La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

« Dieu leur donnera peut-être de se convertir et de connaître la vérité. » (2Tm 2.25)
Règles du forum
Forum de débats dialectiques entre personnes de bonne volonté autour de la religion chrétienne (catholicisme) et des objections formulées à son encontre

NB : L'attention des intervenants est particulièrement attirée sur la courtoisie et le respect ; les blasphèmes et provocations visant à blesser le sentiment religieux des lecteurs seront modérés ; les discussions inutilement polémiques seront verrouillées et leur initiateurs sanctionnés.
Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4291
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Trinité » sam. 29 oct. 2022, 22:24

Bonsoir à tous.

Il me semble comme il a été dit par la majorité des intervenants, que la souffrance n'est pas nécessaire mais inévitable.
Comme le souligne Kerygme, DIEU n'est pas masochiste.
Le problème sont les révélations faites par les mystiques et les grands saints , à qui DIEU aurait demandé de souffrir pour racheter les âmes...
Leur mission sur cette terre, serait la résultante de leur engagement pour racheter les âmes, à l'instar du Christ .
Du coup, se pose l'interrogation du sort réservé aux personnes qui souffrent peu dans leur vie, et qui ne sont pas responsables de cet état de fait...

Il y a une phrase de Jésus qui me rassure.
Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon père...à chacun sa croix...

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3107
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par cmoi » dim. 30 oct. 2022, 7:10

Cher Trinité,
la réponse à la question de départ étant donnée et ayant atteint le consensus pour ce qui nous concerne « nous », il est temps de l’aborder encore pour ce qui concerne Dieu lui-même et par rapport à lui et son dessein.
Il se trouve que la souffrance existe, qu’elle est la conséquence du péché. Dans la Genèse, quand Dieu énonce ce qui en suppose, il ne la présente pas tout à fait comme étant de sa volonté, mais comme le fruit de règles fixées antérieurement - bien sûr par lui, et qu’il assume. Et il ne viendrait à l’idée de personne de suggérer qu’il bluffe ou les invente.
Nous pouvons penser que Dieu avait le choix d’autres alternatives, aussi bien au moment de la création qu’après la chute, mais ce qu’il en ressort, c’est qu’il était pleinement impliqué et qu’il en a décidé ainsi en accord avec lui-même.
Ne pourrait-on alors considérer que tout ce qui existe est nécessaire, dans le fait qu’à chaque fois qu’il fit quelque chose, Dieu jugea que « c’était bon ». D’une nécessité qui entre dans le mystère de Dieu et n’en ressort qu’en partie, peut-être, mais nécessité. Et comme c‘est par amour que Dieu a créé, y voir de l’amour est « obligé », même s’il faut pour cela nous mettre dans le contexte de son usage.
Si Dieu l’utilise pour ses châtiments, ne lui est-elle pas nécessaire et n’est-ce pas en partie au moins ce pour quoi elle existe ? La Bible défend (prône, n’interdit pas…) l’usage du châtiment corporel dans le cadre de l’éducation d’enfants récalcitrants. Si d’autres méthodes sont meilleures, quel recours sinon quand elles échouent ? Cela étant, dans quels cas avons-nous le droit nous d’en faire usage, sinon quand Dieu nous aurait délégué son autorité ou par légitime défense -car sinon toute agression et cela en serait une, est péché.
Certes, ici- bas la souffrance peut être injuste, mais pas dans l’au-delà. Et quand elle l’est ici-bas, elle nous permet d‘acquérir du mérite.

Je suppose que l’on pourrait reformuler votre question de départ par rapport à la notion de justice, comme vous venez effectivement de le faire en abordant la question de la souffrance des justes, en ce que les concernant cette souffrance n’aurait vraiment rien de nécessaire, tandis que pour les autres, son côté désagréable les inviterait à se convertir. Nous parlons bien de la vie ici-bas, où le but étant la conversion, non le châtiment strict, elle n’est nécessaire que si nous manquons d’amour et de stimulations « positives » sur nous efficaces.
Je sais bien qu’une vision « puriste » de la doctrine n’y voit aucun mérite en soi, aux souffrances injustes, si n’y entre pas les vertus théologales, mais ce « concept » a une limite. L’Eglise reconnait bien désormais qu’il est possible d’être sauvé sans lui appartenir, à certaines conditions, or difficile d’imaginer que ces souffrances injustes n’y seraient pas pour quelque chose, même, voire surtout, sans baptême.
Pour les saints, il faudrait connaitre « le mot de la fin » concernant la réversibilité des mérites : leurs souffrances iraient-elles jusqu’à pouvoir sauver des mourants dans l’impénitence finale ? (Nous sommes presque ici en train de traiter très concrètement la question d’un enfer pouvant être vide !) Et sinon ?

