cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Cher CM,
Non, moi c'est PP
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Vous avez tiré des conclusions de ce que j’ai écrit jusqu’auxquelles je ne vais pas et qui ne sont ni inévitables ni nécessaires (« qu'on puisse exciper de la surélévation du mariage au rang de sacrement pour minorer ne serait-ce que d'un iota la finalité principale ou première du mariage : la procréation »).
Alors il vous faut m'expliquer ce que vous entendez exactement en écrivant que : « l’amour du Christ relève de la fin secondaire du mariage et la réévalue, il en rend dramatique l’échec, il place entre les époux la charité du Christ pour son Eglise, si bien que réussir son mariage c’est en réussir la fin secondaire – et non primaire. »
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Vous semblez ignorer que la donation réciproque des époux a aussi pour fin l’amour réciproque et que cela suffit à valider le mariage. Mais sans même ajouter ce « et » c’est une réalité, une sorte d’’échange, de dialogue dans lequel Dieu entre pour partie prenante et sans qu’il y ait de procréation. Il aurait pu faire que celle-ci se passe autrement que la valeur de l’acte conjugal n’en serait pas amoindrie dès lors qu’il est chaste.
Il ne l’a pas fait, certes… mais quand même, c’est pour dire.
Vous oubliez réellement que l’amour est aussi bien réellement une finalité que l’autre (la procréation) ne permet pas d’exclure et de tenir pour telle. C’est là la grande nouveauté contemporaine (je dirai plutôt redécouverte) défendue notamment par JP II
D'une, Il ne l'a pas fait. Il l'a si peu fait qu'on doit canoniquement distinguer le
reatum du
consommatum. Le mariage est un contrat réalisé au moment de l'échange des consentements, avant donc la nuit de noces. Mais si le mariage n'est aucunement consommé, le contrat souffre d'un défaut d'exécution permettant l'invalidation du contrat : la non-consommation est une cause légitime de dissolution du lien conjugal par l'autorité ecclésiastique.
De deux, j'ai hélas assez d'expérience pour savoir qu'il y a une différence qualitative évidente entre le simple plan-cul et une union qui ne soit pas seulement celle des corps mais aussi celle des cœurs et des intelligences. Et puisque nous parlons ici de la donation, elle n'est surnaturellement totale qu'autant qu'à la triple donation naturelle des corps, des cœurs, et des intelligences, s'adjoint une commune donation surnaturelle à Dieu - d'où l'aversion ecclésiale des mariages mixtes... Mais remarquez que cette donation naturelle ne peut suffire à constituer le mariage. Car enfin, quoi peut faire obstacle à ce qu'une personne divorcée rencontre une nouvelle personne, et que ces personnes éprouvent l'une pour l'autre un véritable attrait sensuel, émotionnel, et intellectuel, et s'unissent en conséquence, allant même jusqu'à officialiser civilement leur union. Rien sinon qu'aux yeux de Dieu, s'étant préalablement et imprudemment donnés dans une précédente union, ils ne s'appartiennent plus et ne peuvent donc se donner. Il y a donc de facto une donation nouvelle (ils se donnent de corps et d'âme en un amour sincère), mais cette donation est illégitime au regard de Dieu. De même, si indépendamment d'un quelconque lien conjugal antécédent, les personnes se donnent extra-maritalement l'une à l'autre, ce avec autant d'amour que vous voudrez, cela reste un acte de fornication. La donation est donc, de par Dieu, soumise à des règles ; et puisqu'il ne saurait être question de résumer la loi morale à un pur arbitraire divin déconnecté de la nature des choses, comme le professait Ockham, c'est dans la nature des choses qu'il faut chercher la raison de la Loi divine.
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Vous oubliez réellement que l’amour est aussi bien réellement une finalité que l’autre (la procréation) ne permet pas d’exclure et de tenir pour telle. C’est là la grande nouveauté contemporaine (je dirai plutôt redécouverte) défendue notamment par JP II et qui comme vous le soulignez puisque vous le citez, n’autorise en rien pour autant la contraception ou l’avortement.
