Kerniou a écrit : ↑mar. 14 juil. 2020, 19:11
Tout ce qui permet de s'ouvrir au handicap me paraîtrait plutôt bon ...
Exactement.
Ce que je pointe ici, c'est le détournement d'une initiative purement généreuse, pour en faire un réquisitoire contre des croyants.
Les cafés Joyeux, s'ils font des petits profits, les réinvestiront dans l'emploi et l'inclusion des handicapés, c'est dans leurs principes. Les Bucaille ne s'enrichiront pas par les cafés Joyeux, c'est évident.
Cette initiative n'a qu'un but: l'inclusion des personnes en situation de différence. Mais il se trouve que ce noble but est venu à l'idée de leurs fondateurs par leur culture, et que leur culture est catho tradi. C'est là où le bât blesse.
Il est inconcevable pour certains que le "catho tradi", comprenez ici dans l'esprit de la journaliste le "croyant de toute façon trop engagé ", ne soit pas suspect d'intégrisme. La sauce prend toujours quand on pose en filigrane ce mot, et la journaliste ne se gêne pas pour le poser dans ses titres de chapitres. Ce mot fait peur. Fait mouche, donc. Et voilà, dans ce mot, la messe est dite, le croyant engagé est banni du respect du lecteur.
Pour mémoire, le résumé et les sous-titres de l'article, ainsi que les passages les plus polémiques :
Derrière les cafés Joyeux, la galaxie catholique réactionnaire, (c'est le titre)
Côté rue, l’enseigne Café Joyeux présente un visage avenant où bonté de cœur et esprit d’entreprise œuvrent de concert pour favoriser l’intégration au monde du travail de personnes en situation de handicap cognitif. Côté cour, ses intrications avec les sphères les plus réactionnaires du catholicisme français questionnent. Tout comme les soutiens institutionnels et politiques dont elle bénéficie.
les sous-titres :
Soutien à la galaxie des associations catholiques, dont certaines très réactionnaires
Des proches de la Manif pour tous[/quote]
[quote]Une communauté qui « s’inspire du néo-pentecôtisme aux États-Unis »
« L’Emmanuel recrute dans la haute bourgeoisie et l’aristocratie »
avec son paragraphe :
Sur les questions bioéthique et de mœurs, l’Emmanuel se positionne sur la même ligne qu’Émeraude Solidaire : la communauté donne régulièrement la parole à Alliance Vita, au mouvement politique Sens commun (né dans le sillon de la Manif pour tous) ou encore à François-Xavier Bellamy, élu LR ouvertement opposé au mariage pour tous et à la PMA [7]. De 2015 à 2017, la communauté a même hébergé l’association Courage lors de ses rassemblements d’été.
Spécialisée dans les « thérapies de chasteté », inspirées des homothérapies états-uniennes, Courage organise des stages durant lesquels on enseigne l’abstinence à des personnes homosexuelles. En décembre 2019, après la parution d’un livre-enquête [8] sur le sujet qui visait particulièrement Courage, la Communauté de l’Emmanuel a pris ses distances dans un communiqué, tout en affirmant qu’il n’a « jamais été proposé de thérapies de guérison » à Paray-le-Monial. Un projet de loi vient par ailleurs d’être déposé par la députée LREM Laurence Vanceunebrock-Mialon pour les faire interdire, mais le site web de la Communauté de l’Emmanuel continue pour le moment d’y faire référence [9].
Ca va loin quand même dans l'extrapolation!
