Bonjour Feufollet,
Il me semble, en vous lisant, que vous vous concentrez sur une perception de la réalité éternelle dans une ligne du temps. Vous savez cependant que le temps et la matière sont liés et que le temps n’est qu’une perception par notre cerveau qui se révèle sans pertinence pour comprendre ce qu’est une réalité au-delà du temps.
feufollet a écrit : ↑dim. 28 août 2022, 9:26
dire à une personne qui brûle dans le feu de l'Enfer (une des pires souffrances physiques, paraît-il) et ce,
pour l'éternité – dire à cette personne qu'elle mérite ce qui lui arrive, ce n'est pas violent ?
…
Ensuite, même en admettant un choix éclairé et une décision mûrement réfléchie, un Dieu qui ne pardonnerait pas ou qui ne donnerait pas au pécheur en Enfer une possibilité de rachat serait un Dieu monstrueux, dénué de toute humanité. Mais l'enseignement de l'Eglise veut que le salut s'opère en cette vie – après, il est trop tard.
C'est tout simplement inhumain et en contradiction totale avec les principes de pardon, de générosité, de charité que l'Eglise prétend défendre par ailleurs.
Dans de tels propos se retrouvent toujours des références au temps, or, il me semble plutôt nécessaire de s’en détacher si nous voulons méditer ce qui est éternel.
Le temps n’est qu’une image ou un concept pour notre cerveau terrestre dont il faut admettre l’inévitable incapacité à saisir son contraire : le non temps, l’éternel. Le temps n’est pas un concept permettant de saisir clairement les réalités du non temps.
À cet égard, la réalité éternelle ne peut pas être confondue avec l’éternel dans le temps ou l’infini dans l’espace que notre cerveau mathématique peut conceptualiser. L’infini mathématique dans le temps ou dans l’espace n’est qu’une perception terrestre qui continue à se référer au temps et à l’espace par lesquels notre cerveau saisit le réel.
Ce n’est, au mieux, qu’une image imparfaite de ce qu’est réellement l’éternité.
L’Écriture nous parle certes de l’enfer comme une réalité «
éternelle » que nous comprenons dans une durée et comme une durée sans fin, mais elle nous parle aussi d’une «
seconde mort » qui, elle, se réfère à une fin, un terme.
S’il est exact que tout se décide en cette vie terrestre marquée par le temps de sorte qu’au-delà, il est «
trop tard », il ne faut pas se laisser abuser par la référence au temps que contient l’expression «
trop tard ». À cet égard, le «
après » pour évoquer l’au-delà de notre vie terrestre, le temps qui suit une mort physique, nous maintient dans une perspective temporelle radicalement inappropriée pour décrire ce qui est hors du temps. Nous ne pouvons en parler qu’en paraboles et en images qui n’épuisent pas sa réalité.
feufollet a écrit : ↑dim. 28 août 2022, 10:19
Le seul fait que l'Eglise prêche la doctrine de la damnation éternelle est déjà un argument suffisant pour refuser le catholicisme.
prodigal a écrit : ↑dim. 28 août 2022, 15:58
Cependant, il ne vous a pas échappé que l'idée d'une souffrance éternelle dépasse les limites de l'imagination. On peut imaginer une terrible souffrance qui dure - pas trop cependant, car si elle est si terrible l'on risque de ne pas survivre trop longtemps - mais une souffrance vraiment éternelle, non.
Voyez à quel point c’est inimaginable pour notre cerveau !
Mais, voyez aussi que ce qui vous semble inacceptable ne se déduit que de la durée dans laquelle votre compréhension se situe. Le mot «
éternelle » accolé aux mots «
damnation » ou «
souffrance » se trouve insupportable surtout parce que vous le comprenez dans une durée du temps. Notre cerveau nous y ramène inévitablement.
Mais, quel sens y a-t-il à vouloir comprendre ce qui est hors du temps avec une mesure du temps ?
Appliquer le temps dans ce qui est éternel n’est guère pertinent sauf pour en parler de manière symbolique et imagée.
Comme le disait un humoriste pour mettre en lumière cette impasse pour notre raison, «
l’éternité c’est long surtout vers la fin ».
Le pape Benoît XVI disait, dans son encyclique
Spe Salvi, tout l’ennui que pouvait susciter une vie qui durerait sans fin.
Et, en outre, comme vous le comprenez bien, comment être heureux pendant une durée infinie durant laquelle mon voisin brûle en enfer ?