L'Église n'a pas attendu Jean-Paul II pour le dire… Par exemple : « La grâce qui porterait cet amour naturel à sa perfection affirmerait cette unité indissoluble et sanctifierait les époux, le Christ lui-même, qui a institué et porté à leur perfection les vénérables sacrements, nous l'a méritée par sa Passion. C'est ce que l'apôtre Paul nous suggère quand il dit : " Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église et s'est livré lui-même pour elle" (Eph. V, 25), en ajoutant aussitôt " Ce sacrement est grand, je le dis : dans le Christ et dans l’Église" (Eph. V, 32). » Concile Œcuménique de Trente, 24è session, doctrine sur le sacrement du mariage
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Autre précision d’importance, je ne dis pas que cette donation est première au sens de supérieure, mais chronologiquement. Je pense (que l’Eglise pense, en tout cas qu’elle ne se prononce pas comme elle a pu le laisser croire par le passé), qu’elle ne définit aucune supériorité à cet égard, car la supériorité qui existait bien portait sur autre chose et qui a été indûment étendu mais cette extension ne fait pas partie de la doctrine et n’a pas été validée comme telle (d'où l'erreur des tradis), il y a eu un « effet prétérition » indu qui fut induit et rajouté.
Je pense qu’elles sont égales en valeur, mais de nature différente. En cela il y a eu une clarification ou correction, cela peut se considérer, oui.
Dieu a voulu les conjoindre, ces 2 fins. C’est donc une belle idée.
Mais il ne faut pas que cela nie la réalité ni de l’une ni de l’autre.
D'une, dans l'ordre d'exécution, le moyen est posé en vue de la fin. Le moyen est chronologiquement premier, mais ce n'est pas une fin. L'argument chronologique ne vaut donc pas.
Ceci dit, et de deux, admettons que la donation soit une fin. N'en demeure pas moins que votre doctrine a été censurée par le Saint Office ! Je cite Naz, Traité de droit canonique, tome 2, page 283 (deuxième édition) : « Reprenant la position prise dans une sentence par la S. Rote romaine du 23 janvier 1944, le S. Office a rejeté, le 1er avril suivant, les thèses présentées selon lesquelles la procréation ne serait pas la fin première du mariage ou serait sur un pied d’égalité avec les fins secondaires. » Encore une fois, quand la donation va jusqu'au corps, elle est de soi naturellement ordonnée à la procréation, raison pourquoi la donation est une fin subalternée à la fin principale qu'est la procréation.
De trois, une donation même imparfaite est une donation. Les corps se donnent dans la recherche frénétique de l'orgasme en tout acte de fornication. Pourquoi donc ces actes de fornication sont condamnés (« Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes… » I Cor. VI, 9) ? Parce que de soi, de sa nature, l'acte sexuel est ordonné à la procréation, et que c'est le détourner de sa fin naturelle qu'en user de manière à ce que l'acte ne tende pas naturellement à la procréation. Dit autrement, et c'est là où la raison doit canaliser le tumulte désordonné des pulsions, la seule pénétration et éjaculation permise est vaginale. Mais pourquoi se marier ? Parce que de sa nature, l'acte sexuel est ordonné à la procréation, et que risquer d'engrosser une femme non mariée, c'est l'exposer à l'injustice. D'où donc le mariage comme lieu exclusif d'une sexualité responsable. Et puisque toucher à la femme d'autrui, aussi tentante qu'elle soit, est injustice objective pour le mari, serait-il subjectivement complice des prostitutions de son épouse, les époux ne sont légitimes qu'à s'unir à leur conjoint (« Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure, car Dieu jugera les impudiques et les adultères » Hb. XIII, 4).
