Sans la foi

« J'enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26)
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Re: Sans la foi

Message non lu par cmoi » jeu. 06 mai 2021, 20:21

Kerygme a écrit :
jeu. 06 mai 2021, 14:13
Il y a peut être aussi quelques chose de rassurant, de réconfortant dans la prière formelle et ponctuelle.
En effet. Par compte, je pense en tout cas pour le sport, que c'est en s'échauffant qu'on peut être le plus explosif.
Pour la prière en revanche, je ne sais si la transposition serait juste...

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Re: Sans la foi

Message non lu par Ombiace » ven. 07 mai 2021, 21:11

cmoi a écrit :
jeu. 06 mai 2021, 20:19
Dommage... J'en suis désolé pour vous mais je le comprends...
Merci
cmoi a écrit :
mer. 05 mai 2021, 18:53
Il est évident qu'il "a besoin de nous pour nous", mais nous ne lui sommes pas par nous-même nécessaires, à son bonheur
Peut-être pouvez vous à défaut m'expliquer avec vos mots ce que ce "pour nous" suppose à vos yeux en terme de relativisation de ce besoin que Dieu aurait et que donc, vous me concédez être sien.
Mt 12,
18 Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur. Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations il fera connaître le jugement.
nous dévoile que le bonheur de Dieu se trouve en Jésus. Mais Jésus, pleinement Dieu n'est-il pas également pleinement créature? Dès lors, ne peut-on avancer que le bonheur de Dieu dépend de la créature, certes sans péché. Mais alors, justement! à supposer que le péché soit en nous conduit à l'anéantissement, ne pourrions nous, nous aussi, être des créatures capables de lui procurer du bonheur?

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Re: Sans la foi

Message non lu par cmoi » sam. 08 mai 2021, 8:28

pierrot2 a écrit :
ven. 07 mai 2021, 21:11
Merci
cmoi a écrit :
mer. 05 mai 2021, 18:53
Il est évident qu'il "a besoin de nous pour nous", mais nous ne lui sommes pas par nous-même nécessaires, à son bonheur
Peut-être pouvez vous à défaut m'expliquer avec vos mots ce que ce "pour nous" suppose à vos yeux en terme de relativisation de ce besoin que Dieu aurait et que donc, vous me concédez être sien.
Dieu a voulu que notre salut suppose notre participation. C’est ce que j’ai voulu dire. Néanmoins (car je vous vois venir...) ni notre salut ni notre perdition n’affectent son bonheur. Joies et plaisirs n’existent pas en Dieu sous le mode de passions, il n’y a pas de plus ni de moins en lui à cet égard, tout bien nous venant de lui. Pour reprendre St Thomas, c’est par « une nécessité de supposition » que Dieu veut quelque chose d’autre que lui.
pierrot2 a écrit :
ven. 07 mai 2021, 21:11
Mt 12,
18 Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur. Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations il fera connaître le jugement.
nous dévoile que le bonheur de Dieu se trouve en Jésus. Mais Jésus, pleinement Dieu n'est-il pas également pleinement créature? Dès lors, ne peut-on avancer que le bonheur de Dieu dépend de la créature, certes sans péché.
Non. Il n’y a aucune dépendance dans ce sens, mais dans l’autre : la « créature » qu’est Jésus dépend entièrement de Dieu son Créateur. Mais oui, Dieu prend de la joie à la fois en lui-même et dans les autres êtres qui lui sont extérieurs, (du plaisir qu'en lui, démonstration par qui vous savez) en ce qu’il y a repos de sa volonté en cet objet. Mais cette joie n’est pas en lui une passion comme en nous, il n’y a pas de dépendance.
pierrot2 a écrit :
ven. 07 mai 2021, 21:11
Mais alors, justement! à supposer que le péché soit en nous conduit à l'anéantissement, ne pourrions nous, nous aussi, être des créatures capables de lui procurer du bonheur?
C’est donc lui qui nous procure du bonheur, tout ce qui en nous lui procure du bonheur nous vient de lui.
Mais pour mettre le point sur le I de ce que j’ai déjà écrit, et que vous ne pensiez pas que je refuse de prendre en compte votre proposition, je préciserai ceci : en nous bonheur et malheur alternent selon des causes, tandis qu’en lui il n’y a que bonheur, un bonheur consubstantiel à son essence, si bien que dans le flux d’amour qu’il génère l’élément ou l’objet que nous représentons ne saurait être une cause, qu’il doit bénir, pas même de sa participation. N’oublions pas que Dieu seul connaît ce qui n’existe pas et de façon égale à ce qui est, et que ces connaissances en lui relèvent d’un égal bonheur.
L’amour, défini comme une puissance d’union, est parfait en Dieu, qui nous aime. Ce qui suppose de notre part qu’il n’y ait rien en nous qui y soit incompatible. C’est ce que vous avez appelé que nous soyons "sans péché", et qui explique que nous ne puissions le voir "avec".
Mais vous considérez que cette différence relève d’un mérite pour lequel Dieu nous saura gré et qui donc, sera cause de son bonheur.
Pourtant vous le savez bien que Dieu est la fin de toutes choses. S’il est raisonnable d‘imputer à l’homme de ne pas se tourner vers Dieu, bien qu’il ne le puisse faire sans la grâce, vous ne pouvez en déduire que l’homme soit la cause du bonheur qu’il procure à Dieu puisque la faculté de procurer ce bonheur lui vient de Dieu et qu’en n’en usant pas, il ne « blesse » pas Dieu d’ailleurs.
Vous me direz qu’il le blesse en ce qu’il se blesse lui-même en tant qu’aimé de Dieu, mais il n’est pas prouvé qu’il se blesse puisque c’est ce qu’il a voulu et que Dieu l’a voulu libre. Mais là, on change de sujet, cela devient celui de l’enfer. Certes tout se tient...