Si la souffrance n’était pas nécessaire, comment justifier l’enfer ? Elle est de toute évidence liée à la justice. Je crois même qu’elle est plus que nécessaire, qu’elle a une autre qualité plus subtile et je ne parle pas de sa capacité à nous aider à nous convertir ou à avoir une action rédemptrice.

Quand il est dit que c'est la foi qui nous sauve, or elle est une grâce et elle est gratuite, oui cela devrait nous être rassurant et y suffire. C'est à accroître celle-ci que nous devons nous atteler, non à souffrir. La nécessité dont nous parlons ici, c'est une façon d'adorer Dieu à travers son oeuvre, d'en reconnaitre le mystère et de devoir lui faire confiance quant à l'usage qu'il en fera - de la souffrance. N'a-t-il pas répété qu'il n'éprouverait jamais personne au-delà de ses capacités (joug léger, etc.), et que même, à cause de quelques justes, le temps (voire l'intensité) des épreuves sera réduit ?
S'il vous semble qu'il ne vous a pas autant éprouvé que d'autres (ce qui n'a rien de certain, car la souffrance n'est pas le seul facteur), vous n'avez qu'à l'en remercier et vous en réjouir : il prendra le reste en charge, pourvu que vous l'adoriez. Il préfère votre sourire à la grimace d'un qui peine sous une croix qu'il pourrait porter plus "galamment"!

Elle a vraiment un lien avec l’amour. Il y a souffrance quand on s’en éloigne, certes, et elle est négative (même si on peut provisoirement la voir ici-bas de façon très positive et y trouver plein d’avantages, ne pas la ressentir, comme vous l’avez écrit à Perplexe, au point qu'en majorité, les âmes s'accrochent à de faux biens (qui les feront bien plus souffrir mais ils ne s'en sentiront pas responsables !) par peur de les perdre au lieu de se lancer dans l'aventure du grand amour divin) mais il y a aussi souffrance quand on s’en rapproche et qui est d’un autre ordre.
Pas que par humilité ou obéissance, repentir, etc.

Je pense que c’est lié au fait que l’amour est infini alors que nous, non. Nous avons eu un commencement. Quelque chose nous manquera toujours dans notre amour, car l’amour suppose et demande l’égalité.
Il faut l’oser reconnaitre, même si la qualité de l’autre est telle que cela nous le ferait oublier, cet « oubli » est égoïste et ne peut satisfaire l’amoureux. Nous entrons là dans un cercle vertueux, et ce sont nos péchés qui nous empêchent d’y entrer, et nous ne devrions avoir d‘autre hâte que de nous en débarrasser pour y entrer, c’est un puissant moteur issu de la contemplation pour quitter les liens de la concupiscence et d’autres attraits.
(Beaucoup jugent que c’est impossible ici-bas, ils oublient la fameuse parole concernant un aventurier des expéditions polaires : « s’il avait su que c’était impossible, il ne l’aurait jamais fait ». Ils resteront où ils en sont, tant pis… Même dans la religion les grands aventuriers, les grands amants donc, furent d’abord des rêveurs qui se donnèrent les moyens de réaliser leurs rêves. La vraie motivation manque trop souvent ! )

Voilà comment y donner un sens mystique, il me semble… Car l’amour veut la fusion avec l’aimé, et sans arrêt se dépasser. Qui a pu porter les lèvres à cette souffrance (qui peut paraître abstraite à beaucoup, du bluff, imaginaire, légère (ou trop énorme)… mais c’est qu‘ils sont encore pris dans d’autres rets) ne l’oubliera plus et saura la retrouver, il saura traverser et dépasser toutes les autres qui lui seront très inférieures, presque superflues, indifférentes, sans qu’elles aient pour autant perdu leur aspect sensible. Elles sont des « jeux » par lesquels éprouver l’amour qui en triomphera et s’en réjouit d’avance.
Etant donné l’état de fermeture à la grâce de beaucoup de contemporains, l’apostolat le plus effréné a des limites pour exprimer l’amour que nous portons à Dieu et qui a besoin de stimulation, alors il ne reste plus que la souffrance, ou… l’absence totale de tout stimulant qui en est une autre, d’un autre genre.
N'est-il pas normal que l’amour de Jésus pour nous puisse vouloir « varier les plaisirs » !
Bon dimanche et merci d’avoir répondu à ma sollicitation.

