La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

« Dieu leur donnera peut-être de se convertir et de connaître la vérité. » (2Tm 2.25)
Règles du forum
Forum de débats dialectiques entre personnes de bonne volonté autour de la religion chrétienne (catholicisme) et des objections formulées à son encontre

NB : L'attention des intervenants est particulièrement attirée sur la courtoisie et le respect ; les blasphèmes et provocations visant à blesser le sentiment religieux des lecteurs seront modérés ; les discussions inutilement polémiques seront verrouillées et leur initiateurs sanctionnés.
Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4291
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Trinité » mer. 19 oct. 2022, 21:26

Bonsoir,

Tout d'abord, il est fort possible que ce fil de discussion existe déjà, que la modération veuille bien m'excuser, je ne l'ai pas trouvé.

Je ne savais pas comment libeller le titre, mon interrogation part de ce constat.
La majorité des plus grands saints et mystiques, ayant eu une vision du Christ, ont eu comme message qu'il leur fallait souffrir pour accéder au paradis.
Ils ont enduré pour la plupart des souffrances terribles, aussi bien physiques que spirituelles, et il est évident que l'exemple du Christ mort sur la croix, pour le pardon de nos péchés plaide en la faveur de cette souffrance sur la terre.
Mais de ce fait, la barre est très haute et parait inaccessible pour le commun des mortels.
J'attends vos réactions.

Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 949
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: La souffrance est elle nécessaire, pour accéder au paradis ?

Message non lu par Didyme » mer. 19 oct. 2022, 23:16

C'est peut-être pourquoi il y a aussi le purgatoire, non ?
L'autre est un semblable.

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: La souffrance est elle nécessaire, pour accéder au paradis ?

Message non lu par ademimo » jeu. 20 oct. 2022, 2:35

Il existe trois voies :
- celle des parfaits, qui y sont appelés spécifiquement. Le but pour eux n'est pas de rechercher la souffrance pour elle-même, ce qui s'apparenterait à un masochisme malsain, mais de s'attacher au plus près de Dieu dès cette vie, ce qui suppose de s'extraire le plus possible des joies terrestres, ce qui indirectement peut provoquer une souffrance, au sens terrestre, à cause de privation que cela entraîne, celle-ci étant contrebalancée par la joie spirituelle. C'est la voie choisie notamment par les ordres monastiques.
- celle du commun des mortels, bien plus faibles spirituellement et incapable de courir de telles épreuves. Avec eux, les exigences sont plus basses et modérées. Ils auront moins l'expérience du Ciel en cette vie, et donc moins de joie spirituelle, ce qui est en soi une épreuve et une souffrance, d'un certain côté, mais de l'autre, ils auront à endurer moins de privations (volontaires), n'ayant pas cette nécessité de goûter à cette joie spirituelle réservée aux parfaits.
- celle de la perdition qui ne connaît aucune règle spécifique.

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3107
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par cmoi » jeu. 20 oct. 2022, 4:15

Je ne dirai pas qu'elle est nécessaire, mais inévitable.
Et que le meilleur profit se retire à l'accepter, en s'en servant pour entrer en communion avec le Christ souffrant.
Il existe bien des souffrances qui ne sont pas physiques, et qui relèvent aussi du niveau de la foi : ainsi (basiquement, sans même entrer dans une mystique) souffrir d'entendre un mensonge, de constater un vol, non tant parce qu'on est la victime, mais pour l'absurdité du péché, l'offense faite.
Certaines qualités de souffrance peuvent confiner ou cohabiter avec la joie.
Il y a aussi la souffrance par compassion, qui peut aller très loin.

Avatar de l’utilisateur
Kerygme
Prætor
Prætor
Messages : 2045
Inscription : jeu. 30 mai 2019, 13:12
Conviction : Diacre permanent, catholique romain
Localisation : Argentoratum

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Kerygme » jeu. 20 oct. 2022, 12:20

Bonjour Trinité,


Je vais faire court ... exercice déjà difficile.

Au lieu de m'interroger sur la nécessité de la souffrance, qui fait partie de nos vies et laisserait supposer que Dieu a un côté sadique, je me demanderai : que dois-je faire de cette souffrance ?