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Vous me faites penser aux thèses disant que dans l’Eden il n’y aurait pas eu de copulation. Mais cela n’est pas juste de rabaisser ainsi ce plaisir qui peut être chaste et qui a été voulu par Dieu. Il peut se vivre sans « concupiscence » comme un sommet d’amour : de même que le plaisir du manger peut exister sans qu’il y ait gourmandise.
En effet, je professe cette doctrine. Il peut certes paraitre totalement élucubrant à la nature déchue d'affirmer que la procréation en l'état de nature intègre eut été asexuée. Et pourtant...
1° Nous savons, par la condamnation du traducianisme, qu'en tout acte de génération humaine, c'est Dieu seul qui infuse l'âme rationnelle. Dieu intervient donc directement dans l'acte de génération humaine.
2° Nous savons encore que son intervention, dans la cas de la conception virginale du Christ, a produit une conception asexuée. La Vierge Mère est Vierge.
3° Nous savons encore qu'au Ciel l'union charnelle n'existe plus : « à la résurrection des morts, les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges dans les cieux » Mc. XII, 25.
4° Nous savons encore :
- Que la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair : « Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'Esprit, et l'Esprit en a de contraires à ceux de la chair; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez » Ga. V, 16.
- Que ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié la chair avec ses convoitises : « Ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. » Ga. V, 24
- « Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. » Jn. III, 5-6
- « Ceux, en effet, qui vivent selon la chair, s'affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l'esprit s'affectionnent aux choses de l'esprit. Et l'affection de la chair, c'est la mort, tandis que l'affection de l'esprit, c'est la vie et la paix ; car l'affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle ne le peut même pas. Or ceux qui vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu. Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'esprit, si du moins l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, il ne lui appartient pas. Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'esprit, si du moins l'Esprit de Dieu habite en vous. » Rm. VIII, 5-9
- « Fuyez l'impudicité. Quelque autre péché qu'un homme commette, ce péché est hors du corps ; mais celui qui se livre à l'impudicité pèche contre son propre corps. Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? » I Cor. VIII, 18-19
5° Nous savons enfin que l'état de célibat consacré est supérieur à l'état de mariage :
- « Pour ce qui concerne les choses dont vous m'avez écrit, je pense qu'il est bon pour l'homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l'impudicité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari. Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. La femme n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est le mari; et pareillement, le mari n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est la femme. Ne vous privez point l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence. Je dis cela par condescendance, je n'en fais pas un ordre. Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, l'autre d'une autre. A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu'il leur est bon de rester comme moi. Mais s'ils manquent de continence, qu'ils se marient; car il vaut mieux se marier que de brûler. » I Cor VII, 1-5. Vous avez là la doctrine classique du remède à la concupiscence : la sexualité maritale est concupiscente, mais non-désordonnée, donc permise comme pis aller, tant qu'ordonnée à la procréation...
- « Celui qui n'est pas marié s'inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur ; et celui qui est marié s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. Il y a de même une différence entre la femme et la vierge: celle qui n'est pas mariée s'inquiète des choses du Seigneur, afin d'être sainte de corps et d'esprit; et celle qui est mariée s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à son mari. Je dis cela dans votre intérêt; ce n'est pas pour vous prendre au piège, c'est pour vous porter à ce qui est bienséant et propre à vous attacher au Seigneur sans distraction. » I Cor VII, 32-35.
- « Si quelqu'un dit que l'état du mariage doit être placé au- dessus de l'état de virginité ou de célibat, et qu'il n'est ni mieux ni plus heureux de rester dans la virginité ou le célibat que de contracter mariage : qu’il soit anathème. » Concile Œcuménique de Trente, canon 10 sur le sacrement du mariage
- « Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l'homme à l'égard de la femme, il n'est pas avantageux de se marier. Il leur répondit: Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. » Mt. XIX, 10-11.