Mais, parler de «
durée » a-t-il un sens quelconque pour une réalité qui n’est pas dans la durée mais dans l’éternité ?
L’éternel ne «
dure » pas. Il n’a pas de durée limitative en lui-même.
Notre cerveau lui-même ne manque pas de nous éclairer sur l’absence de sens de toute tentative de vouloir mélanger du temps (à la perception duquel notre cerveau ne peut échapper) et du non-temps.
Face à de telles questions, il me semble important de ne pas oublier que, bien qu’elle soit aussi pleinement une parole inspirée par Dieu, l’Écriture Sainte est aussi écrite par des hommes et pour des hommes dans leur langage terrestre, seul accessible à leur raison terrestre, et les mots humains que nous employons sont inévitablement limités et ne peuvent nous parler qu’avec la perception du temps et de l’espace que notre cerveau peut comprendre.
Si vous les caricaturez ou si vous leur donnez une signification littérale absolue qui oublie leurs limites humaines, vous ne pouvez que vous égarer. Dieu et l’éternité d’amour à laquelle Il nous invite sont inévitablement bien au-delà de nos mots.
Je ne crois pas davantage que vous aux caricatures de la vie éternelle que vous imaginez dans des durées et que vous rejetez, mais je ne partage pas les conclusions que vous en tirez par rapport à Dieu, à son Église ou aux dogmes de la foi catholique.
Les excès de sens attribués à certains mots ne doivent pas vous entrainer dans un rejet de la réalité que le cœur du sens de ces mêmes mots essaie de vous montrer. Il ne faut pas jeter le bébé (la vérité authentique parfaite) avec l’eau du bain (les mots imparfaits qui la transmettent aux humains imparfaits).
Le secret de la compréhension de la foi de l’Église est et reste toujours l’amour pour le Christ et son Corps qu’est l’Église, ou, du moins, le désir d’amour.
Désirer aimer le Christ et son Église ouvre l’intelligence au sens véritable des mots. Depuis Adam et Ève, il n’y a pas d’autre voie pour la connaissance que celle de l’amour qui va au-delà de soi. La connaissance est un fruit délicieux, mais ce fruit meurt et se décompose si on le détache de l’arbre divin pour mettre en soi-même la connaissance plutôt que d’y accéder dans un amour qui va au-delà de soi-même.
C’est d’ailleurs tout aussi vrai dans la vie ordinaire. Nous avons toujours tendance à comprendre dans un sens négatif les propos d’un ennemi et à comprendre, au contraire, dans un sens aussi positif que possible les propos d’un être aimé. Tous les amoureux du monde en font fortement l’expérience, mais tous nous faisons cette même expérience dans d’innombrables dialogues que nous pouvons avoir.
On aime ou on n’aime pas la vaccination généralisée contre le Covid-19 et nous comprenons plus facilement ceux qui développent des idées dans le sens que nous préférons. C’est pareil pour l’Ukraine, selon qu’on n’aime ou on n’aime pas le discours occidental dominant. Etc.
Ne rejetons pas les mots de l’Église qui expriment la foi à cause d’objections souvent justes mais basées seulement sur notre compréhension individuelle, mais cherchons plutôt à comprendre en quoi les mots peuvent être justes pour nous exprimer correctement la vérité qu’ils essaient de porter.
Mais, cela n’enlève pas le questionnement difficile et mystérieux de l’articulation entre l’éternel et le temps.
Dieu qui crée ou qui se fait homme, ce sont des faits qui inévitablement articulent l’éternel et le temps.
Pour nous qui vivons sur cette terre, nos liens avec le Christ ressuscité, les anges ou ceux qui nous précèdent déjà dans l’au-delà éternel articulent aussi inévitablement l’éternel dans lequel ils vivent et le temps qui est le nôtre.
Ce qui est éternel peut agir et intervenir dans le temps, ce que notre propre création démontre, mais ce qui est perçu dans le temps ne peut prétendre limiter et enfermer l’éternel qui le dépasse même s’il en provient.
feufollet a écrit : ↑ven. 26 août 2022, 2:39
La doctrine catholique (et orthodoxe) s’enferme dans un raisonnement absurde : si Dieu est bon, pourquoi inflige-t-il des maladies hideuses à des innocents qui n’ont jamais personnellement commis de péché ? On peut tourner et retourner la question dans tous les sens, la seule conclusion logique c’est que le Dieu chrétien n’est pas (entièrement) bon et bienveillant.