Vous devriez vraiment vous habituer au style de St Thomas, car il répond bien par son contenu au genre de vos questions et mieux qu’un autre, même s’il vous faudra pour cela extrapoler. Il aurait eu un « bon style » que ses démonstrations seraient devenues impossibles à suivre. Il lui fallait ce style gnan gnan de philosophe pour être accessible et compris.
Prenez Pascal dans les provinciales. Son style élégant et fluide rend la compréhension du fond d’autant plus difficile !
Votre question ici n’a à ma connaissance pas été traitée par lui, dont la lecture « abrutit » au point de nous donner l’impression du contraire ou de nous le faire oublier, (ce qui moi m’agace !) et je dois vous remercier car je crois que c’est la première fois depuis que je suis sur ce forum, qu’une question m’oblige à aller au-delà d’une certaine paresse naturelle à approfondir davantage une de ces sortes de postulats contradictoires.


Pour vous redire les choses autrement, si ce que vous voudriez « me » faire reconnaître pour vrai était vrai, il n’y aurait aucune obligation ou nécessité d’adorer Dieu. Or vous savez bien qui refusa de le faire (mais ne le prenez pas comme une menace, nous ne sommes pas des anges !)
Je me doute que ce qui vous tracasse c’est alors en sous main l’espèce de néant que nous serions, (et en effet, il suffirait d’une simple chiquenaude de volonté Divine pour que ce soit le cas absolu) Cette évidence théologique devrait nous conduire à l’humilité, ce qui montre bien comment la théologie est insuffisante car si peu déjà le deviennent ou le veulent pour cette raison, humbles, elle est en plus insuffisante pour les aider à y parvenir.
Ce qui devrait vous donner le sens de notre liberté, et combien elle s’agrandit en se soumettant à Dieu puisqu’alors elle devient infinie. C’est là tout le paradoxe : plus nous nous « anéantissons », plus nous devenons heureux et libres, car transparents à la grâce.
Or trop souvent nous nous servons de Dieu et de notre foi pour au contraire renforcer notre ego, Dieu devenant une sorte de miroir où nous admirer pour « conformes » et le prendre à témoin. Il y en a des illustrations vivante sur ce forum mais je doute que cela les aide à évoluer de le lire (ce qui est dommage, car cela nous éviterait de devoir parfois les corriger.)
Nous sommes arrivés à l’opposé du sujet de ce fil qui porte sur la prière, par votre objection de « dépendance » en quelque sorte réciproque. Elle est bien à sens unique, d’où la nécessité de la prière.
Nous sommes tombés dans la théologie ou la morale, et avons quitté la spiritualité. Celle-ci peut entrainer des erreurs sans affecter la vertu, mais il y a l'opposé aussi.
La vérité qui vous contredit, par son excès, conduit à la doctrine de la prédestination, par une sorte de logique interne et qui veut s'expliquer l'inexplicable qui vous rebute.

