Le traditionalisme et l'intégrisme

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Jean-Mic
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Jean-Mic » lun. 12 juil. 2021, 22:56

PaxetBonum a écrit :
lun. 12 juil. 2021, 20:01
L'autel n'est pas Notre Seigneur.
Il repose patiemment dans le Tabernacle.
...
Fée Violine a écrit :
lun. 12 juil. 2021, 20:32
Si, pendant la messe, on peut dire que l'autel est Notre Seigneur. Du moins, c'est sur l'autel que Notre Seigneur se trouve, c'est là que s'accomplit le sacrifice.
Pendant la messe, c'est l'autel qu'on salue et non le tabernacle
...
Je n'ai pas voulu répéter ce que j'avais écrit plus haut :
Jean-Mic a écrit :
ven. 09 juil. 2021, 19:17
... vers le Seigneur, présent dans les Saintes Espèces, vers l'autel de son sacrifice, et vers sa croix.
Je vous rappelle que, théologiquement parlant, dans l'Eucharistie, le Christ est à la fois lui-même le prêtre et la victime du sacrifice. Il me semble que cet enseignement vient de saint Augustin, et qu'il a été repris par saint Thomas d'Aquin. Chez Thomas d'Aquin, le Christ est aussi l'autel du sacrifice, mais je vous avoue humblement que ce concept est moins clair pour moi.

Par ailleurs, dans la célébration de l'Eucharistie, c'est bien TOUTE la messe qui est eucharistique !
La messe est en effet tout entière eucharistique en ce sens que chaque instant, chaque geste, chaque rubrique (pour reprendre la terminologie traditionnelle), du premier pas de la procession d'entrée, jusqu'à la dernière note de chant ou d'orgue de l'envoi, est nécessaire à la réalisation du mystère eucharistique.
(Je le crois sincèrement, mais le moderniste que je suis vous concède que ça ne saute pas aux yeux dans certaines célébrations. En revanche, la célébration telle qu'elle est détaillée et rubricisée dans la PGMR, et telle qu'elle est célébrée dans bien plus de messes post-conciliaires que beaucoup de tradis ne veulent l'admettre.)

En conséquence de quoi, je suppose que nous tomberons d'accord pour dire que : être tourné vers l'autel est la seule attitude qui convienne durant TOUTE la célébration.
Vers l'autel, mais pas vers le tabernacle !
Au risque de vous choquer, je vous rappelle que la célébration eucharistique n'a pas besoin du tabernacle !
Cela vous surprend ? Regardez bien ! Un seul exemple, dont je sais qu'il vous parlera : pensez à toutes ces messes scoutes auxquelles vous avez participé sans qu'il y ait jamais eu besoin d'une réserve eucharistique sur l'autel planté dans la clairière, ni même à proximité.
Pensez surtout à la messe des messes : la messe de la nuit de Pâques, fondation et modèle de toutes les messes. Elle n'a aucun besoin d'une réserve, ou d'un tabernacle, pour être célébrée, bien au contraire. Si la messe de Pâque le fait, c'est que toutes les messes peuvent le faire.
Je reviendrai là-dessus dans un message à venir.

Je laisse la conclusion à Fée Violine :
Fée Violine a écrit :
lun. 12 juil. 2021, 20:32
Pendant la messe, c'est l'autel qu'on salue et non le tabernacle...
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Jean-Mic » lun. 12 juil. 2021, 23:06

PaxetBonum a écrit :
lun. 12 juil. 2021, 20:01
On pourrait donc aussi étudier la place des tabernacles pour voir comment cette assemblée autour de l'autel se situe par rapport à Dieu.
Chiche ! :-D Je vous prépare un petit topo sur le sujet...
Je l'avais évoqué dans mon message sur l'orientation (ou pas) des églises au cours des siècles. Laissez-moi juste un peu de temps pour l'écrire.
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par PaxetBonum » mar. 13 juil. 2021, 9:11

Jean-Mic a écrit :
lun. 12 juil. 2021, 22:56
Au risque de vous choquer, je vous rappelle que la célébration eucharistique n'a pas besoin du tabernacle !
Bonjour Jean-Mic

Cela ne me choque en rien, bien évidement.
Mais… si les saintes espèces sont là dans le tabernacle elles ont la priorité.
La disposition par rapport au tabernacle est essentielle.
Je n'ai jamais vu de disposition plus conforme que l'autel face au tabernacle et le prêtre et les fidèles tournés unanimement vers Lui.


