Du rôle de la prière

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Alex H.
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Du rôle de la prière

Message non lu par Alex H. » dim. 21 août 2016, 14:01

Bonjour à tous,

En tant que non-croyant, je me suis souvent demandé à quoi servait la prière. Je n'ai pas réussi à trouver de réponse satisfaisante, si ce n'est qu'elle apporte réconfort et bien-être au croyant (ce qui n'est déjà pas si mal !). N'étant pas un spécialiste, je m'adresse à vous pour compléter mes maigres connaissances.

Remercier Dieu me semble assez absurde. Croire que Dieu a besoin de nos remerciements, qu'il en "content" lorsque nous reconnaissons sa bonté et "triste" dans le cas contraire, relève de l'anthropomorphisme. Penser que nous pouvons altérer "l'humeur" du Créateur de l'univers par un simple merci, n'est-ce pas extrêmement présomptueux ? Il est d'autre part notoirement difficile de comprendre les desseins divins, comme les croyants le rappellent souvent dans les situations difficiles. Si l'ignorance humaine nous empêche de blâmer Dieu, la logique ne voudrait-elle pas qu'on ne puisse pas non plus le remercier ? Pour le dire autrement : quelle est la valeur du merci dans un contexte où tout reproche est par définition impossible ?

La prière peut également servir à entrer en contact avec Dieu. Mais étant donné qu'il nous est impossible de rien cacher à Dieu, qu'il connait toutes nos pensées, à quoi bon verbaliser ce qu'il sait déjà ?

Enfin, la prière peut être une demande plus ou moins égoïste. On demande à Dieu de nous garder en bonne santé ou de nous guérir, de protéger nos proches, de défendre les faibles, etc. Je trouve ce type de prière d'une arrogance extraordinaire. Pourquoi demander par exemple à Dieu de nourrir les affamés ? Si Dieu peut et veut éviter que des enfants meurent de faim, il les nourrira. S'il ne le fait pas, c'est soit qu'il ne le peut pas (ce qui serait étonnant), soit qu'il ne le veut pas. Qui sommes-nous pour "corriger" le comportement de Dieu en le "priant" de faire ceci ou cela ? Demander, c'est déjà critiquer.

Je remercie d'avance les membres du forum qui accepteront d'expliquer l'utilité qu'ils attribuent à leurs prières.

Alex

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Héraclius
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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Héraclius » dim. 21 août 2016, 15:55

Remercier Dieu me semble assez absurde. Croire que Dieu a besoin de nos remerciements, qu'il en "content" lorsque nous reconnaissons sa bonté et "triste" dans le cas contraire, relève de l'anthropomorphisme. Penser que nous pouvons altérer "l'humeur" du Créateur de l'univers par un simple merci, n'est-ce pas extrêmement présomptueux ? Il est d'autre part notoirement difficile de comprendre les desseins divins, comme les croyants le rappellent souvent dans les situations difficiles. Si l'ignorance humaine nous empêche de blâmer Dieu, la logique ne voudrait-elle pas qu'on ne puisse pas non plus le remercier ? Pour le dire autrement : quelle est la valeur du merci dans un contexte où tout reproche est par définition impossible ?
Il me semble que vous avez tout à fait raison de pointer le fait que Dieu n'a nullement "besoin" de nos prières, et que ces dernières n'altèrent ni son humeur, si sa volonté (on ne peut pas faire changer d'avis Dieu). En effet, Dieu est par définition immuable, il ne change pas.

Cependant, la volonté comme la nature même de Dieu, telle qu'Il s'est révélée a nous en Jésus-Christ, est l'Amour (agapè, caritas). L'Amour au sens de don de soi-même, d'offrand libre et sacrificielle. Dans cette perspective, le fait de rendre grâce est une reconnaissance de l'amour divin qui s'érige elle-même en acte d'Amour. Dire "merci", c'est reconnaître que l'Autre a déjà initié la relation d'Amour par un Don (pour nous, le don de notre propre existence, et de notre salut) et se disposer à "renvoyer la balle" dans l'autre sens.
La prière peut également servir à entrer en contact avec Dieu. Mais étant donné qu'il nous est impossible de rien cacher à Dieu, qu'il connait toutes nos pensées, à quoi bon verbaliser ce qu'il sait déjà ?
Encore une fois, votre objection est juste. Et non seulement Dieu sait ce qui nous préoccupe, mais encore il sait d'avance notre besoin et notre intention de prier. Prier est donc une activité dont le principal bénéficiaire est nous-même, en un sens, c'est une activité qui nous donne de participer à notre propre salut en nous faisant nous-même médiateurs de la grâce. Dieu accorde ce qu'on lui demande mais il faut encore le demander.
Enfin, la prière peut être une demande plus ou moins égoïste. On demande à Dieu de nous garder en bonne santé ou de nous guérir, de protéger nos proches, de défendre les faibles, etc. Je trouve ce type de prière d'une arrogance extraordinaire. Pourquoi demander par exemple à Dieu de nourrir les affamés ? Si Dieu peut et veut éviter que des enfants meurent de faim, il les nourrira. S'il ne le fait pas, c'est soit qu'il ne le peut pas (ce qui serait étonnant), soit qu'il ne le veut pas. Qui sommes-nous pour "corriger" le comportement de Dieu en le "priant" de faire ceci ou cela ? Demander, c'est déjà critiquer.
De la même, Dieu désire, et c'est ainsi qu'Il se présente dans l'écriture, faire participer l'homme à Son Oeuvre de rédemption et d'Amour. Dieu veut que nous l'aidions, en quelque sorte, non pas parce qu'il a besoin de nous, mais, en quelque sorte, pour bâtir une relation plus solide avec l'humanité, en élevant l'humanité à son propre rang, en la faisant participer, par médiation, à son oeuvre.

On pourrait utiliser, comme analogie incomplète l'image du Père qui va bricoler en emmenant son fls de 4 ans "viens, tu vas aider papas à réparer la rampe de l'escalier". Le Père n'a pas besoin de son fils. Mais il lui demande d'être participant à son oeuvre.


L'objectif de Dieu, c'est de bâtir une relation d'amour avec l'homme en "déifiant" ce dernier, en faisant de ce dernier un être qui n'est plus qu'amour à l'image de Dieu. La prière chrétienne fondamentale est de toute façon celle du Christ au Père dans le jardin avant la cruxifiction "Que Ta volonté soit faite, et non pas la mienne". Bien sûr, Dieu n'a pas besoin qu'on lui demande que Sa volonté soit faite. Mais par cette prière, que Dieu accepte, nous participons à l'action de cette volonté, en nous faisant médiateurs, prêtres du Christ.


A tout cela il faut ajouter aussi le fait que Dieu nous ayant conféré le libre-arbitre, il a besoin, pour le coup, de notre approbation pour nous sauver. Il faut que nous voulions aimer pour aimer, et il faut accepter librement le salut pour être sauvé. Dans cette perspective, la prière devient une des formulation de cette acceptation, de cette décision libre de l'homme.


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''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Belin » lun. 22 août 2016, 13:57

Salut cher ami
Votre question peut être étendue d'une façon plus large: Dieu étant bon et tout puissant (il fait ce qu'il veut) pourquoi ne nous a t'il pas tous créé déjà parfait pour nous placer directement au Ciel? si vous avez déjà vous même obtenu une réponse satisfaisante à cette question faites nous en part, cela pourra mieux situer le débat que vous soulevez. Sinon cherchons d'abord à répondre à cette question plus fondamentale à mon avis.

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Alex H.
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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Alex H. » lun. 22 août 2016, 17:09

Bonjour Héraclitus,

Merci beaucoup pour votre réponse détaillée, qui m'inspire quelques réflexions.

Vos explications confirment mon impression que la majorité des croyants prient en dépit du bon sens, puisqu'ils demandent quelque chose que Dieu leur aurait déjà accordé s’il l’avait jugé bon.

Je comprends l'idée de rendre grâce, mais un seul geste, aussi modeste soit-il, ne vaut-il pas mieux que tous les remerciements du monde ? Remercier, je trouve cela très bien (voire indispensable), mais quel est le sens des interminables litanies auxquelles se livrent de nombreux fervents catholiques ?

Et doit-on vraiment remercier Dieu ? Vous parlez de « don » de la vie, mais la vie est pour beaucoup un enfer. Dieu (qui d’autre ?) a créé les séismes, les éruptions volcaniques, les raz de marée, le cancer, la peste, les difformités, etc., qui soumettent depuis des millénaires d’innombrables innocents à des souffrances indescriptibles. Dire « Merci Seigneur pour toute la beauté du monde ; pour toutes les abominations, j’imagine que vous avez vos raisons », n’est-ce pas un peu arbitraire et facile ? Et remercier Dieu pour une vie qui est parfois terrible, n’est-ce pas faire preuve d’un incroyable dédain pour la souffrance d’autrui ?