PS par rapport à votre besoin d'être "rassuré" , je dirai encore qu'il faudrait plutôt aborder la question sous l'angle de la qualité de la souffrance. Sans du tout entrer dans le sado-maso, n'avez-vous donc jamais éprouvé qu'une souffrance pouvait être agréable, que certaines grandes joies ressemblent fort à une souffrance, et que le même motif de souffrance, avec l'expérience et la maturité, peut sans cesser d'être ce qu'il est ni de devenir plus précis dans ce qui en fait un motif grave par exemple d'injustice, transformer celle-ci et la rendre acceptable d'autant plus qu'elle est inacceptable, de par notre meilleure capacité à l'endurer et la connaitre ? En progressant, nous devrions souffrir de moins en moins pour nous-même, même si nous sommes concernés, et cela seul suffit à l'expliquer sans atténuer la souffrance, mais cela la transforme.
Je devrais plutôt dire "nous" transforme et c'est en quoi il peut être difficile de le comprendre pour ceux qui n'ont pas été transformés, que le profit qui s'en retire compense largement la souffrance !
Certains n'ont pas besoin de souffrance pour être "transformés", et même certaines qualités d'âme ne peuvent se développer que sans souffrance : vous avez bien raison d'évoquer sa parole dans Jean sur "plusieurs demeures". Ainsi entre-t-il pas mal d'humilité dans votre constat personnel...
Il ne faudrait pas dévoyer la notion de mérite rattaché à la souffrance et en éprouver une sainte jalousie n'est pas de mise. La souffrance n'a pas l'exclusivité du mérite et si Dieu y recourt, même si elle lui est certes nécessaire, ce n'est jamais de gaité de coeur (le penser serait l'offenser) par conséquent on peut même considérer qu'il puisse "préférer" celui qu'il aura pu "dispenser" de ce mérite (propos rejoignant ceux de la petite Thérèse ). Il y a aussi d'autres façons de nous éprouver (nuits de la foi, tentations, etc.)

Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4291
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Trinité » dim. 30 oct. 2022, 15:00

Merci cher c moi pour cette réponse bien étayée ; :)

J'en profite pour faire un rapide aparté .

Je pars demain matin à Rome avec ma (dernière...) soeur, de 89 ans pour une semaine , voyage offert pour mes 80 ans, par mes enfants et mes proches...
Je ferai une petite prière pour tous les membres du forum , pour que : l'Esprit Saint nous éclaire dans nos dialogues, dans le respect et les convictions de chacun d'entre nous , et avec le souci de ne pas peiner nos frères... :)

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12387
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par Fée Violine » lun. 31 oct. 2022, 14:43

Bon voyage et bon anniversaire, Trinité ! :)

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3107
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: La souffrance est-elle nécessaire pour accéder au paradis ?

Message non lu par cmoi » mer. 02 nov. 2022, 8:38

Trinité a écrit :
dim. 30 oct. 2022, 15:00
Merci cher c moi pour cette réponse bien étayée ; :)
Je vous remercie pour votre appréciation et me permettrai d’ajouter certaines choses qui ne viendront pas étayer, mais comme des extensions.

A ceci : « Certes, ici- bas la souffrance peut être injuste, mais pas dans l’au-delà. Et quand elle l’est ici-bas, elle nous permet d‘acquérir du mérite.» J’ajouterai que ce n’est jamais une raison pour en provoquer afin d’obtenir du mérite, que ce soit sur soi-même ou un autre. Et en deviendrait-elle pour cela « juste ».
En revanche, certaines choses sont vues comme des souffrances (et du coup refusées) qui sont en fait des guérisons. Ainsi, le rebouteux qui remet une entorse fait mal, et si le « patient » en refuse cet « accompagnement » et se cabre, il empêche la guérison et parfois aggrave le mal. Ces souffrances-là sont pourtant mieux que « justes » : elles réparent !
Beaucoup s’endurcissent et persévèrent dans le mal pour ne pas les connaitre - à commencer par le repentir qui parfois précède et doit suivre l’aveu, qui seul permet une vraie libération car la réconciliation, et sans quoi la honte ou la culpabilité ont beau être refoulées, elles font un mal et un handicap qui relèvent d’une souffrance d’avertissement, et s’accompagnent de mensonge.

A ceci : « Il y a aussi d'autres façons de nous éprouver (nuits de la foi, tentations, etc.) » je voudrais ajouter la malchance, et d’autres sortes d’épreuves, les défauts que nous avons (physiques, de caractère, de manquer de certaines capacités, etc.) qu’il faut combattre et pour cela accepter. Bref, il arrive que nous éprouvions de notre chef des souffrances qui y soient liées, mais c’est par manque de sagesse uniquement et commettre une injustice envers Dieu.

Un dernier point, important, par rapport à la justice : si la souffrance n’existait pas ici-bas, les damnés pourraient sans doute à juste titre se plaindre de n’en avoir pas été avertis, d’un manque d’équité, d’une trahison. Cela va plus loin que le discours de la parabole du riche et de Lazare.
C’est tout à fait expérimental et cela ne les a pas « retenus » de faire le mal ni de récidiver !

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 94 invités