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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Fée Violine » mar. 13 juil. 2021, 9:46

Priorité sur l'eucharistie ?
Alors quel intérêt de célébrer la messe ?
Notre Dieu est le Dieu vivant, il est dans le présent, alors que la réserve eucharistique c'est la messe d'hier, à l'origine la réserve eucharistique n'était pas destinée à être adorée mais à porter la communion aux malades.

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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Gaudens » mar. 13 juil. 2021, 11:04

Le fil est en train de changer de sujet:la place respective de l'autel et du tabernacle tant dans l'église que dans la conscience des fidèles,spécialement pendant les célébrations.
J'en profite pour glisser un HS qui m'importe beaucoup, en particulier comme choriste et spectateur de concerts dans les églises -du moins dans la vie d'avant ... Je ne sais si la place du tabernacle interfère dans la question mais je suis désolé et mal à l'aise quand je constate ,grâce à l'ampoule rouge du tabernacle,que la réserve eucharistique n'est pas enlevée pendant répétitions et concerts.Sauf l'autre jour dans une église confiée à la FSSP où le tabernacle était largement ouvert et vide pendant un concert de musique sacrée.Il me semble que cela devrait être une règle absolue.

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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par PaxetBonum » mar. 13 juil. 2021, 14:49

Fée Violine a écrit :
mar. 13 juil. 2021, 9:46
Priorité sur l'eucharistie ?
Priorité à Dieu présent dans l'eucharistie sans discussion aucune.
Dans le tabernacle c'est Jésus qui est là, comment ne pas Lui donner toute priorité ?
Fée Violine a écrit :
mar. 13 juil. 2021, 9:46
Notre Dieu est le Dieu vivant, il est dans le présent, alors que la réserve eucharistique c'est la messe d'hier,
Oui Dieu est vivant et même Vie !
Dans le tabernacle les saintes espèces de la veille ne sont pas mortes…


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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Jean-Mic » mer. 14 juil. 2021, 18:43

PaxetBonum a écrit :
mar. 13 juil. 2021, 14:49
Dans le tabernacle c'est Jésus qui est là, comment ne pas Lui donner toute priorité ?
Dans la messe, en acte du premier pas de la procession d'entrée à la dernière note de l'envoi, c'est Jésus qui est là, comment ne pas Lui donner toute priorité ?

PaxetBonum a écrit :
mar. 13 juil. 2021, 14:49
Oui Dieu est vivant et même Vie !
Dans le tabernacle les saintes espèces de la veille ne sont pas mortes…
Totalement d'accord avec vous !
Cela n'empêche pas de privilégier l'action liturgique en cours pendant la messe, à la réserve eucharistique qui N'est, durant la messe, QU'une réserve dans laquelle on dépose les Espèces non consommées et dans laquelle on puisera ensuite pour les absents.
La formulation messe d'hier vs. messe d'aujourd'hui ne me semble, pas plus qu'à vous, pas adaptée pour parler des différentes modalités de la présence du Christ dans l'Eucharistie...
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Bibracte » jeu. 15 juil. 2021, 22:10

Bonsoir,

Au sujet de l'orientation, rappelons :

- Que le Concile Vatican II n'a jamais demandé à ce que le prêtre célèbre face aux fidèles;

- Que le missel de Paul VI (ainsi que l'édition actuelle de 2002) présume que le prêtre est orienté vers l'autel dans le même sens que les fidèles (d'où la mention du prêtre qui se retourne vers les fidèles pour l'Orate fratres, mention étrangement supprimée par l'éditeur de la version française); que cependant, il a par la suite été demandé à ce qu'on puisse faire le tour des autels et y célébrer face au peuple (mais ce n'est pas une obligation);

- Que la messe a été célébrée vers l'orient depuis les apôtres, y compris dans les églises "occidentées" pour des raisons topographiques comme St Pierre de Rome (le prêtre étant alors tourné vers la porte d'entrée, donc vers l'orient).

Pour plus de détails, il y a cet article fort bien documenté: https://espritdelaliturgie.org/2020/02/ ... -orientee/
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Ombiace » ven. 16 juil. 2021, 7:38

Je ne peux que difficilement faire l'économie de ce témoignage : Quelque chose trouve à mes yeux sa plénitude lorsqu'une assemblée, attachée à la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie s'agenouille, se relève, ponctuant ainsi les moments charnières de la messe.
Or, tout comme la phrase sans ponctuation peut fort bien comporter un autre sens que la phrase avec, j'avoue trouver une "saveur" dans ces génuflexions qui est comme au ragoût la sauce que l'on y accommode. J'y trouve matière de révélation..