L’impossibilité fondamentale d’une critique de Dieu ôte toute valeur au merci. Comme un chien qui aime son maître qui le nourrit, mais le roue aussi régulièrement de coups, cet amour total, ce merci inconditionnel, ne peut que sembler déplacé et aveugle.
A tout cela il faut ajouter aussi le fait que Dieu nous ayant conféré le libre-arbitre, il a besoin, pour le coup, de notre approbation pour nous sauver. Il faut que nous voulions aimer pour aimer, et il faut accepter librement le salut pour être sauvé. Dans cette perspective, la prière devient une des formulation de cette acceptation, de cette décision libre de l'homme.
Personne, à moins d’être fou, ne refuserait en connaissance de cause le salut qu’on lui propose. Ceux qui ne donnent pas leur « approbation » ne sont pas fous. Certains ont eu la malchance de naître dans une région où la religion dominante n’est pas le christianisme. D’autres, comme moi, ont réfléchi à la question et sont arrivés à la conclusion que Dieu n’existe pas. Je ne peux pas demander le salut à un être auquel je ne crois pas, et je ne peux pas croire à cet être si je suis sincèrement convaincu, au-delà de tout doute raisonnable, qu’il n’existe pas.

J’ajoute que dans la très grande majorité des cas, ceux qui acceptent le salut chrétien sont nés dans une famille, ou tout au moins dans une culture, chrétienne. Autrement dit, leur désir de salut est en grande partie déterminé par leur environnement.

Bref, l’homme ne choisit pas réellement. Soit il croit et, à de rares exceptions près, il accepte le salut, soit il ne croit pas et il n’y a rien à accepter ou refuser. Or, croire ou ne pas croire ne relève pas du libre arbitre.

Vous remerciez Dieu pour le salut qu’il vous propose, mais qu’en est-il de tous ceux qui ne seront pas sauvés, parce que Dieu a choisi de ne se faire connaître que par des moyens très détournés qui ne convainquent manifestement qu’une minorité de l’humanité ? Si Dieu voulait se révéler à tous, il pourrait le faire, mais visiblement ce n’est pas son intention. Il préfère laisser planer le doute, avec tous les massacres que cela suppose. Faut-il l’en remercier ?
L'objectif de Dieu, c'est de bâtir une relation d'amour avec l'homme en "déifiant" ce dernier, en faisant de ce dernier un être qui n'est plus qu'amour à l'image de Dieu.
Après des milliers d’années, on ne peut pas dire que Dieu ait atteint son objectif. Tout laisse à penser qu’il n’y parviendra jamais. Etant donné que Dieu ne peut pas ne pas atteindre ses objectifs, on peut douter du but que vous lui attribuez.

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Héraclius
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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Héraclius » lun. 22 août 2016, 23:00

Vos explications confirment mon impression que la majorité des croyants prient en dépit du bon sens, puisqu'ils demandent quelque chose que Dieu leur aurait déjà accordé s’il l’avait jugé bon.
Est-il irrationnel de considérer que Dieu désire justement qu'on lui demande quelque chose pour l'accorder ?
Je comprends l'idée de rendre grâce, mais un seul geste, aussi modeste soit-il, ne vaut-il pas mieux que tous les remerciements du monde ? Remercier, je trouve cela très bien (voire indispensable), mais quel est le sens des interminables litanies auxquelles se livrent de nombreux fervents catholiques ?
Lorsque quelqu'un vous fait un immense don, vous faites plus qu'un "merci" simple et sec. Vous vous efforcez de marquer votre remerciement en acte, en offrant un cadeau par exemple. C'est la logique originelle du sacrifice animal ou céréalier. On offre un cadeau à Dieu pour dire merci.

Bien sûr, notre offrande ne peut être un cadeau au sens strict du terme en ce sens que Dieu n'a besoin de rien, ni de cacrasse de mouton, ni de longue litanie. Une litanie d,action de grâce catholique entrerait plutôt dans la catégorie de l'offrande dite "d'abnégation" (j'utilise là le vocabulaire de l'antrophologue E. B. Tylor). L'offrande d'abnégation tient sa valeur, non pas de ce qu'elle sert à celui qui reçoit l'offrande, mais dans ce qu'elle coûte à son offreur. Elle est à la fois le signe et la réalisation performative d'une gratitude, d'une dévotion intérieure qui est prête se sacrifier par amour. Comme le dit le psalmiste, "le sacrifice qui plaît à Dieu est un esprit brisé".
Et doit-on vraiment remercier Dieu ? Vous parlez de « don » de la vie, mais la vie est pour beaucoup un enfer. Dieu (qui d’autre ?) a créé les séismes, les éruptions volcaniques, les raz de marée, le cancer, la peste, les difformités, etc., qui soumettent depuis des millénaires d’innombrables innocents à des souffrances indescriptibles. Dire « Merci Seigneur pour toute la beauté du monde ; pour toutes les abominations, j’imagine que vous avez vos raisons », n’est-ce pas un peu arbitraire et facile ? Et remercier Dieu pour une vie qui est parfois terrible, n’est-ce pas faire preuve d’un incroyable dédain pour la souffrance d’autrui ?
Je sens poindre derrière vos propos le problème de la souffrance. Nous pouvons le traiter, si vous le désirer.

Pour répondre rapidement : l'action de grâce répond déjà à une réalité personnelle, celle du fait même d'exister. Même celui qui souffre, tant qu'il ne se supprime pas, accepte de facto son existence telle qu'elle est et de ce fait ne peut que rendre grâce.

D'autre part, nous croyons que les séismes et toutes les souffrances concourent à l'oeuvre divine d'amour absolu. Donc en un sens, oui, nous rendons grâce même pour elle, parce que nous croyons en un Dieu d'Amour. Puisque Dieu est tout-amour, ce mal nécessaire est utilmement au service d'un plus grand bien, et pour autant, les reconnaître pour telle n'est pas mépriser celui qui souffre, parce qu'il mal nécessaire, tout en étant justifié, n'est pas pour autant nié dans sa nature de mal.
L’impossibilité fondamentale d’une critique de Dieu ôte toute valeur au merci. Comme un chien qui aime son maître qui le nourrit, mais le roue aussi régulièrement de coups, cet amour total, ce merci inconditionnel, ne peut que sembler déplacé et aveugle.
Deux choses :

1/ Je ne vois pas en quoi il y aurait contradiction entre "incriticabilité de Dieu" et l'action de grâce. Bien au contraire, si la totalité de l'action de Dieu est justifié et bonne, n'est-il pas logique qu'il obtienne notre totale car proportionnelle gratitude.

2/ La conception chrétienne de Dieu n'est pas celle de l'esclave et du maître. L'idée est que Dieu s'est abaissé, humilié dans la poussière humaine, qu'il a assumé toute notre misière et notre souffrance terrestre pour nous élever à lui. "Dieu s'est fait homme pour que l'homme soit fait dieu" disait Saint Irénée. Dieu s'abaisse et nous élève : il nous place à son niveau, nous destine à la communion d'amour absolue et la déification. De ce fait, un chrétien qui conçoit Dieu comme révélé en Jésus-Christ ne peut avoir une idée de Dieu semblable à la vôtre.
A tout cela il faut ajouter aussi le fait que Dieu nous ayant conféré le libre-arbitre, il a besoin, pour le coup, de notre approbation pour nous sauver. Il faut que nous voulions aimer pour aimer, et il faut accepter librement le salut pour être sauvé. Dans cette perspective, la prière devient une des formulation de cette acceptation, de cette décision libre de l'homme.
Personne, à moins d’être fou, ne refuserait en connaissance de cause le salut qu’on lui propose. Ceux qui ne donnent pas leur « approbation » ne sont pas fous.
Tout dépend de la définition que vous donne au mot "salut". Au sens de béatitude éternelle, point à la ligne, oui, bien entendu. Mais pour un chrétien, la nature du salut, c'est la sanctification, c'est à dire le fait de renoncer à soi-même, de renoncer à son propre bien pour se plonger dans le désir et la contemplation absolu du bien de l'autre ; c'est le fait de se faire joyeusement et librement serviteurs absolus de Dieu et du prochain. Et c'est dans le refus d'abandonner son bien-propre, d'abandonner son propre bonheur en ce monde comme objectif premier de son existence, que peut se retrouver le refus du salut éternel, dont la béatitude est d'avantage une conséquence que la substance.
Certains ont eu la malchance de naître dans une région où la religion dominante n’est pas le christianisme. D’autres, comme moi, ont réfléchi à la question et sont arrivés à la conclusion que Dieu n’existe pas. Je ne peux pas demander le salut à un être auquel je ne crois pas, et je ne peux pas croire à cet être si je suis sincèrement convaincu, au-delà de tout doute raisonnable, qu’il n’existe pas.

J’ajoute que dans la très grande majorité des cas, ceux qui acceptent le salut chrétien sont nés dans une famille, ou tout au moins dans une culture, chrétienne. Autrement dit, leur désir de salut est en grande partie déterminé par leur environnement.