Mais ne négligez pas le sens de mon propos. Toute vérité vient de Dieu et un échange sur un forum peut permettre de changer une vie. Penser autrement c’est militer pour l’humiliation et non l’humilité, vouloir défendre une opinion, quand bien même nous serions déguisés et grisés. La vérité ne vient que de Dieu, peu importe comment et par qui. Aujourd’hui c’est de moi vers vous, demain cela peut être le contraire. Tandis qu’avec Dieu, il n’y a pas non de réciprocité, pas de dépendance donc. Ce qui est vrai et s’accepte facilement pour la vérité, l’est aussi pour le bien ou l’affectif. Heureusement d’ailleurs, il est plus grand que notre cœur !
Vous m'avez demandé de vous écrire avec "mes mots", j'espère que leur imperfection (pour atténuer l'inévitable aspect "docte" de mon propos, peut-être à tort, je ne sais Dieu le sait, j'y ai ajouté un zeste d'affectif qui ne vous concernait point) ne vous empêchera pas d'accéder à ce qu'ils contiennent de vrai.

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Re: Sans la foi

Message non lu par Ombiace » sam. 08 mai 2021, 12:06

Bonjour cmoi,
Merci pour votre réponse, dont pour une fois j'apprécie la longueur, et qui répond bien à ma question, même si je vais vous pousser, si vous vous y prêtez, à des considérations approfondies.
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 8:28
Mais vous considérez que cette différence relève d’un mérite pour lequel Dieu nous saura gré et qui donc, sera cause de son bonheur.
Disons que je ne l'exclus pas
Pour prendre le sujet dans son reflet: en admettant qu'il y ait mérite, et tout en sachant pertinemment que le mérite n'apporte pas la justification, sur quelle base pourrait-on le condamner, ce mérite? On ne va tout de même pas le ranger dans la catégorie du péché, ce ne serait guère conforme à la morale, je suppose..
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 8:28
Nous sommes arrivés à l’opposé du sujet de ce fil qui porte sur la prière, par votre objection de « dépendance » en quelque sorte réciproque. Elle est bien à sens unique, d’où la nécessité de la prière.
Je vous adresse mes plates excuses. Plutôt que "dépendance", j'ai cette faiblesse de croire que la "réciprocité", elle non plus, n'est peut-être pas à ranger dans les péchés, et cela, via pourquoi pas, le mérite. Je me suis donc permis de continuer la digression, qui ne me semble pas sans lien avec la question du sujet, dans la mesure où elle permettrait sans doute d'affiner le contenu des prières

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Re: Sans la foi

Message non lu par cmoi » sam. 08 mai 2021, 12:47

pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 12:06
si vous vous y prêtez,
Je m'efforce de le faire toujours, et je me réjouis que pour une fois mes longueurs vous aient parues utiles
pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 12:06
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 8:28
Mais vous considérez que cette différence relève d’un mérite pour lequel Dieu nous saura gré et qui donc, sera cause de son bonheur.
Disons que je ne l'exclus pas
Pour prendre le sujet dans son reflet: en admettant qu'il y ait mérite, et tout en sachant pertinemment que le mérite n'apporte pas la justification, sur quelle base pourrait-on le condamner, ce mérite? On ne va tout de même pas le ranger dans la catégorie du péché, ce ne serait guère conforme à la morale, je suppose..
Non bien sûr, ce n'est pas un péché. Il faut simplement se souvenir que nous sommes "des serviteurs inutiles" et que nous n'avons fait qu ce qui était attendu de nous et dans la règle de ce qui devait être, ce qui déjà provoque ou le devrait, une grande joie.