Bien sur,
la relation est d'abord celle du fidèle à son Sauveur, Christ Roi; Une prosternation devant un miracle en cours, comme Saint Pierre lors de la pèche miraculeuse

Elle est aussi, cependant je trouve,
une relation entre fidèles; La cohésion de l'assemblée n'atteint-elle pas un point culminant, alors que le silence permet d'accueillir, certes individuellement, mais aussi simultanément, chacun baigné dans les mêmes paroles de la liturgie, en communion de faim et de soif, ce pain et de ce vin de la vie éternelle?

Cette communion de faim et de soif ne serait-elle pas, en même temps que l'occasion de s'inféoder au Pain vivant,-ne serait-elle pas- manifestée par la déférence dont témoigne le fidèle pour cette précieuse Eucharistie qui le soustrait à cette faim et à cette soif communes? C'est en répondant "oui" à cette question que je salue, chers frères et soeurs, les manifestations déférentes que vous adressez à l'Autel, sans lesquelles la plénitude que j'évoquais au début du message ne serait pas. C'est ainsi que les choses prennent sens!

Trinité
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Trinité » sam. 24 juil. 2021, 23:49

Je ne savais pas ou poster cette info ;

J'ai lu sur le Figaro qu'en France, il se déroulait par dimanche, 200 messes extraordinaires, pour 15.000 messes ordinaires .

Je ne sais pas si cette information est fiable.

Par contre, 6 messes extraordinaires par dimanche , dans le Morbihan ou j'habite., pour 308 Eglises.

Trinité
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Trinité » dim. 25 juil. 2021, 15:23

Sur le débat relatif à la messe "tradi" et la messe Paul VI , je vous soumets cet article intéressant intitulé :


Un prêtre Belge témoigne :




Un prêtre belge témoigne: j’étais traditionaliste
Présentation

Par l’Abbé Pierre N., prêtre belge

Prêtre diocésain depuis presque quinze ans, curé de plusieurs paroisses, j’ai toujours été intéressé par les questions liturgiques. Très tôt, j’ai découvert ce que l’on appelle de façon abusive “la Tradition” et la “Messe traditionnelle”. J’ai fréquenté les “fraternités sacerdotales” Saint-Pierre et Saint-Pie X… A l’heure de l’entrée au séminaire, j’ai décidé de devenir prêtre diocésain. Après une formation complète et dispensée par des professeurs consciencieux, j’ai été ordonné au début des années 2000.

J’ai appris à célébrer la “forme extraordinaire” du rite romain. Nommé vicaire de sept paroisses, j’ai évidemment célébré tous les jours la Messe de Paul VI. Néanmoins, je profitais de diverses occasions pour célébrer la “messe tridentine”. Mon cœur tendait vers cette liturgie que je souhaitais faire connaître à mon entourage. Avec le recul, je me rends compte que mes motivations étaient négatives. Je comparais sans cesse “l’ancien” et “le nouveau” rite en approfondissant le premier et en nourrissant une multitude de préjugés sur le second.

Les nombreux exemples d’abus liturgiques me poussaient dans ce sens. Dans ce domaine, j’ai plus ou moins tout vu et tout entendu : pains “pitta” à la place des hosties, absences d’ornements, diktats grotesques d’équipes liturgiques, célébrations plus proche du carnaval que du renouvellement du Sacrifice de la Croix… Le tout au nom de la créativité pastorale. En fait, je regardais la Messe de Paul VI uniquement sous l’angle des abus. Je dois avouer que je l’ai rarement vu célébrée correctement et jamais dans sa forme normative. Avec le recul, je me dis que si tel avait été le cas, je n’aurais sans doute pas eu autant de préjugés.
La découverte du monde “tradi”.

Désirant la célébration de la messe dite “traditionnelle”, j’ai fréquenté différentes fraternités : Saint-Pie X et Saint-Pierre. J’y connais beaucoup de fidèles et de prêtres. Je ne juge donc pas les sentiments de foi et de piété qui les animent. J’ai connu de saints prêtres et d’autres beaucoup moins… Comme partout. J’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup questionné. J’ai rencontré, hélas, beaucoup d’orgueil. Que de prêtres et de fidèles de ces groupuscules ont la certitude d’être les dépositaires de la bonne manière de faire au milieu d’une Eglise “gangrénée” par le “modernisme” et le « progressisme”.