Qu’est-ce qui est plus absurde que d’attribuer à l’infiniment bon un manque de bonté ?
Le Père créateur est amour et infiniment bon. Entièrement.
Serait-ce un a priori indémontrable ? Non, on peut en présenter un raisonnement philosophique.
1. Du néant absolu, rien ne peut sortir car s’il en sort quoi que ce soit cela prouve que ce prétendu néant absolu n’est pas réellement un néant absolu. Nous avons donc nécessairement une origine.
2. Tout ce que nous sommes est en cohérence avec cette origine car sans cette cohérence nous ne pourrions être issus de cette origine.
3. Le bien, l’harmonie, se définit donc par rapport à cette origine et uniquement et totalement par rapport à cette origine puisque cette origine définit le bien.
L’athée ou l’agnostique reste certes en mesure de contester que cette origine ait elle-même les attributs d’une personne avec une conscience et une volonté, même si elle est notamment l’origine de notre conscience, de notre volonté, et donc de notre âme personnelle. Par contre, il me semble qu’il est impossible de dénier que cette origine définit entièrement le bon.
Le Christ nous révèle cette origine comme un Père avec lequel il nous invite à entrer en relation spirituelle d’amour.
Car, étant notre origine, il est nécessairement et entièrement bon et bienveillant. Il n’est donc pas vrai de prétendre que «
la seule conclusion logique c’est que le Dieu chrétien n’est pas (entièrement) bon et bienveillant », mais il me semble clair, au contraire, que la seule conclusion logique c’est que Dieu est la définition même du bien, de la bonté, de la bienveillance pour le monde issu de Lui.
Mais, il n’y a pas d’amour sans liberté.
Et, il n’y a pas davantage de liberté sans un monde autonome dans lequel l’être libre peut subsister et exercer sa liberté.
Et, comment exercer sa liberté sans conscience de la réalité, de la vérité ? Celui qui agit sur une base fausse ne va pas atteindre ce qu’il a cru choisir et réaliser sa liberté mais n’aura qu’un résultat non choisi. On ne peut choisir librement qu’en pleine connaissance de cause du vrai.
La bienveillance de Dieu consiste donc à nous montrer la vérité sans nous l’imposer mais en respectant notre liberté dans un monde autonome.
Comment peut-elle se concilier sans contradiction avec la douleur voire la mort d’un enfant innocent ?
Nous ne pouvons prétendre épuiser la réponse à une telle question car cela supposerait que nous ayons une connaissance totale de tout le réel, et donc une pleine connaissance de Dieu.
Ce que nous pouvons néanmoins savoir, c’est que l’homme a été créé pour gouverner le monde avec tout pouvoir mais ce monde vient de Dieu et c’est en Dieu et avec Lui que se trouve l’harmonie. Sans cette communion et cette harmonie, qui n’existent que dans et par l’amour que l’homme peut librement choisir, sa liberté lui permet de s’en écarter, mais la vérité est de dire qu’il ne peut en même temps choisir la communion avec Dieu et l’absence de communion avec Dieu.
Sans la vie d’amour de Dieu, il est simplement une créature terrestre vivant selon les lois terrestres autonomes auxquelles il ne peut échapper.
feufollet a écrit : ↑ven. 26 août 2022, 2:39
Coco lapin a écrit : ↑mar. 23 août 2022, 23:37
Quel avantage pour un enfant d'être atteint d'une grave maladie ? Cela lui permet peut-être de recevoir plus d'amour de la part de ses proches, et de se tourner vers Dieu (…).
pourquoi faire naître un tel enfant ? Ce n’est pas cohérent avec la notion de liberté qui est au centre de la doctrine chrétienne. L’unique résultat d’une telle mort en bas âge est la douleur (de l’enfant, des parents, des proches). On ne peut RIEN en tirer de positif.
Comment un être humain pourrait-il prétendre, avec la connaissance limitée qui est la sienne, connaître «
tout » du réel au point de pouvoir affirmer qu’en dehors de ce qu’il perçoit il n’y aurait «
rien » et qu’il n’y aurait qu’un «
unique » résultat, celui que vous percevez ?
Une telle affirmation n’est possible qu’avec une connaissance absolue dont vous conviendrez qu'aucun de nous ne peut se prévaloir.