles et par conséquent évidentes, aux problèmes élémentaires du vivre-ensemble des hommes.

Toute tradition est langage. En rendant la figure paternelle «infigurable», la modernité enlève du même coup toute légitimité à l'autorité fondée sur la tradition , et du même coup toute légitimité à sa symbolisation. Seule reste la violence qui est absence de langage, de parole. Refuser aux nouvelles générations, l'héritage d'une tradition abouti de facto à les priver de langage, et à les condamner à s'exprimer avec le seul langage dont ils disposent : la rivalité muette.

Il est navrant de constater que la postmodernité est en train de priver les nouvelles générations des ressources symboliques pour s'exprimer. le même constat s'impose en matière de religion : si la culture religieuse est réduite à zéro, si les enfants sans père de l'Âge de l'hypersécularisation ne sont plus capables de symboliser, de dire leur foi, le premier charlatan venu emportera le morceau. Dès lors, ce ne sera plus la révolte qu'on déplorera, mais bien la naissance d'une nouvelle servitude qui aura pris prétexte de l'absence de toute autorité pour imposer son arbitraire comme norme universelle. Et tout cela parce qu'on aura prétendu qu'être moderne et chrétien était antinomique. Il est des contresens qui se payent cher ...

Jean-Michel Castaing

Avatar de l’utilisateur
Invité
Barbarus
Barbarus

Re: Le christianisme renié par ses enfants

Message non lu par Invité » dim. 19 sept. 2021, 17:21

À mon sens, le recul du christianisme en Occident est la conjonction de plusieurs facteurs qui excluent selon moi toute influence diabolique. Tout peut s'expliquer par l'homme :

- L'émergence d'une société de consommation et de loisirs par la modernisation qui est devenue, chez beaucoup, l'essence de leur existence.

- Les progrès de la médecine qui ont changé la relation de l'homme à la mort et même le regard de l'homme sur lui-même qui peine de plus en plus à s'accepter tel qu'il est.

- Le siècle des Lumières qui, par une philosophie humaniste, a été l'initiateur d'une remise en cause de la théologie biblique et qui aujourd'hui constitue le socle de notre manière de penser.

- Notre pensée moderne est de moins en moins en phase avec la manière de penser biblique, seules les paroles de sagesse et d'amour du Christ sont encore relativement épargnées.

- L'évolution des sciences, le développement de l'archéologie et de l'exégèse qui, s'ils ne contestent pas l'idée de Dieu ni la Résurrection de Jésus, ont significativement affaibli la relation à la Bible. D'une lecture littérale qui abordait les événements bibliques comme des vérités historiques, nous sommes obligés de reconsidérer cette approche et d'opter pour une lecture toujours plus symbolique. Aujourd'hui, rares sont les spécialistes et de moins en moins nombreux les croyants qui voient en l'existence d'Adam et Eve, en la sortie d'Égypte et en la conquête de Canaan des réalités historiques. Même les figures des patriarches sont contestées.

- L'histoire de l'Église qui a été un instrument de pouvoir par la peur jusque récemment et qui désormais doit composer avec les scandales qui l'éclaboussent. Sans oublier les prises de position du pape sur des sujets d'actualité qui vont contre l'opinion majoritaire (ex : l'accueil des migrants). Je crois que beaucoup de nos contemporains ne sont pas contre Dieu mais contre la religion, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

- Le progrès technique qui, par l'amélioration des conditions de vie, change la relation de l'homme à son environnement et l'éloigne de la spiritualité. Plus le confort matériel se fait présent, plus le besoin de spiritualité recule.

- La transmission de la foi qui n'est plus assurée convenablement. Minoritaires sont les chrétiens qui connaissent vraiment la foi de l'Église. Échec des parents qui ne réalisent pas leur engagement mais aussi échec de l'Église. Mon exemple est symptomatique de l'impotence de l'Église puisque tout cathécumène qui fait son entrée à l'église lui demande de lui donner la foi, elle n'en n'a pas été incapable me concernant et ce sont des laïcs qui assurent le service alors que leurs connaissances sont, pour la plupart, plus que limitées. Aujourd'hui, l'Église ne remplit plus son rôle d'évangélisation, elle préfère faire de la politique.

Ce sont là les principaux points qui me viennent instantanément à l'esprit.

Avatar de l’utilisateur
Kerniou
Mater civitatis
Mater civitatis
Messages : 5092
Inscription : mer. 21 oct. 2009, 11:14
Localisation : Bretagne

Re: Le christianisme renié par ses enfants

Message non lu par Kerniou » lun. 20 sept. 2021, 10:00

L'Eglise est composée de TOUS les fidèles ...vous semblez associer Eglise et Clergé ...le clergé seul ne constitue pas l'Eglise.
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 123 invités