Bref, l’homme ne choisit pas réellement. Soit il croit et, à de rares exceptions près, il accepte le salut, soit il ne croit pas et il n’y a rien à accepter ou refuser. Or, croire ou ne pas croire ne relève pas du libre arbitre.

Vous remerciez Dieu pour le salut qu’il vous propose, mais qu’en est-il de tous ceux qui ne seront pas sauvés, parce que Dieu a choisi de ne se faire connaître que par des moyens très détournés qui ne convainquent manifestement qu’une minorité de l’humanité ? Si Dieu voulait se révéler à tous, il pourrait le faire, mais visiblement ce n’est pas son intention. Il préfère laisser planer le doute, avec tous les massacres que cela suppose. Faut-il l’en remercier ?
Ces questions ne sont en rien impertinentes, bien au contraire.

C'est un problème assez complexe à laquelle je vais vous donner une réponse plutôt courte. Tout simplement, je crois que les déterminismes de la sorte que vous décrivez n'ont aucun impact sur le salut d'une personne. C'est dans le dialogue de la grâce et du libre-arbitre que nous obtenons le salut, parce que la substance du salut, c'est l'amour, et qu'il n'y a pas d'amour sans libre-arbitre. L'appartenance au catholicisme n'est donc pas source de salut en tant qu'elle est reçue par conditionnement, mais en tant qu'elle est acceptée librement ; la non-appartenance au catholicisme n'est coupable qu'en tant qu'elle est volontaire, faute de quoi on parle d'ignorance invincible.

Il n'est en rien contraire à la foi catholique que l'on peut très bien être sauvé sans adhésion formelle à l'Eglise au sens visible du terme :

« En effet, ceux qui, sans qu’il y ait de leur faute, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel. À ceux-là mêmes qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l’Église le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie. » - Lumen Gentium, 16

« Nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » - Gaudium et Spes, 22, 5

Ce qui ne veut pas dire, pour prendre l'exemple qui est le vôtre, que le type de l'athée "de raison" ne peut être tenue coupable de sa non-appartenance au catholicisme. Certains, sans doute, à cause de leurs déterminismes et de leurs aprioris. Mais beaucoup sont pleinement responsable de ne pas avoir cherché suffisament, de ne pas avoir usé de la raison avec suffisament de rigeur, d'avoir favorisé des opinions qui les dérangent moins dans leurs choix d'existence.
Après des milliers d’années, on ne peut pas dire que Dieu ait atteint son objectif. Tout laisse à penser qu’il n’y parviendra jamais. Etant donné que Dieu ne peut pas ne pas atteindre ses objectifs, on peut douter du but que vous lui attribuez.
Dieu a atteint son objectif dans certains, et ne l'as pas atteint dans d'autres. C'est la nature même de son objectif, qui implique l'adhésion libre, qui en fait par défaut une source d'échec autant que de succès.

Si votre propre objectif est d'obtenir, mettons, avec un soupçon de naïveté enfantine, des sourires sincères de la part des gens que vous croisez, la nature même de votre objectif vous empêche d'avoir recours à la force et à la contrainte (puisque le critère de sincérité ne serait pas respecté), et il implique plus ou moins obligatoirement que vous aurez un certain nombre d'échecs dans le processus. Mais il n'est pas envisageable que dans une masse de mines froissées, vous rencontreriez quelques sourires, et que votre objectif soit donc, en un sens, validé.


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''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par prodigal » mar. 23 août 2016, 11:41

Je suis avec intérêt votre débat.
Pour m'en tenir à la question initiale, celle de l'utilité de la prière, il me semble qu'on peut s'accorder sur le postulat suivant : la prière vise à satisfaire un besoin humain. La différence entre l'athée et le croyant, c'est que le second pense que sa prière peut être entendue alors que le premier ne voit pas comment ce serait possible. Mais de toutes façons c'est parce que la prière fait du bien que l'on prie, sinon ce serait absurde.
Quelle est alors la nature de ce bien que l'on se fait en priant? C'est ce que l'on appelle un bien spirituel, pour dire que ce n'est pas seulement (je dis "pas seulement", parce que cela ne l'exclut pas non plus) un bien psychologique, de l'ordre du réconfort. Elle vise à se rapprocher du divin, voire à s'unir à lui (ou à progresser vers cette union). En termes athées l'on dira que la prière a pour objet l'amélioration de soi-même.
Toute la question serait alors de savoir ce qui arrive à l'humanité si elle ne prie plus, si elle devient ainsi plus adulte (thèse progressiste athée) ou au contraire si elle se dégrade.
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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Galilée » mar. 23 août 2016, 12:46

«La prière n’est pas autre chose qu’une union avec Dieu. La prière est une douce amitié, une familiarité étonnante… C’est un doux entretien d’un enfant avec son Père. Plus on prie, plus on veut prier. » . (St Jean Marie Vianney)

Quand nos fondations sont ébranlées, nous nous tournons vers Dieu et nous découvrons que c'est justement Lui qui les secoue. Pour prier il fut quitter notre arrogance et acquérir une certaine humilité.

Je ne pense pas qu'il faille voir en Dieu un empereur tout puissant, sadique à ses heures qui laisse souffrir ses enfants : il faut distinguer la part de Dieu et la part du diable. Cette part dépend de la volonté des hommes, de leur libre arbitre, on se tourne librement vers l'un ou l'autre, et doit cohabiter le temps de notre vie terrestre avec ceux qui font ce même choix, même quand c'est le pire choix. Mais il ne faut pas y voir de fatalisme, les gens peuvent changer, se changer et changer les autres.

Sœur Emmanuelle a dit "Je comprends que les gens se révoltent. Le silence de Dieu, quand ils souffrent du martyre et de l'injustice, leur est intolérable. Il y a un prophète dans la Bible, pas très connu, qui s'écrie : "Pourquoi gardes-tu le silence quand le méchant dévore le juste ?" Et quand on pense à toutes les tribulations du peuple juif, on imagine que ce cri a été poussé souvent.
Jésus lui même a crié avant de mourir : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Il pose la question, mais s'il la pose, c'est que Dieu n'es pas absent, qu'il est présent, qu'il souffre avec celui qui souffre.
C'est ce qui est tellement difficile à comprendre pour nous. Nous vivons avec cette image du Dieu tout- puissant, comme une sorte de super empereur,que rien ne peut atteindre. Mais je ne sais plus qui a dit que la puissance de Dieu, c'est la puissance d'aimer. Et quand on aime on souffre avec ceux qui souffrent. C'est ce qu'a fait Jésus.
Surtout, ce que je ne comprends pas, plutôt ce que je n'admets pas du tout, ce sont les gens qui accusent Dieu des malheurs qui les frappent "Qu'est-ce que Dieu m'a fait ?" J'ai entendu ça je ne sais combien de fois ! Comme s'ils rendaient Dieu responsable d'une chute ou d'un accident. (...)
Les hommes font la guerre et en même temps ils demandent à Dieu de les protéger. Vous trouvez que c'est logique, normal ? Dieu les a laissés libres, y compris de faire le mal, de s'entretuer. Il n'a pas crée des robots téléguidés, mais des hommes capables du mal comme du bien, libres. Parce qu'ils n'étaient pas libres, ils ne pourraient pas aimer. La liberté est la condition de l'amour. Et ce que Dieu veut, vous allez dire que je me répète mais voilà l'essentiel, c'est que nous nous aimions? Jésus l'a assez dit : "Aimez-vous les uns les autres".
(si vous lire la suite "J'ai 100 ans et je voudrais vous dire" Soeur Emmanuelle" PLON)


Dieu est amour, mais il faut faire avec le "prince de ce monde", le mal qui règne dans le cœur de certains hommes, comme l'explique le Seigneur. On aura des comptes à rendre sur le mal qu'on laisse perpétrer, il ne faut pas avoir soif de justice que sur les actions des autres mais regarder aussi les siennes propres.