C'est peut être là que se fait le lien avec les saints et le paradis.
« N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jean 3,18)

Avatar de l’utilisateur
Kerygme
Prætor
Prætor
Messages : 2045
Inscription : jeu. 30 mai 2019, 13:12
Conviction : Diacre permanent, catholique romain
Localisation : Argentoratum

Re: La souffrance est elle nécessaire, pour accéder au paradis ?

Message non lu par Kerygme » jeu. 20 oct. 2022, 12:45

ademimo a écrit :
jeu. 20 oct. 2022, 2:35
- celle des parfaits, [...]C'est la voie choisie notamment par les ordres monastiques.
C'est celle qui a causé aussi le plus d'errances «De Haereticis», je pense notamment aux parfaits du catharisme parmi tant d'autres.
« N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jean 3,18)

Perplexe
Censor
Censor
Messages : 67
Inscription : lun. 17 oct. 2022, 17:24
Conviction : Chrétienne
Localisation : Languedoc-Roussillon

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Perplexe » jeu. 20 oct. 2022, 13:36

Je distingue souffrance utile et souffrance inutile. L'une purifie l'autre empoisonne.

Il y a alors de la joie à trouver dans la souffrance utile tout comme l'on peut percevoir dans la joie que la souffrance nous rattrape.

J'insiste sur l'importance de ne pas supporter et donc de souffrir devant la souffrance de l'autre. Cela peut entraîner justement de ne plus souffrir pour soi-même, ou si peu, parce que dans cette opération, ou conversion psychique, le rapport à soi-même a changé. Ce qui signifie (dans mon expérience) que nous souffrons en réalité d'une trop grande distance d'avec soi-même. Ce retour à soi-même une fois réalisé (suffisamment) c'est notre rapport aux autres (en souffrance) et au monde qui peut faire souffrir et pour nous en remettre il n'y que notre créativité en oeuvrant avec charité, compassion, humilité, pour témoigner notre foi. La souffrance (et parfois la douleur) me suggère être une condition essentielle pour un chemin de joie et de guérison.
Dernière modification par Perplexe le jeu. 20 oct. 2022, 22:24, modifié 1 fois.

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: La souffrance est elle nécessaire, pour accéder au paradis ?

Message non lu par ademimo » jeu. 20 oct. 2022, 14:02

Kerygme a écrit :
jeu. 20 oct. 2022, 12:45
ademimo a écrit :
jeu. 20 oct. 2022, 2:35
- celle des parfaits, [...]C'est la voie choisie notamment par les ordres monastiques.
C'est celle qui a causé aussi le plus d'errances «De Haereticis», je pense notamment aux parfaits du catharisme parmi tant d'autres.
Ce n'est pas dans ce sens que je l'entendais, puisque la perfection n'est pas de ce monde, mais dans le sens de la citation évangélique : "Si tu veux être parfait". Saint Paul lui-même établit cette distinction entre ceux appelés à une vie exigeante, qui deviendront par la suite les religieux, et le commun des fidèles qui deviendront les laïcs.

Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 949
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Didyme » jeu. 20 oct. 2022, 21:45

Sur l'utilité de la souffrance, j'avais émis sur un autre fil de discussion (Réflexions sur la notion de peine) l'idée que dans la souffrance se trouvaient des vertus. Même si elles ne sont pas volontaires, la souffrance les suscite chez la personne.

On peut trouver dans la souffrance des vertus telles que la soumission, l'obéissance. En effet, généralement la souffrance n'est pas choisie. On n'a pas d'autre choix que de l'accepter, s'y soumettre. On peut bien se révolter contre elle, gesticuler, se débattre, au final on en est réduit à s'y soumettre. Or, la soumission, l'obéissance sont des vertus.
À travers ça, la souffrance suscite de l'humilité. Car devant notre impuissance à l'empêcher et à l'humiliation que cela peut provoquer, notre désir de toute-puissance étant confronté à son impuissance, on se retrouve tout petit, forcé à l'humilité, haute vertu.
Il y a quelque chose comme du don de soi dans la souffrance. Je donne de ma personne dans la souffrance car je n'en tire pas de plaisir. Ça a quelque chose de sacrificiel. Et même si ça n'est pas choisi, la souffrance extirpe ce don de soi.

