Bonjour,
Je relance cet antique fil de discussion parce qu'il me semble que les choses sont peut être un peu plus subtiles.
On sait que le terme liturgie vient du grec λειτουργία / leitourgía, de l'adjectif λήιτον / lêiton, « mairie, maison du peuple », dérivé de λαός, ληός / laós, lêós, « peuple » et du nom commun ἔργον / érgon, « travail, action, œuvre, service ».
D'un point de vue étymologique, il y a donc une indéniable parenté entre la liturgie et la théurgie puisque ce n'est que le sujet qui change.
Un prêtre orthodoxe, Serge Boulgakov (fondateur de l'Institut Saint-Serge à Paris) écrivait ainsi dans La lumière sans déclin :
La théurgie est une action de Dieu, une effusion sur l'homme de sa grâce miséricordieuse et salutaire. En tant que telle elle dépend de la volonté de Dieu, et non pas des hommes. Elle est substantiellement liée à l'incarnation divine, elle en est la continuation permanente dans le temps. Le Christ a posé le fondement absolu et inébranlable de la théurgie chrétienne, et il a conféré à l'Eglise un pouvoir théurgique par la grâce de succession, communiquée aux apôtres. « Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui descendra sur vous » (Act.I,8). C'est ce qui s'est produit à la Pentecôte, fondement absolu de la théurgie chrétienne. Celle-ci est opérée au moyen de la liturgie, dont les sacrements, culminés par l'Eucharistie, constituent le centre même. D'ailleurs la liturgie entière doit être considérée comme un sacrement au sens large car la grâce divine y ruisselle de toute part [...]
Un pouvoir théurgique est donné par Dieu à l'homme, mais celui-ci ne peut d'aucune manière se l'approprier par sa volonté, par un rapt ou par quelque tentative de création personnelle. Ainsi, comme but d'un effort humain la théurgie est impossible, ce n'est qu'un malentendu ou une révolte contre Dieu. Bien que la grâce des sacrements agisse sans contraindre la liberté de l'homme, elle le féconde et le nourrit religieusement par des moyens mystérieux et insaisissables, en même temps qu'elle régénère le monde. Elle imprègne l'homme du Corps et du Sang du Christ, elle l'emplit de la substance spirituelle des sacrements et des rites ecclésiaux, de leur énergie théurgique.
Ainsi, la théurgie correctement comprise n'a rien à voir avec la magie. Il s'agit d'une action divine dont l'homme est l'instrument et le bénéficiaire, qui implique la mise en œuvre d'un signe sensible qui effectue ce qu'il symbolise,
ex opere operato. Elle n'implique qu'une disponibilité minimale de celui qui opère pour être efficace, c'est-à-dire pour que l'effet soit donné par Dieu. Qu'il soit ensuite reçu avec fruit, c'est certes autre chose... Dans la magie, au contraire, tout repose sur la volonté de celui qui opère et sur sa capacité de concentration (dans sa forme pure, naturellement, et non dans sa forme faisant appel à l'assistante d'entités diverses et variées telles que les Guides, les Maîtres Ascensionnés ou autres 'divinités' païennes revenues à la mode comme Hécate par exemple).
Ainsi, le chapelet angélique évoqué précédemment peut bien être analysé comme une théurgie, puisque l'effet attaché à cette dévotion (à ce signe) ne dépend pas de la volonté humaine mais de la Volonté divine révélée par l'Archange. Il y en a bien d'autres : le scapulaire, la médaille miraculeuse, le chapelet de la Miséricorde, etc.
La prière d'intercession est encore autre chose, qui n'a rien à voir avec la théurgie puisqu'il n'y a aucun effet
ex opere operato, et qui n'a rien à voir avec la magie car elle n'est véritablement chrétienne que si elle s'achève invariablement par
Que ta Volonté soit faite.
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