Jésus avait l'art et la manière de faire la théologie la plus haute, sans en avoir l'air...!l
pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 12:06
Je vous adresse mes plates excuses. Plutôt que "dépendance", j'ai cette faiblesse de croire que la "réciprocité", elle non plus, n'est peut-être pas à ranger dans les péchés, et cela, via pourquoi pas, le mérite. Je me suis donc permis de continuer la digression, qui ne me semble pas sans lien avec la question du sujet, dans la mesure où elle permettrait sans doute d'affiner le contenu des prières
Ce "recadrage" ne contenait aucun reproche, je vous rassure. Juste, compte tenu de l'organisation du forum, un regret, une déception qui ne m'est pas nouvelle que ce développement fait avec plaisir soit relégué ici dans un coin "spiritualité" plutôt ombreux, car il touche un sujet capital sur lequel beaucoup achoppent et qui peut être "riche" en conversion ultime.
J'aurais la mauvaise envie de rester cohérent et d'enfoncer le clou de la non réciprocité, pour vous répondre en restant "dans la ligne" dure de mon propos, mais il ne serait pas juste de ne pas m'ouvrir sur l'évocation de la nouveauté apportée par l'incarnation du Fils, qui se veut notre ami, qui s'est fait homme, et qui à ce titre adoucit énormément les conclusions à tirer de la doctrine.

Oui, Dieu condescend en Jésus à se laisser toucher par nous, et c'est tellement extraordinaire et merveilleux ! Personnellement, cela me touche bien plus que sa passion...

Je me réjouirai que vous partagiez les modifications que cet échange pourra entraîner dans vos prières...

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Re: Sans la foi

Message non lu par Ombiace » sam. 08 mai 2021, 15:55

cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 12:47
Je me réjouirai que vous partagiez les modifications que cet échange pourra entraîner dans vos prières...
Ceci m'a amené à surtout méditer. La prière est demeurée la même. Peut-être plus tard, quand je n'y penserai plus..
A quelle place mettez vous cette folie et cette faiblesse de Dieu, dont traite 1 cor 1
25Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes.
. Quel est leur fondement, selon vous?
Autre question, encore, svp:
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 8:28
Mais cette joie n’est pas en lui une passion comme en nous
Cette passion qui guide les jeunesses de toutes époques serait-elle à condamner, elle aussi? S'il s'agit de passion possessive, je vous suis. Mais sinon..! Et pour faire un parallèle, la Passion de Notre Seigneur résonne plus comme le souci d'appartenir que comme un souci de posséder.

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Re: Sans la foi

Message non lu par cmoi » sam. 08 mai 2021, 16:51

pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 15:55
A quelle place mettez vous cette folie et cette faiblesse de Dieu, dont traite 1 cor 1
25Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes.
. Quel est leur fondement, selon vous?
Je ne suis pas certain que ma réponse va vous convenir mais c'est bien la mienne que vous voulez, et qu'elle soit courte..?!
Alors ma réponse sera : l'humilité.
Et pour tous les autres aspects, je vous renverrait à la philosophie taoïste, car c'est précisément en cela que j'estime qu'elle aurait dû être et aurait fait un meilleur support en tant que philosophie pré-chrétienne mais païenne, que la philosophie grecque, pour le christianisme.
Avez-vous lu le Tao te king (c'est un livre très court) ? Ce grand tout, le Tao, c'est une intuition sublime de Dieu...
pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 15:55
Autre question, encore, svp:
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 8:28
Mais cette joie n’est pas en lui une passion comme en nous
Cette passion qui guide les jeunesses de toutes époques serait-elle à condamner, elle aussi? S'il s'agit de passion possessive, je vous suis. Mais sinon..! Et pour faire un parallèle, la Passion de Notre Seigneur résonne plus comme le souci d'appartenir que comme un souci de posséder.
Je vois que vous n'avez pas abandonné la partie et revenez sur les coups d'avant ! :)