« Notre-Seigneur est comme une mère qui porte son enfant sur ses bras.
Ce petit est méchant; il donne des coups de pied à sa mère, il l'égratigne; mais elle n'y fait seulement pas attention ; elle sait que, si elle le lâche, il tombera.
Ainsi Notre-Seigneur endure tout ; il supporte toutes nos arrogances; il pardonne toutes nos sottises; il a pitié de nous malgré nous... Et il aura plutôt pardonné au pécheur repentant qu'une mère n'aura retiré son enfant du feu. » (St Jean Marie Vianney)
Fleuris là où Dieu t'a planté

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Alex H. » mar. 23 août 2016, 14:27

Bonjour Héraclius,
Est-il irrationnel de considérer que Dieu désire justement qu'on lui demande quelque chose pour l'accorder ?
Irrationnel, non ; infantile, oui.
Même celui qui souffre, tant qu'il ne se supprime pas, accepte de facto son existence telle qu'elle est et de ce fait ne peut que rendre grâce.
Je trouve cette affirmation extraordinaire. Si vous aviez le pouvoir de créer un être, que vous le tourmentiez tous les jours jusqu'à sa mort, et que vous laissiez dans sa geôle un couteau lui permettant de se suicider à tout moment, verriez-vous dans l'absence de suicide un signe de votre bonté ?
D'autre part, nous croyons que les séismes et toutes les souffrances concourent à l'oeuvre divine d'amour absolu.
Il s'agit d'une croyance étonnante, au sens premier du terme. Je vous invite à réfléchir à ce que ressent un enfant qui meurt à petit feu, écrasé ou étouffé par un pan de mur qui s'écroule durant un tremblement de terre, à ce que ressent sa mère qui le cherche pendant des jours, avant de retrouver son cadavre en putréfaction sous les décombres. Croire que tout cela est nécessaire et n'est en fin de compte que la manifestation d'un amour absolu demande une foi dont je suis personnellement incapable. Les moyens de Dieu sont-ils tellement limités qu'il ne puisse arriver à son but sans créer par la même occasion une infinité de souffrances indicibles ?
L'appartenance au catholicisme n'est donc pas source de salut en tant qu'elle est reçue par conditionnement, mais en tant qu'elle est acceptée librement ; la non-appartenance au catholicisme n'est coupable qu'en tant qu'elle est volontaire, faute de quoi on parle d'ignorance invincible.
Merci d’avoir corrigé mon erreur.
Ce qui ne veut pas dire, pour prendre l'exemple qui est le vôtre, que le type de l'athée "de raison" ne peut être tenue coupable de sa non-appartenance au catholicisme. Certains, sans doute, à cause de leurs déterminismes et de leurs aprioris. Mais beaucoup sont pleinement responsable de ne pas avoir cherché suffisament, de ne pas avoir usé de la raison avec suffisament de rigeur, d'avoir favorisé des opinions qui les dérangent moins dans leurs choix d'existence.
Il me semble que vous inversez les rôles en reprochant à certains athées "de ne pas avoir usé de la raison avec suffisamment de rigueur". La foi est nécessaire pour croire, or qu'est-ce que la foi, sinon l'absence d'arguments raisonnables ? Si vous étiez capables de démontrer que Dieu existe, vous ne vous en priveriez pas. Comme vous ne l'êtes pas, vous revêtez ce que l'on appelle dans la vie courante la "crédulité" d'une couche de respectabilité que j'estime injustifiée. La foi peut mener aussi bien au christianisme qu'à l'islam, au shintoïsme, à la scientologie ou à n'importe quoi d'autre, ce qui en dit long sur son utilité.

Songez que des croyants d'une multitude d'autres religions jugent probablement que des gens tels que vous peuvent "être tenus coupables" de non-appartenance à leurs cultes respectifs. Vous semblez convaincu que votre croyance est la bonne, mais la profusion de religions différentes, qui rassemblent des adeptes tout aussi convaincus que vous, indique que vous avez très probablement tort.
Si votre propre objectif est d'obtenir, mettons, avec un soupçon de naïveté enfantine, des sourires sincères de la part des gens que vous croisez, la nature même de votre objectif vous empêche d'avoir recours à la force et à la contrainte (puisque le critère de sincérité ne serait pas respecté), et il implique plus ou moins obligatoirement que vous aurez un certain nombre d'échecs dans le processus. Mais il n'est pas envisageable que dans une masse de mines froissées, vous rencontreriez quelques sourires, et que votre objectif soit donc, en un sens, validé.
Je comprends votre exemple, qui ne m'empêchera toutefois pas de penser que si l'objectif de Dieu est de créer une humanité "déifiée" livrée à l'Amour, Dieu a échoué. Le monde est bien sûr riche en histoires positives, mais elles n'effacent hélas en rien les souffrances. Mettre tout cela sur le dos du libre arbitre est un peu facile. Même si tous les hommes disposent du libre arbitre (ce dont je ne suis pas sûr), on sait parfaitement que l'environnement d'une personne influe sur ses choix. Dieu aurait pu mettre l'humanité dans de meilleures conditions, pour que l'exercice de son libre arbitre ne soit pas aussi ravageur.

On peut en outre se demander ce que vous entendez par « libre arbitre ». D’un côté, tous les hommes, sans exception, sont pécheurs ; de l’autre, Dieu ne pèche jamais. Comment expliquer cette différence radicale ? Puisque tant Dieu que les hommes disposent du libre arbitre, ce gouffre ne peut s’expliquer que par la « nature » humaine… qui ne peut être que le résultat de la volonté divine. On ne peut que rester interdit devant la malice de Dieu, qui crée sciemment un être imparfait, en lui demandant de passer sa vie à se débarrasser de mille tares dont il est lui-même intrinsèquement dépourvu !

En allant plus loin encore, on peut se demander si Dieu lui-même est doté de libre arbitre. En célébrant la perfection éternelle de Dieu, les croyants ne reconnaissent-ils pas implicitement que Dieu qu’il n’est pas libre de pécher ?

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Alex H. » mar. 23 août 2016, 15:08

@Galilée

Je ne pense pas que les paroles de Soeur Emmanuelle fassent avancer le schmilblick. Dire "Les hommes font la guerre et en même temps ils demandent à Dieu de les protéger.", c'est passer à côté du problème, parce que des millions/milliards de gens souffrent sans avoir rien fait pour mériter leur sort. Des enfants meurent de la guerre, de la faim, de maladies ou de catastrophes naturelles tous les jours ; qui osera dire qu'ils l'ont mérité ?

D'autre part, je ne vois pas en quoi la souffrance de Jésus résout quoi que ce soit. D'après moi, c'est d'ailleurs l'un des concepts les plus indéfendables du christianisme : l'idée qu'un sacrifice, qu'un supplice volontaire, "rachète" ou adoucit toutes les autres souffrances. Cette célébration primitive de la souffrance rédemptrice, je ne la comprends pas.

Enfin, comme je l'ai déjà dit, si c'est le libre arbitre qui est à l'origine de tous les maux de la Terre, comment se fait-il que Dieu ne pèche pas ? Est-il dépourvu de libre arbitre ? Si la réponse est non, pourquoi tous les hommes pèchent-ils, alors que Dieu ne pèche jamais ? Il doit exister une différence fondamentale entre l'homme et Dieu, et cette différence ne peut être que voulue par ce dernier.

Dieu, et personne d'autre, a créé l'univers et l'homme. Si l'histoire est une suite de guerres, de massacres et d'autres péchés en tous genres, on ne peut pas innocenter l'Architecte qui a dessiné les plans de A à Z. Dire le contraire relève de l'aveuglement ou de la mauvaise foi.

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Héraclius » mar. 23 août 2016, 16:52

Bonjour Alex,
Est-il irrationnel de considérer que Dieu désire justement qu'on lui demande quelque chose pour l'accorder ?
Irrationnel, non ; infantile, oui.
En quoi "infantile", si Dieu accorde une valeur particulière au fait de demander ? Si j'ai besoin d'humilité, mais que je ne la demande pas à Dieu, est-ce que je la mérite, est-ce que je suis disposé à la recevoir ?
Même celui qui souffre, tant qu'il ne se supprime pas, accepte de facto son existence telle qu'elle est et de ce fait ne peut que rendre grâce.
Je trouve cette affirmation extraordinaire. Si vous aviez le pouvoir de créer un être, que vous le tourmentiez tous les jours jusqu'à sa mort, et que vous laissiez dans sa geôle un couteau lui permettant de se suicider à tout moment, verriez-vous dans l'absence de suicide un signe de votre bonté ?
Non, mais ce n'est pas cela que je défends. Ce que je veux dire, c'est que les hommes, dans leur majorité, ont le désir de vivre, parce qu'ils aiment la vie, et la vie qu'ils possèdent est un don de Dieu.
D'autre part, nous croyons que les séismes et toutes les souffrances concourent à l'oeuvre divine d'amour absolu.
Il s'agit d'une croyance étonnante, au sens premier du terme. Je vous invite à réfléchir à ce que ressent un enfant qui meurt à petit feu, écrasé ou étouffé par un pan de mur qui s'écroule durant un tremblement de terre, à ce que ressent sa mère qui le cherche pendant des jours, avant de retrouver son cadavre en putréfaction sous les décombres. Croire que tout cela est nécessaire et n'est en fin de compte que la manifestation d'un amour absolu demande une foi dont je suis personnellement incapable. Les moyens de Dieu sont-ils tellement limités qu'il ne puisse arriver à son but sans créer par la même occasion une infinité de souffrances indicibles ?
L'objection de la souffrance de l'enfant n'a aucune réponse totale et absolue. Cependant, j'aurais deux morceaux de réponse :

1/ L'enjeu de l'existence humaine, qui est l'amour et la béatitude éternelle, est tellement énorme que l'on pourrait tout à fait envisager que Dieu puisse recourir à des moyens extrêmes pour le résoudre. En un sens, 80 années de tortures ne sont rien face à l'immensité d’une éternité bienheureuse.