Reste donc à s'interroger sur l'état de nature intègre, celle d'Adam avant la chute. Une conception minimaliste envisage la nature intègre comme un décalque de la nature déchue et rénovée par grâce, à la triple concupiscence hérité du péché originel exceptée. Mais il est une autre conception, qui considère l'état de nature intègre comme un état paradisiaque (paradis terrestre) ou Adam et Eve étaient au seuil imminent de la vision béatifique. Selon cette conception, même les mystiques chrétiens accédant au plus hautes demeures mystiques sont dans un état de nette infériorité surnaturelle à la nature intègre : l'état de surnaturalité de la nature intègre était inouï, et la procrétation eut été conforme à cet état paradisiaque...
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Pour finir, je voudrais revenir sur votre point 1 que vous avez aussi repris ensuite. Votre raisonnement est qu’un certain arbitrage est juste parce qu’il correspond à la doctrine Ecclésiale. C’est plus un acte d’obéissance que de raison. Mais la vérité veut que ce soit parce que cet arbitrage est juste qu’il est devenu la doctrine Ecclésiale. Elle doit donc pouvoir être démontrée vraiment.
Vous refusez par obéissance de considérer une autre ouverture, mais il n’y a pas à exclure que cette doctrine ne disait pas tout de ce qu’on lui a fait dire, et qu’elle puisse en se précisant, sembler dire autre chose.
La vertu de prudence exige d'abord de rechercher dans l'enseignement ecclésial - l’Église est la règle prochaine de la foi - le contenu objectif de la Loi divine. Cela n'empêche pas ensuite de chercher à comprendre les raisons de la Loi, mais il y faut du temps, et suffisamment de sagacité pour ne pas fléchir la Loi par des explications qui lui soient incompossibles. Tous les catholiques ne sont pas théologiens moralistes, mais tous ont le devoir d'obéir à la Loi de Dieu signifiée par l’Église, sans qu'aucun ne soit légitime à s'y soustraire. Ni plus, ni moins.
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
C'est aujourd'hui la doctrine Ecclésiale et elle nous y aide.
Cette doctrine ne disait pas cette supériorité d’une fin sur l’autre, du moins elle la disait selon une certaine considération que j’ai évoquée (vous n’en avez donnée aucune, car donner la procréation qui est la fin primaire c’est porter un jugement de valeur sur 2 choses qui ne sont pas comparables) et qui n’est pas celle ayant trait au mariage effectif, mais au mariage projet, et encore vu sous un angle particulier qui était une façon de rendre hommage à Dieu et de méditer son œuvre.
Je viens d'argumenter suffisamment longuement.
cmoi a écrit : ↑dim. 24 avr. 2022, 6:53
Oui, j’ai donc en effet fait passer la fin secondaire en premier, c’était par excès, parce qu'en tout cas, chronologiquement, elle est devenue première dans les faits, alors que ce qui la faisait seconde était une chronologie supposée (et pourquoi pas démontrée) dans la pensée de Dieu, et non une supériorité non plus mais formulée comme telle par hommage et respect.
Non, je ne prétends pas que la fin seconde est supérieure, mais qu'elle conditionne l'autre et en cela possède un atout car la réciproque (et c'est un peu ce qui était avant contesté pour renforcer et légitimer une supériorité présumée mais pour et en cela déplacée) n'est pas vraie.
Bref, si vous considériez seulement que la doctrine pourrait être ce que je défends sans pour autant que ce soit rejeter ce qu’elle a été, je pense que vous pourriez être d’accord avec elle. Je vous incite à le considérer et à voir que cela n’entrainerait rien de préjudiciable aux vérités morales qui ont été fixées.
C'était effectivement excessif. Vous reste encore à prendre acte du jugement de Saint Office, et ce sera bon.
----
Post scriptum. Cette discussion a fait notablement dévier le fil de son sujet initial. Un modo pourrait-il transférer la discussion partant de
jeu. 21 avr. 2022, 8:06 inclut sur un autre fil, pour restituer ce topic à son sujet initial ?