Pour le coup, je vais encore vous donner à lire St Thomas, cette fois son discours est accessible il me semble et cela vous initiera à sa plume...
89: DIEU N'EST PAS AFFECTÉ PAR LES PASSIONS
On peut connaître par là qu'il n'existe pas en Dieu de passions qui affectent. La vie intellectuelle n'est affectée par aucun état passionnel; seule l'est la vie sensitive, comme il est prouvé au VIIe livre des Physiques. Or Dieu ne peut connaître aucun état de ce genre, puisqu'il n'y a pas en lui de connaissance sensible, comme il ressort clairement de ce que nous avons dit plus haut. Reste donc qu'il n'y a pas en Dieu de passion qui l'affecte. Tout état passionnel comporte une certaine modification du corps: resserrement ou dilatation du coeur, ou toute autre chose de ce genre. Rien de tel ne peut se produire en Dieu, puisque Dieu n'est pas un corps, ou une puissance dans un corps. Il n'y a donc pas en lui d'état passionnel. Tout état passionnel arrache en quelque manière le sujet qui en est affecté à sa disposition ordinaire, constante, naturelle; la preuve en est que des états de cette sorte, portés à leur paroxysme, sont cause de mort pour les animaux. Mais il est impossible que Dieu soit arraché à sa condition naturelle, puisqu'il est absolument immuable. Il est donc clair qu'il ne peut y avoir en Dieu de telles passions. Toute opération qui est de l'ordre des passions tend à une fin unique, exclusive, selon le mode et la mesure de la passion; l'élan de la passion tend en effet, comme celui de la nature, à quelque chose d'unique; c'est la raison pour laquelle il faut la maîtriser et la régler. Or la volonté de Dieu, de soi, n'est pas, dans le domaine des créatures, déterminée à un objet unique, si ce n'est d'après l'ordonnance de sa sagesse. Il n'y a donc pas en Dieu de passion qui puisse l'affecter. Toute passion est le fait d'une chose qui existe en puissance. Or Dieu est totalement exempt de puissance, lui qui est acte pur. Il est donc exclusivement agent; aucune passion, de quelque manière que ce soit, n'a place en lui. Ainsi donc toute passion, de par sa définition même, est à exclure de Dieu. Certaines passions, d'autre part, sont à écarter de Dieu, non seulement en raison de leur genre, mais aussi en raison de leur espèce. Toute passion en effet est spécifiée par son objet. Toute passion dont l'objet est absolument incompatible avec Dieu est donc exclue de Dieu en raison même de son espèce. Tel est le cas de la tristesse et de la douleur: leur objet est le mal déjà incrusté, comme l'objet de la joie est le bien présent et possédé. Tristesse et douleur ne peuvent donc exister en Dieu, en raison même de leur nature spécifique. La définition de l'objet d'une passion ne s'établit pas seulement à partir du bien et du mal, mais également à partir de la manière dont on se comporte à leur égard; ainsi l'espérance et la joie sont-elles différentes l'une de l'autre. Si donc la manière même de se comporter à l'égard de l'objet qui rentre dans la définition de la passion ne peut convenir à Dieu, la passion elle-même, en raison même de son espèce, ne peut convenir à Dieu. Tout en ayant le bien pour objet, l'espérance n'a pas pour objet le bien déjà obtenu, mais le bien à obtenir. Ce qui ne saurait convenir à Dieu, en qui la perfection est telle qu'elle ne peut souffrir qu'on y ajoute. L'espérance ne peut donc pas exister en Dieu, en raison même de son espèce. Et pas davantage, pour la même raison, le désir de quelque chose qu'il ne posséderait pas. De même que la perfection divine s'oppose à la possibilité d'ajouter un bien quelconque qui serait acquis par Dieu, de même, à plus forte raison, exclut-elle la puissance au mal. Or la crainte envisage le mal qui peut survenir, comme l'espérance envisage le bien à acquérir. C'est donc pour une double raison inhérente à son espèce que la crainte est exclue de Dieu: elle ne porte que sur une chose existant en puissance; elle a pour objet le mal capable de s'attacher au sujet. La pénitence, elle aussi, inclut un changement de disposition. L'idée même de pénitence répugne donc à Dieu, non seulement parce qu'elle est une espèce de la tristesse, mais aussi parce qu'elle inclut un changement dans la volonté. Sans une erreur de la faculté de connaissance, il est impossible que ce qui est bon soit connu comme mal. Ce n'est d'ailleurs que dans le domaine des biens particuliers que le mal de l'un peut être le bien de l'autre, la corruption de l'un étant la génération de l'autre. Le bien universel, lui, ne peut subir de dommage d'aucun bien particulier, représenté qu'il est au contraire par chacun d'eux. Or Dieu est le bien universel, et c'est en participant à sa ressemblance que tous les êtres sont qualifiés de bons. Le mal d'aucun être ne peut donc être un bien pour Dieu. Il est également impossible que ce qui est purement et simplement bon et qui ne peut être un mal pour Dieu, Dieu le saisisse comme mauvais, car sa science est infaillible. L'envie est donc impossible en Dieu, en raison même de son espèce, non seulement parce que l'envie est une espèce de la tristesse, mais encore parce qu'elle s'attriste du bien d'un autre, en considérant ainsi le bien de cet autre comme un mal pour soi. S'attrister du bien et désirer le mal, cela relève de la même raison. C'est pour la même raison que l'on s'attriste du bien et qu'on désire le mal; on s'attriste du bien parce qu'on le considère comme mauvais; on désire le mal parce qu'on le considère comme bon. Or la colère consiste à désirer le mal d'autrui pour en tirer vengeance. Sa définition spécifique en interdit donc l'existence en Dieu, non seulement parce qu'elle est un effet de la tristesse, mais encore parce qu'elle est un désir de vengeance, né de la blessure d'une injure. En définitive, toutes les autres passions, qu'elles soient des espèces de celles qu'on vient d'énumérer ou qu'elles en soient des effets, sont, pour des raisons semblables, exclues de Dieu.
Concernant la passion qui guide les jeunesses, j'appellerai cela l'enthousiasme.