2/ Dieu lui-même a abandonné son fils à la mort, et à une souffrance que les catholiques considèrent être la plus grande du monde. Bien au-delà de la souffrance physique de la croix, le Christ est considéré comme ayant subi une souffrance spirituelle absolument supérieure à tout ce qui est imaginable, peut-être une souffrance infinie. Si bien que lorsque nos poings se lèvent d'une incompréhension légitime en voyant la souffrance de l'innocent, Dieu n'est pas comme un souverain nous regardant de haut, mais comme un innocent parmi les innocents, couvert de plus de sang que tous les innocents réunis.
Ce qui ne veut pas dire, pour prendre l'exemple qui est le vôtre, que le type de l'athée "de raison" ne peut être tenue coupable de sa non-appartenance au catholicisme. Certains, sans doute, à cause de leurs déterminismes et de leurs aprioris. Mais beaucoup sont pleinement responsable de ne pas avoir cherché suffisamment, de ne pas avoir usé de la raison avec suffisamment de rigeur, d'avoir favorisé des opinions qui les dérangent moins dans leurs choix d'existence.
Il me semble que vous inversez les rôles en reprochant à certains athées "de ne pas avoir usé de la raison avec suffisamment de rigueur". La foi est nécessaire pour croire, or qu'est-ce que la foi, sinon l'absence d'arguments raisonnables ? Si vous étiez capables de démontrer que Dieu existe, vous ne vous en priveriez pas. Comme vous ne l'êtes pas, vous revêtez ce que l'on appelle dans la vie courante la "crédulité" d'une couche de respectabilité que j'estime injustifiée. La foi peut mener aussi bien au christianisme qu'à l'islam, au shintoïsme, à la scientologie ou à n'importe quoi d'autre, ce qui en dit long sur son utilité.


Je renverse les rôles tels qu'il sont conçus par une certaine vision athée néo-positiviste qui a beaucoup d'idées préconçues sur la religion. Je ne parle pas néssécairement de vous en particulier.

En tout cas, la vision de la foi que vous donnez, comme une mise de côté de la raison pour embrasser l'absurde ou l'inconnaissable, n'est pas catholique. Ce serait même une sorte particulière d'hérésie, que l'on appelle fidéisme. Cette position théologique n'est embrassée dans le monde chrétien que chez les protestants.

Le catholicisme s'est toujours présenté comme une religion ancrée dans la raison, et a toujours présentée son idée de la foi comme d'un instrument qui se constitue avec pour assise, fondement et origine la raison.

Je crois tout à fait que l'on puisse démontrer l'existence de Dieu, et personne ne s'en prive. La néssécité d'un premier moteur immobile/cause première était déjà conçue par Aristote. Sous les traits de la métaphysique classique, cette intuition originale de la philosophie grecque s'est trouvée perfectionnée.

On ne peut, à l'évidence, démontrer de la même façon la vérité du catholicisme, en tant qu'il s'agit d'une certaine conception de l'être premier et nécessaire envisagé par la métaphysique et d'une certaine lecture de l'histoire humaine, mais on peut du moins démontrer, au sens philosophique, la rationalité de la foi catholique. On peut montrer qu'il est rationnel d'adhérer à la foi catholique de la même manière que, mettons, il est rationnel de croire qu'il existe d'autres esprits que les nôtres, même si au sens strict il n'est pas possible d'être certain de l'existence d'autres consciences que la nôtre propre.
Songez que des croyants d'une multitude d'autres religions jugent probablement que des gens tels que vous peuvent "être tenus coupables" de non-appartenance à leurs cultes respectifs. Vous semblez convaincu que votre croyance est la bonne, mais la profusion de religions différentes, qui rassemblent des adeptes tout aussi convaincus que vous, indique que vous avez très probablement tort.
Parce que je considère que ma position métaphysique est intellectuellement, esthétiquement et moralement supérieure à celles des autres, et que je sais très bien pourquoi j'ai cette conception des choses et pourquoi eux ont la leur.

Un exemple fort simple d'argument qui peut être présenté pour réduire considérablement la force de l'objection classique de la multiplicité des religions : une bonne partie des religions contemporaines ne font pas d'apologétique, c'est à dire qu'elles ne s'adonnent pas à l'exercice de la défense philosophique et systématique de leurs conceptions spirituelles. Je n'ai jamais vu de défense intellectuelle de l'existence de telle ou telle divinité hindoue ou de tel ou tel esprit shamanique d'Afrique de l'Ouest. Même le Bouddhisme, par exemple, s'est constitué comme une réponse aux données "naturelles" de l'hindouisme, qui incluaient une certaine forme de métempsycose, laquelle manque singulièrement de fondements rationnels.

L'apologétique est un phénomène historiquement confiné aux grandes religions abrahamiques, et singulièrement au christianisme en particulier, qui est sans doute la religion, qui, dans ses formes non-protestantes, a toujours donné un rôle proéminent à la raison.

Je doute que des figures philosophiques comme celles d'un Thomas d'Aquin, d'un Leibniz, d'un Kant, d'un Hegel, d'un Bergson, pour en citer une poignée, aient pu se constituer dans un cadre shintoïste. Si on accepte ce fait, au demeurant parfaitement évident, on accepte qu'il existe des degrés distincts de comptabilités à la raison parmi les religions mortes ou présentes. Si ces degrés existent, il faut en mesurer l'ampleur ; je crois cette dernière considérable.
Si votre propre objectif est d'obtenir, mettons, avec un soupçon de naïveté enfantine, des sourires sincères de la part des gens que vous croisez, la nature même de votre objectif vous empêche d'avoir recours à la force et à la contrainte (puisque le critère de sincérité ne serait pas respecté), et il implique plus ou moins obligatoirement que vous aurez un certain nombre d'échecs dans le processus. Mais il n'est pas envisageable que dans une masse de mines froissées, vous rencontreriez quelques sourires, et que votre objectif soit donc, en un sens, validé.
Je comprends votre exemple, qui ne m'empêchera toutefois pas de penser que si l'objectif de Dieu est de créer une humanité "déifiée" livrée à l'Amour, Dieu a échoué.


Mais comment voulez-vous mesurer cela à l'aune du monde que nous contemplons ? Il ne s'agit nullement de considérer l'humanité comme un peuple en marche vers un progrès façonné par la main de Dieu et tendant vers la déification promise. Non, ce serait à l'évidence une erreur, puisque le dernier siècle de notre histoire est aussi, à certains égards, le plus atroce. Si cette humanité sauvée existe, c'est dans la communion des saints, c'est à dire dans tous ceux qui, toutes époques confondus, ont choisis de préférer l'autre à eux-mêmes en suivant le commandement divin "Tu aimeras Dieu et ton prochain".
Le monde est bien sûr riche en histoires positives, mais elles n'effacent hélas en rien les souffrances. Mettre tout cela sur le dos du libre arbitre est un peu facile. Même si tous les hommes disposent du libre arbitre (ce dont je ne suis pas sûr), on sait parfaitement que l'environnement d'une personne influe sur ses choix. Dieu aurait pu mettre l'humanité dans de meilleures conditions, pour que l'exercice de son libre arbitre ne soit pas aussi ravageur.
Le libre arbitre n'est à l'évidence pas en lui-même une réponse au problème de la souffrance, en tout cas pas dans l'usage courant de l'argument "la souffrance existe parce que les hommes ont le libre-arbitre". En cela, vous avez tout à fait raison.

Cependant, la souffrance a d'autres explications. Notamment, il est très difficile d'imaginer un acte d'amour véritable sans souffrance. Il n'y a pas de sacrifice de soi au profit de l'autre si ce sacrifice n'en est pas un. Or, de celui qui se jette devant une balle pour sauver un autre être humain à celui qui se prive d'un peu d'agent pour offrir un repas à un homme qui a faim, tous les actes que nous qualifions de bon ne ressortent que d'une forme d'effort, et l'effort ne serait pas un effort si il n'était pas souffrance, si il n'était pas sacrifice de soi.

D'autre part, si nous étions tous bienheureux, comment pourrions-nous créer une solidarité interne aux êtres humains ? Comment venir en aide à ceux qui sont dans le besoin si personne n'est pas le besoin ? Comment soutenir le malade, comment sourire au défiguré, comment bénir son ennemi, comment peut-il y avoir la moindre once de désintéressement, d'altruisme, d'amour, sans souffrance ?

C'est en ce sens que la souffrance peut être conçue comme "mal néssécaire", parce quelle est une néssécité interne et externe à l'Amour qui est la seule vraie "valeur" (au sens "philosophique" du terme, pas au sens "valeur de la république").

