Bonjour Archi,
archi a écrit :
Il y a une chose qui me gêne dans ce point de vue. La justification de l'interdiction de communier est que le fidèle divorcé-remarié, qui n'a pas renoncé aux relations sexuelles avec son conjoint, est en état d'adultère, c'est-à-dire de péché mortel. Elle se base sur plusieurs versets des Evangiles, entre autres Luc 16, 18 « Tout homme qui répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. » (pour prendre le verset le plus clair - je passe sur les interprétations controversées de Mt 19,9).
Dans ce cas, l'urgence n'est pas de "proposer un autre chemin" aux divorcés-remariés, mais bien de leur rappeler qu'ils sont en état de péché mortel!
Mon expression "un autre chemin" est ambiguë. Je précise donc mon propos, qui me semble être ce que l'Eglise dit sur ce sujet.
Rappeler la position canonique de la personne (état de péché mortel) et proposer en toute charité une espérance pour les personnes dans cette situation, n'est pas antinomique. On peut fort bien faire les deux, comme nous y invite Saint Paul en 1 Corinthiens versets 1 à 8.
L'urgence, et c'est ce que j'ai essayé de dire au-dessus, c'est de faire les deux : la vérité sur l'état spirituel des personnes divorcées-remariées, et la charité envers ces personnes, de façon à ce qu'elles ne se coupent pas du Christ, et qu'elles ne pensent pas qu'elles sont au-delà de toute rédemption.
Ne se concentrer que sur le rappel du péché mortel, c'est oublier que le Christ pardonne, et c'est enfermer la personne dans son péché et dans une culpabilité d'autant plus grande qu'elle est en grande souffrance (surtout si elle a été abandonnée par son conjoint).
Ne se concentrer que sur la charité, en cédant sur le sens du mariage sacramentel, et diminuer la faute sous prétexte de souffrance, c'est mentir à cette personne sur la gravité de ses actes, actes dont elle aura à rendre compte devant Dieu au jour du jugement.
Il faut donc les deux. La difficulté n'est pas tant dans l'adaptation de la règle de l'Eglise sur les divorcés-remariés, mais dans la pastorale, et dans la façon de délivrer le message de l'Eglise aux personnes divorcées-remariées, de façon à ce qu'elles comprennent :
qu'elles ne sont pas rejetées, et qu'une espérance leur est accessible, avec l'Eglise et la communauté chrétienne
la portée très grave de leurs actes
archi a écrit :
D'un autre côté, qu'on envisage ce genre de choses montre bien à quel point il est délicat de qualifier de "péché mortel" une situation dont qui est peut-être subie au départ (par exemple le conjoint abandonné dans le cadre d'un adultère) dont le conjoint aura peut-être du mal à se sortir. La volonté de conversion est indispensable, comme elle l'est au pardon de tout péché. Mais ne peut-on reconnaître que (presque) toutes les conversions prennent du temps, la plupart ne deviennent pas de saints ascètes du jour au lendemain?
Il faut bien distinguer les choses. Etre abandonné par l'autre n'est pas du fait de la personne. Le péché mortel n'est pas caractérisé par le fait que la personne a été abandonnée par son conjoint. Comme vous l'avez rappelé, c'est le "remariage" qui peut caractériser l'état de péché mortel, alors que le "premier" mariage sacramentellement valide aux yeux de l'Eglise n'a pas été reconnu nul. Cela entraîne de fait une situation d'adultère, comme Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-Même nous le dit à travers l'Ecriture.
Le mensonge contemporain tient à ce raisonnement fallacieux :
La personne est abandonnée => elle ne doit pas rester seule car enfants/pas de revenus/autres => elle doit se remarier => elle a souffert, donc l'Eglise est inhumaine à ne pas lui accorder la communion.
Ce raisonnement mensonger, hérité de la conception du mariage aujourd'hui comme d'un statut social plus que d'un sacrement, peut être remplacé par un vrai chemin d'espérance, que nous propose l'Eglise :
La personne est abandonnée => elle ne doit pas rester seule car enfants/pas de revenus/autres => elle doit vivre cette épreuve avec le soutien de toute la communauté chrétienne, qui peut l'aider dans ce moment difficile ; un chemin de pardon et de réconciliation, long et douloureux mais fructueux, est possible.