Le problème c’est plutôt la perte de la foi

Dans ce milieu aussi, j’ai plus ou moins tout vu et tout entendu, jusqu’à l’écœurement. Sans juger des bonnes intentions de nombreux fidèles, mais en regardant attentivement la situation, je ne peux m’empêcher de constater que ces groupes constituent une Eglise dans l’Eglise. Au fond – et cette appréciation n’engage évidement que moi – le discours de base de ces deux fraternités ne varient que très peu, à quelques détails près… Ce qui se dit à voix haute d’un côté est murmuré à l’oreille de l’autre avec cette même assurance que seule ce qu’ils considèrent comme “la Tradition” est la solution à la crise que traverse l’Eglise.

En y réfléchissant bien, je me dis que si on avait une solution universelle et immédiate, on l’aurait déjà appliquée Le problème de la perte de la foi est malheureusement plus profond qu’une simple question de rites.

Un prêtre lui a dit que la nouvelle messe était de la viande avariée

Je crois que le danger est d’éclater l’Eglise en une multitude de “chapelles” qui deviennent de véritables “ghetto”, seuls bastions de la “vraie foi” et de la “Tradition”. Les dérives sont nombreuses et effrayantes. Je pourrais citer de nombreux exemples dont j’ai moi-même été le témoin direct. Je me souviens de cette demoiselle, fidèle de la fraternité Saint-Pierre. Obligée de travailler occasionnellement le dimanche, et ne pouvant assister à la “vraie messe” le matin, elle faisait le soir plus de cent kilomètres pour assister sans scrupule à une messe basse célébrée dans une église de la fraternité Saint-Pie X, de peur de perdre la foi en allant près de chez elle à une “messe… protestante”. Quand on connaît le statut canonique de ces prêtres de la fraternité Saint-Pie X, on se demande où est le protestantisme…


Les abus liturgiques ont contribué à crisper les fidèles

Je me souviens d’une autre personne qui communiait de ma main quand je célébrais la messe dans la forme extraordinaire et qui refusait cette même communion quand je célébrais dans la forme ordinaire… Je me souviens d’un jeune dérouté parce qu’un prêtre lui avait dit : “La nouvelle messe est de la viande avariée ou de l’eau croupie. On peut y assister si on n’a rien d’autre, mais si l’eau vive de la Tradition coule à proximité, il n’y a pas d’hésitation possible à avoir afin d’éviter à long terme l’empoisonnement. » Si on suit logiquement ce raisonnement, c’est toute l’Eglise qui a sombré dans l’apostasie.

Ouvrir les yeux, c’est risque de perdre la foi et quitter un système sécurisant

Face à ces aberrations, le dialogue est quasiment impossible. On est directement accusé d’être un menteur (“On n’a jamais dit ça ”, “Vous exagérez… ”) ou un moderniste. J’ai personnellement attiré l’attention d’une connaissance sur le danger de l’intégrisme et de la radicalisation dans ces “saintes chapelles” : elle est partie… refusant le dialogue et m’assurant que ce n’était pas vrai. Comme si rectifier, aborder certains sujets, ouvrir les yeux, c’est risquer de perdre la foi, c’est quitter un système sécurisant et un certain milieu social.

Quand on regarde les chiffres des tradis, on est loin du miracle

Certaines motivations des traditionalistes sont plus politiques que religieuse

La propagande interne de ces groupes assure que c’est au sein de la “Tradition” que se trouve la relève et qu’on y voit beaucoup de familles. Mais si l’on regarde froidement les chiffres (à l’échelle mondiale et même nationale), on se rend vite compte qu’on est loin du miracle. Lors de mes nombreux apostolats auprès des enfants et des jeunes gens, j’ai souvent constaté que ceux qui priaient le moins bien venaient précisément “du milieu” et que le vernis, si brillant soit-il, se craquelait assez vite chez ceux qui quittaient leur “milieu”.