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Re: Sans la foi

Message non lu par Ombiace » sam. 08 mai 2021, 18:12

cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 16:51
Alors ma réponse sera : l'humilité.
Pour mon point de vue, je vous aurais donné la même.. Mais avec mon point de vue, donc!
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 16:51
Pour le coup, je vais encore vous donner à lire St Thomas, cette fois son discours est accessible il me semble et cela vous initiera à sa plume..
J'avoue avoir des difficultés avec l'idée de Saint Thomas que Dieu ne serait qu' immuable.
Pour moi, je le voyais exactement à l'opposé, malléable ou modulable à souhait , adapté à toute circonstance, comme...un canif.

C'est même en cela que je le trouve universel.

Je pense au Saint Esprit, qui fait parler plusieurs langages, à la dimension médiatrice de Jésus, etc.. La personne même du Père, il est vrai, semble plus rejoindre vos points de vue à tous deux, mais il y a encore la Sainte Trinité, qui semble pouvoir se comparer à mon canif, avec la multitude de ses fonctions.
Supposons que ce canif là ne dispose que de trois fonctions qui répondent à tous les besoins imaginables

Quand vous mentionnez Dieu, vous pensez à la personne du Père, n'est ce pas? Pas à la Trinité?
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 16:51
Concernant la passion qui guide les jeunesses, j'appellerai cela l'enthousiasme.
Et vous seriez prêt à jeter un regard négatif dessus, au motif que cela semble futile?