Du reste, dans l'Evangile, les portes du ciel et donc de la béatitude s'ouvent d'abord aux pauvres, aux malades, aux souffrants...
On peut en outre se demander ce que vous entendez par « libre arbitre ». D’un côté, tous les hommes, sans exception, sont pécheurs ; de l’autre, Dieu ne pèche jamais. Comment expliquer cette différence radicale ? Puisque tant Dieu que les hommes disposent du libre arbitre, ce gouffre ne peut s’expliquer que par la « nature » humaine… qui ne peut être que le résultat de la volonté divine. On ne peut que rester interdit devant la malice de Dieu, qui crée sciemment un être imparfait, en lui demandant de passer sa vie à se débarrasser de mille tares dont il est lui-même intrinsèquement dépourvu !
Cette question a fait couler des rivières d'encre. Il est un peu difficile de la traiter en trois lignes, mais voici quelques pistes de réponses :

Le fait que par Adam le péché soit rentré dans le monde ne peut être séparé du fait que par le Nouvel Adam, le Christ, le péché ait été vaincu. Par la faute de l'un nous sommes fait pécheurs, mais par les mérites de l'autre nous sommes constitués saints.

Si nous sommes tous coupables du péché originel en un certain sens, l'Eglise dit bien que nous n'en sommes pas responsables pour autant. Comme dit le Catéchisme de l'Eglise Catholique :

405 Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché originel n’a, en aucun descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée " concupiscence ").

Le péché originel existe parce qu'il existe une forme de solidarité fondamental de l'espèce humaine, qui en quelque sorte a la capacité de "pécher collectivement". C'est ce que constitue le péché originel, de même que le Christ mort pour tous offre à chaque homme le moyen de s'extraire de ce péché collectif pour participer à la re-sanctification de l'humanité.
En allant plus loin encore, on peut se demander si Dieu lui-même est doté de libre arbitre. En célébrant la perfection éternelle de Dieu, les croyants ne reconnaissent-ils pas implicitement que Dieu qu’il n’est pas libre de pécher ?
Mon avis sur la question est que l'impeccabilité de Dieu n'est pas incompatible avec l'existence d'un libre-arbitre absolu en Dieu (libre arbitre mis en évidence par le fait que Dieu, en tant que cause première incausée, est indéterminé à un niveau fondamental). En effet, Dieu est purement en acte, c'est à dire que Dieu n'est pas quelqu'un qui se trouve agir, mais pure action, ou plutôt les deux en même temps. Donc le choix de Dieu, le choix totalement libre de haine absolue du mal, est en réalité sa nature même, parce que la nature de Dieu et "ses choix" ne sont pas distincts.


Dieu vous garde.


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Héraclius » mar. 23 août 2016, 17:00

D'autre part, je ne vois pas en quoi la souffrance de Jésus résout quoi que ce soit. D'après moi, c'est d'ailleurs l'un des concepts les plus indéfendables du christianisme : l'idée qu'un sacrifice, qu'un supplice volontaire, "rachète" ou adoucit toutes les autres souffrances. Cette célébration primitive de la souffrance rédemptrice, je ne la comprends pas.
Tenez, si vous voulez bien vous prêter au jeu : pouvez-vous nous décrire de votre propre point de vue la conception catholique du sacrifice de la croix, comme si j'étais sans connaissance de la foi des chrétiens et que vous m'exposiez sommairement la doctrine de ces gens-là ?
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Alex H. » mar. 23 août 2016, 18:56

Cher Héraclius,
Le catholicisme s'est toujours présenté comme une religion ancrée dans la raison, et a toujours présentée son idée de la foi comme d'un instrument qui se constitue avec pour assise, fondement et origine la raison.
Je pense que c'est le propre de toute religion : "j'ai la foi (c.-à-d. "je crois parce que je crois"), mais soyez assuré que que ma foi est parfaitement raisonnable !"
Je crois tout à fait que l'on puisse démontrer l'existence de Dieu, et personne ne s'en prive. La néssécité d'un premier moteur immobile/cause première était déjà conçue par Aristote. Sous les traits de la métaphysique classique, cette intuition originale de la philosophie grecque s'est trouvée perfectionnée.
La théorie de la "cause première" ne résout rien. Je pourrais vous répondre "et d'où vient Dieu ?" Dire que Dieu est éternel et n'a pas de cause, c'est un peu court, vous ne trouvez pas ? En outre, vous "expliquer" un mystère (disons le Big Bang) en le remplaçant par un mystère plus grand encore (Dieu). La vérité, c'est que ni vous ni moi ne savons d'où nous venons.
Parce que je considère que ma position métaphysique est intellectuellement, esthétiquement et moralement supérieure à celles des autres, et que je sais très bien pourquoi j'ai cette conception des choses et pourquoi eux ont la leur.
Ce genre de choses change en fonction des lieux et des époques. Les pays islamiques étaient jadis les plus avancés et les plus érudits. La Chine a dominé et dominera probablement encore le monde. Le Japon n'est pas en reste. L'Occident d'origine judéo-chrétienne n'a pas toujours été le phare du monde et ne le restera pas éternellement. Le fait que vous connaissiez si peu de grands esprits non chrétiens devrait vous inciter à élargir vos horizons. Mais ne citez-vous pas vous-même Aristote ?
L'apologétique est un phénomène historiquement confiné aux grandes religions abrahamiques, et singulièrement au christianisme en particulier, qui est sans doute la religion, qui, dans ses formes non-protestantes, a toujours donné un rôle proéminent à la raison.
Le christianisme n'est considéré comme "raisonnable" que par les chrétiens, ce qui devrait vous mettre la puce à l'oreille. De nombreux chrétiens peuvent user brillamment de la raison dans des domaines autres que la religion, mais leur croyance elle-même est parfaitement irrationnelle. Mon opinion personnelle est d'ailleurs que les croyants qui s'efforcent d'expliquer leur foi la rabaissent : par définition, l'objet de la foi n'a pas d'explication (s'il en avait une, la foi ne serait pas nécessaire). Chercher à expliquer que la foi a des bases rationnelles, c'est déjà nier la foi.
D'autre part, si nous étions tous bienheureux, comment pourrions-nous créer une solidarité interne aux êtres humains ? Comment venir en aide à ceux qui sont dans le besoin si personne n'est pas le besoin ? Comment soutenir le malade, comment sourire au défiguré, comment bénir son ennemi, comment peut-il y avoir la moindre once de désintéressement, d'altruisme, d'amour, sans souffrance ?
Les chrétiens se trouvent face à une question extrêmement épineuses : expliquer le mal dans un monde créé par un être parfaitement bon. Les explications que vous avancez montrent que le problème est insoluble. Je vous le dis en toute honnêteté et sans la moindre intention de vous offenser : ce que vous écrivez est absurde et choquant. Personnellement, quand la sœur de mon épouse est morte de cancer à l'âge de 50 ans après une longue agonie (un malheur somme toute courant et banal), je ne me suis pas dit "merci Seigneur de me donner cette occasion de démontrer mon altruisme, mon soutien et mon sourire". Aujourd'hui, des années plus tard, je ne me dis pas "cette épreuve nous a fait grandir, je suis content de l'avoir vécue, de toute façon elle est bien au Paradis". Il y a quelque chose de malsain et de dérangeant dans cette volonté béate de voir dans l'horreur un signe d'amour que nous sommes trop obtus pour comprendre.
Tenez, si vous voulez bien vous prêter au jeu : pouvez-vous nous décrire de votre propre point de vue la conception catholique du sacrifice de la croix, comme si j'étais sans connaissance de la foi des chrétiens et que vous m'exposiez sommairement la doctrine de ces gens-là ?
Dieu crée l'homme pécheur. Lorsque l'homme, fidèle à sa nature, pèche effectivement, Dieu inflige un terrible châtiment à l'homme et à tous ses descendants. Mais Dieu, qui est bon, décide soudain de permettre à l'homme de se racheter. Au lieu de faire savoir la bonne nouvelle à l'humanité, Dieu choisit d'envoyer son fils, qui est un peu lui-même, pour qu'il soit torturé et massacré. Et c'est lorsque l'homme commet le pire des crimes, à savoir le déicide, que l'homme est sauvé. Dans les anciennes religions, l'homme essayait d'apaiser le courroux divin par le sacrifice humain. Le christianisme est infiniment plus pervers (je ne trouve pas d'autre terme) : Dieu condamne son fils à d'atroce souffrances et à la mort afin de se convaincre lui-même de sauver les hommes, ou comme préambule gratuit à la possibilité du salut.

Vous ne serez bien entendu pas d'accord avec ce compte-rendu. Je connais les arguments visant à démontrer que blanc, c'est noir et noir, c'est blanc, que tout cela a un sens si l'on y pense bien. C'est le problème de la foi : par définition, la croyance est vraie, et tout le reste est tordu jusqu'à devenir compatible avec la doctrine. A nouveau, toute critique est impossible. Tout ce qui est explicable va de soi, et tout ce qui est inexplicable donne lieu à des interprétations invraisemblables qui ne convainquent que ceux veulent être convaincus. Vous voulez croire à l'utilité, voire au caractère indispensable, des abominables souffrances humaines : c'est votre droit. Mais vous n'arriverez malheureusement (?) à convaincre personne faisant usage de sa raison que vous êtes dans le vrai, parce que vos arguments ne sont pas basés sur la raison.