De plus, j’ai pu constater que certains fidèles qui optaient pour ce “milieu” ne le faisaient pas uniquement pour une question liturgique, mais également pour “épouser” certaines idéologies qui s’éloignent fortement de la dimension religieuse. Greffer des idéologies sur la foi est une véritable tragédie car cela compromet fortement la fidélité à l’enseignement du Christ et un apostolat auprès d’un public large et varié. Ces idéologies sont généralement politiques et frôlent bien souvent l’extrémisme.
Redécouverte de la Tradition de l’Eglise.

Au fil de mes rencontres et de mes lectures, je découvre peu à peu une autre réalité. J’entends un autre son de cloche… J’aborde la question de la “Tradition” avec des confrères diocésains, j’accepte de lire autre chose.

Il n’y a pas de rupture entre l’ancienne et la nouvelle messe

Un paroissien, qui est devenu un ami, me fait découvrir le site internet “Pro Liturgia” et me donne quelques bonnes lectures, entre autres les écrits de Benoît XVI et de Denis Crouan. C’est tout d’abord l’étonnement, puis l’émerveillement. Je redécouvre certains textes du dernier Concile et la véritable Tradition de l’Eglise. Je m’aperçois que cette appellation a été indûment employée par des fraternités pour justifier une certaine pastorale et attirer les fidèles lassés par les abus liturgiques. Cette réflexion a pris du temps… Peu à peu, je tire quelques conclusions de cet approfondissement.

Contrairement à ce que ces groupuscules traditionnalistes font croire, il n’y a pas de rupture entre le passé et le présent, entre le missel de 1962 et celui de 1969. Les textes officiels (Concile, Présentation générale du Missel romain, les textes de S. Jean-Paul II et de Benoît XVI…) insistent précisément sur la continuité de la Tradition de l’Eglise.
La Messe restaurée.

La Messe restaurée par l’Eglise à la demande du dernier Concile et du Bx Paul VI n’est pas synonyme de pauvreté liturgique, très loin de là. Pour ceux qui le souhaitent, la célébration normative est aussi possible en latin et orientée. Tout prêtre peut célébrer de la sorte Les derniers propos du Cardinal Sarah, Préfet pour le Culte divin, l’attestent à nouveau.

Tout prêtre peut célébrer en latin et vers l’Orient dans le nouveau rite

A l’analyse, on se rend vite compte que la structure entre les deux missels est évidemment identique et que si certaines prières ont été supprimées lors de la réforme conciliaire, c’est pour éviter les “doublets” et les accumulations parfois tardives de l’histoire. Il n’y a pas une “Messe de toujours” mais une “Eucharistie de toujours” célébrée par un rite qui a inévitablement changé au fil du temps. Le souhait du dernier Concile était de rendre à ce rite (le rite romain) sa beauté primitive, en mettant davantage en lumière les deux grandes parties de la Messe : la liturgie de la Parole et la
liturgie Eucharistique.

Si la messe était célébrée correctement, on ne ferait pas des kilomètres pour aller chez les tradis

Je pense que le mouvement traditionnel s’est développé en réaction aux abus liturgiques. Il est clair qu’il est plus facile de trouver une “messe tridentine” que d’assister à une messe célébrée dans la forme ordinaire en latin sur un autel orienté. Bien plus, je suis persuadé que si cette dernière solution avait été proposée dès la réforme du Missel, il n’y aurait pas eu cet éclatement liturgique que nous connaissons aujourd’hui.
foto-abuso-liturgico-4477

Les abus liturgiques sont souvent justifiés par la « pastorale » ou pour que « les jeunes comprennent ».

Lors de mes nombreuses conversations avec des fidèles fréquentant des chapelles ou églises “traditionnelles”, j’ai souvent entendu la même réflexion : “Si la Messe était célébrée correctement dans notre paroisse, on ne ferait pas des kilomètres pour aller à tel endroit…” Dans beaucoup de cas, le déplacement n’est pas motivé par le désir de la “messe tridentine” mais tout simplement par l’attrait d’une célébration où l’on retrouve un certain sens du sacré, malheureusement souvent confondu avec un décorum pompeux, désuet et généralement de mauvais goût. Je me suis souvent
demandé si la plupart des fidèles seraient d’ailleurs capables de faire la différence entre la “messe tridentine” et une “messe de Paul VI” célébrée dans de bonnes conditions. La majorité trouverait sans doute une telle célébration selon le Missel actuel très… “traditionnelle”.
Le Lectionnaire