Au passage, il existe des associations de divorcés qui continuent à vivre leur mariage dans la fidélité. Le bienheureux Jean Paul II le disait dans Familiaris Consortio, paragraphe 83 :
d) Personnes séparées, et divorcés non remariés
83. Divers motifs, tels l'incompréhension réciproque, l'incapacité de s'ouvrir à des relations interpersonnelles, etc., peuvent amener à une brisure douloureuse, souvent irréparable, du mariage valide. Il est évident que l'on ne peut envisager la séparation que comme un remède extrême après que l'on ait vainement tenté tout ce qui était raisonnablement possible pour l'éviter.
La solitude et d'autres difficultés encore sont souvent le lot du conjoint séparé, surtout s'il est innocent. Dans ce cas, il revient à la communauté ecclésiale de le soutenir plus que jamais, de lui apporter estime, solidarité, compréhension et aide concrète afin qu'il puisse rester fidèle même dans la situation difficile qui est la sienne; de l'aider à cultiver le pardon qu'exige l'amour chrétien et à rester disponible à une éventuelle reprise de la vie conjugale antérieure.
Le cas du conjoint qui a été contraint au divorce est semblable lorsque, bien conscient de l'indissolubilité du lien du mariage valide, il ne se laisse pas entraîner dans une nouvelle union, et s'emploie uniquement à remplir ses devoirs familiaux et ses responsabilités de chrétien. Alors, son témoignage de fidélité et de cohérence chrétienne est d'une valeur toute particulière pour le monde et pour l'Eglise; celle-ci doit plus que jamais lui apporter une aide pleine de sollicitude affectueuse, sans qu'il y ait aucun obstacle à son admission aux sacrements.
Pour les divorcés remariés, ce que dit l'Eglise est très clair, et reprend ce que je disais ci-dessus :
- [+] Texte masqué
- e) Les divorcés remariés
84. L'expérience quotidienne montre, malheureusement, que ceux qui ont recours au divorce envisagent presque toujours de passer à une nouvelle union, évidemment sans cérémonie religieuse catholique. Et comme il s'agit là d'un fléau qui, comme les autres, s'attaque de plus en plus largement aux milieux catholiques eux-mêmes, il faut d'urgence affronter ce problème avec la plus grande sollicitude. Les Pères du Synode l'ont expressément étudié. L'Eglise, en effet, instituée pour mener au salut tous les hommes, et en particulier les baptisés, ne peut pas abandonner à eux-mêmes ceux qui - déjà unis dans les liens du sacrement de mariage - ont voulu passer à d'autres noces. Elle doit donc s'efforcer, sans se lasser, de mettre à leur disposition les moyens de salut qui sont les siens.
Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l'obligation de bien discerner les diverses situations. Il y a en effet une différence entre ceux qui se sont efforcés avec sincérité de sauver un premier mariage et ont été injustement abandonnés, et ceux qui par une faute grave ont détruit un mariage canoniquement valide. Il y a enfin le cas de ceux qui ont contracté une seconde union en vue de l'éducation de leurs enfants, et qui ont parfois, en conscience, la certitude subjective que le mariage précédent, irrémédiablement détruit, n'avait jamais été valide.
Avec le Synode, j'exhorte chaleureusement les pasteurs et la communauté des fidèles dans son ensemble à aider les divorcés remariés. Avec une grande charité, tous feront en sorte qu'ils ne se sentent pas séparés de l'Eglise, car ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie. On les invitera à écouter la Parole de Dieu, à assister au Sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière, à apporter leur contribution aux oeuvres de charité et aux initiatives de la communauté en faveur de la justice, à élever leurs enfants dans la foi chrétienne, à cultiver l'esprit de pénitence et à en accomplir les actes, afin d'implorer, jour après jour, la grâce de Dieu. Que l'Eglise prie pour eux, qu'elle les encourage et se montre à leur égard une mère miséricordieuse, et qu'ainsi elle les maintienne dans la foi et l'espérance!