La question spécifique du handicap n’est pas neutre chez les catholiques conservateurs. Ainsi, la fondation Jérôme-Lejeune, à laquelle Émeraude Solidaire a accordé une subvention en 2017, a choisi de faire de la trisomie 21 le fer de lance de sa critique de l’avortement. « Signe le plus sûr du déclin d’une civilisation », l’avortement conduirait à un « eugénisme systématique » et à la potentielle disparition des personnes trisomiques, affirmait Jean-Marie Le Méné, président de la fondation, dans une tribune publiée par Valeurs actuelles la même année [10]. Socialement plus acceptable qu’une critique pure et dure du droit à l’avortement, le discours de défense des personnes trisomiques permet néanmoins de remettre en question le droit des femmes à choisir d’interrompre une grossesse. Selon le chercheur Josselin Tricou il y a, dans les milieux catholiques conservateurs, une « quasi instrumentalisation de la question de la personne handicapée face à cette société qui l’écrase » et qui présente l’enfant trisomique comme un « rescapé de l’avortement ».
Le discours "intégriste" est cité, tout y est : les mots manif pour tous, avortement, Lejeune, aristocratie, très réactionnaire, pentecôtisme, etc...
Mettez tout ça dans un seul et même article, qui au final parle de tout sauf de l'inclusion des handicapés par le travail, contrairement à ce qu'il annonce, et c'est sûr que le lecteur ne va plus voir que ça : intégrisme catholique.
Les cafés Joyeux encensés par les médias mainstream
avec la phrase :
Cependant, à rebours des commentaires dithyrambiques sur le Café Joyeux, le Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CLHEE), regroupant des personnes directement concernées par le handicap, a récemment publié un texte à charge contre l’entreprise [11]. Parmi les éléments pointés, la participation d’Antoinette Le Pomellec, manager du Café Joyeux de Rennes, à une « université de la vie » d’Alliance Vita en janvier 2019.
Le droit de cité des trisomiques vu à travers bien des filtres très spéciaux :
Pour le CLHEE, l’initiative est avant tout du « handi-washing », et sert de façade aux réseaux religieux, qui y trouveraient une façon de faire du prosélytisme. Selon Elena Chamorro, cofondatrice du collectif, ce faux-nez permettrait aux milieux catholiques de garder la main sur la question du handicap : « Les personnes handicapées mentales ont l’air d’être un public de choix pour la bonne action rentable. Ces entrepreneurs catholiques entendent nous imposer leur vision du monde et continuer d’imposer à la société leur vision du handicap. Le nom donné à l’enseigne est parlant. Comment ne pas penser aux Béatitudes "Heureux les pauvres en esprit…", quand on voit le nom, Joyeux, donné aux "équipiers" ? », ajoute-t’elle.
Des soutiens de poids au sein de l’entrepreneuriat catholique
Elena Chamorro pointe aussi du doigt la notion de « leadership vertueux », au cœur du « voyage du bien commun », qui a permis à 200 entrepreneurs français de se rendre au Vatican et d’y rencontrer le Pape en décembre 2019 [12]. Impulsé par des entrepreneurs catholiques, ce déplacement était l’occasion de soutenir trois « associations au service du bien commun », dont le Café Joyeux. Les participants au voyage, des « entrepreneurs et dirigeants engagés », étaient invités à faire des dons à ces initiatives.
Là encore, si elle n’est pas immédiatement mise en avant avec le « voyage du bien commun », derrière la vitrine humaniste affleure une vision particulière de la société et des mœurs : différents prélats participaient à l’événement, parmi lesquels se trouvait notamment Dominique Rey, l’évêque de Fréjus-Toulon, connu pour son engagement en soutien à la Manif pour Tous et à Marchons Enfants ! À ses cotés, Olivier de Germay, membre de la commission bioéthique des évêques de France, lui aussi publiquement opposé à la PMA. En 2016, ils signaient ensemble une tribune intitulée « Avortement : le droit à l’avis », dans laquelle l’avortement est décrit comme une « violence létale », un « drame social » et où était dénoncé le développement dans la société d’une « mentalité abortive » [13].
Et le pompon, la dénonciation sur le plan politique : Emmanuel Macron, pauvre victime qui derrière l'idée de soutenir les bonnes idées d'entreprise ne comprend rien au jeu de dupes...