Merci,

Alex

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Pathos » mar. 23 août 2016, 19:11

Bonjour
Pour convaincre notre ami, peut être faudrait-il commencer par expliquer le commencement : création des anges avant les hommes et la rébellion d'un des plus puissants de l'un d'eux lorsqu'il apprend le projet suprême de Dieu : la création de créatures inférieurs en dons mais qui n'auront pas un statut de serviteurs...
Donc Dieu poursuis son œuvre d'amour mais le Mal est déjà présent !
Une nation n'est pas ce qu'elle pense d'elle même dans le temps mais ce que Dieu pense sur elle dans l'éternité. Soloviev

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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par elenos » mar. 23 août 2016, 20:58

A l'attention d'Alex H
Nous avons tous ici notre expérience de la prière
La mienne ne vus apprterait rien de plus que les témoignages que vous avez reçus et particulièrement celui d'Heraclius
Relisez-les et que Dieu complète pour vous ces réponses

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Héraclius
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Re: Du rôle de la prière

Message non lu par Héraclius » mar. 23 août 2016, 21:40

Cher Alex,
Je pense que c'est le propre de toute religion : "j'ai la foi (c.-à-d. "je crois parce que je crois"), mais soyez assuré que que ma foi est parfaitement raisonnable !"
Je refuse tout à fait cette définition de la foi. Je ne crois pas parce que je crois. Vous ne pouvez pas m'obliger à assumer une doctrine protestante que je rejette ; vous pouvez critiquer les raisons qui selon moi fondent ma foi, mais pas dire que par définition la foi n'a pas de fondement, puisque je donne (et le catholicisme donne) une autre définition du terme. Vous pouvez dire "vos fondements sont faux" mais pas dire "vous ne considérez pas la néssécité de fonder votre foi puisqu’elle est foi".
La théorie de la "cause première" ne résout rien. Je pourrais vous répondre "et d'où vient Dieu ?" Dire que Dieu est éternel et n'a pas de cause, c'est un peu court, vous ne trouvez pas ? En outre, vous "expliquer" un mystère (disons le Big Bang) en le remplaçant par un mystère plus grand encore (Dieu). La vérité, c'est que ni vous ni moi ne savons d'où nous venons.
Votre réponse sur ce point montre votre incompréhension de la nature de l'argument d'Aristote et des métaphysiciens qui l'on amélioré.

Prenons l'argument sous la forme qu'il a dans la troisième "voie" de Saint Thomas d'Aquin :

1 - On pose la question de Leibniz : "pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien ?"

2 - L'Univers, soit la totalité des êtres, des choses qui sont, est composé d'êtres contingents, c'est à dire d'êtres qui n'ont pas en eux-mêmes la néssécité de leur existence.

3 - Si l'Univers est composé d'êtres contingent, il n'est pas explicable et donc irrationnel.

4 - Il doit donc exister un être néssécaire, c'est à dire un être qui ne tient pas la raison de son existence dans un autre être, mais en lui-même.

Bien sûr, c'est un résumé extrêmement rapide, qui ne répond pas à beaucoup de questions légitimes.

Mais l'idée centrale que dégage la métaphysique dans son ensemble, c'est qu'il faut une autre sorte d'être que l'être tel qu'on l'entend habituellement (soit, l'être contingent), un être que l'on dit néssécaire, qui contient son explication par lui-même. L'objection "mais quelle est l'explication, la cause de l'être nécessaire" est absurde, parce qu'elle repose sur une incompréhension du raisonnement : ce dernier démontrer qu'il ne peut pas y avoir que des êtres causés, que c'est une idée irrationnelle, et que le monde ne peut exister qui si il existe un être incausé. Pour réfuter l'argument cosmologique, il faut rejeter sa première conclusion, soit "il ne peut pas exister que des êtres causés". Arriver à sa seconde conclusion en demandant ce qui cause l'être incausé est absurde. Il repose sur l'idée que les prémisses de l'argument contiendraient l'idée que "tout être a une cause", ce qui est précisément ce qu'il dénonce comme absurde.

Je m'excuse si je ne suis pas très lair, tout cela est difficile à articuler clairement : n'hésitez pas à réclammer des précisions !
Parce que je considère que ma position métaphysique est intellectuellement, esthétiquement et moralement supérieure à celles des autres, et que je sais très bien pourquoi j'ai cette conception des choses et pourquoi eux ont la leur.
Ce genre de choses change en fonction des lieux et des époques. Les pays islamiques étaient jadis les plus avancés et les plus érudits. La Chine a dominé et dominera probablement encore le monde. Le Japon n'est pas en reste. L'Occident d'origine judéo-chrétienne n'a pas toujours été le phare du monde et ne le restera pas éternellement. Le fait que vous connaissiez si peu de grands esprits non chrétiens devrait vous inciter à élargir vos horizons. Mais ne citez-vous pas vous-même Aristote ?
Nous sommes là sur quelques incompréhensions, mon cher. ;)

1/ Il ne s'agit pas de déclarer que la civilisation occidentale est supérieure, mais de dire que la doctrine chrétienne, en tant que philosophie systématique, est supérieure. C'est tout à fait différent. Je ne dis pas que la cour d'Aix la Chapelle en 800 était plus brillante que celle de la Bagdad de la même époque ; je pense même le contraire. Je dis que la théologie des membres de la cour carolingienne était supérieure à celle de la cour Abbasside. On peut avoir une théologie supérieure et pour autant une littérature, une technologie, un art inférieur.

2/ Il ne s'agit pas non plus de dire que seul l'occident a eu de grands penseurs, ou seul le christianisme. Il s'agit de dire que, si l,on compare l'Occident chrétien et le Japon Shinto, on trouvera sans doute dans les deux de grands littérateurs, de grands artistes, de grands scientifiques ; mais vous ne trouverez pas de grand philosophe systématique de la religion. La philosophie de la religion est un champ de la philosophie, et qi s'exprime principalement par l'usage de la pensée métaphysique. On en trouve chez les musulmans et les juifs par exemple (Averroès, Maïmonide), mais on en trouvera pas dans la tradition shinto. Les philosophes athées débattent de l'argument moral kantien, aucun ne discute de la crédibilité des mythes shinto (et il ne se trouve personne, dans l,histoire, pour les défendre de façon rigoureuse et systématique).

Si toutes les religions (pas les civilisations, je parle bien des doctrines dans leur cohérence intellectuelle) ne sont pas égales dans la production de philosophes systématiques, c'est sans doute parce que certaines sont plus aisées à articuler intellectuellement que d'autre. Ergo : il y a des degrés de rationalité dans les religions.

Le christianisme n'est considéré comme "raisonnable" que par les chrétiens, ce qui devrait vous mettre la puce à l'oreille.


Cet argument est absurde. Si quelqu'un considère le christianisme rationnel, il va se convertir au christianisme. Lorsque Edith Stein, philosophe athée, a fini après des années d'études de la question à reconnaître la crédibilité du Christianisme, elle s'est converti. Pareil pour un Maritain. On ne saurait imaginer un athée qui, reconnaissant la rationalité, la raisonnabilité du christianisme, ne se convertisse pas. Ce serait absurde. Donc oui, tous les gens qui considèrent le catholicisme rationnel sont des catholiques ; il en est de même pour l'athéisme. "Rares" sont les croyants à tenir l'athéisme pour raisonnable.

Tiens, un contre-exemple me vient : Bergson, cité au-dessus, qui n'a pas voulu se convertir formellement depuis son agnosticisme parce qu'il était ethniquement juif et que, la seconde guerre et les persécutions approchant, il voulait rester solidaire de ses frères. Il s'est contenté de demander des funérailles catholiques.

Mais bon, ce n'est pas un contre-exemple qui va nous amener bien loin.
De nombreux chrétiens peuvent user brillamment de la raison dans des domaines autres que la religion, mais leur croyance elle-même est parfaitement irrationnelle.


Ce n'est pas ce qu'ils pensaient de leur pensée philosophico-religieuse. Vous pouvez rejeter leurs arguments, pas leur faire dire ce qu'ils ne pensaient pas.
Mon opinion personnelle est d'ailleurs que les croyants qui s'efforcent d'expliquer leur foi la rabaissent : par définition, l'objet de la foi n'a pas d'explication (s'il en avait une, la foi ne serait pas nécessaire). Chercher à expliquer que la foi a des bases rationnelles, c'est déjà nier la foi.
Je vous rapporte à ce que j'ai dit plus haut sur votre définition de la foi, qui est "catholiquement hérétique". Ne nous faites pas assumer ce que nous rejetons. L'idée de la foi que vous avez est une idée protestante.