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Re: Sans la foi

Message non lu par cmoi » sam. 08 mai 2021, 19:59

pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 18:12
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 16:51
Alors ma réponse sera : l'humilité.
Pour mon point de vue, je vous aurais donné la même.. Mais avec mon point de vue, donc!
Je ne vois pas, comme le laisse entendre la suite de votre réponse, où il y aurait eu une opposition, car finalement vous posez des questions mais livrez peu votre propre avis, j’ai peur d’un malentendu
pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 18:12
J'avoue avoir des difficultés avec l'idée de Saint Thomas que Dieu ne serait qu' immuable.
Pour moi, je le voyais exactement à l'opposé, malléable ou modulable à souhait , adapté à toute circonstance, comme...un canif.
Je ne crois pas que vous entendiez ce mot d’immuable comme l’entendait ce théologien, mais il aurait fallu que vous l’ayez lu et je ne me vois pas résumer sa pensée. Elle n’a rien qui ressemble à son style littéraire, et je suis prêt à parier que l’idée qu’il a de Dieu est très différente de celle que vous lui prêtez.
De même, si vous saviez ce qu'est le taoïsme, vous comprendriez mieux comment je comprends la force du faible, telle l'eau qui s'infiltre partout et abat des falaises, mais que vous pouvez frapper sans lui rien faire et qui ne vous rendra aucun coup.
Si vous ne développez pas plus votre pensée et sans référence culturelle, cela devient très difficile de vous suivre.

Vous aviez déjà utilisé cette image d’un couteau Suisse (déjà moins agressive) or il va beaucoup plus loin que vous en cela, et d’une façon plus souple encore (St Thomas aussi mais par un discours très différent dans la forme et qui ne reflète en rien le fond, comme cette "simplicité" qu'il attribue à Dieu. Ainsi, "immuable" ne veut pas dire figé, mais au contraire tellement mouvant que comme l'eau, il se reconstitue sans offrir de résistance face à tout "accident", mais c'est là en donner une interprétation très limitée et infidèle, juste pour vous détromper).
Quelque chose vous choque, j'ignore quoi, sur quoi vous butez.
Mais ce n'est pas en quelques post sur un forum qu'on peut régler de tels sujets.

pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 18:12
vos points de vue à tous deux,
St Thomas est un théologien qui pense en philosophe et qui peut devenir mystique, je suis un philosophe qui pense en mystique et qui peut devenir théologien. Donc nos regards se croisent, mais c’est tout. En revanche je suis un inconnu, tandis que son oeuvre est un monument reconnu par toute la Tradition de l’Eglise et à ce titre incontournable.
pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 18:12
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 16:51
Concernant la passion qui guide les jeunesses, j'appellerai cela l'enthousiasme.
Et vous seriez prêt à jeter un regard négatif dessus, au motif que cela semble futile?
Mais pas du tout, c’est tout le contraire !
Le discours de St Thomas ne fait que montrer à quel point Dieu est différent de nous, il ne porte aucun jugement sur la « passion » quand elle est humaine, mot ambigu qui se prête à trop de significations différentes (de la concupiscence à la foi ardente) et sur lequel j’avais failli déjà botter en touche, je crois que je l’aurais dû.

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Re: Sans la foi

Message non lu par Ombiace » sam. 08 mai 2021, 21:29

Vous m'avez rassuré cmoi, nos avis ne me semblent pas irréconciliables
cmoi a écrit :
sam. 08 mai 2021, 19:59
vous posez des questions mais livrez peu votre propre avis, j’ai peur d’un malentendu
Il se trouve que mon avis n'est pas définitif. Je prête à Dieu la double compétence d'être universel, adapté à toutes les situations, et de cependant réaliser la prouesse d'être toujours le même.
Je me dis que la "pierre angulaire" est peut-être cet objet matériel qui peut le mieux illustrer ce qui concerne Dieu. Elle est médiatrice entre les autres pierres, et néanmoins, elle garde toute son originalité, est garante des commandements, participe à la tenue d'un édifice, etc..