L'Eglise, cependant, réaffirme sa discipline, fondée sur l'Ecriture Sainte, selon laquelle elle ne peut admettre à la communion eucharistique les divorcés remariés. Ils se sont rendus eux-mêmes incapables d'y être admis car leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d'amour entre le Christ et l'Eglise, telle qu'elle s'exprime et est rendue présente dans l'Eucharistie. Il y a par ailleurs un autre motif pastoral particulier: si l'on admettait ces personnes à l'Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l'Eglise concernant l'indissolubilité du mariage.
La réconciliation par le sacrement de pénitence - qui ouvrirait la voie au sacrement de l'Eucharistie - ne peut être accordée qu'à ceux qui se sont repentis d'avoir violé le signe de l'Alliance et de la fidélité au Christ, et sont sincèrement disposés à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l'indissolubilité du mariage. Cela implique concrètement que, lorsque l'homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs - par l'exemple l'éducation des enfants -, remplir l'obligation de la séparation, «ils prennent l'engagement de vivre en complète continence, c'est-à-dire en s'abstenant des actes réservés aux époux»(180).
De la même manière, le respect dû au sacrement de mariage, aux conjoints eux-mêmes et à leurs proches, et aussi à la communauté des fidèles, interdit à tous les pasteurs, pour quelque motif ou sous quelque prétexte que ce soit, même d'ordre pastoral, de célébrer, en faveur de divorcés qui se remarient, des cérémonies d'aucune sorte. Elles donneraient en effet l'impression d'une célébration sacramentelle de nouvelles noces valides, et induiraient donc en erreur à propos de l'indissolubilité du mariage contracté validement.
En agissant ainsi, l'Eglise professe sa propre fidélité au Christ et à sa vérité; et en même temps elle se penche avec un cœur maternel vers ses enfants, en particulier vers ceux qui, sans faute de leur part, ont été abandonnés par leur conjoint légitime.
Et avec une ferme confiance, elle croit que même ceux qui se sont éloignés du commandement du Seigneur et continuent de vivre dans cet état pourront obtenir de Dieu la grâce de la conversion et du salut, s'ils persévèrent dans la prière, la pénitence et la charité.
archi a écrit :
Il est vrai que la situation est difficile, l'Eglise ne peut pas se permettre de brader d'un seul coup une tradition canonique plus que millénaire (ça a été fait dans d'autres domaines, parfois pour de très bonnes intentions, mais le résultat n'est guère brillant), elle ne peut pas se permettre de laisser penser que, finalement, le divorce et le remariage est une issue acceptable pour un mariage. L'évolution des moeurs peut justifier - et justifie probablement - une évolution de la discipline, mais toute évolution ne peut être que prudente et par petits pas. En même temps, il est urgent de sauver des âmes, de ne pas les laisser s'éloigner de l'Eglise. C'est ce qui fait qu'actuellement, tout en tenant fermement à l'interdiction de communier, elle tienne le discours que vous tenez. Mais ce moindre mal est-il vraiment satisfaisant, aussi bien théologiquement que pastoralement?
Relisez bien ce que j'ai cité ci-dessus. Je ne vois pas de problème particulier, du moment que l'on a bien compris ce que dit l'Eglise sur le sujet. Et c'est en parfaitement conformité avec ce que l'Eglise a toujours dit sur le mariage, dans la Tradition de l'Eglise.
archi a écrit :
J'ai beau chercher, je n'arrive pas à faire coller ensemble toutes les indications que nous donne la Tradition, dans toutes ses composantes. Il serait important d'approfondir l'histoire de la discipline du mariage (si quelqu'un connaît des sources précises là-dessus...).
Pouvez-vous expliciter simplement les incohérences que vous voyez dans la réponse de l'Eglise au cas des divorcés, remariés ou non ? Cela me semble, au contraire, très logique et parfaitement cohérent. Mais peut-être n'ai-je pas vu quelque chose.
Bien à vous,