Est-ce injuste ? Non, car nous sommes créés bons et la souffrance est comme la réaction naturelle provoquée par la perte de ce que nous sommes. Tel le corps produisant des anticorps pour expulser un corps étranger, notre être produit à travers la souffrance du bien pour expulser le péché. Et à travers la souffrance est extrait du bien pour corriger le mal du péché.

La souffrance me paraît donc en ce sens salvifique.
L'autre est un semblable.

Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 949
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Didyme » jeu. 20 oct. 2022, 21:57

Il y a aussi une autre dimension plus mystérieuse encore dans la souffrance qui est celle consistant à souffrir, à offrir ses souffrances pour le salut des autres. Cela renvoie très certainement à la notion de communion, de solidarité humaine, et plus particulièrement d'unité. Unité dans ce sens qu'en Dieu nous ne sommes pas une sommes d'individualités mais nous sommes UN.
De même que la faute ne se confine pas au seul fauteur mais s'étend à beaucoup, le fruit de la souffrance peut s'étendre à une multitude.
C'est ici que l'on percoit à quel point l'humanité est une. Et certainement bien plus encore qu'on ne se l'imagine.
L'autre est un semblable.

Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4291
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Trinité » ven. 21 oct. 2022, 0:24

Didyme a écrit :
jeu. 20 oct. 2022, 21:57
Il y a aussi une autre dimension plus mystérieuse encore dans la souffrance qui est celle consistant à souffrir, à offrir ses souffrances pour le salut des autres. Cela renvoie très certainement à la notion de communion, de solidarité humaine, et plus particulièrement d'unité. Unité dans ce sens qu'en Dieu nous ne sommes pas une sommes d'individualités mais nous sommes UN.
Bonsoir Didyme,

Je pense d'ailleurs que les grands saints et les mystiques, à un degré exacerbè, et à l'instar du Christ , agissent dans ce cadre là.

Perplexe
Censor
Censor
Messages : 67
Inscription : lun. 17 oct. 2022, 17:24
Conviction : Chrétienne
Localisation : Languedoc-Roussillon

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Perplexe » ven. 21 oct. 2022, 9:20

Didyme

Vous abordez des notions vraiment essentielles comme celle de vertu par la souffrance.
Le fond du problème est bien celui du sentiment d'impuissance nié pour un fantasme de toute-puissance cherchant à maîtriser les choses (supposées générer l'angoisse existentielle) mais qui s'avère destructeur en soi. L'humilité est alors au fondement de la reconnaissance de l'ordre des choses.

Dans cette dimension mystérieuse du don de soi, j'ai pu ressentir qu'effectivement qu'en touchant de mes mains des personnes qui portaient certaines douleurs et souffrances que je les recevais et c'est comme-ci j'en souffrais aussi dans ma chair, que j'en étais blessé intérieurement. Aussi mystérieuses que mystiques, ces expériences me faisaient comprendre les causes psychiques de ces maux. C'est une connaissance en soi qui repose sur l'humilité et la compassion. Mais si j'ai eu à l'époque cette capacité à ressentir et à comprendre, je n'avais que le seul pouvoir d'expliquer, pas celui de guérir.

Je pense alors que, même si nous ne pensons pas pouvoir réaliser de miracles comme les saints, nous pouvons néanmoins nous tourner vers ceux qui souffrent (plus que nous) parce qu'en même temps que nous ressentons humilité et compassion nous nous guérissons progressivement, au moins de notre angoisse existentielle (source de beaucoup de souffrances inutiles) qui nous empêche d'aller davantage vers Dieu.

Avatar de l’utilisateur
Jean-Mic
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 4089
Inscription : mar. 07 févr. 2012, 20:17
Localisation : Nevers

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Jean-Mic » ven. 21 oct. 2022, 11:12

La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?
Non ! Non ! et Archi-non !

Nulle souffrance n'est nécessaire ! Nécessaire à rien ! Et pourtant la souffrance existe !