Emmanuel et Brigitte Macron à l’ouverture du café Joyeux des Champs Élysées
D'abord, il faudrait replacer les choses. Des croyants engagés qui font des actions pour améliorer le sort de leurs prochains, il y en a plein, et ce n'est pas l'apanage des cathos tradis. Je ne sais pas, si cette initiative avait été d'une autre religion, si cela aurait autant gratté la journaliste. Peut-être, peut-être pas, je ne connais pas ses opinions.
Mais le croyant engagé dérange nettement, jusque dans sa bonne action. Parce que pour certains, un croyant engagé est une personne suspecte, une personne qui a forcément un but de déstabilisation de la société, qui ne peut agir qu'en poussant ses pseudopodes puants pour amoindrir le saint scientisme ou le saint journalisme, seuls habilités à servir une référence au raisonnement du lecteur. Certains voient le danger partout, dès lors qu'un acte trouve son origine dans une morale croyante. Ce que je pointe ici, les musulmans le connaissent bien, et depuis longtemps; tout acte de visibilité de leur part est systématiquement taxée d'intégrisme, et s'ils s'en défendent, la méfiance ne tombe pas , on les suspecte aussitôt de faire par derrière ce qu'ils ne peuvent faire par devant, à savoir influencer la sacro-sainte société laïque. Tout est suspect, rien n'est regardé pour ce qu'il est : un simple désir de vivre sa foi sans pour cela aller poser des bombes. J'ai pris l'exemple des musulmans, parce qu'il est connu de tous, mais c'est pareil pour toutes les religions.
Intégriste, dès le mot lâché dans l'esprit du lecteur, car s'il n'est pas cité, implicitement il est hurlé de façon assourdissante, nul besoin n'est d'essayer de démêler tel ou tel fil, il faut de toute façon tout jeter, car tout est suspect, rien ne peut être bon juste parce que l'acte d'un croyant est nécessairement engagé. Engagé pour quel but? Derrière tous ses prétextes, il ne peut être engagé que pour faire changer les opinions. Donc faire revenir la mentalité du lectorat au moyen-âge.
A la différence près, que si on cherche vraiment le contact avec un intégriste, il vaut mieux bien choisir à qui on va avoir affaire. Car si certains, en guise d'intégrisme, militent activement contre l'avortement, la PMA et autres, d'autres tuent des vies jusque dans les écoles.
Cette différence, pourtant fondamentale, est occultée dans un tel article. Car qu'est-ce que l'intégrisme? Est-ce vraiment manifester, s'exprimer dans le cadre légal de la république? Le convaincu qui va manifester contre une loi pour manifester son désaccord, ou dans l'espoir de la faire changer peut-il être un intégriste? Mais alors, si on estime que le manifestant anti-PMA recouvre le cas d'un intégrisme, alors les manifestations pro-LGBT d'une certaine époque étaient intégristes aussi? Les grévistes des mines du siècle dernier étaient intégristes aussi? Tous les gens qui manifestent contre une loi pour qu'elle ne passe pas, ou pour qu'elle change, dans leur profession, sont des intégristes aussi?
Non, bien sûr.
Le mot intégriste est volontairement galvaudé dans le but de montrer du doigt, pour discréditer, ostraciser, et unir contre une façon de penser le monde.
L'auteure de cet article a manifestement peur des croyants engagés, et récite parfaitement sa leçon issue du manuel du parfait rhéteur. Voir le mal partout, grossir et déformer les faits, faire des liens inexistants. Ca s'appelle bâtir la confiance et le vivre ensemble en France.
D'où Altior, que je cite précédemment, a raison : il suffit de penser autrement que la pensée unique pour être immédiatement périmé, discréditable à l'infini, jeté hors d'un système bien plus intolérant que ce qu'il veut bien admettre. Il n'existe plus qu'une seule façon de penser le monde, qu'on se le dise!