La distinction entre la foi rationnelle est la pure raison est que la pure raison démontre tout, pas la foi rationnelle. C'est un peu grossier (voir carrément lacunaire), mais la foi rationnelle serait plus une sorte de confiance placée dans la position la plus belle et la plus probable, à défaut de l'existence d'une explication démontrable et totalisante.
Les chrétiens se trouvent face à une question extrêmement épineuses : expliquer le mal dans un monde créé par un être parfaitement bon. Les explications que vous avancez montrent que le problème est insoluble. Je vous le dis en toute honnêteté et sans la moindre intention de vous offenser : ce que vous écrivez est absurde et choquant. Personnellement, quand la sœur de mon épouse est morte de cancer à l'âge de 50 ans après une longue agonie (un malheur somme toute courant et banal), je ne me suis pas dit "merci Seigneur de me donner cette occasion de démontrer mon altruisme, mon soutien et mon sourire". Aujourd'hui, des années plus tard, je ne me dis pas "cette épreuve nous a fait grandir, je suis content de l'avoir vécue, de toute façon elle est bien au Paradis". Il y a quelque chose de malsain et de dérangeant dans cette volonté béate de voir dans l'horreur un signe d'amour que nous sommes trop obtus pour comprendre.
Il ne s'agit pas, encore une fois, de bénir l'horreur, de s'en réjouir. Voir l'horreur comme un mal nécessaire, ce n'est pas la voir comme un bien. C'est la voir comme un mal, mais un mal servant un propos supérieur.

Le Christ, lorsqu'il apprend la mort de son ami Lazare dans le Saint Evangile, ne se réjouit pas en donnant une leçon sur la néssécité du mal. Il pleure.

DIeu n'aime pas permettre le mal. Il n'a juste pas d'autre choix.

Dieu crée l'homme pécheur.


C'est l'homme qui pèche à l'échelle collective, pas Dieu. Adam est créé bon, simplement, il a la possibilité de faire le mal, condition de la possibilité de refuser cette option et de faire le bien.
Mais Dieu, qui est bon, décide soudain de permettre à l'homme de se racheter. Au lieu de faire savoir la bonne nouvelle à l'humanité, Dieu choisit d'envoyer son fils, qui est un peu lui-même, pour qu'il soit torturé et massacré. Et c'est lorsque l'homme commet le pire des crimes, à savoir le déicide, que l'homme est sauvé. Dans les anciennes religions, l'homme essayait d'apaiser le courroux divin par le sacrifice humain. Le christianisme est infiniment plus pervers (je ne trouve pas d'autre terme) : Dieu condamne son fils à d'atroce souffrances et à la mort afin de se convaincre lui-même de sauver les hommes, ou comme préambule gratuit à la possibilité du salut.

Vous ne serez bien entendu pas d'accord avec ce compte-rendu. Je connais les arguments visant à démontrer que blanc, c'est noir et noir, c'est blanc, que tout cela a un sens si l'on y pense bien. C'est le problème de la foi : par définition, la croyance est vraie, et tout le reste est tordu jusqu'à devenir compatible avec la doctrine. A nouveau, toute critique est impossible. Tout ce qui est explicable va de soi, et tout ce qui est inexplicable donne lieu à des interprétations invraisemblables qui ne convainquent que ceux veulent être convaincus. Vous voulez croire à l'utilité, voire au caractère indispensable, des abominables souffrances humaines : c'est votre droit. Mais vous n'arriverez malheureusement (?) à convaincre personne faisant usage de sa raison que vous êtes dans le vrai, parce que vos arguments ne sont pas basés sur la raison.
Vous pourriez nous accorder le bénéfice de considérer nos arguments au lieu de leur dénier par avance toute crédibilité au nom du fait que nous sommes des idiots, des genre de "doux fanatiques", peut être pas violent mais pas très intelligents dans leur adhésion aveugle à une idée. Il y a quelque chose de curieux dans le fait que les athées expliquent souvent ce qu'ils croient aux chrétiens. Vous m'excuserez de ne pas assumer le portrait que vous faites de mon usage de la raison et de prendre ce dernier tel qu'il est, ce qui n'empêche certainement pas de le critiquer.

L'idée du sacrifice de la croix repose sur la réalité du péché, qui elle-même repose sur la réalité de l'Amour.

1/ Le Catholicisme postule qu'il n'y a rien de plus grand que l'Amour. Cette idée de l'amour au sens chrétien est fondé sur l'intentionnalité, le désintéressement. Rien n'est plus beau que l'acte de celui qui se sacrifie pour l'autre. Le don de soi est la plus belle chose qui soit, le service de l'autre, l'humilité, le refus de la gloire personnelle, le fait de tenir les autres comme plus important que soit ; c'est le coeur des choses.

2/ Malheureusement, cet amour ne peut être que libre ; il ne peut exister qu'à la condition d'être refusé. Ce refus, c'est le péché, c'est le fait de préférer sa gloire personnelle au service de l'autre. C'est le fait d'être riche et de laisser le pauvre crever à sa porte. C'est le fait d'être fort et d'opprimer le faible, c'est le fait de jouir son bonheur sans regarder le malheur des autres, c'est le fait de ne pas compatir au sort de celui qui est délaissé. Le péché est une chose grave, une offense immense. Dieu, nous créateur, le trois fois saint, est profondément atteint par l'acte du péché. Il nous donne l'être, soit tout, et nous lui rendons la négation de tout ce qu'il chérit, nous lui rendons, créatures théomorphique, l'image d'une immonde parodie de ce que nous étions destinés à être.

3/ L'offense à Dieu et au prochain est donc terrible, et nous avons tous, à un moment ou à un autre, péché. Il n'y a pas besoin d'une longue introspection pour se rendre compte que nous sommes la fin de la plupart de nos objectifs, et que nous usons souvent des autres comme de moyens.

4/ Or, dans toute réconciliation humaine, il faut plusieurs choses. D'abord, le repentir ; dire "pardon" au prochain et à Dieu. Mais il faut aussi compenser le mal que l'on a fait. Si vous détruisez la voiture de votre voisin, vous ne pouvez pas juste lui demander pardon. Ce ne serait pas le retour d'une vraie relation. Non, vous devez lui rembourser sa voiture, pour ne pas rester en dette avec lui et reprendre une relation aimante avec lui. Or cette compensation, nous ne pouvons pas la fournir. Notre péché est plus grand que les œuvres que nous pouvons lui faire.

5/ Du coup, un tiers, le Fils, qui est du reste lui-même Dieu, se propose de payer notre dette. C'est un pote qui vient vous voir, voit que vous ne pouvez pas aider votre voisin, que vous avez pourtant un repentir sincère, et vous donne donc l'argent pour repayer la voiture de votre voisin. Notre dette envers Dieu est, bien sûr, une dette d'Amour, pas une dette monétaire, et elle doit donc être payés par une oeuvre d'Amour qui dépasse les péchés de toute l'humanité.

6/ Ainsi se constitue le système sacrificiel, comme un moyen de répondre au problème de la dette d'Amour. Au départ, on sacrifie des choses qui nous coûtent, moutons, encens et céréales. Non pas parce que Dieu a l'usage de ces biens, mais parce qu'ils montrent notre "sacrifice interne", notre "intentionnalité d'Amour". Sauf que comme on l'as vu, ces petits sacrifices ne compensent pas la dette d'Amour. Par contre, le sacrifice du Christ, qui est parfait (parce que sa disposition d'esprit et son désintéressement sont parfaite), lui, peut rembourser la dette, et même la rembourser de façon surabondante, donner plus que ce qui était demandé. Cela ne veut pas dire que Dieu ait d'avantage l'usage du sang du Christ que du sang des agneaux des sacrifices juifs. Mais la disposition du coeur de celui qui se sacrifie pour tous est tellement belle, tellement humble, que l'intentionnalité d'Amour du Christ, cet amour que recherche Dieu, est totalement suffisante pour rembourser le manque d'intentionnalité d'Amour des hommes.



Vous êtes libres de qualifier cette idée de primitive. Je trouve que c'est la plus belle idée du monde. Ce Dieu tout humble, qui vient laver nos pieds dans ses larmes et nos âmes dans son sang, qui bénit ses tortionnaires et partout proclame le règne de l'amour, le règne des esprits "doux et humbles de coeur", jusque dans sa mort, voilà le tableau le plus beau qu'un esprit humain ait conçu. C'est plus "qu'acceptable", c'est de l'ordre du "trop beau pour être vrai". L'esprit sceptique devrait d'avantage être choqué par l'angélisme de cette vision que par son apparente folie. Du reste, le monde antique après avoir méprisé avec incompréhension ces gens qui adoraient un Dieu cruxifié (quoi de plus absurde et laid qu'un Dieu faible - un Dieu qui souffre ?), aura fini par reconsidérer son jugement. Et l'image d'un homme torturé et rayonnant d'être partout représentée et admiré.


Amicalement et dans le Christ,


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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