Nous voyons en effet que, par son incarnation, Dieu lui-même a accepté cette souffrance ! Accepté, mais pas voulu !
Admettons un instant que les hommes se soient convertis en masse en entendant le Verbe fait chair, le Christ aurait-il alors pu se dispenser de souffrir sa passion ?
Ne sursautez pas trop vite ! En fait, la question ne se pose pas, ne serait-ce que parce que, même à vues humaines, nous sentons bien que la conversion immédiate et généralisée n'est guère imaginable tant l'homme a la nuque raide. Le Seigneur le déclarait à Moïse sur l'Horeb (Ex 32,9 ; répété en Ex 33 et 34). Et Etienne le rappelle après la résurrection (Ac 7,51) en ajoutant : "Vous êtes bien comme vos pères !"
Face aux hommes butés, englués dans leur péché, Dieu lui-même (primo) ne désire pas la passion et la souffrance, mais (secundo) il l'accepte. C'est ce dit le Christ lorsqu'il prie son père (primo) "Seigneur, éloigne de moi cette coupe" (Mc 14, 36a et Lc 22, 42a) avant de continuer tout aussitôt (secundo) "non pas ma volonté mais la tienne" (Mc 14, 36b et Lc 22, 42b).
Dieu merci ! Cette acceptation nous vaudra la résurrection. Rien que ça ! Bienheureuse faute des hommes (Felix culpa) chantons nous dans la nuit de Pâques (je n'insiste pas...).

En se faisant homme, Dieu accepte donc plus que la passion, il endosse pour et par lui-même toute souffrance humaine. La souffrance humaine, il la connaissait depuis la sortie d'Eden (Gn 3,16-19), et sa compassion n'a nulle part été mieux exprimée que, de manière à la fois poétique et dramatique, dans ce Dieu à la fois proche et lointain du livre de Job. En ce faisant homme, il manifeste que cette souffrance, (primo) il la partage. Mais surtout, (secundo) il va en expliciter de manière nouvelle le sens. Nouvelle étape-clé que nous enseignent (primo) les tortures de la passion, et (primo-bis) l'incompréhension et la désespérance de ceux, hommes et femmes, qui l'entourent, et enfin (secundo) la résurrection, avec ce qu'elle a d'inattendue et d'incroyable.
Pardonnez-moi le néologisme maladroit de primo-bis. On ne peut faire abstraction de la réalité commune que souffrance et malheur n'ont, à vues humaines, pas de sens. On peut les expliquer médicalement, psychologiquement, etc., mais au sens propre du mot, ils sont in-sensés ! Or c'est justement le paradoxe de la foi chrétienne en la résurrection que de vouloir donner un sens à l'insensé.

Mais de là à rendre malheur et souffrance désirables, il y a un fossé que le Christ, Dieu fait homme, lui-même ne franchit pas : "Seigneur, éloigne de moi cette coupe" (Mc 14, 36a et Lc 22, 42a). Accepter n'est pas désirer !
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

Avatar de l’utilisateur
gerardha
Barbarus
Barbarus

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par gerardha » ven. 21 oct. 2022, 16:38

__

Bonjour,

La souffrance n'est pas nécessaire, mais elle est probable.

__

Avatar de l’utilisateur
Jean-Mic
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 4089
Inscription : mar. 07 févr. 2012, 20:17
Localisation : Nevers

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Jean-Mic » ven. 21 oct. 2022, 19:03

Nulle souffrance n'est nécessaire ! Nécessaire à rien ! Et pourtant la souffrance existe !
Et pourtant aussi, nombreux sont ceux qui peuvent témoigner que le passage par la souffrance les a amenés un peu plus vers Dieu.

Aussi vrai que le passage par la passion du Christ nous a valu la résurrection, le passage par la souffrance peut valoir à certains un supplément d'amour, un supplément d'attachement au Christ. Bien des saints ont témoigné des épreuves qu'ils avaient traversées et de ce qu'ils y avaient découvert ou appris ou accepté... Et bien des chrétiens aussi, aujourd'hui comme par le passé, peuvent en dire autant.
Mais, là encore accepter et apprendre ne veut pas dire désirer. Dieu ne nous appelle pas à être des masochistes. Dieu nous appelle à être des ressuscités, des relevés (sens étymologique du mot ressuscité).