A l’usage, il faut reconnaître que le Lectionnaire de 1962 est étriqué. En ce qui concerne les messes quotidiennes, c’est quasiment tous les jours les mêmes lectures. A croire que l’Ecriture Sainte se limite à la “Femme vaillante” du livre de la Sagesse (messe des Saintes Femmes non martyres) ou au “Sel de la terre” de l’Evangile (messe des Confesseurs). Bien sûr, il est possible d’utiliser les messes votives et les messes pour certaines circonstances… Mais on ne fait dès lors plus mention du saint du jour. A l’usage, je comprends pourquoi l’Eglise a élaboré un Lectionnaire plus complet pour la célébration de la messe. Il me semble bon que le fidèle soit confronté à la Parole de Dieu (même les extraits déroutants ) pour ne pas sombrer dans une multitude de dévotions qui éloignent son cœur du sens même de la célébration.
Le danger d’idéaliser un passé qui n’a jamais existé
Les anciennes messes ressemblaient rarement à ça.

Quand on étudie l’histoire de la liturgie, on constate que la célébration présentée par certains comme “traditionnelle” n’est devenue la norme universelle qu’au courant du XIXe siècle. Dans ses nombreux écrits, Denis Crouan, Docteur en théologie, démontre qu’il ne faut pas confondre la grande Tradition de l’Eglise avec des habitudes et un décor hérité du siècle passé. Il semble acquis que la célébration a varié au cours des âges, étant sauves les parties essentielles de la Messe qui en constituent le fondement. On ne peut pas mettre sur le même plan les prières au bas de l’autel et les prières de la Consécration…

La solution n’est pas de mettre la messe en conserve

Je pense que la forme “extraordinaire” de la Messe que l’on voit aujourd’hui est “exemplaire” (et n’a dès lors pas existée historiquement) dans le sens où elle n’est choisie que par les prêtres qui la célèbrent et les fidèles qui y assistent. Dès lors, cette forme est conservée dans un bocal hermétique, ce qui est contraire à la vie même de l’Eglise au cours des siècles.

Affirmer que cette Messe est un rempart contre les abus liturgiques, c’est méconnaître l’histoire qui est remplie d’anecdotes savoureuses sur la façon dont certains prêtres la célébraient autrefois.

Vouloir utiliser une recette ancienne pour affronter les problèmes d’aujourd’hui, est-ce souhaitable et judicieux ? Bien sûr, l’Eglise doit puiser dans sa Tradition pour vivre le présent, mais elle n’a jamais absolutisé une situation ou une époque. Son génie a toujours été de s’adapter à chaque situation pour porter l’Evangile au plus grand nombre. La solution n’est donc pas dans la reproduction d’un passé aujourd’hui désuet : elle est dans une saine acceptation de la Tradition vivante de l’Eglise, comme l’a développé le dernier Concile.
Un chemin exigeant

Avec le temps, je pense que la vie de l’Eglise n’est ni dans le progressisme, ni dans le traditionalisme. L’attitude vraiment fidèle n’est-elle pas de vivre aujourd’hui dans l’Eglise en puisant dans la richesse de sa Tradition pour regarder l’avenir avec confiance ? Dans ce sens, le passé n’est ni à rejeter, ni à absolutiser. Qu’on le veuille ou non, les situations ne sont plus les mêmes qu’il y a cinquante ans Le nier et faire “comme si”, c’est faire preuve d’un aveuglement spirituel. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu de Concile, comme s’il n’y avait pas eu de réforme liturgique
Il faut soutenir les jeunes prêtres qui célèbrent correctement la messe



On ne peut pas figer la vie de l’Eglise dans les usages d’une époque aujourd’hui révolue. Je connais des prêtres, religieux ou diocésains qui empruntent ce chemin : ils sont fiers de la Tradition de l’Eglise ; ils portent à l’occasion la soutane (qui n’est pas réservée aux prêtres des fraternités) et célèbrent la liturgie selon les véritables règles établies par l’Eglise. Je pense que les fidèles soucieux de Tradition doivent soutenir ces initiatives afin d’éviter que celle-ci ne soit confisquée par certains groupes qui en travestissent le sens. C’est un chemin exigeant car il ne satisfait ni les “progressistes” qui y voient une forme de “retour en arrière”, ni les “traditionnalistes” qui y voient du modernisme. C’est pourtant, selon moi, la seule attitude vraiment ecclésiale.
La voie facile consiste à tolérer quelques “chapelles tradis” dans un diocèse… et de laisser plus ou moins tout faire ailleurs. “Chacun fait ce qu’il lui plaît”, comme le dit la chanson… Mais est-ce souhaitable et catholique à long terme ? Il me semble que l’avenir passe par une saine réappropriation de la Tradition par tout prêtre. Celle-ci n’est pas l’apanage ou “la marque de fabrique” de tel ou tel groupe mais elle est le trésor de toute l’Eglise.