L'eau me semble plus répondre à sa nature inerte; en elle seule, ne se trouve aucune dynamique

cmoi
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Re: Sans la foi

Message non lu par cmoi » lun. 10 mai 2021, 6:44

pierrot2 a écrit :
sam. 08 mai 2021, 21:29
Il se trouve que mon avis n'est pas définitif. Je prête à Dieu la double compétence d'être universel, adapté à toutes les situations, et de cependant réaliser la prouesse d'être toujours le même.
Je me dis que la "pierre angulaire" est peut-être cet objet matériel qui peut le mieux illustrer ce qui concerne Dieu. Elle est médiatrice entre les autres pierres, et néanmoins, elle garde toute son originalité, est garante des commandements, participe à la tenue d'un édifice, etc..
Je trouve regrettable que vous ne lisiez pas davantage, sur les sujets qui vous intéressent.
Il y a des "classiques" et St Thomas est un incontournable en théologie catholique.
Il n'y a pas tant que cela de "grandes oeuvres" ou de grands auteurs en théologie catholique, qu'il ne soit pas possible d'y acquérir, plus que dans tout autre domaine, une culture suffisante.
Il suffirait que chaque croyant s'en donne autant de peine qu'il s'en donne pour ses lectures pros ou de loisirs... !
Etre autodidacte ne veut pas dire vivre en autarcie intellectuelle, mais étudier hors des parcours officiels scolaires ou universitaires ou pro.
Or de toute évidence, les sujets vous intéressent : alors ?
Cela déjà permet de se comprendre plus facilement, en ayant un vocabulaire commun, des images et des définitions identiques avec les autres.

La culture catholique en est un bon exemple avec toutes ces images tirées des saintes écritures (l'agneau, la croix, la vigne, etc. etc.) ou d'auteurs (la "nuit" des mystiques, etc.) qui pourraient être différentes et grâce auxquelles nous communiquons, sans lesquelles la conversation peut devenir ardue, ce qui reste vrai dès lors qu'on déborde du mystique (ou l'approfondit) pour aborder la théologie et pourtant plein de termes très complexes en sont devenus presque "vulgaires" (consubstantiel, transsubstantiation, union hypostatique ) alors que d'autres, plus simples, entraînent beaucoup de confusions sans ces lectures : la foi donne un sens précis à des mots qui dans le langage profane ont un autre sens.
Si on mélange les deux, cela devient une cause de graves malentendus. Déjà en philosophie, base de la théologie, selon les auteurs ou les périodes auxquels on se réfère, les mêmes mots changent de sens et il y a une ambiguïté dès qu'on ne s' en réfère pas aux philosophes grecs, pour aborder la théologie. Ne croyez pas qu'en restant "extérieur" à ces courant vous vous facilitez les choses, c'est le contraire.
J'ai déjà remarqué que vous étiez extrêmement précis dans les sciences que vous avez étudiées, y sacrifiez au vocabulaire et aux règles formelles en vigueur, alors comprenez que ce soit pareil aussi en théologie. Où comme pour les sciences, on adopte les définitions d'un "découvreur" et lui rend ce qui lui est dû. Ainsi, les "nuits" à Jean de la Croix. Et tout nouveau découvreur doit d'abord se positionner à l'égard des anciens avant de poser ses propres règles, ce qui suppose de les connaître un minimum, étude qui d'ailleurs aide à former autant que formuler la pensée. Il ne sert à rien d'y "aller à reculons", c'est un passage obligé. S'il n'y a pas qu'un système décimal en maths, c'est dans ce système qu'ont été formalisé les découvertes qu'il a permises. Etc.

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Re: Sans la foi

Message non lu par Ombiace » jeu. 20 mai 2021, 3:42

cmoi a écrit :
lun. 10 mai 2021, 6:44
Ne croyez pas qu'en restant "extérieur" à ces courant vous vous facilitez les choses, c'est le contraire.
Merci de votre réponse, cmoi.
Comme vous le souligniez, je n'ai qu'un cerveau, et il est déjà dédié en grande partie à mon devoir d'état, via les études. Sans doute me sentirais-je libre de le consacrer pleinement à la théologie, si je vivais rentier, mais ce n'est pas le cas. Merci bien, encore une fois

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Re: Sans la foi

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 21 mai 2021, 16:21

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