Il est vrai que certains saints ou saintes en ont parlé de telle manière qu'ils laissent planer un doute sur l'ambiguïté du désir et de l'acceptation, et un autre doute sur Dieu qui serait l'auteur de la souffrance, Mais, même parmi ceux-là, je n'en vois guère qui aient osé dire ou écrire "Faites comme moi, souffrez et désirez le mal, et vous serez sauvé".
Poussons le raisonnement jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'absurde. Dans l'horreur de la Shoah, quelques saints et saintes ont pu se révéler : Maximilien Kolbe, pour en citer un qui a été canonisé, Geneviève De Gaulle-Anthonioz, Edmond Michelet, ou Eloi Leclerc, parmi ceux qui ne l'ont pas été, ou du moins pas encore. Ce n'est évidemment pas pour ça que la Shoah fut désirable ou souhaitable. Ne serait-ce que par respect pour ceux, infiniment plus nombreux, qui ont désespéré de Dieu. Prenons un autre exemple, pris dans la douloureuse actualité : parmi les victimes des abus sexuels ou psychologiques d'hommes d'Eglise, certaines ont des mots admirables pour parler du pardon qu'ils ont pu donner. Mais combien plus en sont sortis brisés, et fâchés pour longtemps ou pour toujours avec Dieu ? Qui oserait prétendre qu'il fallait passer par là pour que soient mis au jour le repentir de quelques-uns, le pardon de quelques-autres ?
La question est évidemment plus douloureuse et insoluble encore lorsque le mal et la souffrance viennent des éléments ou d'une cause non humaine : cataclysme, accident dévastateur et meurtrier, perte d'un enfant ou d'un être cher, etc.. N'insistons pas !

Plus largement, et peut-être près de nous, bien des chrétiens qui ont connu la maladie et la souffrance, tant physique que spirituelle ou morale, ont pu dire après coup, combien cela les avait changés, convertis, transformés, illuminés. Mais notez bien que tout est dans les mots après coup. En effet, sur le coup, on ne ressent que la souffrance et le mal enduré. Ce n'est qu'après, plus ou moins vite selon les circonstances, et aussi selon les individus, que peut naître ou apparaître le sens d'un tel mal. Si vous vous coincez les doigts dans une porte, avant de dire "Ça m'apprendra à faire attention !", vous commencez par dire "Aïe !" (exemple volontairement simpliste, je vous le concède). Et pourtant inutile de mettre les doigts dans une porte pour apprendre à faire attention.
Lorsque la souffrance dure, lorsqu'elle persiste, lorsqu'elle s'installe dans nos vies, dans la longue maladie, la déportation, l'agonie, etc., l'apaisement spirituel et l'illumination par la découverte du sens du mal peut évidemment arriver avant l'issue ou la guérison et accompagner celui qui souffre dans son chemin unique et individuel. Heureux homme que celui à qui cela est donné, mais nous savons tous que ce soulagement de l'âme n'est pas donné à tous.

C'est pourtant bien d'un chemin individuel, propre à chacun, dont il s'agit, car, soyons clair, nul n'a le droit de dire à quiconque ce qu'il doit faire ou penser des épreuves et du mal qu'il subit. Nul n'a le droit de dire à celui qui souffre comme je l'ai entendu : "Tu sais, dans ta souffrance, Dieu te montre combien Il t'aime" (c'était le discours qu'on tenait autrefois aux malades de Lourdes jusque dans les années 1970), ce à quoi une brave dame allongée sur son brancard (une personne alitée comme elle se qualifiait elle-même) répondait sans se départir ni de son humour, ni de son absolue Espérance chrétienne : "Dans ce cas, j'aimerais mieux que Dieu m'aime un peu moins !".

Bien au contraire, ceux qui ont découvert combien la souffrance et les épreuves les ont grandis, ceux qui peuvent dire qu'ils ne seront plus jamais comme avant, sont les premiers à dire "Je ne souhaite à personne de passer par là". Oui, on peut dire que le mal que nous avons souffert nous a rapproché (c'est d'ailleurs plus facile à dire au passé - nous a rapproché - qu'au présent - nous rapproche) de Dieu et tout à la fois souhaiter à notre prochain, qu'on l'aime ou pas, que jamais il ne connaisse des telles épreuves.
[+] Texte masqué
Nous pouvons tout au plus en témoigner pour ce qui nous concerne, sans pour autant le souhaiter à autrui. C'est ce que je viens de tenter ici...
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : ChristianK, Gemini et 97 invités