En guise de conclusion, il me semble important que chaque prêtre catholique célèbre la Messe selon les règles actuelles du Missel romain, c’est-à-dire dans la forme ordinaire, en utilisant toutes les possibilités du rite restauré et en refusant le “bricolage liturgique”. C’est, à mon humble avis, la seule solution contre la radicalisation de certains fidèles. Fort heureusement, la réalité et la vitalité de l’Eglise dépassent largement les groupuscules traditionnalistes, même s’ils font beaucoup de bruits en France et même en Belgique par l’importation de prêtres… français.

Il importe donc de considérer l’Eglise dans sa dimension universelle qui, pour être crédible face à nos contemporains, doit affronter les problèmes de ce temps avec audace et fidélité à l’enseignement du Christ.

Chaque prêtre a le devoir d’œuvrer pour l’unité de l’Eglise. Dans la crise de la foi et de l’autorité que nous vivons, le plus beau témoignage que le prêtre doit donner, c’est de vouloir ce que veut l’Eglise aujourd’hui, dans l’obéissance et la fidélité.

“Respecter la liturgie lorsqu’elle évolue dans le seul but de traduire la foi et la vie intime de l’Eglise, c’est manifester publiquement tant l’amour que nous portons au Christ que notre docilité à l’enseignement de son Eglise. C’est aussi favoriser, cultiver et approfondir la vertu d’obéissance par laquelle on a toujours su reconnaître les véritables disciples du Christ.” (Denis Crouan, Tradition et liturgie, Ed. Téqui., 2005)

Abbé Pierre N. , prêtre belge
Dernière modification par Trinité le dim. 25 juil. 2021, 23:43, modifié 1 fois.

Cinci
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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Cinci » dim. 25 juil. 2021, 19:06

Trinité :

Par contre, 6 messes extraordinaires par dimanche , dans le Morbihan ou j'habite., pour 308 Eglises.
C'est peu.

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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Cinci » dim. 25 juil. 2021, 19:12

Trinité :

cet article intéressant

Quel serait l'aspect intéressant pour vous et que vous retenez dans cet article ?

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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par Trinité » dim. 25 juil. 2021, 19:28

Bonjour Cinci,

En effet;

Malgré sa prise de position définitive pour la messe ordinaire, il dit des choses intéressantes , sans agressivité et pleines de réserves, pour les partisans du rite extraordinaire, dans le genre de :

En y réfléchissant bien, je me dis que si on avait une solution universelle et immédiate, on l’aurait déjà appliquée Le problème de la perte de la foi est malheureusement plus profond qu’une simple question de rites.

Ou ici :

Si la messe était célébrée correctement, on ne ferait pas des kilomètres pour aller chez les tradis

Ou encore:

Respecter la liturgie lorsqu’elle évolue dans le seul but de traduire la foi et la vie intime de l’Eglise, c’est manifester publiquement tant l’amour que nous portons au Christ que notre docilité à l’enseignement de son Eglise. C’est aussi favoriser, cultiver et approfondir la vertu d’obéissance par laquelle on a toujours su reconnaître les véritables disciples du Christ.” (Denis Crouan, Tradition et liturgie, Ed. Téqui., 2005)

Mais d'une façon générale, c'est un discours très pondéré.

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Re: Le traditionalisme et l'intégrisme

Message non lu par jibrillatein » lun. 26 juil. 2021, 10:50

Bonjour Trinité,
Par contre, 6 messes extraordinaires par dimanche , dans le Morbihan ou j'habite., pour 308 Eglises.
Je suis aussi du diocèse de Vannes. Dans mon doyenné (Elven), il était prévu qu'à la rentrée une messe extraordinaire soit célébrée de temps en temps. Si les fidèles sont nombreux, une messe dominicale sera mise en place... cependant, depuis le motu proprio, je ne sais pas si ce sera possible. Mgr Centène avait lui-même demandé qu'il y ait une messe extraordinaire, je pense qu'il ne fera pas de problèmes si elle est célébrée dans l'église paroissiale.

Fraternellement dans le Christ
Jb
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